Sommaire Accident du travailMonsieur [C] [Z], employé de la société [7], a subi un accident du travail le 16 février 2016, lors d’un braquage et d’une prise d’otage sur son lieu de travail. Cet incident a été reconnu comme un accident du travail par la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône. Action en justiceLe 16 mai 2018, Monsieur [C] [Z] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Le tribunal a rendu un jugement le 23 juin 2021, reconnaissant la faute inexcusable de la société [7] et a ordonné le versement d’une provision de 5.000 euros à Monsieur [C] [Z]. État de santé et expertiseL’état de santé de Monsieur [C] [Z] a été déclaré consolidé le 24 mai 2021, avec un taux d’incapacité permanente de 5 %. Le 7 juin 2023, le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer les préjudices personnels de Monsieur [C] [Z], qui a été réalisée par le Docteur [G] [O] et a abouti à un rapport déposé le 13 novembre 2023. Demandes de Monsieur [C] [Z]Monsieur [C] [Z] a demandé au tribunal de condamner la société [7] à lui verser 57.995,25 euros, ainsi qu’une somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il a également demandé que la CPCAM des Bouches-du-Rhône garantisse le paiement de cette somme. Position de la société [7]La société [7] a contesté les demandes d’indemnisation de Monsieur [C] [Z], en demandant le rejet des préjudices d’incidence professionnelle et moral, ainsi qu’une réduction des demandes d’indemnisation pour souffrances endurées et déficits fonctionnels. Elle a également demandé que le tribunal statue sur les dépens. Conclusions de l’expertiseL’expert a évalué les préjudices temporaires et permanents subis par Monsieur [C] [Z], en tenant compte de son état de santé et des conséquences de l’accident. Les préjudices temporaires ont été détaillés, incluant des périodes de déficit fonctionnel total et partiel. Indemnisation des préjudicesLe tribunal a fixé les sommes à verser à Monsieur [C] [Z] pour ses préjudices, totalisant 29.159,75 euros, déduction faite des provisions déjà versées. Les demandes supplémentaires de Monsieur [C] [Z] ont été rejetées, notamment celles concernant l’incidence professionnelle et les souffrances post-consolidation. Décision finaleLe tribunal a condamné la société [7] à verser 1.500 euros à Monsieur [C] [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a ordonné l’exécution provisoire de la décision. La société [7] a également été condamnée aux dépens de l’instance. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire. La faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en protéger. Il est également précisé que la victime doit prouver que l’accident est survenu dans le cadre de son travail et que les circonstances de l’accident sont directement liées à la négligence de l’employeur. En l’espèce, le tribunal a reconnu la faute inexcusable de la société [7] en raison des circonstances de l’accident survenu le 16 février 2016, ce qui a permis à Monsieur [C] [Z] de bénéficier d’une indemnisation complémentaire. Comment sont évalués les préjudices temporaires et permanents ?L’évaluation des préjudices temporaires et permanents est encadrée par la jurisprudence et les dispositions du Code de la sécurité sociale. Pour les préjudices temporaires, l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale précise que la victime a droit à une indemnisation pour les souffrances physiques et morales endurées pendant la période de maladie traumatique, jusqu’à la consolidation de son état. La consolidation est définie comme le moment où l’état de santé de la victime est stabilisé, ce qui permet d’évaluer les préjudices permanents. Pour les préjudices permanents, la Cour de cassation a précisé que le déficit fonctionnel permanent doit être évalué en tenant compte de l’atteinte à l’intégrité physique et psychique, ainsi que des douleurs physiques et psychologiques. Dans le cas de Monsieur [C] [Z], le tribunal a pris en compte le rapport d’expertise médicale pour évaluer les préjudices temporaires et permanents, en tenant compte des périodes de déficit fonctionnel et des souffrances endurées. Quelles sont les conséquences de la consolidation de l’état de santé sur l’indemnisation ?La consolidation de l’état de santé a des conséquences significatives sur l’indemnisation des victimes d’accidents du travail. Selon l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, une fois que l’état de santé est consolidé, la victime peut demander une indemnisation pour les préjudices permanents. La consolidation marque la fin de la période de déficit fonctionnel temporaire, et les préjudices subis après cette date sont considérés comme des préjudices permanents. Dans le cas de Monsieur [C] [Z], la date de consolidation a été fixée au 24 mai 2021, ce qui a permis au tribunal d’évaluer les préjudices permanents, notamment le déficit fonctionnel permanent, à hauteur de 5 %. Les préjudices temporaires, quant à eux, sont évalués jusqu’à la date de consolidation, et le tribunal a accordé une indemnisation pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire total et partiel. Quelles sont les implications de la demande d’indemnisation pour l’incidence professionnelle ?La demande d’indemnisation pour l’incidence professionnelle est régie par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale. Cet article permet à la victime de demander une indemnisation complémentaire pour les dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale. Cependant, pour que la demande d’indemnisation pour l’incidence professionnelle soit recevable, la victime doit justifier d’une chance concrète d’obtenir une promotion ou d’améliorer sa situation professionnelle, ce qui n’est pas le cas de Monsieur [C] [Z]. Dans son cas, l’expert a indiqué qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la perte ou la diminution de possibilités de promotion professionnelle, et Monsieur [C] [Z] n’a pas fourni de preuves tangibles de la perte d’une chance de promotion. Ainsi, le tribunal a débouté Monsieur [C] [Z] de sa demande d’indemnisation pour l’incidence professionnelle, considérant qu’il n’avait pas justifié de la réalité de cette perte. Comment sont déterminées les sommes dues au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au tribunal de condamner la partie perdante à verser à l’autre partie une somme au titre des frais exposés pour la défense de ses droits. Cette somme est déterminée en fonction de l’équité et des circonstances de l’affaire. Le tribunal prend en compte les frais réels engagés par la partie gagnante, ainsi que la nature du litige et la situation financière des parties. Dans le cas de Monsieur [C] [Z], le tribunal a condamné la société [7] à verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700, en tenant compte de la nature des faits et de leur ancienneté. Cette décision vise à compenser les frais de justice engagés par Monsieur [C] [Z] dans le cadre de son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
JUGEMENT N°24/04778 du 10 Décembre 2024
Numéro de recours: N° RG 18/01776 – N° Portalis DBW3-W-B7C-VN56
AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [C] [Z]
né le 22 Février 1978 à [Localité 9] (COMORES)
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 1]
représenté par Me Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDERESSE
S.A. [7]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Caroline DALLEST, avocat au barreau de MARSEILLE
Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 3]
dispensée de comparaître
DÉBATS : À l’audience publique du 10 Octobre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : PASCAL Florent, Vice-Président
Assesseurs : MAUPAS René
MITIC Sonia
L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 10 Décembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
Monsieur [C] [Z], salarié de la société [7], a été victime d’un accident du travail le 16 février 2016 à la suite d’un braquage et d’une prise d’otage sur son lieu de travail.
Cet accident du travail a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après la CPCAM des Bouches-du-Rhône).
Monsieur [C] [Z], par courrier recommandé expédié le 16 mai 2018, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [7].
Par jugement en date du 23 juin 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a reconnu la faute inexcusable de la société [7] comme étant à l’origine de l’accident du travail dont Monsieur [C] [Z] a été victime le 16 février 2016.
En outre, le tribunal a notamment :
sursis à statuer sur les conséquences de la faute inexcusable dans l’attente de la fixation de la date de consolidation des lésions ou de guérison de Monsieur [C] [Z] par la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;fixé à 5.000 euros la provision versée à Monsieur [C] [Z] ;dit que la CPCAM des Bouches-du-Rhône fera l’avance de ces sommes ;condamné la société [7] à rembourser à la CPCAM des Bouches-du-Rhône les sommes dont elle sera tenue de faire l’avance au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
L’état de santé de Monsieur [C] [Z] a été déclaré consolidé le 24 mai 2021.
Le 9 juin 2021, il s’est vu notifier l’attribution d’un taux d’incapacité permanente de 5 %.
Par jugement en date du 7 juin 2023, le tribunal judiciaire de Marseille a ordonné le doublement de l’indemnité en capital versée à Monsieur [C] [Z] et ordonné avant-dire droit une expertise aux fins de déterminer les préjudices personnels de Monsieur [C] [Z].
Le Docteur [G] [O], désigné en qualité d’expert, a déposé son rapport le 13 novembre 2023.
Après mise en état, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience de plaidoirie du 10 octobre 2024.
Monsieur [C] [Z], représenté par son conseil soutenant oralement ses conclusions, demande au tribunal de :
condamner la société [7] à lui verser la somme de 57.995,25 euros;À défaut :
dire que la CPCAM des Bouches-du-Rhône garantira le paiement de cette somme ;condamner la société [7] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la société [7] aux entiers dépens.
La société [7], représentée par son conseil soutenant oralement ses dernières écritures, sollicite pour sa part du tribunal de :
rejeter les demandes d’indemnisation des préjudices d’incidence professionnelle et moral post-consolidation non retenus par l’expert ;réduire les demandes d’indemnisation des préjudices retenus par l’expert au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel temporaire total et partiel et du déficit fonctionnel permanent ;rejeter les autres demandes, fins et prétentions ;statuer ce que de droit sur les dépens.
Dispensée de comparaître, la CPCAM des Bouches-du-Rhône, aux termes de ses écritures, s’associe aux conclusions de l’employeur quant à l’évaluation des préjudices subis par Monsieur [C] [Z] et susceptibles d’être indemnisés dans le cadre du présent recours, déduction faite de la provision déjà versée. Elle rappelle que la date de consolidation a été fixée au 24 mai 2021, qu’elle a majoré le capital servi à Monsieur [C] [Z] et a versé une provision de 5.000 euros le 31 août 2021. Elle rappelle que le tribunal a condamné l’employeur à lui rembourser toutes les sommes dont elle sera tenue de faire l’avance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions déposées par les parties à l’audience pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 décembre 2024.
Sur l’indemnisation des préjudices
Conformément à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
En vertu des dispositions de l’article L.4 52-3 du code de la sécurité sociale, telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément, du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, ainsi que de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV dudit code.
En l’espèce, Monsieur [C] [Z] a été victime le 16 février 2016 d’un braquage et d’une prise d’otage sur son lieu de travail, et a développé un stress post-traumatique.
L’état de santé de Monsieur [C] [Z] a été consolidé au 24 mai 2021 par la caisse, soit plus de cinq années plus tard.
Le rapport d’expertise médicale repose sur un examen détaillé des dommages subis par Monsieur [C] [Z], de leurs causes et de leurs conséquences. Il convient par conséquent d’en retenir les conclusions pour l’évaluation de ses préjudices.
Compte-tenu de la situation de Monsieur [C] [Z], âgé de 37 ans, en concubinage et père de quatre enfants lors de l’accident, il y a lieu d’évaluer ses préjudices comme suit :
Sur les préjudices temporaires
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime durant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique).
L’évaluation des troubles dans les conditions d’existence tient compte de la durée de l’incapacité, du taux de cette incapacité, et des conditions de vie de la victime.
Monsieur [C] [Z] a été victime d’un accident du travail le 16 février 2016 à la suite d’un braquage et d’une prise d’otage sur son lieu de travail. Il a été consolidé le 24 mai 2021, avec un taux d’incapacité de 5 %.
Il ressort de la lecture du rapport d’expertise médicale que Monsieur [C] [Z] a subi plu-sieurs périodes de déficit fonctionnel temporaire, détaillées comme suit:
une période de déficit fonctionnel temporaire totale du 16 février 2016 au 16 mai 2016 d’une durée de 90 jours ;une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 17 mai 2016 au 17 mai 2017 d’une durée de 365 jours ;une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % du 18 mai 2017 au 24 mai 2021 d’une durée de 1.467 jours.
Ces éléments ne font l’objet d’aucune contestation.
Monsieur [C] [Z] sollicite, sur la base d’une indemnité journalière d’un montant de 33 eu-ros, une indemnisation à hauteur de :
2.970 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire totale;18.125,25 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire partiel.
La société [7] sollicite quant à elle, sur la base d’une indemnité journalière d’un mon-tant de 25 euros, que cette indemnisation soit ramenée aux sommes suivantes de :
2.250 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire totale;4.562,50 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % ;9.168,75 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 %.
Aux termes de son rapport, l’expert retient : » Je n’ai pas mis en évidence de trouble psychique antérieurement au fait traumatique du 16/02/2016.
A partir du fait traumatique, Monsieur [C] [Z] a présenté des manifestations anxieuses régulières, des manifestations anxieuses psychiques et somatiques ; une réminiscence régulière du fait traumatique de façon diurne et nocturne, une altération négative de l’humeur « .
Compte-tenu des lésions initiales et des soins nécessaires, Monsieur [C] [Z] a subi une gêne dans l’accomplissement des actes de la vie courante et une perte temporaire de qualité de vie qui seront indemnisées sur la base d’un revenu forfaitaire de 27 euros comme suit :
2.430 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire totale (100 % x 90 jours x 27 euros) ;4.927,50 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % (50 % x 365 jours x 27 euros) ;9.902,25 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % (25 % x 1.467 jours x 27 euros),Soit un total de 17.259,75 euros.
Sur les souffrances physiques et morales endurées
Il s’agit des douleurs physiques et morales endurées par la victime pendant la maladie traumatique jusqu’à la consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués.
Après la consolidation, les souffrances qui acquièrent un caractère permanent relèvent du déficit fonctionnel permanent.
En l’espèce, Monsieur [C] [Z] sollicite une indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 4.000 euros.
La société [7] considère que l’octroi d’une telle somme n’est pas justifié au motif que Monsieur [C] [Z] présentait un état antérieur compte tenu des drames qu’il a subis dans sa vie personnelle avant la survenance de l’accident, notamment le décès de l’un de ses enfants.
La CPCAM des Bouches-du-Rhône s’associe aux écritures de l’employeur.
Le Docteur [O] évalue les souffrances endurées à 2 sur une échelle de 7, ce qui correspond à des souffrances légères.
Eu égard aux souffrances morales de Monsieur [C] [Z], ce poste ce préjudice sera liquidé à la somme de 4.000 euros.
Sur les préjudices permanents
Sur le déficit fonctionnel permanent
Par deux arrêts en date du 20 janvier 2023, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a opéré un revirement de jurisprudence en décidant que la rente versée par la caisse de sécurité sociale aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle n’indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent.
Dès lors que le déficit fonctionnel permanent n’est plus susceptible d’être couvert en tout ou partie par la rente, et donc par le livre IV du code de sécurité sociale, il peut faire l’objet d’une indemnisation, compte-tenu de la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitu-tionnel le 18 juin 2010 et rappelée ci-dessus, selon les conditions de droit commun.
Au sens de la nomenclature Dintilhac, le déficit fonctionnel permanent permet, pour la pé-riode postérieure à la consolidation, d’indemniser l’atteinte objective à l’intégrité physique et psychique, mais également les douleurs physiques et psychologiques, ainsi que la perte de qua-lité de vie et les troubles ressentis dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales.
En l’espèce, l’expert a retenu l’existence d’un déficit fonctionnel permanent à hauteur de 5 %.
Monsieur [C] [Z] demande au tribunal d’indemniser ce poste de préjudice à hauteur de 7.900 euros.
Si la société [7] a raison d’exposer que Monsieur [C] [Z], qui réclame une indem-nisation de ce chef de préjudice à hauteur de 7.900 euros, n’explicite pas cette demande, il est néanmoins acquis que le prix du point d’incapacité permanente partielle est fixé selon les sé-quelles conservées, le taux d’incapacité et l’âge de la victime. Plus le taux d’incapacité est élevé, plus le prix du point augmente ; le prix du point d’incapacité diminue avec l’âge.
En l’espèce, à la date de la consolidation de son état de santé le 24 mai 2021, Monsieur [C] [Z], né le 22 février 1978, avait 43 ans.
Au regard de la notification de l’attribution d’une indemnité en capital par la caisse primaire à Monsieur [C] [Z] le 9 juin 2021, son taux d’incapacité a été fixé à 5 % pour » braquage et prise en otage sur son lieu de travail responsable de stress post-traumatique. Séquelles indem-nisables pour anxiété résiduelle « .
Compte-tenu de ces éléments d’information et au regard du référentiel indicatif des cours d’appel datant de 2024, la valeur du point peut être fixée à 1.580 euros.
Il s’ensuit que la demande d’indemnisation de Monsieur [C] [Z] à hauteur de 7.900 euros (1.580 euros x 5 % = 7.900 euros) est raisonnable.
L’indemnisation du déficit fonctionnel permanent sera fixée à 7.900 euros.
Sur la demande d’indemnisation de l’incidence professionnelle
Les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, interprétées conformément à la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 juin 2010 dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, permettent à la victime de demander une indemnisation complémentaire à la rente et sa majoration prévue à l’article L. 452-2, de » l’ensemble des dommages non couverts » par le livre IV du code de la sécurité sociale.
Or, il résulte des dispositions de l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale que l’indemnisation de l’incidence professionnelle de l’accident du travail est couverte de manière forfaitaire sous forme de capital si le taux d’incapacité permanente de travail est inférieur à un taux déterminé et sous forme de rente, au-delà.
Il s’ensuit que l’incidence professionnelle ne peut pas faire l’objet d’une réparation complémentaire sur le fondement des dispositions de l’article L. 452-3 précité.
Si la perte ou la diminution de la chance de promotion professionnelle est susceptible d’indemnisation au titre de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, encore faut-il que l’intéressé justifie de la chance concrète d’obtenir une promotion de laquelle l’accident l’aurait privé.
En l’espèce, l’expert a considéré qu’il ne lui était pas possible de se prononcer sur la perte ou la diminution de possibilités de promotion professionnelle.
Monsieur [C] [Z] qui sollicite la somme de 15.000 euros au titre de l’incidence professionnelle ne justifie d’aucune promesse d’embauche, ni même de poste de niveau supérieur au sien susceptible de lui être attribué au moment de l’accident.
Monsieur [C] [Z] sera donc débouté de sa demande en indemnisation du préjudice résultant de l’incidence professionnelle de l’accident.
Sur la demande d’indemnisation au titre des souffrances post-consolidation
Le déficit fonctionnel permanent est défini en droit commun de la réparation du préjudice corporel comme le poste qui tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales). Il s’agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.
Le déficit fonctionnel permanent comprend donc plusieurs composantes, qui englobent les souffrances physiques et morales postérieures à la consolidation, étant relevé que la méthode d’indemnisation fondée sur une valeur du point variant en fonction de l’âge de la victime et de la gravité des séquelles intègre les souffrances post-consolidation.
En l’espèce, l’expert chargé d’évaluer le déficit permanent a donc tenu compte de l’atteinte à la qualité de vie pour fixer le taux d’incapacité.
Monsieur [C] [Z], qui sollicite la somme de 10.000 euros, sera donc débouté de sa demande en indemnisation du préjudice résultant des souffrances morales post-consolidation.
Sur les demandes accessoires
L’équité commande de condamner la société [7] à verser à Monsieur [C] [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société [7], partie perdante, sera tenue aux dépens d’instance.
Compte-tenu de la nature des faits de l’espèce et de leur ancienneté, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 23 juin 2021 ;
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 7 juin 2023 ;
Vu le rapport d’expertise du Docteur [O] ;
FIXE ainsi qu’il suit les sommes, qui seront versées par la CPCAM des Bouches-du-Rhône, accordées à Monsieur [C] [Z] en réparation de ses préjudices :
2.430 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire total ;4.927,50 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % ;9.902,25 euros au titre de la période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % ;4.000 euros au titre des souffrances endurées ;7.900 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.soit un total au titre de l’indemnisation des préjudices de 29.159,75 euros, dont à déduire les provisions versées d’un montant de 5.000 euros ;
DÉBOUTE Monsieur [C] [Z] du surplus de ses demandes ;
RAPPELLE que le jugement du 23 juin 2021 a déjà statué sur l’action récursoire de la CPCAM des Bouches-du-Rhône à l’encontre la société [7] pour les sommes dont elle sera tenue de faire l’avance au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ;
CONDAMNE la société [7] à payer à Monsieur [C] [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision ;
CONDAMNE la société [7] aux dépens de l’instance ;
DIT que tout appel de la présente décision doit être formé dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT