Sommaire Contexte de l’affaireM. [U] [Y] a été employé par la société [7] pendant plus de trois décennies, occupant divers postes allant d’aide chimiste à responsable sécurité. Son parcours professionnel s’est terminé le 31 mai 2007. Diagnostic et reconnaissance de la maladie professionnelleEn février 2018, M. [U] [Y] a été diagnostiqué avec un carcinome papillaire urothéliale, ce qui a conduit à une déclaration de maladie professionnelle le 20 février 2018. La CPCAM des Bouches-du-Rhône a reconnu cette maladie comme professionnelle le 16 août 2018. Évaluation de l’incapacité et rente mensuelleSuite à une évaluation de son état de santé, la CPCAM a fixé la date de consolidation au 2 mars 2019. M. [U] [Y] a reçu un taux d’incapacité permanente partielle de 30 % et une rente mensuelle de 464,38 euros. Demande de conciliation et saisine du tribunalEn février 2021, M. [U] [Y] a demandé une conciliation concernant la faute inexcusable de son ancien employeur, mais aucune suite n’a été donnée. Il a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Marseille le 15 juillet 2021 pour faire reconnaître cette faute. Prétentions de M. [U] [Y]M. [U] [Y] demande au tribunal de déclarer son action recevable, de reconnaître la faute inexcusable de la société [7], et de majorer sa rente. Il réclame également des indemnités pour divers préjudices, y compris des souffrances physiques et morales. Position de la société [7]La société [7] conteste la demande de M. [U] [Y], arguant que celle-ci est irrecevable en raison de la prescription. Elle soutient également que la maladie ne correspond pas aux critères d’une maladie professionnelle et qu’il n’y a pas de preuve d’exposition au risque. Arguments de la CPCAM des Bouches-du-RhôneLa CPCAM, dispensée de comparaître, demande la déclaration de prescription de l’action de M. [U] [Y]. Elle souligne que ce dernier n’a pas prouvé la réception de sa demande de conciliation et que celle-ci est intervenue après le délai légal. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré le recours de M. [U] [Y] irrecevable en raison de la prescription. Il a également condamné M. [U] [Y] aux dépens de l’instance, sans qu’il y ait lieu à une condamnation au titre des frais d’avocat. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la nature de la prescription applicable à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable ?La prescription applicable à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable est régie par l’article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le livre IV se prescrivent par deux ans à compter du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à prendre en compte pour le début de la prescription est celle à laquelle la victime est informée, par certificat médical, du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle. La jurisprudence a également établi que la reconnaissance par la caisse du caractère professionnel de la maladie, ainsi que la saisine de la caisse pour la reconnaissance de la faute inexcusable, interrompent le délai de prescription tant que la caisse n’a pas communiqué le résultat de la tentative de conciliation. Dans le cas de M. [U] [Y], la reconnaissance de la maladie professionnelle a eu lieu le 16 août 2018, ce qui a marqué le début du délai de prescription. L’état de santé de l’assuré a été consolidé le 2 mars 2019, mais cet événement n’a pas eu pour effet d’interrompre le délai de prescription, car M. [U] [Y] était déjà retraité et n’avait pas bénéficié d’indemnités journalières. Quelles sont les conséquences de la prescription sur la recevabilité de l’action de M. [U] [Y] ?La prescription a des conséquences directes sur la recevabilité de l’action de M. [U] [Y]. En vertu de l’article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale, l’action en reconnaissance de la faute inexcusable doit être déclarée prescrite si elle est engagée après l’expiration du délai de deux ans. Dans le cas présent, M. [U] [Y] a saisi la CPCAM des Bouches-du-Rhône par courrier du 5 février 2021, soit plus de deux ans après la reconnaissance de la maladie professionnelle le 16 août 2018. En l’absence de preuve d’une cause d’interruption du délai de prescription, le tribunal a jugé que la prescription était acquise. Par conséquent, l’action de M. [U] [Y] a été déclarée irrecevable. Il est important de noter que la seule date de consolidation de l’état de santé ne constitue pas un point de départ pour le délai de prescription, ce qui a également été pris en compte dans la décision du tribunal. Quels sont les articles du Code de la sécurité sociale et du Code de procédure civile pertinents dans cette affaire ?Les articles pertinents dans cette affaire incluent : 1. Article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale : Cet article précise que les droits aux prestations et indemnités se prescrivent par deux ans à compter de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière. Il établit également que pour les maladies professionnelles, la date de début de prescription est celle à laquelle la victime est informée du lien entre sa maladie et son activité professionnelle. 2. Article 696 du Code de procédure civile : Cet article stipule que la partie qui succombe à ses prétentions doit supporter les dépens de l’instance. Dans le cas de M. [U] [Y], qui a été débouté de sa demande, il a été condamné à supporter les dépens. 3. Article 700 du Code de procédure civile : Cet article permet au tribunal d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles. Cependant, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à condamnation au titre de cet article pour des motifs d’équité. 4. Article 538 du Code de procédure civile : Cet article précise que tout appel d’une décision doit être formé dans un délai d’un mois à compter de la réception de la notification de la décision, ce qui est crucial pour M. [U] [Y] s’il souhaite contester la décision du tribunal. Ces articles fournissent le cadre légal qui a été appliqué dans l’examen de la demande de M. [U] [Y] et dans la décision du tribunal. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
Caserne du Muy
CS 70302 – 21 rue Ahmed Litim
13331 Marseille cedex 03
JUGEMENT N°24/04782 du 10 Décembre 2024
Numéro de recours: N° RG 21/01867 – N° Portalis DBW3-W-B7F-ZAHG
AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [U] [Y]
né le 30 Janvier 1951 à [Localité 4] (ALGÉRIE)
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représenté par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par
Me Jean BERNARDOT, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDERESSE
S.A.S. [7]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par
Me Alexandra TELLE, avocat au barreau de MARSEILLE
Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 2]
dispensée de comparaître
DÉBATS : À l’audience publique du 10 Octobre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : PASCAL Florent, Vice-Président
Assesseurs : MAUPAS René
MITIC Sonia
L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 10 Décembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
M. [U] [Y] a travaillé pour le compte de la société [7] du 17 septembre 1974 au 31 mai 2007, d’abord en qualité d’aide chimiste puis de chimiste et enfin en qualité de responsable sécurité et responsable infrastructures et projets.
Selon certificat médical initial du 16 février 2018, M. [U] [Y] s’est vu diagnostiquer un carcinome papillaire urothéliale. Une déclaration de maladie professionnelle a été établie le 20 février 2018.
Par courrier du 16 août 2018, et après avoir diligenté une enquête administrative, la caisse primaire centrale d’assurance maladie (ci-après la CPCAM) des Bouches-du-Rhône a notifié à M. [U] [Y] sa décision de prendre en charge la maladie déclarée au titre du tableau n° 15 ter des maladies professionnelles du régime général.
Par courrier du 29 mars 2019, la CPCAM des Bouches-du-Rhône a notifié à M. [U] [Y] son intention de fixer la date de consolidation de son état de santé au 2 mars 2019 et, par suite de l’absence de contestation de l’assuré, elle l’a informé, par courrier du 13 mai 2019, de la fixation d’un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 30 % et de l’attribution d’une rente mensuelle d’un montant de 464,38 euros.
Par courrier du 5 février 2021, M. [U] [Y] a entendu saisir, par l’intermédiaire de son conseil, la CPCAM des Bouches-du-Rhône d’une demande de conciliation dans le cadre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [7].
Aucun procès-verbal n’a cependant été établi par l’organisme à la suite de cette démarche.
Par requête expédiée le 15 juillet 2021, M. [U] [Y] a saisi, par l’intermédiaire de son conseil, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [7].
Après une phase de mise en état, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience de plaidoirie du 10 octobre 2024.
En demande, M. [U] [Y], aux termes de ses dernières écritures reprises oralement par l’intermédiaire de son conseil, sollicite le tribunal aux fins de :
Déclarer son action recevable ;Juger que la maladie professionnelle dont il a souffert est la conséquence de la faute inexcusable de son ancien employeur, la société [7] ;Fixer au maximum légal la majoration de la rente qui lui est attribuée par la CPCAM des Bouches-du-Rhône et ce quel que soit le taux d’IPP dont elle suivra l’évolution ;Et, à titre principal :
Fixer la réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis par lui de la façon suivante :Au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :En réparation du déficit fonctionnel temporaire : 204.000 euros ;En réparation de la souffrance physique : 50.000 euros ;En réparation de la souffrance morale : 50.000 euros ;Au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents :En réparation du déficit fonctionnel permanent : 52.800 euros ;En réparation du préjudice d’agrément : 30.000 euros ;En réparation du préjudice sexuel : 15.000 euros ;À titre subsidiaire :
Ordonner une expertise aux fins d’évaluer ses préjudices selon mission détaillée dans ses écritures ;Dire que les frais d’expertise seront pris en charge par la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;Lui allouer une provision de 12.000 euros à valoir sur les indemnités définitives dont la CPCAM des Bouches-du-Rhône fera l’avance ;En tout état de cause :
Dire que la CPCAM des Bouches-du-Rhône sera tenue de faire l’avance de ces sommes ;Condamner la défenderesse à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, M. [U] [Y] fait principalement valoir que son employeur avait conscience du risque encouru par lui du fait de son exposition habituelle aux amines aromatiques et qu’il n’a pris aucune mesure nécessaire à l’en préserver.
En défense, la société [7], aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement par son conseil à l’audience, demande au tribunal de bien vouloir :
Juger M. [Y] irrecevable en sa demande de faute inexcusable pour cause de prescription ;Au fond, juger que la pathologie de M. [Y] ne présente par les caractéristiques d’une maladie professionnelle relevant du tableau n° 15 ter ;Débouter M. [Y] de sa demande de faute inexcusable pour absence de preuve de l’exposition au risque et de conscience du danger ;À titre subsidiaire sur les demandes indemnitaires :
Donner acte à la société [7] qu’elle s’en rapporte à justice eu égard à la demande au titre de la majoration de rente ;Débouter M. [Y] de ses demandes au titre du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice d’agrément ;Ramener à de plus justes proportions les demandes formulées au titre des souffrances physiques et morales et du préjudice sexuel ;Eu égard au déficit fonctionnel permanent, désigner tel expert qu’il plaira à la juridiction aux fins d’évaluation ;Limiter la provision allouée à la somme de 2.000 euros ;Débouter la CPCAM des Bouches-du-Rhône de sa demande de remboursement ;Juger que les dépens devront être mis à la charge de la CPCAM des Bouches-du-Rhône.
Aux termes de ses dernières écritures, la CPCAM des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, demande au tribunal de :
À titre principal :
Déclarer l’action de M. [U] [Y] prescrite ;À titre subsidiaire :
Prendre acte qu’elle s’en rapporte quant à la reconnaissance de la faute inexcusable et la majoration de la rente ;Si la faute inexcusable était reconnue :Fixer les indemnisations conformément aux articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale et à la décision 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18/06/2010 ;Débouter la société [7] de sa demande tendant à dire qu’elle ne dispose pas de son action récursoire ;Condamner l’employeur société [7] à lui rembourser la totalité des sommes dont elle sera tenue d’assurer par avance le paiement.
Au soutien de ses prétentions, la CPCAM des Bouches-du-Rhône fait principalement valoir que M. [U] [Y] ne rapporte pas la preuve de la réception de son courrier de demande d’ouverture de la procédure de conciliation et que ce courrier est, au surplus, intervenu en dehors du délai biennal, de sorte que la saisine du tribunal de céans est prescrite.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 décembre 2024.
Sur l’irrecevabilité du recours pour cause de prescription
Selon les dispositions de l’article L. 431-2 du code de sécurité sociale, les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le livre IV se prescrivent par deux ans à dater du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.
S’agissant de la maladie professionnelle, la date assimilée à la date de l’accident est celle à laquelle la victime est informée par certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
La jurisprudence considère également, comme causes d’interruption, la reconnaissance par la caisse du caractère professionnel de la maladie, ainsi que la saisine de la caisse tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable et ce tant que cette dernière n’a pas fait connaître à l’intéressé le résultat de la tentative de conciliation.
La seule date de consolidation n’est pas un point de départ de la prescription biennale. Elle correspond cependant le plus souvent à la cessation du versement des indemnités journalières.
En l’espèce, le caractère professionnel de la maladie de M. [U] [Y] a été reconnu par décision de la CPCAM des Bouches-du-Rhône en date du 16 août 2018. La prescription a donc commencé à courir à compter de cette date.
L’état de santé de l’assuré a été consolidé le 2 mars 2019 mais cet évènement ne saurait causer, à lui seul, l’interruption du délai de prescription dans la mesure où M. [U] [Y], retraité au jour de la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, n’a pu bénéficier d’indemnités journalières à ce titre.
En l’absence de cause d’interruption du délai de prescription biennale édicté par l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, la prescription était donc acquise lorsque par courrier du 5 février 2021, M. [U] [Y] a entendu saisir la CPCAM des Bouches-du-Rhône d’une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, saisine dont M. [U] [Y] ne rapporte, au demeurant, pas la preuve de réception par la caisse.
L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur par M. [U] [Y] doit donc être déclarée prescrite et comme telle, irrecevable.
Sur les demandes accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, M. [U] [Y], qui succombe à ses prétentions, sera condamné à supporter les dépens de l’instance.
Pour des motifs tirés de considération d’équité, il n’y a pas lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :
DÉCLARE irrecevable le recours de M. [U] [Y] ;
CONDAMNE M. [U] [Y] aux dépens de l’instance ;
DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 538 du code de procédure civile, tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT