Conflit relatif à la fourniture d’eau et à la validité des créances invoquées par un prestataire de service public.

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Conflit relatif à la fourniture d’eau et à la validité des créances invoquées par un prestataire de service public.

Contexte de l’Affaire

La société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE a engagé une procédure judiciaire contre le syndicat des copropriétaires d’un immeuble, demandant le paiement d’une somme de 80 836,25 € ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive. Elle a également requis la communication de diverses informations sur les copropriétaires et l’état financier du syndicat.

Arguments de la Demande

VEOLIA soutient qu’un contrat de fourniture d’eau a été établi et que le syndicat a reconnu ce contrat en réglant plusieurs factures. La société affirme que la dette principale s’élève à 68 453,66 € pour cinq factures, à laquelle s’ajoute une majoration de redevance d’assainissement de 12 382,59 €. Elle évoque également un préjudice financier dû au non-paiement des factures.

Absence de Comparution du Défendeur

Le syndicat des copropriétaires, représenté par le CABINET OLT GESTION, n’a pas comparu lors de l’audience. En conséquence, VEOLIA a modifié sa demande, réduisant le montant principal à 44 153,02 € après avoir pris en compte des paiements partiels.

Éléments de Preuve Présentés

VEOLIA a produit six factures et une lettre de mise en demeure, mais n’a pas fourni de contrat d’abonnement ni de preuve de paiements effectués par le syndicat. Bien que le règlement du service public de l’eau ait été présenté, il manquait des documents essentiels pour prouver la validité de la créance.

Analyse des Tarifs et Facturations

Les factures émises par VEOLIA ne respectent pas les tarifs réglementaires, et la société n’a pas distingué les tranches de consommation dans sa facturation. De plus, il a été constaté que le compte de l’usager était créditeur avant la facturation, ce qui soulève des questions sur la gestion des compteurs par VEOLIA.

Décision du Tribunal

Le tribunal a débouté VEOLIA de ses demandes, concluant qu’elle n’avait pas prouvé l’existence d’un contrat écrit ni la conformité des factures aux tarifs réglementaires. Les dépens ont été laissés à la charge de VEOLIA.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la nature de la créance de la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE ?

La créance de la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE repose sur un contrat de fourniture d’eau, qui a été régularisé et enregistré. Selon l’article 1101 du Code civil, un contrat est un accord de volontés par lequel une ou plusieurs personnes s’engagent à donner ou à faire quelque chose.

Dans ce cas, la société VEOLIA invoque l’existence de plusieurs factures impayées, dont le montant total s’élève à 68 453,66 € pour les factures de juillet 2023 à avril 2024, ainsi qu’une majoration de la redevance d’assainissement de 12 382,59 €.

Il est important de noter que, selon l’article 1343 du Code civil, le créancier doit prouver l’existence de sa créance. La société VEOLIA a produit des factures et une lettre de mise en demeure, mais n’a pas fourni de contrat d’abonnement ou de preuve de l’envoi des factures avant le 24 juin 2024.

Ainsi, la nature de la créance est contestée, car la société VEOLIA n’a pas apporté la preuve suffisante de l’existence et du montant de sa créance.

Quelles sont les conséquences du non-paiement des factures par le syndicat des copropriétaires ?

Le non-paiement des factures par le syndicat des copropriétaires entraîne plusieurs conséquences juridiques. Selon l’article 1231-1 du Code civil, le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution.

Dans ce cas, la société VEOLIA soutient que le non-paiement des factures lui cause un préjudice financier, car cela l’empêche de mener à bien sa mission de service public de fourniture d’eau. Elle demande donc des dommages et intérêts pour résistance abusive, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet d’allouer des frais irrépétibles à la partie gagnante.

De plus, la société VEOLIA a le droit d’engager une action oblique contre les copropriétaires, ce qui est prévu par l’article 1342 du Code civil. Cela signifie qu’elle peut agir en justice pour obtenir le paiement de sa créance directement auprès des copropriétaires, en raison de leur responsabilité solidaire.

En somme, le non-paiement des factures expose le syndicat des copropriétaires à des demandes de dommages et intérêts, ainsi qu’à des actions en justice pour recouvrer les sommes dues.

Quelles sont les obligations de la société VEOLIA en matière de preuve de sa créance ?

La société VEOLIA a l’obligation de prouver l’existence et le montant de sa créance, conformément à l’article 1341 du Code civil, qui stipule que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver les faits qui en constituent la cause ».

Dans cette affaire, la société VEOLIA a produit six factures et une lettre de mise en demeure, mais elle n’a pas fourni de contrat d’abonnement ou de preuve de l’envoi des factures avant le 24 juin 2024. Cela soulève des questions sur la validité de sa créance.

De plus, l’article 1353 du Code civil précise que « celui qui se prévaut d’un droit doit en rapporter la preuve ». La société VEOLIA doit donc démontrer que les factures sont conformes aux tarifs réglementaires et que les services ont été effectivement fournis.

En l’absence de ces preuves, le juge peut débouter la société VEOLIA de ses demandes, comme cela a été le cas dans cette affaire, où le tribunal a constaté que la société n’avait pas justifié de l’existence d’un contrat écrit ni de la conformité des factures.

Quelles sont les implications de l’absence de comparution du syndicat des copropriétaires ?

L’absence de comparution du syndicat des copropriétaires a des implications importantes sur le déroulement de la procédure. Selon l’article 473 du Code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime fondée.

Dans ce cas, la société VEOLIA a présenté sa demande, mais le juge a constaté qu’elle n’avait pas apporté la preuve suffisante de sa créance. L’absence de comparution du syndicat des copropriétaires n’a donc pas conduit à une décision favorable pour la société VEOLIA, car le juge a examiné les éléments de preuve fournis.

De plus, l’article 480 du Code de procédure civile stipule que le jugement rendu en l’absence du défendeur est réputé contradictoire, ce qui signifie qu’il a la même valeur qu’un jugement rendu en présence des parties. Cela permet au syndicat des copropriétaires de contester le jugement ultérieurement, s’il le souhaite.

En somme, l’absence de comparution du syndicat des copropriétaires n’a pas empêché le juge d’examiner la demande de la société VEOLIA, mais cela n’a pas conduit à une décision favorable pour cette dernière en raison de l’insuffisance des preuves fournies.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG n° 24/01198
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/01198 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZOVE

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 12 DECEMBRE 2024
MINUTE N° 24/03548
—————-

Nous, Monsieur Ulrich SCHALCHLI, Vice-Président, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assisté de Madame Tiaihau TEFAFANO, Greffière,

Après avoir entendu les parties à notre audience du 31 octobre 2024 avons mis l’affaire en délibéré au 05 décembre 2024 et avons prorogé ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :

ENTRE :

La Société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Catherine BONNEAU de la SELARL KAPRIME SOCIETE D’AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C800

ET :

Le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5], représenté par son Syndic, le Cabinet OLT GESTION,
dont le siège social est sis [Adresse 1]

non comparante, ni représentée

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation du 4 juillet 2024, la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE demande que le syndicat des copropriétaires [Adresse 3] à [Localité 4] soit condamné à lui payer la somme de 80836,25 € avec intérêts à 3 fois le taux légal à compter du 20 juin 2024, la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 3000 € au titre des frais irrépétibles.

Elle demande qu’il soit ordonné au syndicat des copropriétaires de lui communiquer la liste des copropriétaires avec l’indication de leur état civil, de leur domicile réel ou élu, des lots et des tantièmes détenus, la liste de tous les titulaires des droits réels sur ces lots ainsi que l’état financier en fin d’exercice (annexe 1) établi après répartition certifiée conforme, sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Elle fait valoir :

– qu’un contrat de fourniture d’eau a été régularisé et enregistré sous le numéro 6319899 et que le syndicat des copropriétaires s’est acquitté de plusieurs factures ce qui vaut acceptation du contrat ;

– que la dette en principal s’élève à la somme de 68453,66 € au titre de 5 factures émises les 11 juillet (2 factures) et 9 octobre 2023 et 9 janvier et 8 avril 2024 ;

– qu’est en outre due la majoration de la redevance d’assainissement qui s’élève à 12382,59 € au titre des factures précitées ;

– que les factures mentionnent un taux d’intérêt de retard égal à trois fois le taux légal ;

– que le non-paiement des factures lui cause un préjudice financier en le privant des rentrées nécessaires pour mener à bien sa mission de service public de fourniture d’eau ;

– qu’elle a le droit d’engager une action oblique contre les copropriétaires, ce qui justifie la demande de production de pièces.

Assigné en la personne du CABINET OLT GESTION, le syndicat des copropriétaires n’a pas comparu.

Le 16 octobre 2024, la demanderesse a fait signifié au défendeur des conclusions aux termes desquelles il ramène sa demande principale en paiement à la somme de 44153,02 € en faisant valoir que le montant impayé des factures s’élève à 30254,21 € et la majoration de la taxe d’assainissement à 13898,81 € à la suite du paiement des deux factures du 11 juillet 2023, de la facture du 9 octobre 2023 et d’une partie de la facture du 9 janvier 2024 et d’une nouvelle facture émise le 8 juillet 2024.

MOTIFS

Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime fondée ;

Il appartient à celui qui se prévaut d’une créance de somme d’argent d’en établir l’existence et le montant ;

La société VEOLIA produit 6 factures émises par elle, le règlement du service public de l’eau et une lettre de mise en demeure en date du 20 juin 2024 de payer la somme de 80836,25 € dont l’accusé de réception a été signé le 24 juin 2024 ;

Elle ne produit pas de contrat d’abonnement, ni la délégation de service public dont elle se prévaut, ni la délibération du syndicat des eaux d’Ile de France portant adoption du règlement produit, ni aucune preuve de ce que le défendeur aurait effectivement procédé à de quelconques paiements en exécution du contrat invoqué, ni ne justifie que les factures auraient été adressées au défendeur avant le 24 juin 2024 ;

On peut cependant déduire du « règlement du service public de l’eau » produit, parce qu’il comporte le “logo” du syndicat des eaux d’Ile de France, et bien que la délibération d’adoption de ce document ne soit pas produite, que la gestion du service public a été effectivement déléguée à la société VEOLIA;

Selon le règlement produit :
“Le tarif général de vente de l’eau comprend deux termes (tarif au 1er janvier 2020) :
– un abonnement trimestriel fonction du diamètre du compteur, revenant au délégataire et contribuant aux frais fixes du service : 5,87 € HT pour un compteur de 15 mm;
– un prix par m3 exprimé en euro avec 4 décimales (1,1044 € HT) composé :
1- de la part destinée au SEDIF pour le financement de ses investissements et de son fonctionnement : 0,42 €
2- de la part revenant au délégataire pour le financement de l’exploitation du service :
a- 0,6844 € entre 0 et 180 m3 à compter du 1er janvier 2020
b- 1,0542 € au-delà de ce seuil (tranche 2)
Les tranches sont calculées sur la base de la consommation annuelle, sur l’année civile en cours, en partant de la première facture de l’année.
[…]
A ce tarif général du service s’ajoutent les taxes et redevances perçues pour le compte des organismes compétents et la TVA selon la réglementation en vigueur ainsi que toutes taxes et redevances qui seraient instituées au profit d’organismes tiers et auraient à être facturées avec le service de l’eau”;

Le seul document tarifaire aisément accessible sur le site internet du SEDIF est une “circulaire” non datée ayant pour objet le “tarif du service public de l’eau au 1er octobre 202”;

Il en ressort le tarif suivant :
– abonnement trimestriel : 7 € HT
– prix de vente au m3 :
– part revenant au délégataire tranche 1 (jusqu’à 180 m3) : 0,8161 €/m3
– part revenant au délégataire tranche 2 : 1,2570/m3
– part revenant au SEDIF : 0,51 €/m3;

La demanderesse ne produit aucun autre tarif et n’allègue pas que le compteur serait en l’espèce d’un diamètre autre que de 15 mm, les factures ne comportant aucune indication relative à ce diamètre ;

Or la facture du 8 avril 2024 relative à la période du 9 janvier au 8 avril 2024 est calculée sur la base suivante :
– part délégataire tranche 2 du 10 janvier au 31 mars 2024 : 1,2483 €/m3
– part délégataire tranche 2 du 1er au 8 avril 2024 : 1,2762 €/m3
– part SEDIF du 10 janvier au 8 avril 2024 : 0,5100 €/m3
– abonnement trimestriel du 1er avril au 30 juin 2024 : 44,69 €;
Il en résulte d’une part que la société VEOLIA n’a pas distingué pour la facturation les tranches 1 et 2 de consommation mais a appliqué un tarif uniforme, d’autre part que tant le prix de l’abonnement que celui du m3 d’eau sont supérieurs et au tarif ressortant du règlement qu’il produit et à celui, seul aisément accessible, au 1er octobre 2024, dont on peut raisonnablement penser qu’il était supérieur au tarif antérieur ;

Ainsi la demanderesse ne justifie-t-elle ni d’un contrat écrit, ni de l’exécution antérieure du prétendu contrat, ni de la conformité au tarif réglementaire des factures litifgieuses ;

En outre, alors que la société VEOLIA prétend que le défendeur n’acquitte plus ses factures depuis 2020, il apparaît que la prétendue consommation relative à la période du 8 octobre 2021 au 26 juin 2023 a été facturée en une seule fois le 11 juillet 2023 sur la base d’une consommation simplement estimée et qu’à cette date le compte de l’usager était non débiteur mais créditeur de 29729,17 €, ce qui laisse présumer une certaine carence de la demanderesse quant à son obligation de relever et entretenir les compteurs ;

Elle sera en conséquence déboutée de ses demandes ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant par ordonnance publique, réputée contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe,

Déboutons la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE de ses demandes ;

Laissons les dépens à la charge de la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE.

AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 12 DECEMBRE 2024.

LA GREFFIERE
LE PRÉSIDENT


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