Évaluation du Taux d’Incapacité Permanente Partielle : Interprétation des Barèmes et Appréciation Médicale

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Évaluation du Taux d’Incapacité Permanente Partielle : Interprétation des Barèmes et Appréciation Médicale

Contexte de l’affaire

Le 8 octobre 2016, M. [M] [F], employé intérimaire en tant que laveur de vitres, a déclaré une maladie professionnelle, spécifiquement une ‘périarthrite scapulo-humérale gauche’. Un certificat médical daté du 5 octobre 2016 a confirmé cette pathologie, entraînant un arrêt de travail jusqu’au 5 novembre 2016.

Décisions de la caisse primaire d’assurance maladie

Le 8 février 2017, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube a reconnu la maladie comme étant couverte par la législation sur les risques professionnels. En novembre 2019, la caisse a fixé la date de Jonction de l’état de M. [F] au 17 décembre 2019.

Licenciement pour inaptitude

Le 14 février 2020, M. [F] a été licencié pour inaptitude, après un avis du médecin du travail. Le 12 février 2020, la caisse a notifié à la société un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 10 % à compter du 18 décembre 2019, en raison de séquelles de raideur douloureuse de l’épaule gauche.

Contestation du taux d’IPP

Le 24 février 2020, la société a contesté ce taux et a saisi la commission médicale de recours amiable, qui a rejeté le recours le 29 juin 2020. La société a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rennes le 2 septembre 2020.

Jugement du tribunal

Le 15 avril 2022, le tribunal a déclaré le recours de la société recevable et a confirmé le taux d’IPP de 10 % attribué à M. [F]. La société a été condamnée aux dépens.

Appel de la société

Le 24 mai 2022, la société a interjeté appel du jugement. Elle a demandé à la cour de réformer la décision et de fixer le taux d’IPP à 6 %, ou, à titre subsidiaire, d’ordonner une mesure d’instruction pour déterminer le taux d’IPP.

Position de la caisse

La caisse a demandé à la cour de confirmer le jugement et de maintenir le taux d’IPP à 10 %. Elle s’est opposée à toute expertise médicale demandée par l’employeur et a demandé la condamnation de la société aux dépens.

Éléments de décision

La cour a rappelé que le taux d’IPP est déterminé en fonction de divers critères, notamment la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge et les aptitudes professionnelles. Le barème indicatif d’invalidité est considéré comme un guide, mais le médecin chargé de l’évaluation a la liberté de s’en écarter si nécessaire.

Conclusion de la cour

La cour a décidé d’infirmer le jugement initial et de fixer le taux d’IPP à 8 %, en tenant compte des éléments médicaux et des comparaisons avec d’autres cas similaires. Les dépens ont été mis à la charge de la caisse, partie perdante.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la procédure à suivre pour contester un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué par la caisse primaire d’assurance maladie ?

Pour contester un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué par la caisse primaire d’assurance maladie, l’employeur doit suivre une procédure spécifique. Selon l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, le taux d’IPP est déterminé en fonction de plusieurs critères, notamment la nature de l’infirmité, l’état général de la victime, son âge, ainsi que ses facultés physiques et mentales.

Après notification de la décision de la caisse, l’employeur peut saisir la commission médicale de recours amiable, comme cela a été fait par la société dans le litige exposé. Cette commission est composée de médecins experts qui examinent le dossier et peuvent confirmer ou modifier le taux d’IPP.

Si la décision de la commission médicale de recours amiable n’est pas satisfaisante, l’employeur a la possibilité de porter le litige devant le tribunal judiciaire, conformément aux articles 10, 143 et 146 du Code de procédure civile.

Il est important de noter que le juge apprécie souverainement les éléments de preuve et peut ordonner des mesures d’instruction si nécessaire, mais il n’est pas contraint de le faire.

Quels sont les critères pris en compte pour déterminer le taux d’IPP ?

Le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est déterminé selon plusieurs critères, comme le stipule l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale. Ces critères incluent :

1. La nature de l’infirmité : C’est la donnée de base qui sert à évaluer l’atteinte physique ou mentale de la victime.

2. L’état général : Ce critère prend en compte divers facteurs permettant d’estimer la santé globale de l’individu, sans inclure les infirmités antérieures.

3. L’âge : L’âge organique de la victime est pris en compte, en tenant compte des conséquences de l’involution physiologique.

4. Les facultés physiques et mentales : Ce critère évalue les capacités de l’individu et l’impact des séquelles sur celles-ci.

5. Les aptitudes et qualifications professionnelles : Cela concerne la capacité de l’individu à exercer une profession donnée et à se reclasser si nécessaire.

Ces éléments sont évalués par le médecin conseil, qui peut s’écarter des taux proposés par le barème indicatif d’invalidité si des raisons claires justifient cette décision.

Comment le barème indicatif d’invalidité influence-t-il la décision sur le taux d’IPP ?

Le barème indicatif d’invalidité joue un rôle crucial dans la détermination du taux d’incapacité permanente partielle (IPP). Selon l’article R. 434-32 du Code de la sécurité sociale, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et sur le taux de celle-ci en tenant compte des barèmes indicatifs d’invalidité.

Ces barèmes, qui sont des outils d’évaluation, fournissent des taux moyens pour différentes atteintes. Cependant, il est important de noter que ces taux sont indicatifs et que le médecin chargé de l’évaluation a la liberté de s’en écarter en cas de circonstances particulières.

Le barème prévoit des taux spécifiques pour des limitations de mouvements, par exemple, pour une limitation légère de tous les mouvements de l’épaule dominante, le taux d’IPP proposé est de 10 à 15 %. Toutefois, le médecin doit justifier toute déviation par rapport à ces chiffres.

En conséquence, la décision finale sur le taux d’IPP peut varier en fonction de l’appréciation des éléments médicaux et des circonstances individuelles de chaque cas, ce qui a été illustré dans le litige où le taux a été fixé à 8 % après évaluation des séquelles.

Quelles sont les conséquences d’une décision de la commission médicale de recours amiable ?

La décision de la commission médicale de recours amiable a des conséquences significatives pour les parties impliquées. Selon l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, cette commission a pour rôle d’examiner les recours formulés par les employeurs ou les assurés contre les décisions de la caisse primaire d’assurance maladie.

Si la commission confirme le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué, comme cela a été le cas dans le litige, cette décision devient opposable à l’employeur. Cela signifie que l’employeur doit se conformer à ce taux, sauf s’il décide de porter l’affaire devant le tribunal judiciaire.

En cas de contestation, l’employeur peut saisir le tribunal, mais la décision de la commission peut influencer le jugement du tribunal, car celui-ci doit apprécier les éléments de preuve et les rapports d’expertise fournis.

Il est également important de noter que la commission est composée de médecins experts qui évaluent le dossier de manière indépendante, ce qui renforce la légitimité de leur décision.

Quels sont les droits de l’employeur en cas de contestation du taux d’IPP ?

En cas de contestation du taux d’incapacité permanente partielle (IPP), l’employeur dispose de plusieurs droits. Tout d’abord, conformément à l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, l’employeur a le droit de contester la décision de la caisse primaire d’assurance maladie en saisissant la commission médicale de recours amiable.

Si la décision de cette commission ne lui convient pas, l’employeur peut porter l’affaire devant le tribunal judiciaire, comme cela a été fait dans le litige exposé. L’employeur a également le droit de présenter des éléments de preuve et des rapports médicaux pour soutenir sa contestation.

De plus, l’employeur peut demander des mesures d’instruction, telles qu’une expertise médicale, bien que le juge ait la faculté d’accepter ou de refuser cette demande.

Enfin, l’employeur a le droit d’être informé des décisions prises et de recevoir une notification des jugements, ce qui lui permet de préparer sa défense et de faire valoir ses arguments.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 décembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
22/03260
9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/03260 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SY3R

Société [5]

C/

CPAM DE L’AUBE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 DECEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Clotilde RIBET, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Octobre 2024

devant Madame Véronique PUJES, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Décembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 15 Avril 2022

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de Rennes – Pôle Social

Références : 20/00636

APPELANTE :

LA SASU [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Florence GASTINEAU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AUBE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

non représentée, dispensée de comparution

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 8 octobre 2016, M. [M] [F], salarié intérimaire de la société [5] (la société) en tant que laveur de vitres, a complété un formulaire de déclaration d’une maladie professionnelle en raison d’une ‘périarthrite scapulo-humérale gauche’.

Un certificat médical établi le 5 octobre 2016 fait état de cette pathologie, avec prescription d’un arrêt de travail jusqu’au 5 novembre 2016.

Par décision du 8 février 2017, après instruction, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube (la caisse) a pris en charge la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 29 novembre 2019, après avis du médecin conseil, la caisse a fixé la date de Jonction au 17 décembre 2019.

Par notification du 14 février 2020, après avis du médecin du travail, M. [F] a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude.

Par décision du 12 février 2020, la caisse a notifié à la société le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué à M. [F] fixé à 10 % à compter du 18 décembre 2019, en raison des séquelles suivantes : ‘raideur douloureuse de l’épaule gauche chez un droitier’.

Par courrier du 24 février 2020, contestant ce taux, la société a saisi la commission médicale de recours amiable de la caisse, laquelle a rejeté son recours lors de sa séance du 29 juin 2020.

Elle a alors porté le litige devant le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes le 2 septembre 2020.

Par jugement du 15 avril 2022, ce tribunal a :

– déclaré recevable et bien fondé le recours de la société ;

– confirmé la décision de la commission médicale de recours amiable du 29 juin 2020 en ce qu’elle a confirmé la décision de la caisse en date du 12 février 2020 ayant fixé à 10 % le taux d’IPP attribuable à M. [F] à la date du 17 décembre 2019, suite à la maladie professionnelle déclarée le 8 octobre 2016, dans le cadre des rapports employeur/caisse ;

– condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 24 mai 2022 par communication électronique, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 27 avril 2022.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 29 novembre 2022 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour :

– de dire son recours recevable et bien fondé ;

– en conséquence, de réformer la décision entreprise ;

à titre principal,

– de fixer, dans le cadre de ses rapports avec la caisse, à 6 % le taux d’IPP devant être attribué à M. [F] à la suite de son affection du 5 octobre 2016 ;

à titre subsidiaire,

– d’ordonner dans le cadre de ses rapports avec la caisse la mise en oeuvre d’une mesure d’instruction qui pourra prendre la forme d’une consultation sur pièces, afin de déterminer le taux d’IPP relatif aux seules séquelles consécutives à l’affection déclarée par M. [F] le 5 octobre 2016.

Par ses écritures parvenues au greffe le 19 décembre 2022, la caisse, ayant sollicité une dispense de comparution à l’audience, demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– dire et juger que le taux d’IPP de M. [F] doit être maintenu à 10 % ;

– s’opposer à toute expertise médicale demandée par l’employeur ;

– condamner la société aux entiers dépens de l’instance.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’opposabilité du taux d’IPP à l’employeur

L’article L. 434-2, 1er alinéa du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

Comme l’a jugé la cour de cassation, il appartient au juge de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci. (2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-18.938).

Selon l’article R. 434-32 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.

L’annexe I applicable aux accidents du travail est issue du décret n°2006-111 du 2 février 2006. L’annexe II applicable aux maladies professionnelles est en vigueur depuis le 30 avril 1999.

En son chapitre préliminaire, au titre des principes généraux, il est rappelé à l’annexe I que ce barème répond à la volonté du législateur et qu’il ne peut avoir qu’un caractère indicatif. Les taux d’incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l’évaluation garde, lorsqu’il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l’entière liberté de s’écarter des chiffres du barème; il doit alors exposer clairement les raisons qui l’y ont conduit.

Le barème indicatif a pour but de fournir les bases d’estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l’article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d’évaluation suivies par les tribunaux dans l’appréciation des dommages au titre du droit commun.

Les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent donc l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical.

Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l’évaluation, lorsque les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l’intéressé, ou un changement d’emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d’influer sur l’estimation globale.

Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d’incapacité permanente, sont donc :

1° La nature de l’infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d’où l’on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l’atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l’altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.

2° L’état général. Il s’agit là d’une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d’estimer l’état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l’évaluation d’adapter en fonction de l’état général, le taux résultant de la nature de l’infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.

L’estimation de l’état général n’inclut pas les infirmités antérieures – qu’elles résultent d’accident ou de maladie – ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.

3° L’âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l’indication tirée de l’état civil, mais en fonction de l’âge organique de l’intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l’involution physiologique, de celles résultant d’un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l’état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.

On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.

4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l’individu et de l’incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l’étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l’état physique ou mental de l’intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d’un individu normal.

5° Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l’assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l’intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail. La possibilité pour l’assuré de continuer à occuper son poste de travail – au besoin en se réadaptant – ou au contraire, l’obligation d’un changement d’emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l’aptitude médicale aux divers permis de conduire.

S’agissant des atteintes des fonctions articulaires concernant le membre supérieur, le chapitre 1.1.2 du barème indicatif d’invalidité en matière d’accident du travail, auquel il est renvoyé, prévoit :

‘Blocage et limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu’en soit la cause.

Epaule :

La mobilité de l’ensemble scapulo-huméro thoracique s’estime, le malade étant debout ou assis, en empaumant le bras d’une main, l’autre main palpant l’omoplate pour en apprécier la mobilité :

– Normalement, élévation latérale : 170° ;

– Adduction : 20° ;

– Antépulsion : 180° ;

– Rétropulsion : 40° ;

– Rotation interne : 80° ;

– Rotation externe : 60°.

La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s’effectuer sans aucune gêne.

Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d’éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d’adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l’amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxilaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.’

Pour une limitation légère de tous les mouvements, le taux médical est proposé entre 10 à 15 % pour le membre dominant et entre 8 à 10 % pour le membre non dominant. Concernant une limitation moyenne de tous les mouvements, le taux médical proposé est de 20 % pour le membre dominant et de 15 % pour le membre non dominant. Le barème admet en outre la majoration du taux de 5 points pour des douleurs résiduelles de type périarthrite scapulo-humérale.

Il ressort de la notification de la décision attributive de rente adressée à la société que le taux d’IPP de 10 % a été fixé compte tenu des séquelles suivantes : ‘Raideur douloureuse de l’épaule gauche chez un droitier.’

La société a contesté ce taux devant la commission médicale de recours amiable en s’appuyant sur le rapport de son médecin de recours, le docteur [H], en date du 10 juin 2020 proposant un taux médical d’IPP de 7% au motif que l’examen clinique du médecin conseil, très succinct, ne fait ressortir qu’une limitation légère de certains mouvements et non de tous les mouvements.

Ce médecin rappelle par ailleurs que les mouvements d’élévation réalisés au-dessus du plan des épaules présentent une limitation légère et que la rotation externe a été mesurée à 15°, la rétropulsion à 30° sans actif/passif pour chaque mesure et que la rotation interne évaluée par le seul mouvement complexe main-dos est normale.

La commission médicale de recours amiable a, par décision du 13 août 2020, confirmé l’attribution du taux médical de 10% en retenant : ‘Au vu de la gêne fonctionnelle engendrée par les séquelles décrites, au vu de l’ensemble des éléments fournis au dossier et au vu du barème indicatif d’invalidité en accidents du travail et maladies professionnelles, la commission ne possède aucun argument permettant de modifier le taux d’incapacité permanente partielle.’

Il convient de rappeler que cette commission est composée d’un médecin expert judiciaire et d’un médecin conseil étranger à la décision contestée et qu’elle s’est prononcée connaissance prise de l’intégralité du rapport médical ayant conduit à proposer le taux d’IPP et de l’avis du docteur [H], médecin de recours de la société.

La société conteste ce taux médical de 10% retenu en s’appuyant désormais sur le rapport du docteur [N] en date du 22 novembre 2022 qui propose un taux de 6 % estimant que seule une limitation légère de certains mouvements et non de tous les mouvements peut être retenue. Ce médecin précise que l’antepulsion a été mesurée à 130° et l’élévation latérale à 100°.

La société rappelle que le taux d’IPP retenu pour l’épaule droite également affectée des mêmes limitations légères a été fixé à 10%.

Il convient de rappeler que le barème de maladie professionnelle n’est qu’indicatif et que les juges apprécient souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve produits aux débats et des rapports d’expertise. En application de ces principes, la Cour de cassation n’a pas entendu censurer les juges qui ont estimé que le barème, qui prévoit pour une limitation légère de tous les mouvements de l’épaule dominante un taux d’incapacité partielle de 10 à 15 %, ne retient pas de réduction dans les cas où tous les mouvements ne sont pas atteints. (Civ.2, 13 mars 2014, 13-13.291)

Dès lors, l’interprétation restrictive du barème telle que proposée par la société ne peut être entérinée, le barème demeurant en tout état de cause indicatif et n’exigeant nullement que soit constatée une limitation de toutes les amplitudes articulaires. Il appartient en effet au médecin conseil de moduler le taux en fonction de l’atteinte, totale ou partielle qu’il objective des amplitudes articulaires, ou de l’une ou de l’autre de ces amplitudes.

Le médecin conseil a constaté une limitation légère de l’élévation latérale, de l’antepulsion, de la rotation externe et de la rétropulsion. Il a aussi pris en compte la douleur ressentie.

Toutefois, il a fixé le taux d’IPP de 10% en comparaison de celui de l’épaule droite qu’il avait fixé à 15%. Or, la commission médicale de recours amiable a réduit ce dernier taux à 10%.

Dès lors, il convient de fixer le taux d’IPP de l’épaule gauche à 8% ce qui apparaît conforme au barème indicatif précité qui prévoit un taux de 8 % à 10% en cas de limitation légère de tous les mouvements de l’épaule non dominante et tient compte du taux retenu pour l’épaule droite.

Il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité d’ordonner les mesures d’instruction demandées. Le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté, sans qu’il ne soit contraint d’y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu’issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou du principe du contradictoire.

Au regard de l’ensemble des pièces produites, qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’expertise sollicitée.

Dès lors, il y a lieu d’infirmer le jugement et de fixer à 8% le taux d’IPP opposable à l’employeur.

Sur les dépens

Les dépens resteront à la charge de la caisse, partie perdante.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Fixe à 8 % le taux d’IPP de [M] [F] consécutif à la maladie professionnelle affectant l’épaule gauche dans les rapports entre la SASU [5] et la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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