Sommaire Contexte de la maladie professionnelleMonsieur [I] [Z], employé en tant que tuyauteur/soudeur dans la société [6], a déclaré une maladie professionnelle à la Caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe et Moselle le 25 avril 2021. Cette déclaration mentionne des douleurs à l’épaule gauche, associées à une omarthrose et une tendinopathie de la coiffe des rotateurs. Transmission du dossier à la CaisseLe 6 septembre 2021, la Caisse a informé la société [6] que le dossier avait été transmis à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, car la maladie ne remplissait pas les conditions pour une prise en charge directe. L’employeur a été informé qu’il pouvait consulter et compléter le dossier jusqu’au 7 octobre 2021, et formuler des observations jusqu’au 18 octobre 2021. Décision de prise en chargeLe 3 janvier 2022, la Caisse a notifié à la société [6] la prise en charge de la maladie de Monsieur [I] [Z], qualifiée de « rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche », au titre de la législation sur les risques professionnels, conformément au tableau n°57 des affections périarticulaires. Contestation de la décisionLe 3 mars 2022, la société [5] a saisi la commission médicale de recours amiable pour contester la décision de prise en charge. En l’absence de réponse, elle a saisi le tribunal judiciaire de Paris le 7 juillet 2022, demandant que la décision de la Caisse soit déclarée inopposable. Jugement du tribunalLe 12 juillet 2023, le Pôle social du Tribunal judiciaire de Paris a ordonné la désignation d’un second Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. L’affaire a été plaidée le 9 octobre 2024, où la société [6] a demandé que la décision de la Caisse soit déclarée inopposable, arguant d’un non-respect des délais de mise à disposition du dossier. Arguments de la CaisseLa Caisse a demandé la confirmation de sa décision de prise en charge, affirmant avoir respecté le principe du contradictoire et les délais légaux, ainsi qu’avoir fourni un dossier complet à l’employeur. Motifs de la décision du tribunalLe tribunal a constaté que la Caisse n’avait pas respecté ses obligations d’information et le principe du contradictoire, ce qui a conduit à l’inopposabilité de sa décision de prise en charge à l’égard de l’employeur. Le non-respect des délais de mise à disposition du dossier a été déterminant dans cette décision. Conclusion du jugementLe tribunal a déclaré que la décision de la Caisse du 3 janvier 2022 était inopposable à la société [6] et a condamné la Caisse aux dépens. L’appel de ce jugement doit être interjeté dans un délai d’un mois à compter de sa notification. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les obligations de la Caisse en matière d’information et de mise à disposition du dossier lors de la saisine d’un CRRMP ?La Caisse a des obligations précises en matière d’information et de mise à disposition du dossier lors de la saisine d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP). Selon l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale, lorsque la Caisse saisit le CRRMP, elle doit informer la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de cette saisine par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information. Elle doit également mettre à disposition le dossier mentionné à l’article R. 441-14, complété d’éléments définis par décret, pendant une durée de quarante jours francs. Durant les trente premiers jours, la victime et l’employeur peuvent consulter le dossier, le compléter et formuler des observations. Les dix jours suivants sont réservés à la consultation et à la formulation d’observations, sans possibilité de produire de nouvelles pièces. Il est donc essentiel que la Caisse respecte ces délais et procédures pour garantir le droit au contradictoire et à une défense effective de l’employeur. Quels sont les effets d’un manquement de la Caisse à ses obligations procédurales ?Le manquement de la Caisse à ses obligations procédurales, notamment en matière d’information et de respect du principe du contradictoire, a des conséquences juridiques significatives. En effet, si la Caisse ne respecte pas ces obligations, la décision de prise en charge de la maladie professionnelle peut être déclarée inopposable à l’employeur. Cela signifie que l’employeur peut contester la décision de la Caisse et ne sera pas lié par celle-ci. Dans le cas présent, le tribunal a constaté que la Caisse n’avait pas respecté le délai de mise à disposition du dossier, ce qui a conduit à l’inopposabilité de sa décision de prise en charge. Cette inopposabilité est une sanction qui vise à protéger les droits de l’employeur et à garantir un traitement équitable dans le cadre de la reconnaissance des maladies professionnelles. Comment le tribunal a-t-il évalué le respect des délais par la Caisse ?Le tribunal a évalué le respect des délais par la Caisse en se référant aux dispositions de l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale. Il a constaté que le délai de mise à disposition du dossier de quarante jours francs ne commençait pas à courir à partir de la saisine du CRRMP, mais à partir de la réception de l’information par l’employeur. Dans cette affaire, la Caisse avait informé l’employeur par lettre du 06 septembre 2021, et le tribunal a déterminé que le délai de trente jours pour formuler des observations devait débuter le 08 septembre 2021. Ainsi, l’employeur aurait dû avoir jusqu’au 08 octobre 2021 pour faire ses observations, et non jusqu’au 07 octobre 2021 comme indiqué par la Caisse. Ce non-respect des délais a été un élément clé dans la décision du tribunal de déclarer la prise en charge inopposable à l’employeur. Quelles sont les conséquences financières pour la Caisse suite à la décision du tribunal ?Suite à la décision du tribunal, la Caisse a été condamnée aux dépens conformément à l’article 696 du Code de procédure civile. Cela signifie que la Caisse devra prendre en charge les frais de justice engagés par la société [6] dans le cadre de cette procédure. Les dépens incluent généralement les frais de greffe, les frais d’huissier, ainsi que les honoraires d’avocat, le cas échéant. Cette condamnation aux dépens est une conséquence directe de la décision du tribunal, qui a jugé que la Caisse avait manqué à ses obligations procédurales, entraînant ainsi l’inopposabilité de sa décision de prise en charge. Cela souligne l’importance pour les organismes de sécurité sociale de respecter scrupuleusement les procédures établies pour éviter des conséquences financières et juridiques défavorables. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
2 Expéditions délivrées aux avocats en LS le :
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PS ctx protection soc 3
N° RG 22/01938 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXQA6
N° MINUTE :
Requête du :
06 Juillet 2022
JUGEMENT
rendu le 11 Décembre 2024
DEMANDERESSE
Société [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Marc-antoine GODEFROY, avocat au barreau de PARIS, substitué par Maître Bayrakciuglu, avocat plaidant
DÉFENDERESSE
C.P.A.M. DE MEURTHE ET MOSELLE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître Virginie FARKAS avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame RANDOULET, Magistrate
Madame BYRON, Assesseur
Madame VUILLET, Assesseur
assistées de Marie LEFEVRE, Greffière
Décision du 11 Décembre 2024
PS ctx protection soc 3
N° RG 22/01938 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXQA6
DEBATS
A l’audience du 09 Octobre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Monsieur [I] [Z], salarié de la société [6] en qualité de tuyauteur/soudeur, a transmis à la Caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe et Moselle (ci-après “la Caisse”) une déclaration de maladie professionnelle datée du 25 avril 2021 faisant état d’une « scapulalgies gauche sur omarthrose, tendinopathie de la coiffe des rotateurs ».
Par lettre du 06 septembre 2021, la Caisse a informé la société [6] de la transmission du dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la maladie ne remplissant pas les conditions permettant de la prendre en charge directement. Elle indique par ailleurs que l’employeur peut consulter et compléter le dossier jusqu’au 07 octobre 2021, puis formuler des observations sans joindre de nouvelles pièces jusqu’au 18 octobre 2021 et qu’elle rendra sa décision après avis du CRRMP au plus tard le 05 janvier 2022.
Par lettre du 03 janvier 2022, la Caisse a notifié à la société [6] la prise en charge de la maladie de Monsieur [I] [Z], “rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche », inscrite dans le “tableau n°57 : Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail”, au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par lettre du 03 mars 2022, la société [5] a saisi la commission médicale de recours amiable, ainsi que la commission de recours amiable, aux fins de contester la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [I] [Z].
A défaut de réponse, par lettre recommandée adressée reçue au greffe le 07 juillet 2022, elle a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Paris aux fins de se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de la Caisse.
Par jugement du 12 juillet 2023, le Pôle social du Tribunal judiciaire de Paris a ordonné avant dire droit la désignation d’un second Comité régional de Reconnaissance des maladies professionnelles.
Le 04 avril 2024, le CRRMP Région Normandie a rendu son avis.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 28 août 2024 à laquelle l’affaire a été renvoyée au 09 octobre 2024, date à laquelle elle a été retenue et plaidée.
Par conclusions déposées et oralement développées à l’audience, la société [6], représentée, a sollicité de voir son recours déclaré recevable et lui déclarer inopposable la décision de la Caisse de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [Z].
Au soutien de sa demande, elle fait valoir que la Caisse n’a pas respecté le délai de mise à disposition du dossier pendant 40 jours francs suite à la transmission de celui-ci au CRRMP, ne lui a pas transmis un dossier complet au sens de l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale. Elle se prévaut également du fait que la Caisse aurait transmis le dossier au CRRMP avant la fin du délai de consultation imparti à l’employeur.
Par conclusions responsives déposées et oralement développées à l’audience, la Caisse, régulièrement représentée, demande au tribunal de confirmer sa décision de prise en charge et de débouter la société [6] de sa demande d’inopposabilité.
Elle soutient notamment que la société [6] avoir respecté le principe du contradictoire et les délais légaux de même qu’avoir transmis un dossier complet à l’employeur.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux écritures de celles-ci.
L’affaire a été mise en délibéré au 11 décembre 2024.
Sur le respect de la procédure
Aux termes de l’article R.461-10 du code de la sécurité sociale, « Lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d’un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
La caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14, complété d’éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu’ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d’observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l’employeur.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’échéance de ces différentes phases lorsqu’elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
A l’issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.
La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis. »
Il est constant que le manquement de la Caisse à son obligation d’information et au principe du contradictoire est sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge à l’égard de l’employeur.
En l’espèce, par lettre du 06 septembre 2021, la Caisse a informé la société [6] de la saisine d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Par application des dispositions susvisées, le dossier devait être mis à disposition de la société [6] durant quarante jours francs, celle-ci pouvant le compléter durant les trente premiers jours, puis formuler des observations sans produire de nouvelles pièces durant les dix jours suivants.
En outre, le délai de mise à disposition du dossier pendant une durée de 40 jours francs, en cas de saisine d’un CRRMP, court non à compter de la date de saisine du CRRMP mais à compter de la réception du courrier d’information, raison pour laquelle le texte prévoit expressément que “la caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’échéance de ces différentes phases lorsqu’elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.”
Ainsi qu’il résulte du courrier du 06 septembre 2021 précité, la Caisse a indiqué à la société [6] qu’elle avait la possibilité consulter et compléter le dossier jusqu’au 07 octobre 2021, puis de formuler des observations sans joindre de nouvelles pièces jusqu’au 18 octobre 2021.
En l’espèce, pour que le délai de 30 jours, qui s’insère dans un délai de 40 jours francs, soit respecté, il devait ainsi débuter le lendemain de la réception du courrier du 06 septembre 2021, soit le 08 septembre 2021 de sorte que l’employeur devait pouvoir faire ses observations jusqu’au 08 octobre 2021 à minuit, et non jusqu’au 07 octobre 2021 comme indiqué par la Caisse.
En réduisant ainsi le délai de 30 jours alloué à l’employeur, la Caisse n’a pas respecté la procédure d’instruction et il est sans incidence sur ce point que la Société ai ou non usé de son droit de consultation, le respect des dispositions ci-dessus rappelées n’étant pas dépendant de la preuve d’un grief.
Ainsi, à défaut de respect par la Caisse du principe du contradictoire à l’égard de l’employeur, la décision de la Caisse de prendre en charge, au titre du risque professionnel, la pathologie déclarée par Monsieur [Z] le 25 avril 2021 lui est inopposable.
Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante.
Sur les mesures accessoires
La Caisse, qui succombe à la présente instance est condamnée aux dépens conformément à l’article 696 du Code de procédure civile
Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;
Dit que la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe et Moselle du 03 janvier 2022 de prise en charge de la maladie professionnelle du 25 avril 2021 de Monsieur [I] [Z] est inopposable à la société [6];
Condamne la Caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe et Moselle aux dépens ;
Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Fait et jugé à Paris le 11 Décembre 2024.
La Greffière La Présidente
N° RG 22/01938 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXQA6
EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :
Demandeur : Société [6]
Défendeur : C.P.A.M. DE MEURTHE ET MOSELLE
EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :
A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.
En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.
P/Le Directeur de Greffe
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