Conflit relatif à l’exécution d’un prêt relais et aux modalités de remboursement

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Conflit relatif à l’exécution d’un prêt relais et aux modalités de remboursement

Constitution du prêt relais

La SOCIETE GENERALE a accordé aux époux [I] un prêt relais de 428 000 euros à un taux d’intérêt de 1,50 % pour l’acquisition d’une maison à [Localité 5]. Ce prêt, d’une durée de 12 mois, prévoyait une phase initiale de 11 mois durant laquelle seuls les intérêts étaient remboursés, le capital devenant exigible à la fin de cette période.

Mise en demeure et hypothèque judiciaire

Le 12 juin 2023, la banque a mis en demeure les emprunteurs de régler une somme de 432 592,98 euros, après une première mise en demeure restée sans réponse le 4 avril 2023. Le 24 novembre 2023, le juge de l’exécution a autorisé la SOCIETE GENERALE à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier, inscription réalisée le 12 janvier 2024.

Assignation en justice

Le 17 janvier 2024, la SOCIETE GENERALE a assigné les époux [I] devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant le paiement solidaire de 434 056,69 euros, avec intérêts au taux majoré de 4,15 %, ainsi qu’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En cours de procédure, les époux ont effectué plusieurs paiements, dont un de 310 000 euros le 22 mai 2024.

Demandes des époux [I]

Dans leurs conclusions du 21 septembre 2024, les époux [I] ont sollicité des délais pour s’acquitter de leur dette, tout en contestant la recevabilité et le bien-fondé des demandes de la SOCIETE GENERALE. En réponse, la banque a actualisé sa demande à 134 892,36 euros, selon un décompte arrêté au 27 mai 2024.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que les époux [I] ne contestaient pas le montant de la créance de la SOCIETE GENERALE, qui s’élevait à 134 892,36 euros. Il a donc condamné les époux à payer cette somme, avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % à compter du 28 mai 2024. La demande de majoration des intérêts par la banque a été rejetée, car elle ne pouvait pas être appliquée dans ce contexte.

Demande de délais de paiement

Les époux [I] ont demandé des délais de paiement en raison de leur situation financière, mais le tribunal a estimé qu’ils n’avaient pas prouvé leur capacité à respecter des mensualités minimales. Par conséquent, leur demande a été rejetée.

Autres demandes et frais

Le tribunal a décidé de ne pas condamner les époux [I] aux frais irrépétibles et a précisé que les frais liés à l’hypothèque judiciaire provisoire seraient à leur charge, conformément à la législation en vigueur. L’exécution provisoire demandée par la SOCIETE GENERALE a également été refusée.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la nature du prêt consenti par la SOCIETE GENERALE aux époux [I] ?

Le prêt consenti par la SOCIETE GENERALE aux époux [I] est un prêt relais d’un montant de 428 000 euros, au taux d’intérêt de 1,50 %.

Ce type de prêt est généralement utilisé pour financer l’acquisition d’un bien immobilier avant la vente d’un autre bien.

Il est souscrit pour une durée de 12 mois, avec une première phase de 11 mois durant laquelle seuls les intérêts sont remboursés.

Le capital devient exigible à l’issue du douzième mois, ce qui est conforme aux dispositions de l’article L. 313-1 du Code de la consommation, qui définit les prêts à la consommation et leurs modalités.

Quelles sont les conséquences de la mise en demeure par la banque ?

La mise en demeure par la SOCIETE GENERALE, datée du 12 juin 2023, a pour effet de rendre exigible la créance.

Selon l’article 1231-5 du Code civil, la mise en demeure est une condition préalable à l’exigibilité des sommes dues.

Elle permet au créancier de réclamer le paiement des sommes dues, majorées d’intérêts, en cas de non-paiement.

Dans ce cas, la banque a demandé le paiement d’une somme de 432 592,98 euros, au taux contractuel majoré de 4,15 %, suite à une mise en demeure infructueuse antérieure.

Quels sont les droits de la SOCIETE GENERALE concernant l’hypothèque judiciaire ?

La SOCIETE GENERALE a obtenu une autorisation d’inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier des époux [I] par ordonnance du juge de l’exécution.

Cette inscription est régie par les articles L. 511-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, qui prévoient que le créancier peut demander une hypothèque judiciaire pour garantir le paiement de sa créance.

L’hypothèque judiciaire est une mesure conservatoire qui permet de sécuriser les droits du créancier en cas de défaillance de l’emprunteur.

Elle a été inscrite le 12 janvier 2024, ce qui confère à la SOCIETE GENERALE un droit de préférence sur le bien en cas de vente ou d’exécution forcée.

Comment se justifie la demande de capitalisation des intérêts par la SOCIETE GENERALE ?

La SOCIETE GENERALE a demandé la capitalisation des intérêts, mais cette demande est encadrée par l’article L. 313-52 du Code de la consommation.

Cet article stipule que, en cas de défaillance de l’emprunteur, aucune indemnité ni coût autre que ceux mentionnés à l’article L. 313-51 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur.

L’article L. 313-51 précise que le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû et le paiement des intérêts échus, mais ne mentionne pas la capitalisation des intérêts.

Ainsi, la demande de capitalisation des intérêts ne peut être acceptée, car elle ne figure pas dans la liste limitative des sommes que le prêteur peut réclamer.

Quelles sont les conditions pour accorder des délais de paiement aux époux [I] ?

Les délais de paiement ne peuvent excéder 24 mois, conformément à l’article 1244-1 du Code civil, qui prévoit que le juge peut accorder des délais de paiement en cas de difficultés financières.

Cependant, les débiteurs doivent démontrer leur capacité à verser des mensualités d’un montant minimum, ce qui n’a pas été prouvé par les époux [I].

Ils ont sollicité des délais de paiement en raison de leur situation financière, mais n’ont pas justifié d’un événement leur permettant de régler leur dette dans le délai imparti.

Par conséquent, la demande de délais de paiement a été rejetée, car les époux n’ont pas démontré leur capacité à respecter les conditions requises.

Quelles sont les implications des frais liés à l’hypothèque judiciaire provisoire ?

Les frais liés à l’hypothèque judiciaire provisoire sont à la charge du débiteur, selon l’article L. 512-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

Cet article précise que ces frais ne doivent pas être inclus dans les dépens de la procédure, sauf décision contraire du juge.

Dans le cas présent, le tribunal a statué que les frais de l’hypothèque judiciaire provisoire sont à la charge des époux [I], sans qu’il soit nécessaire de les inclure dans les dépens de l’instance.

Il est également important de noter que les frais liés à l’hypothèque judiciaire définitive ne peuvent être statués tant que cette inscription n’est pas encore intervenue.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/01686
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copies délivrées le 10/12/2024
A Me DION
Me MOCHKOVICTH

9ème chambre 2ème section

N° RG :
N° RG 24/01686 – N° Portalis 352J-W-B7I-C3WZ6

N° MINUTE :

Assignation du :
17 Janvier 2024

JUGEMENT
rendu le 10 Décembre 2024
DEMANDERESSE

S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Charlotte MOCHKOVITCH de la SELARL SELARL 2H Avocats, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0056

DÉFENDEURS

Monsieur [D] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Philippe DION, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1212

Madame [R] [I] née [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Philippe DION, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1212

Décision du 10 Décembre 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 24/01686 – N° Portalis 352J-W-B7I-C3WZ6

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Gilles MALFRE, Premier Vice-président adjoint
M. Augustin BOUJEKA, Vice-président
M. Alexandre PARASTATIDIS, Juge

assistés de Madame Camille CHAUMONT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 19 Novembre 2024 tenue en audience publique devant M. Gilles MALFRE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 10 décembre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé des 30 et 31 décembre 2020, la SOCIETE GENERALE a consenti aux époux [I] un prêt relais d’un montant de 428 000 euros au taux d’intérêt de 1,50 %, afin d’acquérir une maison situé [Adresse 3] à [Localité 5] (95). Ce prêt a été souscrit pour une durée de 12 mois, dont une première phase de 11 mois où seuls les intérêts étaient réglés, le capital devenant exigible à l’issue du douzième mois.

Par LRAR du 12 juin 2023, la banque a mis en demeure les emprunteurs de payer la somme de 432 592,98 euros au taux contractuel majoré de 4,15%, à la suite d’une mise en demeure infructueuse du 4 avril 2023.

Par ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris du 24 novembre 2023, la SOCIETE GENERALE a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier situé à Sagy. Cette hypothèque a été inscrite le 12 janvier 2024.

Par deux actes du 17 janvier 2024, la SOCIETE GENERALE a fait assigner les époux [I] devant le tribunal judiciaire de Paris afin qu’ils soient solidairement condamnés à lui payer, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la somme de 434 056,69 euros, avec intérêts au taux majoré de 4,15 % euros au titre du prêt, somme arrêtée au 24 juillet 2023, ces intérêts étant capitalisés. Elle entend en outre que les défendeurs soient solidairement condamnés à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En cours de procédure, les époux [I] ont régularisé plusieurs versements, dont un d’un montant de 310 000 euros le 22 mai 2024.

Par conclusions du 21 septembre 2024, les époux [I] demandent au tribunal de leur accorder les plus larges délais pour s’acquitter de leur dette, la SOCIETE GENERALE étant déclarée irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes.

Par conclusions du 1er juillet 2024, la SOCIETE GENERALE s’oppose à ces délais de paiement, actualisant sa demande principale à la somme de 134 892,36 euros au taux de 4,15 %, selon décompte arrêté au 27 mai 2024. Elle maintient ses autres demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2024.

SUR CE

Sur la demande principale :

Les époux [I] ne discutent pas le montant de la créance de la SOCIETE GENERALE, justifié en son principe et son quantum, selon un décompte actualisé au 27 mai 2024, soit une somme en principal de 134 815,72 euros, outre 76,64 euros d’intérêts, soit un total de 134 892,36 euros. En effet, si au dispositif de leurs conclusions, ils entendent que la SOCIETE GENERALE soit déclarée irrecevable et mal fondée en ses demandes, ils n’articulent aucun moyen à l’appui de cette demande.

Il convient par conséquent de condamner solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 134 892,36 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 28 mai 2024, les intérêts antérieurs étant inclus dans ceux mentionnés dans le décompte.

Pour réclamer un taux d’intérêt majoré de trois points par rapport au taux contractuel, la SOCIETE GENERALE se fonde sur les dispositions de l’article 11 B du contrat de prêt. Cependant, cet article autorise le prêteur à appliquer cette majoration s’il n’exige pas le remboursement immédiat des sommes prêtées. Si ce remboursement immédiat est exigé, le prêteur peut appliquer une indemnité de 7 % maximum des sommes dues.

Il résulte de cette stipulation qu’au cas d’espèce, la majoration de trois points du taux d’intérêt contractuel n’est pas applicable puisque la banque a exigé le remboursement immédiat des sommes dues, par LRAR du 12 juin 2023, sans pour autant appliquer l’indemnité de 7 % maximum.

Par ailleurs, sur la capitalisation de ces intérêts, il est rappelé qu’en application de l’article L. 313-52 du code de la consommation, aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés à l’article L. 313-51 du même code ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par les dispositions de cet article. Cet article L. 313-51 précise que lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret.
Par conséquent, la capitalisation des intérêts ne saurait être ordonnée, en ce qu’elle ne figure pas dans la liste limitative des sommes que le prêteur peut réclamer en cas de défaillance de l’emprunteur, ce que le contrat de prêt rappelle d’ailleurs au dernier paragraphe de l’article 11 de ses conditions générales.

Les époux [I] seront dès lors solidairement condamnés à payer la somme de 134 892,36 euros, avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % à compter du 28 mai 2024.

Sur les délais de paiement :

Les époux [I] exposent avoir été contraints de vendre le 16 mai 2024, à un prix bradé de 311 000 euros, soit 6 700 euros le m2, l’appartement qu’ils habitaient au [Adresse 2] à [Localité 4], du fait de l’évolution du marché immobilier parisien, ce qui a remis en cause l’équilibre financier de leur projet, cette vente devant permettre de rembourser le prêt relais.

Ils font état de leur situation financière et sollicitent les plus larges délais de paiement.

Cependant, ces délais de paiement ne pouvant excéder 24 mois, il appartient aux débiteurs de verser des mensualités d’un montant minimum de 5 620 euros, ce qu’ils ne démontrent pas être en capacité de faire. Il ne peut non plus leur être accordé un report du paiement de leur dette, alors qu’ils n’attestent pas de la survenance d’un événement leur permettant, dans le délai de 24 mois, de régler leur dette.

Il ne sera dès lors pas fait droit à cette demande.

Sur les autres demandes :

L’équité commande de ne pas condamner les époux [I] au paiement de sommes au titre des frais irrépétibles.

Sur les frais de l’hypothèque judiciaire provisoire, il découle de l’article L. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution que ces frais sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge, sans qu’il ne soit par conséquent nécessaire de les inclure dans les dépens de la présente instance.

Par ailleurs, il ne saurait être statué sur les frais de l’hypothèque judiciaire définitive, alors que cette inscription définitive n’est pas encore intervenue.

Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire, comme sollicité par la SOCIETE GENERALE, alors que cette exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, et publiquement, par mise à disposition au greffe,

Condamne solidairement M. [D] [I] et Mme [R] [Z], épouse [I], à payer à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 134 892,36 euros, avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % à compter du 28 mai 2024, au titre du prêt souscrit les 30 et 31 décembre 2020 ;

Déboute la SA SOCIETE GENERALE du surplus de ses demandes ;

Rejette la demande de délais de paiement de M. [D] [I] et Mme [R] [Z], épouse [I] ;

Condamne solidairement M. [D] [I] et Mme [R] [Z], épouse [I], aux dépens ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière Le président


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