Sommaire Contexte de l’affairePar assignation du 15 juin 2022, Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] ont cité la Caisse de Crédit Mutuel Marseille Caillols devant le tribunal. Ils demandaient que le tribunal reconnaisse une faute de la part de la Caisse ayant causé un préjudice, ainsi que des dommages et intérêts s’élevant à 400.000 euros, en plus de 3.000 euros pour les frais de justice. Les faits marquantsLes époux [M] ont reçu un commandement de payer en date du 29 juin 2020 concernant un bien immobilier. Un jugement du 8 juillet 2021 a ordonné la vente forcée de ce bien, avec une audience d’adjudication fixée au 30 septembre 2021. Avant cette audience, les époux ont saisi la Commission de surendettement, arguant que la Caisse de Crédit Mutuel avait commis une faute en poursuivant la vente malgré cette saisine. Les demandes de la Caisse de Crédit MutuelDans ses conclusions du 20 juillet 2023, la Caisse de Crédit Mutuel a demandé au tribunal de se déclarer incompétent, de déclarer irrecevables les demandes des époux, et de les débouter de leurs demandes. Elle a également demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive et le remboursement des frais de justice. Décisions du tribunalLe tribunal a jugé que les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par la Caisse étaient irrecevables. Il a constaté que les époux [M] avaient saisi la Commission de surendettement six jours avant l’audience d’adjudication, mais que cela n’avait pas suspendu l’exécution forcée. Le tribunal a également noté qu’aucune faute de la Caisse n’était caractérisée et que les manquements à la publicité n’étaient pas établis. Conclusion du jugementLe tribunal a débouté les époux [M] de toutes leurs demandes, les condamnant à verser 5.000 euros à la Caisse de Crédit Mutuel pour procédure abusive et 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile. La décision a été assortie du droit à l’exécution provisoire et les époux ont été condamnés aux dépens. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la compétence du juge en matière de saisie immobilière ?La compétence en matière de saisie immobilière est régie par le Code des Procédures Civiles d’Exécution. Selon l’article L. 722-4 de ce code, le juge de l’exécution est compétent pour connaître des demandes relatives à l’exécution forcée des décisions de justice, notamment en matière de saisie immobilière. En effet, l’article L. 722-4 stipule que : « Le juge de l’exécution connaît des contestations relatives à l’exécution des décisions de justice, ainsi que des demandes en matière de saisie immobilière. » Il est donc essentiel que les parties respectent cette compétence exclusive, car toute contestation doit être portée devant le juge de l’exécution, et non devant un autre tribunal. De plus, l’article R. 322-28 précise que : « Les contestations relatives à la saisie immobilière doivent être portées devant le juge de l’exécution. » Ainsi, dans le cas présent, l’exception d’incompétence soulevée par la Caisse de Crédit Mutuel est irrecevable, car le tribunal saisi n’avait pas compétence pour statuer sur cette question. Quelles sont les conséquences de la saisine de la Commission de surendettement ?La saisine de la Commission de surendettement a des conséquences importantes sur les procédures d’exécution, notamment en matière de saisie immobilière. Selon l’article L. 331-3 du Code de la consommation, la décision de recevabilité de la Commission emporte la suspension de l’exécution forcée. L’article L. 331-3 dispose que : « La décision de recevabilité de la commission de surendettement emporte suspension des procédures d’exécution. » Cependant, il est crucial de noter que cette suspension n’est effective qu’à partir de la décision de recevabilité. Dans le cas des époux [M], ils ont saisi la Commission six jours avant l’audience d’adjudication, mais la décision de recevabilité n’a été rendue que postérieurement. Ainsi, le juge de l’exécution a constaté que la demande de report des époux [M] a été refusée, car la suspension n’était pas encore en vigueur. Cela signifie que la Caisse de Crédit Mutuel n’a pas commis de faute en poursuivant la vente forcée. Quels sont les critères pour établir une faute dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière ?Pour établir une faute dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, il est nécessaire de démontrer que la partie poursuivante a agi de manière contraire aux obligations légales ou réglementaires en vigueur. Selon l’article 1240 du Code civil, la responsabilité délictuelle est engagée lorsqu’il y a un fait générateur de dommage, un préjudice et un lien de causalité. L’article 1240 précise que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Dans le cas présent, les époux [M] allèguent que la Caisse de Crédit Mutuel a commis une faute en requérant la vente forcée alors qu’ils avaient saisi la Commission de surendettement. Cependant, le tribunal a constaté qu’aucune faute n’était caractérisée, car la procédure de saisie avait été respectée. De plus, les manquements aux obligations de publicité en matière de vente forcée n’ont pas été établis, ce qui renforce l’absence de faute de la part de la Caisse de Crédit Mutuel. Quelles sont les implications d’une procédure abusive en matière civile ?La procédure abusive est définie par le Code de procédure civile, notamment à travers l’article 32-1, qui permet au tribunal de sanctionner les parties qui abusent de leur droit d’agir en justice. Cette disposition vise à éviter que des actions judiciaires soient intentées dans le seul but de nuire à l’autre partie ou de retarder l’exécution d’une décision. L’article 32-1 stipule que : « Le juge peut, par décision motivée, déclarer qu’une demande est abusive lorsque son auteur a agi dans le but de nuire à l’autre partie. » Dans le cas des époux [M], le tribunal a jugé que leur procédure était manifestement abusive, car les arguments avancés avaient déjà été soumis et rejetés par le juge. En conséquence, ils ont été condamnés à verser des dommages-intérêts à la Caisse de Crédit Mutuel pour cette procédure abusive. Cette sanction vise à dissuader les comportements litigieux et à protéger l’intégrité du système judiciaire. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE MARSEILLE
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 22/08264 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2A6A
AFFAIRE : M. Et Mme [M] (Me David-André DARMON)
C/ CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 6] CAILLOLS
(la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES)
DÉBATS : A l’audience Publique du 12 Novembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré
Président : Monsieur Cyrille VIGNON
Greffier : Madame Taklite BENMAMAS, lors des débats
A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 10 Décembre 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2024
PRONONCE par mise à disposition le 10 Décembre 2024
Par Monsieur Cyrille VIGNON, Vice-Président
Assistée de Madame Taklite BENMAMAS, Greffier
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEURS
Madame [H] [D] époux [M]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 9] (TUNISIE), demeurant [Adresse 8]
Ayant pour avocat constitué Me David-André DARMON, avocat au barreau de NICE
Monsieur [P] [M]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 7], demeurant [Adresse 8]
Ayant pour avocat constitué Me David-André DARMON, avocat au barreau de NICE
C O N T R E
DEFENDERESSE
la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 6] CAILLOLS, Société
dont le siège social est sis [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal
représentée par Maître Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
Par assignation du 15 juin 2022 , Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] ont fait citer la Caisse de Crédit Mutuel Marseille Caillols, en demandant au tribunal, sur le fondement des articles R 322-28 et L 722-4 du Code des Procédures Civiles d’Exécution et de l’article 1240 du Code Civil, de :
– DIRE ET JUGER qu’en requérant la vente forcée du bien immobilier appartenant aux Epoux [M] à l’audience du 30 septembre 2021, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Caillols a commis une faute ayant causé un préjudice aux Epoux [M].
– CONDAMNER la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Caillols à verser aux Epoux [M] la somme de 400.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur entier préjudice.
– CONDAMNER la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Caillols à verser aux Epoux [M] la somme de 3.000,00 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre aux entiers dépens de l’instance.
– ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à venir.
Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] exposaient que : La Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Caillois signifiait à Madame et Monsieur [P] [M] un commandement de payer valant saisie immobilière en date du 29 juin 2020 d’un bien situé à [Localité 10], [Adresse 3] et [Adresse 4] au sein de la Copropriété de l’immeuble « Les Jardins du Prieuré ». Par jugement en date du 8 juillet 2021, le Juge de l’exécution statuant en matière de saisie immobilière ordonnait la vente forcée du bien immobilier saisi, fixant la date de l’audience d’adjudication au 30 septembre 2021, avec une mise à prix à la somme de 110.000,00 euros. Aux termes d’un jugement sur surenchère en date du 27 janvier 2022, Monsieur [C] [V] était déclaré adjudicataire moyennant le prix de 256.000,00 euros. Or, avant l’audience d’adjudication en date du 30 septembre 2021, les Epoux [M] saisissaient la Commission de surendettement. Les demandeurs considèrent qu’en requérant toutefois la vente forcée à l’audience du 30 septembre 2021, alors qu’elle n’ignorait pas la saisine de la Commission de surendettement, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Caillols a commis une faute, ayant causé un préjudice direct aux époux [M], en les privant de la propriété de leur bien immobilier. Par ailleurs ils évoquent des manquements aux obligations légales concernant les formalités de publicité en matière de vente forcée.
Par conclusions notifiées le 20 juillet 2023, la Caisse de Crédit Mutuel Marseille Caillols demande au tribunal de :
– se déclarer incompétent au profit du juge de l’exécution du TJ de Toulouse;
– déclarer irrecevables les demandes de Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] en vertu du principe de l’autorité de la chose jugée et du principe de concentration des moyens;
– débouter Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] de l’ensemble de leurs demandes;
– condamner Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] au paiement d’une somme de 10000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive;
– condamner Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] au paiement d’une somme de 3000 € en vertu de l’article 700 du CPC outre les entiers dépens;
L’ordonnance de clôture intervenait le 2 avril 2024.
Le conseil de Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] avisait le tribunal et le défendeur de ce qu’il était dessaisi de l’affaire; aucun autre conseil ne se constituait en ses lieux et places.
A l’audience du 12 novembre 2024, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Caillols réitère ses demandes précitées.
Il convient de constater que l’exception d’incompétence soulevée par la Caisse de Crédit Mutuel Marseille Caillols est irrecevable devant le tribunal au même titre que son exception d’irrecevabilité, puisque ce contentieux relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
Il résulte des débats et de l’examne des pièces produites, que les époux [M] ont saisi la commission de surendettement de Martinique 6 jours avant l’audience d’adjudication du 30 septembre 202; or le juge de l’exécution a relevé que seule la décision de recevabilité de la commission emportait la suspension de l’exécution forcée; il a refusé la demande de report des époux [M]. Ce n’est que le 3 mai 2022 que la commission de surendettement a saisi le JEX en sollicitant une suspension et un report de la vente; ces demandes ont été rejetées par jugement du JEX du 23 juin 2022. Concernant la mise en oeuvre de la vente, aucune faute imputable à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Caillols n’est caractérisée, ni même explicitée. Concernant les manquements à la publicité, ceux-ci ne sont nullement établis, tout au contraire. Du reste ce problème a déjà été jugé par le JEX qui a bien relevé que la procédure avait été dûment respectée en la matière. Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] seront nécessairement déboutés de l’ensemble de leurs demandes.
La procédure intentée par Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] est dépourvue de tout fondement légal valable et de tout élément factuel ou autre susceptible de la justifier d’aucune sorte. Par ailleurs, les arguments invoqués ont déjà été soumis au juge et dûment rejetés. La présente procédure intentée par Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] revêt un caractère abusif évident et manifeste. Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] seront condamnés à payer à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Caillols la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] seront condamnés à payer à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Caillols la somme de 2000 € en application de l’article 700 du CPC;
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, en matière civile ordinaire, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi;
Constate l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence;
Constate l’irrecevabilité de l’exception d’irrecevabilité;
Déboute Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] de l’ensemble de leurs demandes;
Condamne Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Caillolsla somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive;
Condamne Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Caillols la somme de 2000 € en application de l’article 700 du CPC;
Rappelle que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire ;
Condamne Mme [H] [D] épouse [M] et M. [P] [M] aux dépens;
AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 10 DECEMBRE DEUX MILLE VINGT- QUATRE
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT