Sommaire Contexte de l’affaireLa société Forestalia Renovables SL, spécialisée dans les énergies renouvelables et la fabrication de biomasse bois, a signé un contrat de prestation de services avec la société Reyranglade le 3 septembre 2015. Ce contrat, d’une durée de quinze ans, stipule que Forestalia s’engage à réaliser des plantations d’eucalyptus et de peupliers sur des parcelles appartenant à Reyranglade pour produire de la biomasse. Demande de requalificationLe 21 septembre 2017, Forestalia a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux pour demander la requalification de son contrat de prestation de services en bail rural. La société soutenait que les conditions d’un bail rural étaient remplies, notamment la mise à disposition d’un bien à usage agricole à titre onéreux pour y exercer une activité agricole. Arguments de la société ForestaliaForestalia a fait valoir plusieurs arguments pour contester le rejet de sa demande de requalification. Elle a affirmé que le contrat prévoyait la mise à disposition exclusive de terres agricoles pour une activité agricole, et que l’absence de preuve d’actes d’exploitation directe ne devait pas empêcher la qualification de bail rural. De plus, elle a soutenu que l’objet social de la société ne faisait pas obstacle à l’exercice d’une activité agricole. Réponse de la Cour d’appelLa cour d’appel a jugé que pour obtenir la requalification en bail rural, Forestalia devait prouver qu’elle exploitait effectivement les terres mises à sa disposition. Elle a constaté que les prestations étaient entièrement sous-traitées et que Forestalia n’effectuait aucun acte direct d’exploitation agricole. De plus, les factures produites étaient adressées à une entité non partie au contrat, ce qui a renforcé la décision de la cour. Conclusion de la courLa cour d’appel a conclu que le contrat ne pouvait pas être qualifié de bail rural, en se basant sur les éléments de preuve présentés. Par conséquent, le moyen soulevé par Forestalia n’a pas été jugé fondé. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions pour qu’un contrat soit requalifié en bail rural selon le Code rural et de la pêche maritime ?La requalification d’un contrat en bail rural est régie par l’article L. 411-1 du Code rural et de la pêche maritime, qui stipule que : « Constitue un bail rural la mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole. » Pour qu’un contrat soit requalifié en bail rural, il est nécessaire que : 1. L’immeuble mis à disposition soit à usage agricole. Il est également précisé que la condition tenant à l’exercice d’une activité agricole est remplie dès lors que l’activité effectivement déployée sur les lieux est conforme à l’affectation agricole. En d’autres termes, même si le bénéficiaire confie une partie de l’exécution des actes d’exploitation agricole à un tiers, cela ne doit pas affecter la qualification du contrat. Quels sont les éléments de preuve nécessaires pour établir l’exploitation directe des parcelles dans le cadre d’un bail rural ?Pour établir l’exploitation directe des parcelles, la cour d’appel a souligné qu’il était nécessaire que la société Forestalia démontre qu’elle assurait l’exploitation des terres à vocation agricole. Cela implique que la société doit réaliser des actes directs d’exploitation agricole, ce qui peut inclure : – La plantation, la culture ou la récolte de produits agricoles. La cour a constaté que les prestations étaient confiées en totalité à un sous-traitant, ce qui signifie que la société Forestalia ne réalisait aucun acte direct d’exploitation agricole. Ainsi, l’absence de preuve de l’exécution d’actes d’exploitation par la société Forestalia a été un élément déterminant dans le rejet de la requalification du contrat en bail rural. Comment l’objet social d’une société peut-il influencer la qualification d’un contrat en bail rural ?L’objet social d’une société, tel que défini dans ses statuts, peut avoir un impact sur la qualification d’un contrat en bail rural. Selon l’article 1711 du Code civil, un bail rural peut être conclu par une personne morale, à condition que son objet social ne l’exclue pas. Dans le cas présent, la cour d’appel a retenu que l’objet social de la société Forestalia, orienté vers une activité commerciale de vente d’énergies renouvelables, était incompatible avec l’exercice d’une activité de production agricole. Cependant, il est important de noter que seule l’exclusion explicite, dans l’objet social, de la possibilité de conclure des baux soumis au statut du fermage peut faire obstacle à l’exercice d’une activité agricole. La cour n’a pas constaté que l’objet social de la société excluait la possibilité de conclure des baux, ce qui soulève des questions sur la pertinence de cette argumentation dans le cadre de la requalification du contrat. Quels sont les effets de la sous-traitance sur la qualification d’un contrat de prestation de services en bail rural ?La sous-traitance peut avoir des effets significatifs sur la qualification d’un contrat de prestation de services en bail rural. Dans le cas examiné, la cour d’appel a noté que la société Forestalia avait confié l’ensemble des prestations à un sous-traitant. Cela a conduit à la conclusion que la société Forestalia ne réalisait aucun acte direct d’exploitation agricole, ce qui est une condition essentielle pour la qualification d’un bail rural. L’article L. 411-1 du Code rural et de la pêche maritime exige que le bénéficiaire du bail assure l’exploitation des parcelles. Si cette exploitation est entièrement déléguée à un tiers, cela peut justifier le rejet de la requalification du contrat. Ainsi, la cour a pu conclure que la convention ne pouvait pas recevoir la qualification de bail rural, en raison de l’absence d’actes d’exploitation directe par la société Forestalia. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-19.076
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 décembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 675 F-D
Pourvoi n° K 23-19.076
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024
La société Forestalia Renovables SL, dont le siège est [Adresse 1] (Espagne), a formé le pourvoi n° K 23-19.076 contre l’arrêt rendu le 9 mai 2023 par la cour d’appel de Nîmes (2e chambre civile, section B), dans le litige l’opposant à la société Reyranglade, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Forestalia Renovables SL, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Reyranglade, après débats en l’audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 9 mai 2023), la société Forestalia Renovables SL (la société Forestalia), société de droit espagnol dont les activités sont liées aux énergies renouvelables, comprenant notamment la fabrication de biomasse bois dans le domaine des bio-énergies par l’utilisation de déchets verts (feuillages), qu’elle propose ensuite à la vente, a conclu le 3 septembre 2015, avec la société Reyranglade un contrat de prestation de services pour un durée de quinze ans, aux termes duquel la société Forestalia s’engageait à effectuer des plantations d’eucalyptus et de peupliers pour produire de la biomasse bois sur des parcelles appartenant à la société Reyranglade.
2. Le 21 septembre 2017, la société Forestalia a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en requalification du contrat de prestation de services en bail rural.
Enoncé du moyen
3. La société Forestalia fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors :
« 1°/ que constitue un bail rural la mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole ; que la condition tenant à l’exercice d’une activité agricole sur le bien mis à disposition est remplie dès lors que l’activité effectivement déployée sur les lieux est conforme à l’affectation agricole voulue par les parties ; qu’en refusant de requalifier le contrat conclu entre la société Forestalia Renovables et la société La Reyranglade en bail rural, après avoir constaté que ce contrat prévoyait la mise à disposition de terres agricoles de manière exclusive au bénéfice de la société Forestalia Renovables SL et ce à titre onéreux, pour y exercer une activité agricole, effectivement réalisée, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que constitue un bail rural la mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole ; que la condition tenant à l’exercice d’une activité agricole sur le bien mis à disposition est remplie dès lors que l’activité effectivement déployée sur les lieux est conforme à l’affectation agricole voulue par les parties, la circonstance que le bénéficiaire de cette mise à disposition ait pu confier partie de l’exécution des actes d’exploitation agricole à un tiers étant sans emport sur la qualification du contrat ; qu’en se fondant, pour refuser de requalifier le contrat de prestations de services en bail rural, sur l’absence de preuve de la réalisation, par la société Forestalia Renovables, d’actes d’exploitation agricole dans l’exécution du contrat, après avoir constaté que le contrat conclu entre la société Forestalia Renovables et la société La Reyranglade prévoyait la mise à disposition des parcelles litigieuses pour y exercer une activité agricole et que l’activité effectivement exercée sur ces parcelles coïncidait avec celle prévue au contrat, à savoir la plantation d’eucalyptus et de peupliers pour produire de la biomasse bois par l’utilisation de déchets verts, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter la qualification de bail rural, a violé l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
3°/ que l’objet social prévu par les statuts, qui se définit comme l’ensemble des activités que la société se propose d’exercer en vue de faire des bénéfices ou de réaliser des économies, ne fait pas obstacle à l’exercice d’une activité sociale différente ; qu’en retenant, pour refuser de requalifier le contrat de prestation de services en bail rural, que l’objet social initial de la société Forestalia Renovables orienté vers une activité commerciale consistant notamment en la vente d’énergies renouvelables était incompatible avec l’exercice d’une activité de production agricole, la cour d’appel a violé l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
4°/ que seule l’exclusion, dans l’objet social d’une personne morale, de la possibilité de conclure des baux soumis au statut du fermage fait obstacle à l’exercice par elle d’une activité agricole ; qu’en retenant, pour refuser de requalifier le contrat de prestation de services en bail rural, que l’objet social initial de la société Forestalia Renovables orienté vers une activité commerciale consistant notamment en la vente d’énergies renouvelables était incompatible avec l’exercice d’une activité de production agricole, sans constater que l’objet social initial de la société Forestalia Renovables SL aurait exclu la possibilité, pour elle, de conclure des baux soumis au statut du fermage, la cour d’appel a violé l’article 1711 du code civil, ensemble l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime. »
4. Après avoir énoncé, à bon droit, que, pour obtenir la requalification d’un contrat en bail rural, la société Forestalia devait démontrer que celui qui a à sa disposition des terres à vocation agricole et ce à titre onéreux, assure l’exploitation desdites parcelles, la cour d’appel a relevé, au terme d’une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que les prestations étaient confiées en leur totalité à un sous-traitant et que la demanderesse n’accomplissait aucun acte direct d’exploitation agricole.
5. Elle a également retenu que l’ensemble des factures produites aux débats avait été adressé à la société Forestalia France, société non partie au contrat dès lors qu’il n’était pas justifié que la société Forestalia Renovables SL, dont le siège social est localisé à Madrid, ait pour dénomination sociale Forestalia France.
6. La cour d’appel a exactement déduit, de ces seuls motifs, que cette convention ne pouvait recevoir la qualification de bail rural.
7. Le moyen n’est donc pas fondé.