Examen du droit à l’exonération fiscale pour la valorisation énergétique des déchets dans le cadre des installations de cogénération

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Examen du droit à l’exonération fiscale pour la valorisation énergétique des déchets dans le cadre des installations de cogénération

Contexte de l’affaire

La SAS ECONOTRE gère un centre de valorisation énergétique des déchets à [Localité 2], où elle incinère des déchets ménagers non recyclables pour produire de l’électricité et de la chaleur. Dans le cadre de cette activité, elle paie la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE).

Demande de remboursement

Le 13 janvier 2021, ECONOTRE a demandé le remboursement de la TICFE et de la TICPE pour l’année 2018. La DIRECTION REGIONALE DES DOUANES a accepté le remboursement de la TICFE, mais a demandé des précisions sur l’éligibilité à l’exonération de la TICPE.

Réponse d’ECONOTRE

En réponse, ECONOTRE a soutenu que, selon le principe d’interdiction de double taxation, le propane utilisé pour produire de l’électricité devait être exonéré. Elle a également fourni un contrat d’achat d’électricité avec la société SOVEN.

Position de la DIRECTION GENERALE DES DOUANES

Le 22 novembre 2021, la DIRECTION GENERALE DES DOUANES a clarifié que les installations de cogénération, comme celle d’ECONOTRE, n’étaient pas éligibles à l’exonération de la TICPE. Le 6 décembre 2021, la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES a rejeté la demande de remboursement.

Action en justice

En réponse au rejet, ECONOTRE a assigné la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES devant le tribunal judiciaire de Toulouse le 10 mars 2022, demandant l’annulation de la décision de rejet et le remboursement de 14 885 euros.

Arguments d’ECONOTRE

ECONOTRE a fait valoir que son installation ne devait pas être considérée comme une installation de cogénération, car elle utilise des déchets comme source d’énergie. Elle a également cité des directives européennes et des décisions de la CJUE pour soutenir son droit à l’exonération de la TICPE.

Réponse de la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES

La DIRECTION REGIONALE DES DOUANES a demandé au tribunal de rejeter les demandes d’ECONOTRE, arguant que l’utilisation de propane dans une installation de cogénération excluait l’exonération de la TICPE. Elle a également souligné que la qualification d’UVE pouvait coexister avec celle de cogénération.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que la société ECONOTRE avait droit à l’exonération de la TICPE pour le propane utilisé pour produire de l’électricité en 2018. Il a annulé la décision de rejet de la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES et a ordonné le remboursement de 14 884,85 euros, ainsi que le paiement de 3 000 euros pour les frais irrépétibles.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quel est le cadre juridique de l’exonération de la TICPE pour la société ECONOTRE ?

La société ECONOTRE invoque l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en vertu de l’article 14 de la directive 2003/96/CE, qui stipule que les États membres doivent exonérer de taxation les produits énergétiques et l’électricité utilisés pour produire de l’électricité ou pour maintenir la capacité à produire de l’électricité.

Cette directive a été transposée dans le code des douanes français, notamment à travers l’article 265 bis, qui précise que les produits énergétiques sont exonérés de TICPE lorsqu’ils sont utilisés pour la production d’électricité, à l’exclusion des installations mentionnées à l’article 266 quinquies A.

L’article 266 quinquies A, dans sa version applicable au litige, exclut les installations de cogénération du bénéfice de l’exonération, ce qui est contesté par la société ECONOTRE.

En effet, la société soutient que son unité de valorisation énergétique (UVE) ne peut pas être qualifiée d’installation de cogénération, car elle utilise principalement des déchets comme source d’énergie, et non un produit énergétique comme le propane.

Quels sont les arguments de la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES concernant l’exclusion de l’exonération ?

La DIRECTION REGIONALE DES DOUANES de [Localité 4] soutient que la société ECONOTRE utilise du gaz propane, qui est soumis à la TICPE, sauf exonération prévue à l’article 265 bis du code des douanes.

Elle fait valoir que l’article 266 quinquies A exclut de son champ d’application les produits utilisés dans les installations de cogénération mises en service après le 31 décembre 2007.

La DIRECTION REGIONALE des DOUANES affirme également que la qualification d’UVE peut se cumuler avec celle de cogénération, car l’incinération des déchets produit à la fois de l’énergie thermique et de l’énergie électrique.

Elle souligne que les trois conditions cumulatives pour qualifier une installation de cogénération, selon l’article 1er du décret n° 93-974 du 27 juillet 1993, ne comprennent pas celle de l’usage d’une seule source d’énergie.

Ainsi, la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES conclut que la société ECONOTRE est soumise aux règles des installations de cogénération, qui sont exclues du dispositif d’exonération prévu à l’article 265 bis 3 a) du code des douanes.

Comment la société ECONOTRE justifie-t-elle son droit à l’exonération de la TICPE ?

La société ECONOTRE fait valoir plusieurs arguments pour justifier son droit à l’exonération de la TICPE.

Elle soutient que la directive 2003/96/CE prévoit l’exonération de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques et de l’électricité utilisés pour produire de l’électricité, et que cette exonération a été transposée à l’article 265 bis du code des douanes.

Elle argue que son UVE ne peut pas être qualifiée d’installation de cogénération, car la source de la production d’électricité et de chaleur ne serait pas un unique produit énergétique, mais la combustion de déchets.

De plus, la société ECONOTRE précise que le propane est utilisé uniquement pour démarrer le four et augmenter la combustibilité des déchets, et non comme source principale d’énergie.

Elle souligne également que l’article 266 quinquies A ne s’applique pas à son cas, car elle ne bénéficie pas d’un contrat d’obligation d’achat pour l’électricité produite.

Quelle est la position du tribunal concernant la demande de remboursement de la TICPE ?

Le tribunal a statué en faveur de la société ECONOTRE, considérant qu’elle est fondée à obtenir le remboursement de la somme de 14 884,85 euros correspondant à la TICPE acquittée en 2018 pour sa consommation de gaz propane utilisé pour produire de l’électricité.

Le tribunal a relevé que l’application combinée des articles 265 bis 3 a) et 266 quinquies A du code des douanes, dans leur version en vigueur durant l’année 2018, était contraire à l’article 14 de la directive 2003/96/CE.

Cette directive impose aux États membres l’exonération obligatoire des produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité, même lorsqu’ils sont utilisés pour la production combinée de celle-ci et de chaleur.

Le tribunal a également noté que la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES avait reconnu que la directive avait été incorrectement transposée, ce qui a justifié l’abrogation de l’article 266 quinquies A au 1er janvier 2019.

En conséquence, le tribunal a annulé la décision de rejet de la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES et a ordonné le remboursement de la TICPE à la société ECONOTRE.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG n° 22/01237
MINUTE N° : 24/1006
JUGEMENT DU : 12 Décembre 2024
DOSSIER : N° RG 22/01237 – N° Portalis DBX4-W-B7G-QXPB
NAC : 92Z

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL – Fil 5

JUGEMENT DU 12 Décembre 2024

PRESIDENT

Madame DURIN, Juge
Statuant à juge unique conformément aux dispositions des
articles R 212-9 et 213-7 du Code de l’Organisation judiciaire

GREFFIER

Madame GIRAUD, Greffier

DEBATS

à l’audience publique du 08 Octobre 2024, les débats étant clos, le jugement a été mis en délibéré à l’audience de ce jour.

JUGEMENT

Contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe.
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDERESSE

S.A.S. ECONOTRE, RCS Toulouse B 410 782 188, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Frédéric LANGLOIS, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant, vestiaire : 182 et par Maître Stéphane CHASSELOUP de KPMG AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, avocat plaidant,

DEFENDERESSE

Etablissement public DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Jean-luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocats au barreau de TOULOUSE, avocats postulant, vestiaire : 61 et par Maître Jean DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant,

EXPOSE DU LITIGE

La SAS ECONOTRE exploite un centre de gestion de déchets à [Localité 2] où elle exerce notamment une activité de valorisation énergétique des déchets ménagers non recyclables.

Ces déchets sont incinérés dans un four consommant du propane où la vapeur produite est utilisée pour générer de l’électricité et de la chaleur, qui sont autoconsommées ou revendues.

Dans le cadre de cette activité, la société ECONOTRE s’acquitte de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE).

Le 13 janvier 2021, la société ECONOTRE a demandé à la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] un remboursement de la TICFE supportée pour l’année 2018, qui lui a été accordé, ainsi que de la TICPE supportée pour l’année 2018 pour sa consommation de propane.

Par courrier du 16 février 2021, la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES a sollicité une copie de la position formelle de l’administration sur l’éligibilité des usines de cogénération aux dispositifs d’exonération de TICPE ainsi que de tout élément concernant les modalités de vente de l’électricité produite par le site.

Par courrier du 4 mars 2021 la société ECONOTRE a répondu qu’en vertu du principe d’interdiction de double taxation, les produits énergétiques utilisés pour la production d’électricité, tel que le propane, doivent être exonérés en amont et a joint son contrat d’achat d’électricité conclu avec la société SOVEN en 2015.

Le 22 novembre 2021, la DIRECTION GENERALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS a pris une position formelle sur le bénéfice de l’exonération de TICPE pour les combustibles utilisés par les UVE du groupe SUEZ RV SUD OUEST dans les fours et pour le traitement des fumées.

Par courrier du 6 décembre 2021, la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] a rejeté la demande de remboursement de la TICPE aux motifs que l’article 266 quinquies A était toujours en vigueur et visait les installations de cogénération exlues du dispositif d’exonération prévu à l’article 265 bis 3 a) du code des douanes, que l’article 266 quinquies-5-a excluait l’exonération pour l’électricité produite à partir d’installations de cogénération bénéficiant d’un contrat d’achat et que la prise de position formelle de la DGDDI du 2 novembre 2020 n’était pas opposable car ne concernait que la TICFE.

Par acte d’huissier en date du 10 mars 2022 la SAS ECONOTRE a fait assigner la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins d’obtenir l’annulation de la décision de rejet du 6 décembre 2021 et sa condamnation à lui rembourser la somme de 14 885 euros.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023, la société ECONOTRE demande au tribunal, au visa de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 et des articles 265 bis et 266 quinquies A du code des douanes, de :
– déclarer la société ECONOTRE recevable et bien fondée en ses demandes,
– annuler la décision de rejet du 6 décembre 2021 de la Direction régionale des douanes de [Localité 4], en ce qu’elle rejette la demande de remboursement de TICPE formulée par la Société ECONOTRE,
– condamner la Direction régionale des douanes de [Localité 4] au remboursement de la somme de 14 885 euros au titre de la demande de remboursement de la TICPE portant sur la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018, que cette dernière a refusé par décision du 6 décembre 2021 et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la demande de remboursement datée du 13 janvier 2021,
– condamner la Direction régionale des douanes de [Localité 4] à payer à la Société ECONOTRE la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société ECONOTRE fait valoir que :
– la directive 2003/96/CE prévoyait l’exonération de taxe intérieure de consommation des produits énergétiques et de l’électricité utilisés pour produire de l’électricité, et a été notamment transposée à l’article 265 bis du code des douanes, qui a repris cette exonération à l’exclusion des produits utilisés dans des installations mentionnées à l’article 266 quinquies A relatif aux installations de cogénération,
– son unité de valorisation énergétique (UVE) ne peut être qualifiée d’installation de cogénération, qui suppose la production combinée de deux formes d’énergie différente à partir d’une même source de produits énergétiques, or en l’espèce seuls les déchets, qui ne constituent pas un produit énergétique, constituent la source d’énergie puisque le gaz propane ne constitue pas la source d’énergie mais sert uniquement à démarrer le four et à augmenter la combustibilité des déchets,
– l’article 266 quinquies A du code des douanes n’est donc pas applicable à son UVE,
– le paragraphe 5.a de l’article 266 quinquies, qui ne concerne au demeurant que le gaz naturel et non le gaz propane, ne peut non plus lui être opposé dès lors qu’elle vend l’électricité produite sur le marché libre et qu’elle ne bénéficie pas d’un contrat d’obligation d’achat,
– les rescrits délivrés par la DGDDI confirment sa position et son droit à exonération de la TICPE,
– la DGDDI n’a pas considéré que que les UVE du groupe SUEZ RV SUD OUEST répondaient à la définition d’installations de cogénération exclues du bénéfice de l’exonération de TICPE,
– l’arrêté du 25 juin 2008 pris pour l’application des dispositions du 3.a de l’article 265 bis du code des douanes prévoit que les produits énergétiques utilisés pour le démarrage des centrales de production d’électricité et pour le maintien des capacités de production d’électricité sont également exonérés, ce qu’a récemment confirmé la CJUE dans un arrêt du 9 mars 2023,

– la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES fait une lecture erronée de l’article 15 de la directive, qui ne permet pas aux Etats d’écarter l’application du régime d’exonération obligatoire prévu à l’article 14 de cette même directive mais seulement d’étendre, s’ils le souhaitent, l’exonération aux produits énergétiques également destinés à produire de la chaleur,
– la CJUE a condamné l’interprétation faite par la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES dans le présent litige des articles 14 et 15 de la directive, qui engendrerait une double taxation des produits énergétiques interdite par le droit de l’Union Européenne,
– la cour d’appel d’Amiens a également confirmé son interprétation, pour une cogénération fonctionnant au gaz naturel,
– l’exonération obligatoire de l’article 14 de la directive 2003/96/CE, claire précise et inconditionnelle, s’applique donc aux produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité et pour maintenir les capacités de production de l’électricité, à compter du 1er janvier 2004, et ce indépendamment de dispositions nationales contraires,
– contrairement à ce que soutient l’administration, sa demande de remboursement porte précisément sur la seule quote-part du gaz propane servant à la production d’électricité et exclut celle destinée à la production de chaleur,
– la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES a reconnu dans ses écritures que l’exonération de TICPE n’est soumise à aucune autre condition.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 mars 2023, la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] demande au tribunal de :
– débouter la société ECONOTRE de l’ensemble de ses demandes,
– juger que la décision de rejet du 6 décembre 2021 est valide,
– condamner la société ECONOTRE à payer à l’Administration des douanes et
droits indirects la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société ECONOTRE aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] fait valoir que :
– l’article 15 1 c de la directive 2003/96/CE autorise les Etats membres à exonérer de taxation les produits énergétiques utilisés pour la production combinée de chaleur et d’énergie de sorte qu’à défaut d’exercice de cette option, les produits énergétiques utilisés pour la production combinée de chaleur et d’électricité sont soumis aux droits d’accises,
– la société ECONOTRE utilise du gaz propane comme combustible, qui est soumis à la TICPE, sauf exonération prévue à l’article 265 bis du code des douanes, qui exclut de son champ d’application les produits utilisées dans les installations mentionnées à l’article 266 quinquies A, soit les installations de cogénération mises en service après le 31 décembre 2007,
– la qualification d’UVE peut se cumuler avec celle de cogénération dès lors que l’incinération des déchets produit à la fois de l’énergie thermique et de l’énergie électrique,
– les trois conditions cumulatives permettant de qualifier une installation de cogénération reprises à l’article 1er du décret n° 93-974 du 27 juillet 1993 ne comprennent pas celle alléguée par la demanderesse de l’usage d’une seule source d’énergie,
– le fait que l’électricité produite par la société ECONOTRE soit revendue sur le marche libre est indifférent quant à son droit à l’exonération de la TICPE puisque l’article 266 quinquies n’est applicable qu’à la TICGN, relative au gaz naturel,
– les déchets ne constituent pas une source d’énergie mais un combustible, actionné par de l’énergie, à savoir en l’espèce du gaz propane,
– le site internet de la société SUEZ, société mère de la société ECONOTRE, présente le site de [Localité 2] comme une installation de cogénération,
– la société ECONOTRE est donc soumise aux règles des installations de cogénération, qui sont exclues du dispositif d’exonération prévu à l’article 265 bis 3, a) du code des douanes,
– l’article 266 quinquies A du code des douanes a été abrogé le 1er janvier 2019 car il constituait une mauvaise transposition de la directive, qui oblige les Etats membres à exonérer de taxe tous les produits énergétiques dont la consommation permettait de produire de l’électricité,
– néanmoins seule la part des produits énergétiques utilisés pour la production effective d’électricité est exonérée de la taxe intérieure de consommation portant sur ces produits, à l’exclusion de celle ayant servi à des usages non-exonérés tels que la production d’énergie thermique, or la société ECONOTRE n’a pas chiffré la seule quantité de gaz utilisée pour produire de l’électricité,
– la société ECONOTRE soutient même ne pas utiliser de gaz propane pour produire de l’électricité donc elle ne peut solliciter une exonération de TICPE pour ce motif,
– s’il devait être considéré que la société ECONOTRE n’exploite pas une installation de cogénération, elle ne serait pour autant pas fondée à bénéficier d’un remboursement dès lors que l’article 266 quinquies A du code des douanes réservait l’exonération à certaines installations de cogénération,
– le rescrit du 22 novembre 2021 est postérieur à l’année 2018 en litige et ne peut être rétroactivement appliqué puisque si l’exclusion des installations de cogénération a été abrogée à compter du 1er janvier 2020 elle demeurait applicable en 2018,
– le rescrit du 2 novembre 2020 relatif à l’éligibilité de l’exonération de la TICFE ne peut être invoqué à une autre situation,
– l’article 1er de l’arrêté du 25 juin 2008 visé par l’administration des douanes précise que l’exonération ne s’applique pas aux produits énergétiques utilisés dans des installations de cogénération.

Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2024, l’affaire a été évoquée à l’audience du 8 octobre 2024 et mise en délibéré au 12 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur le droit de la société ECONOTRE à l’exonération de la TICPE

L’article 14 de la directive 2003/96/CE dispose notamment que les Etats membres exonèrent de taxation les produits énergétiques et l’électricité utilisés pour produire de l’électricité ou pour maintenir la capacité à produire de l’électricité.

L’article 15 de cette même directive dispose notamment que les Etats membres peuvent appliquer sous contrôle fiscal des exonérations totales ou partielles ou des réductions du niveau de taxation aux produits énergétiques et à l’électricité utilisés pour la production combinée de chaleur et d’énergie.

En vertu du principe de primauté, le juge national est tenu d’écarter la loi nationale lorsque celle-ci est contraire au droit de l’Union Européenne.

Un effet direct pouvant être invoqué par un particulier à l’encontre d’un Etat membre doit être reconnu aux directives, en cas d’absence de transposition en droit interne dans le délai ou en cas de transposition incorrecte, lorsque ses termes sont inconditionnels, clairs et précis et qu’ils confèrent un droit aux particuliers.

L’article 265 du code des douanes dispose que les produits énergétiques figurant aux tableaux annexés et où figure notamment le propane, mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible sont passibles d’une taxe intérieure de consommation.

L’article 265 bis 3. a) du code des douanes, dans sa version applicable au litige, dispose que les produits énergétiques mentionnés à l’article 265 sont admis en exonération des taxes intérieures de consommation lorsqu’ils sont utilisés pour la production d’électricité, à l’exclusion des produits utilisés dans des installations mentionnées à l’article 266 quinquies A et des produits utilisés pour leurs besoins par les petits producteurs d’électricité au sens du 4° du 5 de l’article 266 quinquies C.

L’article 266 quinquies A du code des douanes, dans sa version applicable au litige, dispose notamment que les livraisons de gaz naturel et d’huiles minérales destinés à être utilisés dans des installations de cogénération, pour la production combinée de chaleur et d’électricité ou de chaleur et d’énergie mécanique, sont exonérées des taxes intérieures de consommation prévues aux articles 265 et 266 quinquies pendant une durée de cinq années à compter de la mise en service des installations.

L’article 3 de l’arrêté du 25 juin 2008, pris pour l’application des dispositions du a du 3 de l’article 265 bis du code des douanes dispose que les produits énergétiques utilisés pour le démarrage des centrales de production d’électricité et pour le maintien des capacités de production d’électricité sont également exonérés de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques au titre de la production d’électricité.

Il résulte de la lecture combinée de ces dispositions que le propane utilisé pour concourir directement à la production d’électricité est exonéré de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, sauf s’il est utilisé dans une installation de cogénération.

L’article 1 du décret n° 93-974 du 27 juillet 1993 définissant les installations de cogénération ouvrant droit à l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur le fioul lourd, sur le gaz naturel et le gaz de raffinerie dispose que sont concernées les installations répondant aux trois conditions suivantes : a) comporter une turbine ou un moteur à combustion, ou une turbine à vapeur permettant une production combinée, à partir de combustibles, de deux énergies utiles, mécanique et thermique, avec un rendement global au moins égal à 65 p. 100 ; b) développer une puissance mécanique ou électrique au moins égale à 250 kW ; c) présenter un rapport « énergie thermique produite sur énergie mécanique ou électrique produite » compris entre 0,5 et 10.

En l’espèce, le litige porte sur le droit de la société ECONOTRE à bénéficier de l’exonération de la TICPE acquittée pour l’année 2018 sur le propane utilisé pour produire de l’électricité dans une unité de valorisation énergétique produisant également de la chaleur.

Ce droit est contesté par la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] aux motifs, aux termes de ses conclusions, que les installations de cogénération étaient exclues du bénéfice de l’exonération, que la société ECONOTRE soutient ne pas utiliser de gaz propane pour produire de l’électricité, que la part utilisée pour seulement produire de l’électricité n’a pas été chiffrée et que les rescrits des 2 novembre et 22 novembre 2021 ne sont pas applicables à la période de taxation 2018.

Il doit ainsi en premier lieu être constaté que le second motif de refus invoqué dans la décision du 6 décembre 2021, tiré du bénéfice d’un contrat d’achat pour l’électricité produite, est abandonné par l’administration.

Les parties s’accordent en effet à considérer que ce critère n’était prévu que par l’article 266 quinquies, qui régissait la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), non applicable au présent litige relatif au gaz propane qui relève de la TICPE prévue par l’article 265 du code des douanes.

Il doit en conséquence être considéré, ainsi que le reconnaît la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES, que ce motif du bénéfice d’un contrat d’achat pour l’électricité produite par la société ECONOTRE ne pouvait être utilement invoqué pour refuser sa demande d’exonération.

En deuxième lieu, s’agissant de l’exclusion des installations de cogénération du dispositif d’exonération, la société ECONOTRE soutient que son UVE ne peut être qualifiée d’installation de cogénération car la source de la production d’électricité et de chaleur ne serait pas un unique produit énergétique mais la combustion de déchets, et qu’à défaut cette exclusion serait contraire à l’article 14 de la directive 2003/96/CE.

Contrairement à ce que soutient la société ECONOTRE, la seule mention sur le site internet de l’administration des douanes de la production de manière combinée de deux formes d’énergie différente « à partir d’une même source de produits énergétiques » ne saurait ériger ce critère en une condition légale de qualification d’une installation de cogénération, étant précisé que ce même site internet cite ensuite comme critères uniquement ceux prévus à l’article 1 du décret n° 93-974 du 27 juillet 1993, sans reprendre celui de l’utilisation d’un seul produit énergétique source.

En conséquence, et dès lors que la société ECONOTRE ne conteste pas que son UVE, qui produit de manière combinée de l’électricité et de la chaleur, remplit les critères règlementaires précités de qualification en installation de cogénération, elle n’est pas fondée à soutenir que cette qualification devrait être exclue au seul motif que les énergies produites le sont par l’incinération de déchets ménagers.

Il en résulte que l’application des dispositions nationales en vigueur à la date de la période d’imposition litigieuse aurait pour effet de priver la société ECONOTRE d’exonération de la taxation du propane qu’elle utilise dans une installation de cogénération pour produire à la fois de de l’électricité et de la chaleur.

Or, par un arrêt du 7 mars 2018, la Cour de justice de l’Union Européenne a jugé que l’article 14 de la directive 2003/96 en ce qu’il impose aux Etats membres l’exonération obligatoire des produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité prévoit une obligation précise et inconditionnelle conférant aux particuliers le droit de s’en prévaloir directement devant les juridictions nationales et qu’il s’applique aux produits énergétiques utilisés pour la production d’électricité, même lorsqu’ils sont utilisés pour la production combinée de celle-ci et de chaleur au sens de l’article 15 de la directive.

Il en résulte que l’application combinée des article 265 bis 3. a) et 266 quinques A du code des douanes, dans leur version en vigueur durant l’année 2018, est contraire à l’article 14 de la directive 2003/96 en tant qu’elle aurait pour effet d’exclure de l’exonération obligatoire prévue par cet article la taxation du propane utilisé par une installation de cogénération pour produire de l’électricité.

La DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] ne conteste pas que la directive a été incorrectement transposée en ce qu’elle privait d’exonération la part des produits énergétiques servant à la production d’électricité utilisés par les installations de cogénération, et indique même que ce défaut de transposition a justifié l’abrogation de l’article 266 quinquies A au 1er janvier 2019.

Il y a en conséquence lieu d’écarter l’application de ces articles au litige, qui aurait pour effet de faire obstacle à l’application du droit de l’Union Européenne.

La société ECONOTRE est en conséquence bien fondée à soutenir que le fait que son installation soit qualifiée de cogénération ne constitue pas un motif légitime du refus opposé à son droit de bénéficier de l’exonération de la TICPE acquittée en 2018 sur le propane qu’elle a utilisé pour produire de l’électricité.

Contrairement à ce qu’indique la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES dans ses conclusions, la société ECONOTRE soutient utiliser du propane pour démarrer le four et maintenir sa capacité de production, et il n’est pas contesté qu’une telle utilisation concourt directement à la production d’électricité générée par la vapeur résultant de l’incinération des déchets.

Enfin, il n’est pas contesté que seule la part du gaz propane utilisé pour la production effective d’électricité doit bénéficier de l’exonération de la taxe intérieure de consommation portant sur ce produit.

Contrairement à ce que soutient la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4], la société ECONOTRE a chiffré dans sa demande d’exonération la seule part de propane utilisé pour produire de l’électricité et l’a distinguée de celle ayant contribué à produire de la chaleur, ce qui l’a conduite à solliciter le remboursement d’une somme de 14 884,85 euros sur la taxe de 15 736,77 euros acquittée.

La DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ne conteste ni ne justifie d’aucun élément susceptible de remettre en cause à la formule employée par la société ECONOTRE pour déterminer la part de la consommation de propane de son installation de cogénération de [Localité 2] destinée à la seule production d’électricité, obtenue à partir du rapport entre l’énergie électrique produite et la totalité de l’énergie, électrique et thermique, produite, les énergies étant comptabilisées sous forme d’énergie primaire.

Il doit également être constaté qu’une formulaire similaire a été validée par la DIRECTION GENERALE DES DOUANES dans son rescrit du 2 novembre 2020 pour le calcul de la part de consommation d’électricité utilisée pour la seule production d’électricité d’une UVE produisant à la fois de la chaleur et de l’électricité.

Il résulte ainsi de tout ce qui précède que la société ECONOTRE est fondée à obtenir le remboursement de la somme de 14 884,85 euros correspondant à la TICPE acquittée en 2018 au titre de sa consommation de gaz propane destiné à produire de l’électricité dans son UVE de [Localité 2], qui produit à la fois de l’électricité et de la chaleur.

Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2021, date à laquelle la société ECONOTRE en a sollicité le remboursement.

2. Sur les demandes accessoires

2.1. Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4], partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’instance.

2.2. Sur les frais irrépétibles

L’article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie, la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l’équité, de la situation économique de la partie condamnée.

En l’espèce, il y a lieu de condamner la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] à payer à la société ECONOTRE la somme de 3 000 euros sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort assorti de plein droit de l’exécution provisoire, par mise à disposition au greffe ;

ANNULE la décision de rejet de la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] du 6 décembre 2021,

CONDAMNE la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] à payer à la SAS ECONOTRE la somme de 14 884,85 euros au titre du remboursement de la TICPE acquittée pour l’année 2018 au titre de sa consommation de gaz propane utilisé pour produire de l’électricité,

CONDAMNE la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] aux dépens de l’instance,

CONDAMNE la DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 4] à payer à la SAS ECONOTRE la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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