Harcèlement moral et discrimination syndicale dans le cadre d’une relation de travail.

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Harcèlement moral et discrimination syndicale dans le cadre d’une relation de travail.

Engagement de M. [D] et évolution de sa carrière

M. [D] a été engagé par Pôle Emploi, devenu France Travail, en tant que technicien expérimenté en contrôle de gestion, audit et organisation, à partir du 29 mars 2012. Au fil des années, il a évolué dans sa carrière, passant par plusieurs avenants qui ont augmenté son coefficient, atteignant finalement le niveau cadre. En novembre 2017, il a été élu conseiller prud’homal par le syndicat CFDT, puis représentant syndical SIER CFDT en novembre 2019.

Contexte de la plainte

Le 18 avril 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, alléguant des faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale, tout en demandant des compensations salariales et indemnitaires. Le jugement du 3 mars 2022 a reconnu les faits de harcèlement moral et la violation de l’obligation de sécurité par Pôle Emploi, condamnant l’établissement à verser 5 000 euros de dommages et intérêts à M. [D].

Appel de l’employeur et nouvelles nominations

L’employeur a interjeté appel du jugement le 5 avril 2022. Par la suite, M. [D] a été nommé secrétaire général du syndicat SIER CFDT et a été désigné délégué syndical central suppléant. En décembre 2022, l’employeur a notifié un nouveau positionnement de M. [D] au coefficient 789.

Procédures judiciaires et médiation

Le 21 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables certaines conclusions de l’appelant et a ordonné la clôture de l’instruction. Cependant, cette clôture a été révoquée le 14 décembre 2023, et l’affaire a été renvoyée à une audience de plaidoiries. Les parties ont convenu d’entrer en médiation, mais n’ont pas réussi à trouver un accord.

Prétentions des parties

Dans ses dernières conclusions, l’établissement public France Travail a demandé la déclaration d’irrecevabilité des nouvelles prétentions de M. [D] et a sollicité l’infirmation de certaines décisions du jugement de première instance. M. [D], de son côté, a demandé la confirmation du jugement tout en réclamant des sommes plus élevées pour les préjudices subis.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a déclaré irrecevables les nouvelles prétentions de M. [D] formulées après le délai imparti. Elle a confirmé le jugement de première instance en ce qui concerne la reconnaissance du harcèlement moral et la violation de l’obligation de sécurité, tout en condamnant l’employeur à verser 5 000 euros à M. [D] pour le préjudice subi. Les demandes de l’employeur ont été rejetées, et il a été condamné aux dépens.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de prévention des risques professionnels ?

L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, qui est une obligation de moyen renforcée. Selon l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Cette obligation inclut notamment :

– L’évaluation des risques professionnels auxquels les salariés sont exposés.

– La mise en place de mesures de prévention adaptées pour éviter les risques identifiés.

– L’information et la formation des salariés sur les risques liés à leur travail.

L’article L. 4121-2 précise que l’employeur doit également veiller à ce que les conditions de travail ne portent pas atteinte à la santé des salariés.

En cas de manquement à ces obligations, l’employeur peut être tenu responsable des conséquences sur la santé des salariés, comme cela a été constaté dans le cas de M. [D], où il a été établi que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement moral et la dégradation des conditions de travail.

Comment se définit le harcèlement moral au travail selon le Code du travail ?

Le harcèlement moral est défini par l’article L. 1152-1 du Code du travail, qui stipule qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail. Ces agissements peuvent porter atteinte à ses droits et à sa dignité, altérer sa santé physique ou mentale, ou compromettre son avenir professionnel.

Pour établir l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement. L’article L. 1154-1 précise que, dans ce cas, il incombe à l’employeur de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dans le cas de M. [D], plusieurs éléments ont été présentés, tels que des témoignages et des courriels, qui ont permis de constater l’existence de faits de harcèlement moral.

Quelles sont les conséquences juridiques d’une reconnaissance de harcèlement moral ?

Lorsqu’un tribunal reconnaît l’existence de harcèlement moral, plusieurs conséquences juridiques peuvent en découler. Selon l’article L. 1154-2 du Code du travail, le salarié victime de harcèlement moral peut demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Ces dommages et intérêts peuvent couvrir :

– La réparation du préjudice moral, qui peut être évalué en fonction de la gravité des faits et de leur impact sur la santé du salarié.

– Les frais médicaux engagés en raison de la dégradation de l’état de santé du salarié, si ceux-ci sont liés au harcèlement.

– D’autres préjudices, tels que la perte de chances professionnelles ou des impacts sur la vie personnelle.

Dans le cas de M. [D], le tribunal a condamné l’employeur à verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, en raison de la reconnaissance des faits de harcèlement moral et de la violation de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Quelles sont les implications de l’appel dans le cadre d’un litige prud’homal ?

L’appel dans le cadre d’un litige prud’homal a des implications importantes, notamment en ce qui concerne l’effet dévolutif. Selon l’article 542 du Code de procédure civile, l’appel tend à la réformation ou à l’annulation du jugement rendu par une juridiction du premier degré.

L’article 909 précise que l’intimé dispose d’un délai de trois mois pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, un appel incident. Si l’intimé ne demande pas l’infirmation ou l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Dans le cas de M. [D], l’employeur a interjeté appel, mais certaines des demandes formulées par M. [D] ont été déclarées irrecevables car elles ont été présentées après l’expiration du délai imparti par l’article 909. Cela a eu pour effet de limiter l’étendue des prétentions dont la cour d’appel était saisie.

Quelles sont les conséquences d’une décision de justice sur les dépens et les frais irrépétibles ?

Les dépens et les frais irrépétibles sont des éléments importants dans le cadre d’un litige. Selon l’article 696 du Code de procédure civile, les dépens comprennent l’ensemble des frais engagés pour le procès, tels que les frais d’huissier, les frais d’expertise, et les frais de greffe.

L’article 700 du même code permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire des frais qui ne peuvent pas être récupérés dans le cadre des dépens.

Dans le cas de M. [D], le jugement a confirmé que l’employeur devait supporter les dépens, étant la partie succombante. De plus, la demande de l’employeur au titre de l’article 700 a été rejetée, ce qui signifie qu’il n’a pas pu obtenir le remboursement de ses frais d’avocat ou autres frais liés à la procédure.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 décembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
22/01120
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 DECEMBRE 2024

N° RG 22/01120

N° Portalis DBV3-V-B7G-VDVH

AFFAIRE :

Etablissement FRANCE TRAVAIL

C/

[X] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 3 mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F19/00561

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Blandine DAVID

Me Clémentine TELLIER MAZUREK

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Etablissement FRANCE TRAVAIL

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant: Me Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110

Plaidant : Me Marie-Laure TREDAN de la SCP FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN701

APPELANTE

Monsieur [X] [D]

né le 28 août 1982 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Clémentine TELLIER MAZUREK, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 579

Plaidant: Me Céline COTZA de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392, substitué à l’audience par Me Louison CARATIS, avocat au barreau de Versailles

INTIME

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 3 octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [D] a été engagé par l’établissement public Pôle Emploi, devenu France Travail, en qualité de technicien expérimenté de la fonction ‘contrôle de gestion, audit et organisation’, au coefficient 230, au sein de la direction générale de l’établissement, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 29 mars 2012.

L’établissement public France Travail est spécialisé dans l’indemnisation des demandeurs d’emploi éligibles à l’allocation d’aide au retour à l’emploi ou à l’allocation de solidarité spécifique et l’accompagnement au retour à l’emploi. L’effectif de l’établissement était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Il applique la convention collective nationale du travail du personnel des institutions de l’assurance chômage.

Par avenant du 23 juillet 2014, M. [D] a été nommé chargé de relations internationales au sein de la direction des affaires et relations internationales (la Dari), au département mobilité et placement international, et positionné au coefficient 265.

Par avenants des 12 janvier 2015 et 13 juin 2016, le salarié a été positionné aux coefficients 280 puis 300, accédant ainsi à un emploi de niveau cadre.

En novembre 2017, le salarié a été élu conseiller prud’homal par le syndicat CFDT.

Le 14 novembre 2019, le salarié a été élu représentant syndical SIER CFDT au niveau de l’établissement pour une durée de quatre ans.Ce mandat a pris fin le 14 novembre 2023 et n’a pas été renouvelé.

Le 18 avril 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de constatation de l’existence d’un harcèlement moral et d’une discrimination syndicale et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 3 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

– débouté la partie défenderesse de sa demande in limine litis de rejeter les pièces 70 et 71 de la partie demanderesse ;

– constaté les faits de harcèlement moral dénoncés, ainsi que la violation de ses obligations de sécurité par Pôle Emploi ;

– condamné en conséquence Pôle emploi au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. [D] au titre de la violation de l’obligation de sécurité résultat de l’employeur et des actes de harcèlement moral dont il a fait l’objet ;

– débouté M. [D] de sa demande au titre de la discrimination syndicale ;

– dit que, des condamnations du présent jugement, il n’y a pas lieu à exécution autre que de droit, en application des articles R. 1454-28 et R. 1454-14 ;

– condamné Pôle emploi à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté Pôle emploi en sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que les sommes allouées en justice, quelles qu’elles soient, sont soumises au traitement social et fiscal résultant de la loi en vigueur ; que les dispositions résultant de la loi de Sécurité Sociale qui assujetissent les sommes allouées, y compris indemnitaires, à charges salariales et patronales, sont d’ordre public ; et qu’il appartient, en conséquence, à chacune des parties, de s’acquitter des cotisations pouvant lui incomber ;

– condamné Pôle emploi aux entiers dépens.

Le 18 mars 2022, le salarié a été nommé secrétaire général du syndicat SIER CFDT et désigné délégué syndical central suppléant CFDT à compter du 9 novembre 2022. Ce mandat a désormais pris fin.

Par déclaration adressée au greffe le 5 avril 2022, l’employeur a interjeté appel de ce jugement.

Par lettre du 13 décembre 2022, l’employeur a notifié au salarié son nouveau positionnement au coefficient 789.

Par ordonnance du 21 novembre 2023, le conseiller de la mise en état de la 17ème chambre de la cour d’appel de Versailles a dit irrecevables les conclusions et pièces transmises par l’appelant le 20 novembre 2023 à 17h42 et a ordonné la clôture de l’instruction.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état de la 17ème chambre en date du 14 décembre 2023, la clôture a été révoquée et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoiries du 25 avril 2024 au cours de laquelle les parties ont donné leur accord pour entrer en voie de médiation.

Entre temps, l’employeur a formé un déféré-nullité de l’ordonnance du 21 novembre 2023 refusant de révoquer la clôture. Le 6 juin 2024, la chambre 4-5 a constaté le désistement de l’employeur de cette requête en déféré.

Par arrêt du 20 décembre 2023, la 17ème chambre, de la cour d’appel de Versailles, devenue la chambre 4.4 le 1er janvier 2024, a ordonné une médiation, mesure renouvelée par arrêt du 30 avril 2024.

Les parties ne sont pas parvenues à un accord.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 17 septembre 2024 .

Comme sollicité par la cour lors des débats à l’audience, l’établissement public France Travail a produit le 3 décembre 2024 les conclusions d’intimé et d’appel incident du salarié du 4 octobre 2022 et les conclusions récapitulatives d’intimé et d’appel incident du salarié du 3 novembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 août 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’établissement public France Travail demande à la cour de :

– Déclarer irrecevables les prétentions formulées par M. [D] pour la première fois dans ses conclusions du 3 novembre 2023 tendant à voir :

.Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté la partie défenderesse de sa demande in limine litis de rejeter les pièces 70 et 71 de la partie demanderesse, constaté les faits de harcèlement moral dénoncés, ainsi que la violation de ses obligations de sécurité résultat par Pôle emploi, condamné Pôle emploi à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Pôle emploi aux entiers dépens ;

. Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a condamné Pôle emploi au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. [D] au titre de la violation de l’obligation de prévention des risques professionnels et des actes de harcèlement moral dont il a fait l’objet et débouté M. [D] de sa demande au titre de la discrimination syndicale ;

– Statuant à nouveau, condamner Pôle emploi à régler à M. [D] la somme nette de 18 675 euros en réparation des préjudices résultants des agissements répétés de harcèlement moral subis pendant des années sur son lieu de travail, la somme nette de 9 337,50 euros en réparation des préjudices résultants de la violation manifeste et délibérée de son obligation de prévention des risques professionnels, juger M. [D] a été victime de discrimination syndicale au sein de Pôle emploi et condamner en conséquence Pôle emploi à régler à M. [D] la somme nette de 18 675 euros en réparation des préjudices distincts subis au titre de la discrimination syndicale, condamner Pôle emploi à régler à M. [D] la somme de 4 000euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt rendu le 3 mars 2022, en ce qu’il a :

.Constaté l’existence de faits de harcèlement moral, ainsi que la violation de ses obligations de sécurité de résultat par Pôle emploi ;

. Condamné Pôle emploi au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. [D] au titre de la violation de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur et des actes de harcèlement moral dont il a fait l’objet ;

. Condamné Pôle emploi à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Débouté Pôle emploi en sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamné Pôle emploi aux entiers dépens.

– Constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel incident de M. [D] et dire n’y avoir lieu de statuer sur ses demandes tendant à voir condamner Pôle Emploi au paiement de la somme de 18.675 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, au paiement de la somme de 9.337,50 euros nets en réparation des préjudices résultant de la violation manifeste et délibérée de son obligation de prévention des risques professionnels et au paiement de la somme de 18.675 euros nets au titre de la discrimination syndicale,

– Subsidiairement, si la cour estime que l’appel incident a produit un effet dévolutif, confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté M. [D] au titre de se demande relative à la discrimination syndicale.

Statuant à nouveau dans cette limite,

– Débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes, fins, écrits et conclusions en tant qu’ils ne sont pas fondés,

En toute hypothèse,

– Débouter M. [D] de toutes ses demandes en cause d’appel,

– Débouter M. [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [D] à payer au Pôle emploi la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

A titre infiniment subsidiaire,

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en date du 3 mars

2022 en ce qu’il a limité la condamnation prononcée à l’encontre du Pôle emploi à la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 août 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [D] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :

.Débouté la partie défenderesse de sa demande in limine litis de rejeter les pièces 70 et 71 de la partie demanderesse,

. Constaté les faits de harcèlement moral dénoncés, ainsi que la violation de ses obligations de sécurité résultat par Pôle emploi,

. Condamné Pôle emploi à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

. Débouté Pôle emploi de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. Condamné Pôle emploi aux entiers dépens ;

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :

. Condamné Pôle emploi au paiement de de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. [D] au titre de la violation de l’obligation de prévention des risques professionnels et des actes de harcèlement moral dont il a fait l’objet

. Débouté M. [D] de sa demande au titre de la discrimination syndicale ;

Statuant à nouveau,

– Condamner Pôle emploi à régler à M. [D] la somme nette de 18 675 euros en réparation des préjudices résultants des agissements répétés de harcèlement moral subis pendant des années sur son lieu de travail,

– Condamner Pôle emploi à régler à M. [D] la somme nette de 9 337,50 euros en réparation des préjudices résultant de la violation manifeste et délibérée de son obligation de prévention des risques professionnels,

– Juger que M. [D] a été victime de discrimination syndicale au sein de Pôle emploi

– Condamner en conséquence Pôle emploi à régler à M. [D] la somme nette de 18 675 euros en réparation des préjudices distincts subis au titre de la discrimination syndicale,

Y ajoutant,

– Condamner Pôle emploi à régler à M. [D] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Pôle emploi aux entiers dépens et frais d’exécution.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes nouvelles du salarié

L’employeur expose que le salarié, en qualité d’intimé, a conclu une première fois le 4 octobre 2022 dans le respect du délai de trois mois prescrit par l’article 909 du code de procédure civile mais n’a pas demandé l’infirmation du jugement et n’a pas visé les chefs du jugement qu’il entendait critiquer en cause d’appel, qu’il a modifié ses prétentions par de nouvelles conclusions du 3 novembre 2023. Il soutient qu’il résulte de l’application combinée des dispositions légales et de la jurisprudence que les prétentions formulées par le salarié dans ses conclusions du 3 novembre 2023, soit après l’expiration du délai imparti par l’article 909 du code de procédure civile qui arrivait à son terme le 5 octobre 2022, sont irrecevables.

Le salarié n’a développé aucun argument en droit et en fait en réplique.

Aux termes de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

Selon les dispositions 954 du même code, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions.(…) La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Aux termes de l’article 909 de ce code, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626).

L’appel incident n’est pas différent de l’appel principal par sa nature ou son objet, de sorte que les conclusions de l’appelant, qu’il soit principal ou incident, doivent déterminer l’objet du litige porté devant la cour d’appel, et que l’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du code de procédure civile, le respect de la diligence impartie par l’article 909 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de cet article 954 (Civ. 2, 1er juillet 2021, pourvoi n°20.10-694, publié).

Il résulte des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’intimé forme un appel incident et ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que déclarer irrecevables ces conclusions, l’appel incident n’est pas valablement formé.

Au cas présent, l’employeur a interjeté appel le 5 avril 2022 et a conclu le 5 juillet 2022.

Par conclusions d’intimé et d’appel incident remises au greffe le 4 octobre 2022 par voie électronique, le salarié a demandé à la cour : ‘

PAR CES MOTIFS,

Vu les dispositions légales et jurisprudentielles précitées et notamment les articles L4121-1 et suivants du Code du travail,

Il est demandé à la Cour de statuant à nouveau et y ajoutant :

‘ Constater les faits de harcèlement moral dénoncés, ainsi que la violation de ses obligations de sécurité résultat par POLE EMPLOI ;

‘ Le condamner en conséquence, au paiement de la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Monsieur [X] [D] au titre de la violation de son obligation de sécurité résultat du fait des actes de harcèlement moral perpétrés ayant entraîné la dégradation de son état de santé ;

‘ Condamner POLE EMPLOI à payer à Monsieur [X] [D] la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la discrimination syndicale exercée,

‘ Débouter PÔLE EMPLOI de toutes ses demandes, fins et conclusions,

‘ Condamner POLE EMPLOI à payer à Monsieur [X] [D] la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

‘ Condamner POLE EMPLOI aux entiers dépens.’.

Il ne ressort pas du dispositif desdites conclusions que le salarié, appelant incident, a demandé la confirmation ou l’infirmation de chefs du jugement du chef et il s’est borné à demander la condamnation de l’employeur aux mêmes chefs de demandes que ceux qu’il avait formulés devant le conseil de prud’hommes sans demander la confirmation ou l’infirmation du jugement de ces chefs de demande, ce que l’employeur a soulevé à titre liminaire dans ses conclusions d’appelant et d’intimé incident le 23 décembre 2022.

Par conclusions récapitulatives d’intimé et d’appelant incident remises au greffe le 3 novembre 2023 par voie électronique, le salarié a sollicité la réformation des chefs du jugements et a demandé à la cour:

‘ Plaise à la Cour d’Appel de VERSAILLES de :

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de Boulogne Billancourt en ce qu’il a :

.DEBOUTE la partie de défenderesse de sa demande in limine litis de rejeter les pièces 70 et 71 de la partie demanderesse ;

.CONSTATE les faits de harcèlement moral dénoncés ainsi que la violation de son obligation de sécurité par POLE EMPLOI ;

.CONDAMNE POLE EMPLOI à payer à Monsieur [X] [D] la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de proce dure civile ;

.DEBOUTE POLE EMPLOI de sa demande reconventionnelle au titre de l’article700 du code de procédure civile ;

.CONDAMNE POLE EMPLOI aux entiers dépens ;

INFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de Boulogne Billancourt en ce qu’il a :

.CONDAMNE POLE EMPLOI au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par Monsieur FlorentLEFEBVRE au titre de la violation de l’obligation de prévention des risques professionnels et des actes de harcèlement moral dont il a fait l’objet ;

.DEBOUTE Monsieur [X] [D] de sa demande au titre de la discrimination syndicale ;

Et, statuant à nouveau :

.CONDAMNER POLE EMPLOI à régler à Monsieur [X] [D] la somme nette de 18.675,00 euros en réparation des préjudices résultant des agissements répétés de harcèlement moral subis pendant plusieurs années sur son lieu de travail ;

. CONDAMNER POLE EMPLOI à régler Monsieur [X] [D] la somme nette de 9.337,50 euros en réparation des préjudices résultant de la violation manifeste et délibérée de son obligation de prévention des risques professionnels ;

. JUGER que Monsieur [X] [D] a e te victime de discrimination syndicale au sein de POLE EMPLOI ;

. CONDAMNER en conse quence POLE EMPLOI à régler à Monsieur [X] [D] lasomme nette de 18.675,00 euros en réparation des préjudices distincts subis au titre dela discrimination syndicale ;

Y ajoutant

. CONDAMNER POLE EMPLOI à régler Monsieur [X] [D] une somme de4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. CONDAMNER POLE EMPLOI aux entiers dépens et frais d’exécution’.

Le dépôt de conclusions dont le dispositif a été rectifié ne peut régulariser les conclusions remises dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile.

Dans le délai de l’article 909, le salarié n’a pas remis au greffe d’autres conclusions que celles-ci.

Ses conclusions du 3 novembre 2023 sont quant à elles postérieures au délai de l’article 909, qui expirait le 5 octobre 2022 à minuit.

Il s’en déduit que la cour n’a pas été régulièrement saisie de l’ensemble des demandes du salarié de sorte que l’effet dévolutif n’a opéré que pour les demandes d’infirmations formées par l’employeur dans ses premières conclusions.

L’appel principal de la société ne produit d’effet dévolutif qu’à l’égard des chefs de dispositifs pour lesquels il demande l’infirmation du jugement qui a :

‘-Constaté l’existence de faits de harcèlement moral, ainsi que la violation de ses obligations de sécurité de résultat par Pôle emploi ;

-Condamné Pôle emploi au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. [D] au titre de la violation de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur et des actes de harcèlement moral dont il a fait l’objet ;

-Condamné Pôle emploi à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Débouté Pôle emploi en sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné Pôle emploi aux entiers dépens.’.

En conséquence, faute d’effet dévolutif des premières conclusions d’intimée du salarié, la cour n’est pas saisie des demandes qu’il a formées dans le dispositif de ses conclusions du 4 octobre 2022, l, et les prétentions formées par le salarié dans le cadre de ses conclusions des 4 octobre 2022 puis du 3 novembre 2023 sont irrecevables.

Sur les dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et harcèlement moral

L’employeur sollicite l’infirmation du jugement qui a constaté l’existence de faits de harcèlement moral, ainsi que la violation de ses obligations de sécurité de résultat par Pôle emploi.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il appartient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A titre liminaire, la cour relève que le salarié a été nommé en juillet 2016 chargé de relations internationales au département mobilité et placement international au sein de la Dari, dont Mme [F] était la directrice, M. [W] étant le supérieur hiérarchique direct du salarié, en sa qualité de chef du département mobilité et placement international au sein de la Dari et directeur adjoint de Mme [F].

A l’appui du harcèlement moral allégué ‘qui a cessé en 2019″ le salarié invoque plusieurs faits qui se sont déroulés de 2016 à 2019 et qui, selon lui, ont eu des conséquences sur son avenir professionnel et son état de santé.

Sur ‘la mise à l’écart ‘ du salarié

Le salarié invoque une mise à l’écart organisée par M. [W] mais également par Mme [F]

Le salarié produit:

– le courriel du 8 novembre 2017 adressé par Mme [E], chargée de relations et actions internationales, à Mme [F], copie faite à M. [W], pour lui demander des explication alors qu’avec notamment le salarié, ils n’ont pas été invités lors d’un déjeuner organisé par la Dari le 31 octobre 2017 pour le départ d’une collaboratrice, le témoin ajoutant que ‘ le climat, au sein du département Placement, est des plus toxiques et ce n’est pas en discriminant certaines personnes que la situation est susceptible de s’améliorer’,

– le courriel qu’il adressé le 27 juin 2017 à M. [W] lui demandant de bien vouloir compléter sa liste de discussion concernant les comptes rendus des réunions du département, n’ayant pas été destinataire du dernier, qui mentionne toutefois des actions que le salarié doit réaliser.

Il ressort ensuite des autres pièces invoquées par le salarié dans ses écritures qu’il a fait part à M.[W] de n’avoir pas été convié à une réunion le 7 novembre 2017 alors que son ‘binôme’ sur un dossier était présent, de n’avoir pas été destinataire d’un message le 30 avril 2019 et d’avoir été dessaisi d’un dossier en janvier 2019.

Le salarié établit ensuite que :

– M. [S], salarié au sein du département mobilité et placement international, atteste le 23 janvier 2019, qu’à la demande de Mme [F] de septembre 2016 à août 2018, il a surveillé M.[D] à plusieurs reprises’ à son insu, dans une intention malveillante’ et relate qu’il lui a ‘ été suggéré de l’isoler (…) Il est arrivé également que [X] [D] ne soit pas associé aux réunions de travail, de notre service.’,

– Mme [J], chargée de mission, confirme le 4 décembre 2018 ce témoignage et précise que Mme [F] lui a demandé avec M. [S] de ‘ne pas rester avec[le salarié]car nous étions manipulé.’,

– Mme [A], assistante administrative, par courriel du 10 novembre 2017 adressé au directeur de l’établissement public France Travail, dénonce notamment le fait que Mme [F] a décidé d’isoler toutes personnes en contact avec le salarié, ce qui se traduit en sanction déguisée en ayant ordonné à Mme [A] de changer de bureau, le salarié lui ayant conseillé de le faire pour ‘ sa tranquillité’.

La mise à l’écart du salarié est établie de septembre 2016 à l’été 2019.

Sur ‘ la réduction de ses missions’

Par courriel du 15 janvier 2019, le salarié a interrogé M. [W] sur le fait d’avoir été dessaisi, sans explications, d’un dossier sur lequel il travaillait en binôme avec une autre collaboratrice et, par courriel du lendemain, a saisi Mme [Y], directrice adjointe de l’établissement public France Travail, pour signaler le comportement agressif de M. [W] lors de leur entretien tenu ce jour-là pour faire un point sur sa situation professionnelle et la planification des activités, le salarié indiquant avoir souligné qui’il était ‘ sous-utilisé’. Par retour de courriel, Mme [Y] a répondu au salarié qu’elle l’invitait à prendre contact avec son gestionnaire de carrière et qu’une médiation devait être mise en place entre le salarié et M. [W]

Par attestation Mme [O], chef de projet, travaillant au même étage que le salarié, indique que ce dernier s’est souvent plaint auprès d’elle de sa marginalisation, d’un manque de travail et de mauvais traitements par Mme [F].

Par attestation du 12 février 2019, [P], chef de projet à compter de 2011 et directement rattaché à Mme [F], relate avoir été alerté sur la relation particulière que Mme [F] a réservé à certains collaborateurs dont le salarié qui lui rapportait ‘un empêchement au travail récurrent’.

M. [V], chef de département, témoigne le 14 février 2021, que le salarié lui a confié qu’il ‘ avait l’impression d’être transparent, de ne pas être écouté et de se sentir inutile tant sa charge de travail était insignifiante et la considération de sa hiérarchie inexistante’.

Si le salarié produit enfin le témoignage de Mme [G], chargée de mission en développement ressources humaines du 9 avril 2021, la cour relève qu’il s’agit d’attester sur le comportement de M. [W] de juin à décembre 2007 alors que le salarié n’avait pas encore été recruté par l’établissement public France Travail, ce qui n’apporte aucun élément probant sur la relation entretenue par M. [W] et le salarié à compter de 2016.

En revanche, Mme [E], témoin précédemment citée, atteste que Mme [F] ne confiait que très peu de missions au salarié en comparaison avec les autres collaborateurs et qu’il a été absent lors de ruénions auxquelles assistaient ses trois autres collègues, ‘ ce déficit d’activité lui ayant beaucoup pesé et il en a été très affecté.’.

En outre le salarié verse au dossier :

-le courriel du 8 novembre 2017 qu’il a adressé à M. [W] dénonçant avoir été exclu du suivi d’un dossier pour lequel il travaillait conjointement avec une autre collaboratrice,

– un extrait de l’agenda Outlook de M. [W] dont il ressort qu’à l’occasion d’une réunion prévue le 10 janvier 2019 pour faire le point prévisionnel des activités de la Dari, le salarié a été le seul ‘participant facultatif’, les autres collaborateurs, étant des ‘participants obligatoires’,

– le courriel qu’il a adressé le 15 janvier 2019 à ses deux supérieurs hiérarchiques avoir d’obtenir un entretien pour échanger sur sa situtation professionnelle, ayant été déchargé d’un dossier,

– le courriel du 16 janvier 2019 ‘ d’alerte d’une situation professionnelle’ à propos d’un entretien avec M. [W] au cours duquel le salarié lui a demandé la raison pour laquelle il était ‘sous-utilisé’ .

Le salarié établit qu’il a subi une réduction progressive de ses missions.

Sur ‘les brimades et humiliations’

Il ressort des échanges de courriels entre le salarié et Mme [F] que cette dernière l’a pris publiquement à partie le 3 avril 2017 lors d’une réunion et l’employeur ne conteste pas par retour de message le fait que le salarié dénonce le 8 novembre 2017 les accusations proférées à son encontre d’avoir ‘ incité une ex-employée de la Dari à saisir les prud’hommes’ ou d’avoir menacé un responsable de département.

Mme [E], chargée de relations et actions internationales atteste avoir été témoin de la souffrance du salarié sous la direction de Mme [F], avoir été également témoin ‘ d’une altercation dans les couloirs de la direction entre [K] ( Mme [F]) et [X] [D]. [K] [F] s’est mise à crier car [X] n’était pas dans son bureau.’.

Par lettre du 6 février 2019 intitulé ‘ nouvelle alerte’ adressée au directeur général, le syndicat SIER CFDT IDF a dénoncé la situation du salarié et la ‘ grande souffrance au travail’ existant au sein de la Dari, ce qu’a relevé le cabinet Secafi lors d’une expertise que lui avait confié le CHSCT.

En effet, il n’est d’ailleurs pas contesté qu’à la suite d’alertes de salariés, le CHSCT a constitué une délégation d’enquête en 2017 sur demande des représentants du personnel portant sur les conditions de travail vécues par certains agents de la Dari. Par communication du 21 mars 2018, le CHSCT a annoncé qu’une expertise avait été confiée au cabinet Secafi en raison ‘ des difficultés d’ordre psychosocial rencontrées à la Dari’, lequel cabinet a conclu notamment le 26 septembre 2018 qu’il ressort des entretiens menés qui ont montré de ‘ vraies difficultés relationnelles’ .

Les faits décrits caractérisent les brimades alléguées qui sont établies.

Sur la dénonciation des faits par le salarié

S’agissant du salarié, il a alerté l’employeur par courriels du 8 novembre 2017, 28 septembre 2018 et les 15 et 16 janvier 2019 de la dégradation de ses conditions de travail, alerte ensuite relayée comme indiqué précédemment le 6 février 2019 par le syndicat SIER CFDT IDF.

M. [R], ancien directeur adjoint de Mme [F], relate qu’elle a mis en place un ‘management toxique’, préférant ‘ ostraciser ou mettre au placard’ certains collaborateurs et qu’en dépit des alertes à la direction, il a fallu attendre dix ans, pour cela change.

Mme [O], M. [P], M. [V], témoins déjà cités, indiquent que le salarié s’est plaint de sa situation auprès de Mme [F], de son sentiment de se sentir inutile et de ce qu’il a beaucoup changé, ayant perdu tout son entrain.

Au plan médical, le salarié établit la dégradation de son état de santé en ce que :

– M. [V], témoin précédemment cité, indique que le salarié ‘ est devenu plus éteint et renfermé’ l’ayant connu enjoué et moteur, et que le salarié , joueur de rugby dans l’équipe de l’établissement public France Travail, ne restait plus lors de la ‘ 3ème mi-temps’, le témoin ajoutant que le salarié était ‘vraiment très affecté psychologiquement par sa situation professionnelle’

– M. [H], collègue de travail du salarié depuis 2012, confirme le témoignage de M. [V] et indique que le salarié l’a contacté au téléphone en pleurs en raison de sa situation professionnelle dégradée,

– son médecin lui a prescrit à compter du 16 janvier 2019 du Zopiclone contre les insomnies et des anti-dépresseurs (Xanax).

Ces faits matériellement établis, la mise à l’écart par ses supérieurs hiérarchiques, la réduction progressive de ses missions, les brimades, alors que l’employeur a été alerté à plusieurs reprises du mal-être professionnel du salarié , pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence, pour la période de 2016 à 2019, d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

Il convient en conséquence d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour établir l’activité réelle et soutenue du salarié, l’employeur produit des échanges de courriel avec le salarié et son supérieur hiérarchique et les descriptifs d’activités et entretiens professionnels annuels dont il ressort que des missions lui ont été confiées en 2017 mais que le salarié a déclaré au titre de l’année 2018 ‘ avoir été sous-utilisé’ et a fait part de discrimination et de harcèlement moral subis.

En revanche, le salarié a remercié la direction de l’avoir ‘mis en responsabilité pour pouvoir monter en compétences’tout en regrettant ‘ une déresponsabilisation managerial’ lors de son entretien tenu le 2 juillet 2020 avec son nouveau manager, M. [I]. Lors de cet entretien professionnel annuel, il a été annoncé au salarié qu’il allait être accompagné en lui confiant le ‘leadership’ sur plusieurs projets en 2020.

Si l’employeur prétend que la ‘prétendue mise à l’écart des réunions par la Direction est d’autant plus malvenue’ que le salarié a, à plusieurs reprises, délibérément refusé de participer à plusieurs réunions auxquelles il était conviées, il n’en justifie qu’à compter de l’année 2020 le salarié ayant alors des décharges syndicales.

En raison des difficultés relationnelles qui ne sont pas contestées entre le salarié et Mme [F] mais également entre cette dernière et d’autres collaborateurs, ce qui a entraîné l’intervention du cabinet d’expertise pour ‘risques graves’, le témoignage de Mme [F] n’est pas suffisamment objectif pour être pris en compte.

En définitive, l’employeur verse peu de pièces relatives à la période litigieuse, de 2016 à 2019 et il ressort de l’ensemble des faits que le salarié a ressenti une mise à l’écart par sa hiérarchie à compter de 2017, situation qui s’est accentuée en 2019, le salarié établissant sans que l’employeur ne puisse valablement le contredire, qu’il a été demandé à des collaborateurs de la Dari de l’isoler, ces faits pris dans leur ensemble intervenant dans un contexte général de mal-être des salariés de la Dari, obligeant l’intervention d’un tiers extérieur et la ré-organisation totale des échelons hiérarchiques de cette direction.

Comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, ces faits sont en partie reconnus par l’employeur dans la réponse du directeur général adressée au syndicat SIER CFDT IDF, qui l’avait alerté par lettre du 6 février 2019 sur la situation du salarié à la suite de l’entretien tenu le 16 janvier 2019 avec M.[W] . Il est notamment indiqué par l’employeur dans cette lettre que ‘ M. [W] décrit des échanges particulièrement pénibles pour lui avec M. [D]’, ce que déplore l’employeur qui ajoute que ‘ la directrice de la Dari va quitter ses fonctions au sein du pôle le 31 juillet 2019 , ce qui sera l’occasion d’une réorganisation de la Dari et qu’il sera fait en sorte qu’il n’y ait plus de lien hiérarchique entre M. [W] et M. [D]’.

Lors du CHSCT du 14 avril 2019, les recommandations du cabinet Secafi ont été communiquées et le directeur général de l’établissement a annoncé que l’ensemble du management de la Dari sera renouvelé, ‘ce qui permettra à chacun de sortir d’une fonctionnement clanique et de reprendre des bases saines’, Mme [F] étant partie à la retraite en juillet 2019.

Les attestations qui évoquent en des termes chaleureux le comportement de Mme [F] avec des collaborateurs ne remettent pas en cause le témoignage des salariés qui ont attesté pour décrire l’isolement du salarié organisé par Mme [F] sur plusieurs années, et celui des salariés qui ont constaté la dégradation de son état psychologique.

Enfin, s’il est reproché par l’employeur le comportement très agressif du salarié notamment avec M.[W], Mme [M], ancienne salariée et chef de projet au sein de la Dari de décembre 2018 à fin 2019 attestant que le salarié ‘ déployait une énergie importante à déconstruire’, ceci ne justifie pas l’isolement du salarié mis en place par M. [W] et Mme [F].

Dès lors, l’employeur ne justifie pas par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral le comportement d’isolement adopté envers le salarié par ses supérieurs hiérarchiques entre 2016 et 2019.

Sur l’obligation de prévention des risques professionnels

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité qui n’est pas une obligation de résultat mais une obligation de moyen renforcée, l’employeur pouvant s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et notamment pour éviter les risques.

Le salarié invoque une inertie de l’employeur dans la prise en charge de la dégradation des conditions de travail des salariés de la Dari et indique que sa situation ne s’est également pas améliorée alors que des alertes ont été adressées à l’employeur, y compris par l’intermédiaire du syndicat SIER CFDT, lequel par courriel ouvert du 15 mars 2019 a saisi le directeur général pour lui demander la communication au CHSCT ainsi que la mise en oeuvre des préconisations du cabinet Secafi et de privilégier les déclarations du salarié à celles de M. [W].

Il est établi au dossier que l’employeur a eu connaissance de la situation dégradée au sein de la Dari et plus particulièrement de celle du salarié, le directeur général ayant été saisi directement par lettre syndicale et qu’il a tardé à communiquer les conclusions de l’expertise du cabinet Secafi connues dès septembre 2018, ayant attendu le départ à la retraite de Mme [F] puis celui de M. [W] de la direction de la Dari pour en envisager sa réorganisation à compter de l’été 2019, sans prise en charge particulière de la situation du salarié, la proposition d’une médiation entre M. [W] et le salarié n’étant pas une réponse suffisante à l’alerte donnée par ce dernier de son mal-être.

L’employeur a donc manqué à son obligation de prévention des risques professionnels.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu le harcèlement moral et le manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels sur la période de 2016 à 2019 et l’employeur sera condamné au paiement de la somme de

5 000 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre, en réparation du préjudice en résultant pour le salarié caractérisé par la dégradation de son état de santé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens d’appel sont à la charge de l’employeur, partie succombante.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant dans les limites de sa saisine par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

DECLARE irrecevables les prétentions formulées par M. [D] pour la première fois dans, le dispositif de ses conclusions du 3 novembre 2023,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

REJETTE la demande de l’établissement public France Travail en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l’établissement public France Travail aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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