Sommaire Contexte de l’AttentatMonsieur [L] [U], directeur artistique, a été présent lors de l’attentat du 13 novembre 2015 au Bataclan à Paris. Il se trouvait au bar avec un ami lorsque les tirs ont commencé, perdant connaissance après une chute. Il a réussi à fuir par une sortie de secours, mais a perdu contact avec son ami. Bien qu’il n’ait pas subi de blessures physiques, il a développé des acouphènes et a dû faire face à des conséquences psychologiques importantes. Suivi Médical et IndemnisationAprès l’attentat, Monsieur [L] [U] a contacté le Fonds de Garantie des Victimes d’Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions (FGTI), qui lui a versé des provisions. Une expertise psychiatrique a révélé divers préjudices, notamment des souffrances psychiques, un préjudice d’angoisse de mort imminente, et un déficit fonctionnel permanent. Malgré ces éléments, aucun accord final d’indemnisation n’a été atteint. Procédures JudiciairesMonsieur [L] [U] a assigné le FGTI en juin 2022 pour obtenir la reconnaissance et l’indemnisation de ses préjudices. En novembre 2023, il a également assigné la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis. Dans ses dernières écritures, il a demandé au tribunal d’accueillir ses demandes et de condamner le FGTI à verser des indemnités spécifiques pour ses préjudices. Demandes du FGTILe FGTI a proposé une évaluation de l’indemnisation des préjudices de Monsieur [L] [U], offrant des montants inférieurs à ceux demandés. Il a également constaté un accord sur le préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme, mais a contesté d’autres demandes, notamment celles relatives aux frais médicaux futurs. Décision du TribunalLe tribunal a reconnu Monsieur [L] [U] comme victime d’un acte de terrorisme et a ordonné le FGTI à lui verser des indemnités pour divers préjudices, y compris le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, et le préjudice d’angoisse de mort imminente. Les demandes relatives aux dépenses de santé futures ont été réservées pour un examen ultérieur. Conclusion et Exécution ProvisoireLe tribunal a également condamné le FGTI à payer des frais de justice et a ordonné l’exécution provisoire de la décision. Les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires, et la décision a été jugée contradictoire, étant susceptible d’appel. |
Questions / Réponses juridiques :
Quel est le cadre juridique de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme en France ?L’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme en France est régie par plusieurs dispositions législatives, notamment l’article L126-1 du Code des assurances, qui stipule : “Les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, seront indemnisés dans les conditions définies aux articles L422-1 à L422-33.” Ces articles précisent les modalités d’indemnisation, en tenant compte des préjudices subis par les victimes. En outre, l’article 421-1 du Code pénal définit les actes de terrorisme, en précisant que constituent des actes de terrorisme les infractions ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Ainsi, Monsieur [L] [U], en tant que victime directe de l’attentat du 13 novembre 2015, est éligible à une indemnisation en vertu de ces dispositions. Comment sont évalués les préjudices subis par les victimes d’actes de terrorisme ?L’évaluation des préjudices subis par les victimes d’actes de terrorisme repose sur des expertises médicales et des éléments de preuve fournis par les parties. Le rapport d’expertise, comme celui réalisé par le docteur [G] dans le cas de Monsieur [L] [U], est essentiel pour établir la nature et l’ampleur des préjudices. Les préjudices peuvent être classés en deux catégories : 1. Préjudices patrimoniaux : Ils incluent les dépenses de santé, qui englobent tous les frais médicaux liés à l’accident. 2. Préjudices extra-patrimoniaux : Ils comprennent les souffrances endurées, le préjudice d’angoisse de mort imminente, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice sexuel et le préjudice d’agrément. L’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 précise que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge. Quelles sont les modalités de calcul des préjudices temporaires et permanents ?Le calcul des préjudices temporaires et permanents repose sur des méthodes spécifiques, tenant compte de la durée et de l’impact des préjudices sur la vie de la victime. Pour les préjudices temporaires, comme le déficit fonctionnel temporaire, l’indemnisation est calculée sur la base d’un taux journalier. Par exemple, dans le cas de Monsieur [L] [U], l’expert a retenu un taux de 28 euros par jour pour un déficit fonctionnel total, appliqué à la durée de la gêne temporaire. Pour les préjudices permanents, comme le déficit fonctionnel permanent, l’indemnisation est calculée en fonction du taux d’incapacité retenu par l’expert. Dans ce cas, un taux global de 12% a été retenu, ce qui a conduit à une indemnité calculée sur la base d’un point d’incapacité de 2.300 euros. Ces méthodes de calcul sont essentielles pour garantir une indemnisation juste et équitable des victimes. Quels sont les droits des victimes en matière de frais médicaux futurs ?Les victimes d’actes de terrorisme ont le droit de demander la prise en charge de leurs frais médicaux futurs, comme le stipule l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006. Dans le cas de Monsieur [L] [U], il a demandé que le poste des frais médicaux futurs soit réservé, en raison de la nécessité de séances de psychothérapie et d’EMDR, comme l’a conclu l’expert. Le FGTI s’est opposé à cette demande, mais le tribunal a décidé de réserver ce poste, reconnaissant ainsi le droit de la victime à une prise en charge de ses soins futurs. Cette décision souligne l’importance de garantir aux victimes un accès continu aux soins nécessaires pour leur rétablissement. Comment se déroule le processus d’indemnisation devant le tribunal ?Le processus d’indemnisation devant le tribunal commence par une assignation, comme celle effectuée par Monsieur [L] [U] à l’encontre du FGTI. L’article 455 du Code de procédure civile impose que les écritures des parties soient claires et précises, permettant au tribunal de se prononcer sur les demandes. Le tribunal examine les éléments de preuve, y compris les rapports d’expertise, et évalue les préjudices subis par la victime. Il rend ensuite une décision qui peut inclure l’allocation de sommes spécifiques pour chaque type de préjudice, ainsi que des frais de justice, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile. Le tribunal peut également ordonner l’exécution provisoire de sa décision, comme le prévoit l’article 514 du Code de procédure civile, garantissant ainsi que la victime puisse bénéficier rapidement de son indemnisation. Ce processus vise à assurer une réparation rapide et adéquate des préjudices subis par les victimes d’actes de terrorisme. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
■
PRPC JIVAT
N° RG 22/07624
N° Portalis 352J-W-B7G-CXHGC
N° MINUTE :
Assignation du :
21/06/2022
JUGEMENT
rendu le 12 Décembre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [L] [U]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Françoise KONOPNY REGENSBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0166
DÉFENDEUR
LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me Alexandra ROMATIF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0124
PARTIE INTERVENANTE
CPAM DE LA SEINE ST DENIS
[Adresse 2]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Défaillante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascal LE LUONG, Premier Vice-Président
Géraldine CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe
Laurence GIROUX, Vice-Présidente
assistés de Véronique BABUT, Greffier
Décision du 12 Décembre 2024
PRPC JIVAT
N° RG 22/07624
N° Portalis 352J-W-B7G-CXHGC
DEBATS
A l’audience du 24 Octobre 2024 tenue en audience publique
Après clôture des débats, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2024.
JUGEMENT
– Réputé contradictoire,
– En premier ressort,
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Monsieur [L] [U], né le [Date naissance 3] 1980 et directeur artistique lors des faits, a été victime de l’attentat survenu à [Localité 9] (75) le 13 novembre 2015 dans la salle de concert du Bataclan.
Il se trouvait avec un ami à l’intérieur de la salle, au bar, lorsque les tirs ont débuté. Il a ensuite chuté en perdant connaissance au niveau des marches près de la fosse. Il s’est retrouvé mêlé aux corps blessés et sans vie. Il a eu intensément peur d’être touché par une rafale ou visé par un terroriste. Il est néanmoins parvenu à s’enfuir par la sortie de secours avant l’assaut des forces de l’ordre, mais il avait alors perdu contact avec son ami. Celui-ci a également pu s’enfuir de son côté.
Monsieur [L] [U] n’a pas été blessé physiquement, hormis la persistance d’acouphènes. Il a entrepris différents suivis pour faire face aux lourdes conséquences psychiques des faits.
Monsieur [L] [U] a pris contact avec le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI), qui lui a versé des provisions.
Les conclusions de synthèse de l’expertise amiable confiée par le FGTI au docteur [G], psychiatre, avec l’assistance d’un sapiteur ORL et rendue le 17 juillet 2019 sont les suivantes :
– Gêne temporaire partielle à 50% du 13 au 15/11/2015 (3 jours).
– Gêne temporaire partielle à 30% du 16/11/2015 au 16/11/2017 (732 jours).
– Gêne temporaire partielle à 20% du 17/11/2017 au 13/04/2018 (148 jours).
– Jonction : 13 avril 2018
– Arrêt des activités professionnelles : sans, mais réorientation professionnelle en janvier 2016.
– Souffrances endurées : 4/7.
– Préjudice d’angoisse de mort imminente : majeur
– Déficit fonctionnel permanent : 12% au global (psy et ORL).
– Préjudice d’agrément retenu : pour les concerts et les sorties culturelles qui n’ont pas été reprises à la fréquence antérieure aux attentats
– Préjudice sexuel : diminution de la libido sans que nous puissions nous prononcer sur le caractère définitif (effet iatrogène de l’antidépresseur).
– Incidence professionnelle : maintien de la capacité à exercer une activité de photographe de mode, mais lenteur dans la réalisation de longs métrages en lien avec la persistance de la difficulté de concentration.
– Dépenses de santé futures : psychothérapie mensuelle durant un an et 5 à 10 séances EMDR.
Aucun accord final d’indemnisation n’est intervenu.
Par acte d’huissier régulièrement signifié le 21 juin 2022, Monsieur [L] [U] a assigné le FGTI devant cette juridiction aux fins de voir reconnaître et indemniser ses préjudices.
Par acte d’huissier en date du 13 novembre 2023, le requérant a assigné en intervention forcée la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine Saint Denis.
Dans ses dernières écritures signifiées le 13 mars 2024, auxquelles il est référé expressément conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [U] demande au tribunal de :
Accueillir Monsieur [L] [U] dans son exploit introductif d’instance et le déclarer intégralement fondé. Condamner le Fonds de Garantie à verser à Monsieur [L] [U] les indemnités suivantes réparant les préjudices suivants dont il reste atteint : Suivi de psychothérapie (EMDR) : 3.623,00 €
Gêne TEMPORAIRE : 7.114,87 €
Préjudice d’Angoisse de mort imminente MAJEUR : 80.000,00 €
Souffrances Endurées 4/7 : 20.000,00 €
Déficit Fonctionnel Permanent : 49.500,00 €
Préjudice Exceptionnel Spécifique : 30.000,00 €
Préjudice Sexuel : 5.000,00 €
Préjudice d’Agrément : 10.000,00 €
A DEDUIRE : la somme de 61.000 € versée par le Fonds de Garantie à titre d’acompte provisionnel et l’indemnité d’un montant de 4 200 € versée par la MACIF.
Juger mémoire sur les frais médicaux futurs. Déclarer le Fonds de Garantie mal fondé en l’intégralité de ses offres, à l’exception de celles portant sur l’indemnisation des souffrances endurées ainsi que sur le préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme, pour lesquelles les montants proposés sont conformes aux demandes de [L] [U] ; Débouter le Fonds de Garantie de toutes ses autres fins, demandes et conclusions et le déclarer mal fondé.Condamner le Fonds de Garantie à verser à Monsieur [L] [U] une indemnité d’un montant de 3 000 € au titre de l’article 700 du C.P.C. L’EXECUTION EST DE DROIT en vertu de l’article 514 du C.P.C. Condamner le Fonds de Garantie aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives régulièrement signifiées le 3 janvier 2024, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le FGTI demande au tribunal de :
Evaluer l’indemnisation des préjudices de Monsieur [U] de la manière suivante : Déficit fonctionnel temporaire : 6.267,50€
Souffrances endurées : 20.000 €
Préjudice d’angoisse : 30.000 €
Déficit fonctionnel permanent : 23.598 €
Préjudice sexuel : 2.000€
Préjudice d’agrément : 3.000 €
Constater l’accord des parties sur l’indemnisation de Monsieur [U] au titre du Préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme à hauteur de 30.000 € Déduire des sommes qui seront allouées les provisions versées à Monsieur [U] à hauteur de 61.100 € ; Débouter Monsieur [U] de toutes demandes plus amples ou contraires ; Débouter Monsieur [U] de la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Dire n’y avoir lieu à exécution provisoire et à tout le moins, Dire que l’exécution provisoire n’excédera pas le montant des offres du FONDS DE GARANTIE.
La CPAM de Seine Saint Denis n’a pas constitué avocat. Susceptible d’appel, la présente décision sera donc réputée contradictoire à l’égard de tous.
La clôture de la présente procédure a été prononcée le 27 juin 2024. L’affaire a été appelée à l’audience des plaidoiries du 24 octobre 2024, puis mise en délibéré au 12 décembre 2024.
I- Sur le droit à indemnisation
L’article L126-1 du code des assurances issues de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice dispose que :
“Les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, seront indemnisés dans les conditions définies aux articles L422-1 à L422-33.”
Selon l’article 421-1 du code pénal, “constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration”.
Monsieur [L] [U] assistait au concert donné au Bataclan le 13 novembre 2015 au cours duquel un acte de terrorisme a été commis. Au total, ce sont 130 personnes qui ont été tuées durant cette nuit où ont été commis plusieurs actes terroristes.
Il a ainsi été victime directe de l’attentat terroriste du 13 novembre 2015 et le FGTI ne conteste pas cette qualification.
Par conséquent, il sera déclaré recevable en l’ensemble de ses demandes.
II- Sur la réparation des préjudices de Monsieur [L] [U]
Le rapport d’expertise ci-dessus évoqué présente un caractère complet, informatif et objectif. Il est corroboré par d’autres pièces médicales et a pu être discuté par les deux parties.
Au vu de l’ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [L] [U], né le [Date naissance 3] 1980 et directeur artistique lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.
– PRÉJUDICES PATRIMONIAUX
– Dépenses de santé
Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec le fait dommageable.
En l’espèce, Monsieur [L] [U] demande dans ses dernières écritures à ce que le poste des frais médicaux futurs soit réservé.
Le FGTI s’y oppose.
Le rapport d’expertise a conclu à la nécessité de séances d’EMDR, le requérant justifiant poursuivre des soins auprès d’un psychologue.
Dans ces conditions, ce poste sera réservé.
– PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
– Préjudices extra-patrimoniaux temporaires
– Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de Jonction, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.
Monsieur [L] [U] sollicite la somme de 7.114,87 euros sur la base d’un taux de 28,38 euros pour un déficit fonctionnel total, le FGTI offrant la somme de 6.267,50 euros sur la base d’un taux de 25 euros.
En l’espèce, l’expert retient les éléments suivants :
– Gêne temporaire partielle à 50% du 13 au 15/11/2015 (3 jours).
– Gêne temporaire partielle à 30% du 16/11/2015 au 16/11/2017 (732 jours).
– Gêne temporaire partielle à 20% du 17/11/2017 au 13/04/2018 (148 jours).
Sur la base d’une indemnisation de 28 euros par jour pour un déficit total, adaptée à la situation décrite, il sera alloué la somme de 7.019,60 euros, soit : [3 jours x 28 eurosx50%] + [732 j x 28 euros x 30%] + [148 j x 28 euros x30%].
– Souffrances endurées
Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa Jonction. A compter de la Jonction, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.
Monsieur [L] [U] sollicite la somme de 20.000 euros et le FGTI acquiesce.
En l’espèce, l’expert a retenu des souffrances endurées cotées à 4/7 compte tenu notamment d’un état de stress post-traumatique avec éléments dissociatifs péri-traumatiques (amnésie dissociative brève et déréalisation), ainsi que des suites somatiques avec des acouphènes bilatéraux à type de sifflement.
De plus, les pièces médicales fournies par le requérant établissent l’intensité du traumatisme, qui a nécessité la mise en place de divers suivis (psychologique, sophrologique, médicamenteux etc…). Les attestations versées, notamment du requérant lui-même, viennent également étayer le vécu extrêmement douloureux des faits, qui a eu un impact sur tous les aspects de sa vie.
En conséquence, les souffrances endurées subies par Monsieur [L] [U] seront réparées par l’allocation de la somme de 20.000 euros.
– Préjudice d’angoisse de mort imminente
Le préjudice d’angoisse de mort imminente est ressenti par la victime directe entre le début du fait traumatique et l’issue de celui-ci constituée soit par la prise en charge par les services de secours de la victime vivante, soit par son décès. Il est lié à la conscience du risque de mort de manière distincte des souffrances morales indemnisables au titre du poste de préjudice temporaire intitulé « souffrances endurées ».
Cette souffrance est, par ailleurs, spécifique du fait du contexte collectif de l’infraction subie qui a amplifié ce sentiment d’angoisse, notamment du fait du nombre de personnes impliquées, de leurs réactions, ainsi qu’en raison de l’importante couverture médiatique en temps réel de cet acte de terrorisme.
Monsieur [L] [U] sollicite la somme de 80.000 euros, et le FGTI offre la somme de 30.000 euros.
En l’espèce, l’expert a retenu un préjudice d’angoisse qu’il qualifie de «majeur».
Au regard des éléments produits aux débats sur les faits, soit les récits précis et personnels du requérant, il est établi que Monsieur [L] [U] a été exposé directement à un risque de mort dans la salle du Bataclan en étant positionné dans le champ des tirs des terroristes et en se retrouvant ensuite dans la fosse au milieu des corps blessés ou sans vie, alors qu’étaient visées les personnes encore vivantes. Il a dû faire face durant un certain temps à l’incertitude sur son propre sort et à la crainte de ne pas revoir sa famille avant de parvenir à fuir, cette fuite le mettant en danger. La séparation avec son ami proche a été également source d’une inquiétude spécifique.
Ce préjudice caractérisé peut, ainsi, être indemnisé.
Au regard de ces éléments, il lui sera alloué la somme de 50.000 euros.
– Préjudices extra-patrimoniaux permanents
– Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la Jonction, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence.
En l’espèce, Monsieur [L] [U] sollicite la somme de 49.509 euros tenant compte d’un taux de 13% et d’une méthode de calcul basée sur une indemnisation viagère du préjudice. Le FGTI offre la somme de 23.958 euros sur la base des conclusions d’expertise et après déduction de l’indemnisation de la MACIF.
Sur ce, d’une part, la méthodologie dont il est demandé l’application, basée sur une indemnisation journalière en fonction du taux de déficit retenu et de l’espérance de vie de la victime, comme pour le déficit fonctionnel temporaire, ne tient pas compte du fait que ce poste est un poste permanent qui est distinct des autres préjudices permanents comme le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel, qui font l’objet d’un examen autonome, ce qui n’est pas le cas du poste de déficit fonctionnel temporaire qui englobe ces préjudices temporaires.
Dès lors, il convient d’écarter la méthodologie appliquée par le demandeur et d’apprécier ce préjudice en fonction de l’âge de la victime au jour de la Jonction, des séquelles décrites et du taux de déficit retenu.
D’autre part, il a été retenu dans les conclusions de synthèse de l’expertise un taux global de 12% tenant compte du taux de 10% retenu au plan psychiatrique et du taux de 3% retenu au plan ORL. Ainsi, ce taux relève de la synthèse effectuée par l’expert désigné et ne peut être critiqué du seul fait qu’il ne résulte pas d’une addition des deux taux.
Partant, la victime, souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 12%, et étant âgée de 38 ans lors de la Jonction de son état, il lui sera alloué une indemnité calculée sur la base d’un point d’incapacité de 2.300 euros, soit 27.600 euros (2.300×12).
De plus, les parties s’accordent pour déduire de ce poste la somme de 4.002 euros versée par la MACIF au titre d’une garantie accidents de la vie.
Par conséquent, il sera alloué la somme de 23.598 euros.
– Préjudice sexuel
La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), et la fertilité de la victime.
Il est demandé une somme de 5 000 euros et offert 2 000 euros.
En l’espèce, l’expert a retenu à ce sujet ce qui suit : «diminution de la libido sans que nous puissions nous prononcer sur le caractère définitif (effet iatrogène de l’antidépresseur).»
Outre les conclusions de l’expert et les déclarations propres du requérant, il est produit une attestation de sa compagne sur ce point.
Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 5.000 euros à ce titre.
– Préjudice d’agrément
Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités.
Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.
Monsieur [L] [U] sollicite la somme de 10.000 euros et il est offert 3 000 euros.
En l’espèce, l’expert a retenu un tel préjudice : «pour les concerts et les sorties culturelles qui n’ont pas été reprises à la fréquence antérieure aux attentats».
Le requérant fait valoir qu’il ne peut profiter de sorties, notamment au concert, comme il le faisait auparavant. Il est également gêné par ses acouphènes pour les interactions sociales en groupe et la fréquentation de certains lieux. Ces éléments sont corroborés par l’attestation de sa compagne.
En revanche, il ne peut être indemnisé au titre de ce poste les doléances liées à sa reconversion professionnelle.
Au regard de ces éléments, la limitation des activités sera indemnisée à hauteur de 7.500 euros.
– Préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme
Ce poste de préjudice a été retenu par le FGTI à la suite d’une délibération de son conseil d’administration du 19 mai 2014 et est destiné à prendre en compte la spécificité de la situation des victimes directes ou indirectes d’un acte de terrorisme et notamment de l’état de stress post traumatique et des troubles liés au caractère particulier de cet événement.
La nomenclature Dintilhac n’a pas prévu ce poste de préjudice en tant que tel mais a néanmoins retenu la possibilité de reconnaître l’existence de préjudices permanents exceptionnels en raison des circonstances particulières de commission des faits et de leur résonance.
En l’espèce, l’attentat terrorisme du 13 novembre 2015 a été commis dans des circonstances particulières du fait à la fois de sa nature, s’agissant d’un acte d’intimidation et de terreur d’une Nation entière, et de sa dimension collective, cet acte ayant été commis dans le but de gravement déstabiliser ou détruire ses structures et de porter atteinte à l’ensemble de ses citoyens. Ces faits dramatiques ont, en outre, eu une résonance majeure et durable dans l’opinion publique et dans les médias.
Ces faits à la dimension nationale et même internationale causent à Monsieur [L] [U] de manière permanente un préjudice moral exceptionnel lié au caractère collectif de l’acte subi, aux motivations de ses auteurs, à la médiatisation des faits, et à la réitération de passages à l’acte de même nature.
En conséquence, il sera alloué la somme de 30.000 euros conformément à l’accord intervenu entre les parties.
III- Sur les autres demandes
Le FGTI prendra à sa charge les dépens de l’instance.
En outre, le FGTI sera condamné à payer la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de plein droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
Dit que Monsieur [L] [U] a été victime d’un acte de terrorisme le 13 novembre 2015 et qu’il a droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale en application des articles L126-1 et L422-1 et suivants du code des assurances ;
Condamne le FGTI à payer à Monsieur [L] [U], en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes en réparation des préjudices subis en tant que victime directe de l’attentat terroriste :
– déficit fonctionnel temporaire : 7.019,60 euros,
– souffrances endurées : 20.000 euros,
– préjudice d’angoisse de mort imminente : 50.000 euros,
– déficit fonctionnel permanent : 23.598 euros,
– préjudice sexuel : 5.000 euros,
– préjudice d’agrément : 7.500 euros,
– préjudice spécifique des victimes d’actes de terrorisme : 30.000 euros ;
Réserve les demandes de Monsieur [L] [U] au titre des dépenses de santé futures ;
Déclare la décision commune à la CPAM de Seine Saint Denis ;
Condamne le FGTI à payer à Monsieur [L] [U] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le FGTI aux dépens de l’instance ;
Rappelle que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Fait et jugé à Paris le 12 Décembre 2024
Le Greffier Le Président