Résiliation d’un contrat de prêt immobilier : enjeux de la caution et effets du surendettement

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Résiliation d’un contrat de prêt immobilier : enjeux de la caution et effets du surendettement

CONTRAT DE PRÊT IMMOBILIER

M. [Z] [N] et Mme [O] [Y] [P] ont conclu un contrat de prêt immobilier avec La banque postale le 2 mai 2009, d’un montant de 172 300 euros, remboursable sur 300 mois à un taux de 4,20 %. La RATP s’est portée caution pour M. [Z] [N] par un acte du 8 avril 2009.

MIS EN DEMEURE ET DÉCHÉANCE DU TERME

En avril 2022, la banque a mis en demeure les époux [N] de régler des échéances impayées totalisant 1 844,37 euros. À défaut de paiement, elle a notifié la déchéance du terme du prêt en octobre 2022, réclamant un montant total de 115 165,79 euros.

DEMANDE DE SURENDÊTEMENT

M. [N] a sollicité la commission de surendettement en janvier 2023, mais sa demande a d’abord été déclarée irrecevable. Finalement, un plan de surendettement a été mis en œuvre à partir du 30 novembre 2023, incluant le prêt en question.

DIVORCE ET ASSIGNATION

Le divorce des époux [N] a été prononcé le 31 août 2023. La banque a ensuite assigné M. [Z] [N], Mme [O] [Y] [P] et la RATP en résiliation du contrat de prêt et paiement devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La banque postale a demandé la résiliation du contrat de prêt, le paiement de 111 844,47 euros, ainsi que des sommes au titre de la clause pénale et des dépens. M. [N] a demandé la suspension de la créance pendant la durée du plan de surendettement, tandis que la RATP a contesté la validité de son engagement de caution.

RÉSILIATION DU CONTRAT DE PRÊT

Le tribunal a prononcé la résiliation du contrat de prêt, considérant que les époux [N] avaient cessé de rembourser depuis décembre 2021, justifiant ainsi la résiliation pour cause grave.

CONDAMNATIONS FINANCIÈRES

M. [N] et Mme [P] ont été condamnés à payer 111 844,47 euros pour les échéances impayées et le capital restant dû, ainsi qu’à verser 1 877,66 euros au titre de la clause pénale. Les intérêts sur ces sommes ont été fixés selon les conditions contractuelles.

SUSPENSION DES POURSUITES

Les poursuites à l’encontre de M. [N] ont été suspendues jusqu’au 30 novembre 2025, période durant laquelle aucune créance ne produira d’intérêts.

VALIDITÉ DE L’ENGAGEMENT DE CAUTION

La RATP a été déboutée de sa demande de nullité de l’acte de cautionnement, le tribunal ayant jugé que son engagement était valide et qu’elle devait payer solidairement avec les emprunteurs.

DÉPENS ET FRAIS DE PROCÈS

M. [N], Mme [P] et la RATP ont été condamnés aux dépens, ainsi qu’à verser 2 500 euros à la banque au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la nature juridique du contrat de prêt immobilier conclu entre M. [Z] [N], Mme [O] [Y] [P] et La banque postale ?

Le contrat de prêt immobilier conclu le 2 mai 2009 entre M. [Z] [N], Mme [O] [Y] [P] et La banque postale est un contrat synallagmatique, c’est-à-dire un contrat où les parties s’engagent réciproquement.

Selon l’article 1134 alinéa 1er du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements pris dans le contrat, notamment le remboursement du prêt selon les modalités convenues.

Quelles sont les conséquences de la défaillance de paiement des emprunteurs sur le contrat de prêt ?

La défaillance de paiement des emprunteurs entraîne des conséquences juridiques significatives, notamment la possibilité pour le prêteur de demander la résiliation du contrat de prêt.

L’article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131, stipule que « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques ».

Cela signifie que si l’une des parties ne respecte pas ses obligations, l’autre partie peut demander la résolution du contrat, ce qui a été le cas ici avec la mise en demeure de la banque.

Quels sont les droits de la caution en cas de défaillance de l’emprunteur ?

La caution, en l’occurrence la RATP, a des droits spécifiques en cas de défaillance de l’emprunteur. Selon l’article 2288 du Code civil, « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cela signifie que la RATP est tenue de payer la banque si M. [Z] [N] et Mme [O] [Y] [P] ne s’acquittent pas de leurs obligations.

Cependant, la RATP a contesté la validité de son engagement, ce qui soulève des questions sur la nature de son obligation.

Comment la procédure de surendettement affecte-t-elle les créances des emprunteurs ?

La procédure de surendettement a des effets suspendant les créances des emprunteurs. Selon l’article L. 733-16 du Code de la consommation, « les créanciers ne peuvent exercer des procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée d’exécution de ces mesures ».

Cela signifie que M. [N] bénéficie d’une protection contre les poursuites pendant la durée du plan de surendettement, qui a été mis en œuvre à compter du 30 novembre 2023.

Quelles sont les implications de la clause pénale dans le contrat de prêt ?

La clause pénale dans le contrat de prêt a pour but de prévoir une indemnité en cas de non-respect des obligations contractuelles. Selon l’article 1231 du Code civil, « lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d’office, être diminuée par le juge ».

Dans ce cas, la banque a demandé le paiement d’une clause pénale, mais le tribunal a jugé que cette clause était manifestement excessive compte tenu de la situation économique des emprunteurs, la ramenant à 2 % du capital restant dû.

Quels sont les effets de la résiliation du contrat de prêt sur les obligations des parties ?

La résiliation du contrat de prêt entraîne des effets immédiats sur les obligations des parties. Selon l’article L. 312-22 du Code de la consommation, « lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû ».

Ainsi, la banque a le droit de réclamer le remboursement immédiat des sommes dues, ce qui a été confirmé par le jugement du tribunal.

Comment les dépens sont-ils répartis entre les parties dans cette affaire ?

Les dépens sont généralement à la charge de la partie perdante. Selon l’article 696 du Code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens ».

Dans cette affaire, M. [N], Mme [P] et la RATP ont été condamnés solidairement aux dépens, ce qui inclut les frais d’assignation et d’inscription d’hypothèque judiciaire.

Cela signifie qu’ils doivent payer les frais engagés par la banque pour faire valoir ses droits en justice.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG n° 23/11342
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 DECEMBRE 2024

Chambre 7/Section 1
AFFAIRE: N° RG 23/11342 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YNWS
N° de MINUTE : 24/00691

S.A. LA BANQUE POSTALE
Immatriculée au RCS de Paris sous le n°421 100 645
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me [I] [R],
avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS,
vestiaire : PB 04

DEMANDEUR

C/

E.P.I.C. RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)
Immatriculée au RCS de Parissous le n°775 663 438
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Thomas ANDRE,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : B0920

Monsieur [Z] [N]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]
représenté par Me Miryam ABDALLAH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 286
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro C930082023010847 du 26/02/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BOBIGNY)

Madame [O] [Y] [P] divorcée [N]
[Adresse 2]
[Localité 7]
défaillant

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Michaël MARTINEZ, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Camille FLAMANT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 17 Octobre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Réputé contradictoire et en premier ressort, par M. Michaël MARTINEZ, Juge, assisté de Madame Camille FLAMANT, greffier.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon offre du 20 avril 2009 acceptée le 2 mai 2009, M. [Z] [N] et Mme [O] [Y] [P] épouse [N] ont conclu solidairement un contrat de prêt immobilier, n° 200905286L00001, avec La banque postale d’un montant de 172 300 euros, au taux de 4,20 %, remboursable en 300 mois.

Selon acte du 8 avril 2009, la régie autonome des transports parisiens (RATP) s’est engagée en qualité de caution de M. [Z] [N].

Par courriers recommandés avec avis de réception des 5 et 6 avril 2022, la banque a mis en demeure les époux [N] de lui payer la somme de 1 844,37 euros avant le 19 avril 2022, au titre des échéances impayées des mois de décembre 2021 à mars 2022. Elle les a également informés qu’à défaut de paiement elle prononcerait la déchéance du terme du prêt.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 5 mai 2022, la banque a sollicité le paiement de la somme de 2 309,31 euros auprès de la RATP, en sa qualité de caution, au titre des échéances impayées des mois de décembre 2021 à avril 2022.

Par courriers recommandés avec avis de réception des 15 et 16 septembre 2022, la banque a réitéré ses demandes auprès des emprunteurs et de la caution, actualisant sa créance à la somme de 4 911,74 euros.

Par courriers recommandés avec accusé de réception du 29 octobre 2022, la banque a notifié aux emprunteurs la déchéance du terme du prêt et les a mis en demeure de lui payer la somme de 115 165,79 euros.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 octobre 2022, la banque a sollicité le paiement de cette même somme auprès de la RATP.

Au terme de plusieurs échanges de courriers, la RATP a refusé de payer cette somme mettant en cause la validité de l’acte de cautionnement.

Le 13 janvier 2023, M. [N] a saisi la commission de surendettement des particuliers de Seine et Marne d’une demande visant à voir traiter sa situation de surendettement. Par décision du 26 janvier 2023, cette commission a déclaré sa demande irrecevable. Par jugement du 31 mai 2023, le tribunal de proximité de Lagny sur Marne a finalement déclaré recevable cette demande.

Un plan de surendettement, prévoyant un moratoire de 24 mois incluant notamment le prêt n° 200905286L00001 a été mis en oeuvre à compter du 30 novembre 2023.

Selon jugement du 31 août 2023, le divorce de M. [N] et Mme [P] a été prononcé.

Par actes de commissaire de justice des 24 et 28 novembre 2023, la SA La banque postale a fait assigner M. [Z] [N], Mme [O] [Y] [P] et l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) régie autonome des transports parisiens (RATP) en résiliation du contrat de prêt et paiement devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 4 mars 2024, La banque postale demande au tribunal de :
– débouter la RATP de l’ensemble de ses demandes formées à son encontre,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt immobilier n° 2009052862L à compter de la délivrance de l’assignation,
– condamner solidairement M. [N] , Mme [P] et la RATP à lui payer la somme de 111 844,47 euros en principal avec intérêts au taux contractuel de 4,20 % à compter du 24 novembre 2023, avec anatocisme,
– condamner solidairement M. [N], Mme [P] et la RATP à lui payer la somme de 6 571,80 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2023,
– condamner solidairement M. [N], Mme [P] et la RATP à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. [N], Mme [P] et la RATP aux dépens, incluant notamment les frais d’assignation, les frais d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire, les frais de dénonciation et les frais d’inscription d’hypothèque judiciaire définitive,
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

Dans ses uniques conclusions notifiées par RPVA le 3 mai 2024, M. [N] demande au tribunal de :
– rappeler que la créance due auprès de La banque postale sera automatiquement suspendue pendant la durée du plan de surendettement,
– rappeler que les créances ne produiront pas les intérêts depuis la date de recevabilité de la mesure et ce jusqu’à la mise en œuvre des mesures de surendettement,
– ordonner la réduction la clause pénale à la somme de 1 euro,
– condamner toutes parties succombantes à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– réserver les dépens.

Dans ses uniques conclusions notifiées par RPVA le 23 janvier 2024, la RATP demande au tribunal de :
– A titre principal, constater la nullité de l’engagement de caution de la RATP du 8 avril 2009,
– A titre subsidiaire, débouter La banque postale de l’ensemble de ses demandes,
– A titre infiniment subsidiaire, débouter La banque postale de sa demande relative à la clause pénale,
En tout état de cause
-condamner La banque postale à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner La banque postale aux dépens.

Régulièrement assignée à étude Mme [P] n’a pas constitué avocat.

La présente décision étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire en vertu de l’article 473 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal renvoie à l’assignation pour l’exposé des moyens.

L’ordonnance de clôture est datée du 20 juin 2024.

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 17 octobre 2024 et mise en délibéré au 12 décembre 2024.

MOTIVATION

1. SUR LA DEMANDE DE RÉSILIATION JUDICIAIRE DU PRÊT

1.1. SUR LE PRINCIPE DE LA RÉSILIATION

En application de son article 9, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est entrée en vigueur le 10 octobre 2016. Toutefois, les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public. Le contrat de prêt en cause ayant été conclu le 2 mai 2009, il reste soumis aux dispositions légales applicables avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée.

Selon l’article 1134 alinéa 1er du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Aux termes de l’article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure avant celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

En l’espèce, il y a lieu de relever que la banque a prononcé la résiliation du contrat sur le fondement d’une clause contractuelle mais qu’elle n’entend pas s’en prévaloir au regard du caractère abusif de ladite clause.

Outre que M. [N] ne conteste pas la créance de la banque et par là même l’exigibilité anticipée de l’ensemble des sommes prêtées, il est établi que M. [N] et Mme [P] ont cessé de rembourser le prêt à compter du mois de décembre 2021 et que la RATP a refusé de mettre sa garantie en oeuvre.

Malgré différentes relances aucun paiement n’est intervenu, ni au titre des échéances courantes, ni au titre des arriérés de paiement, avant l’assignation délivrée au mois de novembre 2023.

Cette situation, constitue une cause grave, qui justifie que soit prononcée la résiliation du contrat de prêt à effet au jour de l’assignation.

1.2. SUR LES EFFETS DE LA RÉSILIATION EN CE COMPRIS LA CLAUSE PÉNALE

Selon l’article L. 312-22 du code de la consommation devenu L. 313-51 du code de la consommation, lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret.

1.2.1. Sur la demande de paiement au titre des échéances impayées et du capital restant dû

A la date de la résiliation M. [N] et Mme [P] présentaient un arriéré de paiement de 17 961,64 euros, correspondant aux échéances impayées des mois de décembre 2021 à novembre 2023 inclus, déduction faite des versements effectués par la caisse des allocations familiales entre le 10 décembre 2021 et le 10 octobre 2022.

A la date de la résiliation, soit le 24 novembre 2024, le capital restant dû s’élevait à la somme de 93 882,83 euros.

En conséquence M. [N] et Mme [P], qui avaient conclu solidairement le contrat de prêt, seront solidairement condamnés à payer à la banque la somme de 111 844,47 euros au titre des échéances impayées et du capital restant dû.

1.2.2. Sur la demande de paiement au titre de la clause pénale

Aux termes de l’article 1231 du code civil dans sa rédaction antérieure avant celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d’office, être diminuée par le juge à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’article 1152. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Selon l’article R. 313-28 du code de la consommation, l’’indemnité prévue en cas de résolution du contrat de crédit ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés.

L’article VII du contrat de prêt stipule également que « La Banque Postale prononcera la déchéance du terme et exigera par lettre recommandée le remboursement immédiat de toutes sommes, en principal, intérêts et accessoires, qui seront majorées d’une indemnité légale de 7 % calculée sur le capital restant dû et les intérêts échus et non versés, en cas de survenance de l’un des événements suivants :
Non respect des dispositions particulières à chacun des prêts et notamment non paiement de toute somme due à son échéance par l’emprunteur dans les conditions définies au présent contrat ».

En l’espèce, contrairement à ce qu’il affirme, M. [N] a cessé de payer la banque à compter du mois de décembre 2021 alors que l’ordonnance d’orientation sur mesures provisoires en divorce du 16 juin 2021 avait indiqué que les époux assumeraient par moitié le remboursement des crédits immobiliers. Les versements intervenus jusqu’en octobre 2022 ont été effectués par la caisse d’allocations familiales.

Par ailleurs, il est constant que le divorce a entraîné des difficultés financières, dans un contexte de violences conjugales. Toutefois ni lui, ni Mme [P] n’ont entrepris des démarches auprès de la banque pour apurer leur dette avant le mois de janvier 2023, date à laquelle M. [N] a saisi la commission de surendettement des particuliers.

Bien que la clause pénale stipulée au contrat soit conforme à celle prévue par l’article R. 313-28 du code de la consommation, la situation économique et familiale des parties, à savoir une situation de surendettement, une précarité liée à un divorce avec 5 enfants dont 4 mineurs, conduit à retenir le caractère manifestement excessif de la clause, d’autant plus renforcé que les sommes dues au titre du prêt produisent déjà intérêt au taux de 4,20 %.

Dans ces conditions, la clause pénale sera ramenée à 2 % du capital restant dû soit la somme de : 93 882,83 / 100 X 2 = 1 877,66 euros.

Ainsi, M. [N] et Mme [P] seront solidairement condamnés à payer à la banque la somme de 1 877,66 euros au titre de la clause pénale.

1.2.3. Sur les intérêts

Les condamnations précitées produiront intérêts pour Mme [P] à compter du 24 novembre 2023, date de l’assignation :
– au taux contractuel de 4,20 % au titre des échéances impayées et du capital restant dû. Ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, à compter du jugement ;
– au taux légal à compter au titre de la clause pénale.

Elles produiront intérêts dans les mêmes conditions pour M. [N] à compter du 1er décembre 2025, sous réserve de nouvelles mesures qui seraient ordonnées par la commission de surendettement.

1.3. SUR LA SUSPENSION DES POURSUITES A L’ENCONTRE DE M. [N]

Selon l’article L. 733-16 du code de la consommation les créanciers auxquels les mesures imposées par la commission en application des articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 ou celles prises par le juge en application de l’article L. 733-13 sont opposables ne peuvent exercer des procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée d’exécution de ces mesures.

Par ailleurs, l’article L. 722-14 du même code dispose que les créances figurant dans l’état d’endettement du débiteur dressé par la commission ne peuvent produire d’intérêts ou générer de pénalités de retard à compter de la date de recevabilité et jusqu’à la mise en œuvre des mesures prévues aux 1° et 2° de l’article L. 724-1 et aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.

En l’espèce, par jugement du 31 mai 2023, le tribunal de proximité de Lagny sur Marne a déclaré recevable la demande de M. [N] visant à voir traiter sa situation de surendettement. Un plan de surendettement prévoyant un moratoire de 24 mois, notamment sur le prêt n° 200905286L00001, a été mis en oeuvre à compter du 30 novembre 2023.

En application des textes précités, la banque ne peut exercer des procédures d’exécution à l’encontre de M. [N] jusqu’au 30 novembre 2025.

De plus, les sommes dues par M. [N] ne produisent aucun intérêts depuis le 31 mai 2023.

2. SUR LA DEMANDE DE PAIEMENT A L’ENCONTRE DE LA CAUTION

2.1. SUR LES MOYENS TENDANT A LA NULLITÉ DU CONTRAT DE CAUTIONNEMENT

En application de son article 37, I, l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 novembre 2021 portant réforme du droit des sûretés est entrée vigueur le 1er janvier 2022. Toutefois, le II, dispose que les cautionnements conclus avant cette demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public.

L’acte de cautionnement contesté ayant été conclu le 8 avril 2009, il reste soumis aux dispositions antérieures à celles issues de l’ordonnance précitée.

Aux termes de l’article 2288 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 novembre 2021, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

Selon l’article 2292 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 novembre 2021, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

En l’espèce, par acte du 8 avril 2009, la RATP s’est engagée dans le termes suivants :
la RATP « se porte caution personnelle et solidaire de M. [Z] [N]
envers : La banque postale
Pour le prêt de 172 300 euros qui lui a été consenti.
Ce prêt est remboursable en 300 mensualités de 928,60 euros chacune à compter du :
La régie autonome des transports parisiens s’engage, en conséquence, à rembourser le montant en principal, intérêts et accessoires dans les conditions prévues au contrat de prêt en cas de défaillance de l’emprunteur dans l’exécution de ses obligation et déclare renoncer au bénéfice de la discussion et de la division ».

Bien que l’offre de prêt ait été émise le 20 avril 2009, soit postérieurement à l’engagement de caution, elle faisait suite à une demande de prêt formulée par M. [N] et Mme [P] le 7 avril 2009. A cette date, toutes les conditions de l’offre de prêt étaient déjà connues, notamment la durée du prêt, 300 mois, et son montant 172 300 euros. Le seul fait que la date de début d’engagement n’ait pas été renseignée dans l’acte de cautionnement n’est pas de nature à conférer un caractère illimité à l’engagement de caution dès lors que ledit acte renvoie expressément au prêt et vise la durée de 300 mois et le montant de 172 300 euros. Ainsi, la RATP a consenti à garantir le prêt accordé à M. [N] à compter de la conclusion du contrat et pour une durée de 300 mois.

Dès lors, la RATP, qui a elle même opéré un renvoi au contrat de prêt qui sera conclu le 2 mai 2009, dont les conditions de durée et de montant sont identiques à celles de l’engagement contracté par elle le 8 avril 2009, est mal fondée à se prévaloir de la nullité du prêt pour défaut de précision de la durée de son engagement.

Par ailleurs, la banque justifie que les échéances du prêt ont été partiellement payées par la caisse d’allocations familiales sans que cette situation n’ait d’incidence sur la durée du prêt. Dès lors, il y à lieu de rejeter le moyen tiré de la modification de l’engagement de la caution, étant relevé que les paiements opérés par la CAF ont diminué la charge de la caution et été déduits des sommes demandées par la banque.

2.2. SUR LES MOYENS TIRES DE LA VIOLATION DES STIPULATIONS CONTRACTUELLES

Dès lors que la banque n’entend pas se prévaloir de la déchéance du terme prononcée le 25 octobre 2022, les moyens invoqués par la RATP sont inopérants.

2.3. SUR LA CLAUSE PÉNALE

Selon l’article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Le texte précité, dont se prévaut la RATP n’est applicable qu’aux cautions personnes physiques. La RATP étant une personne morale, elle ne peut valablement l’invoquer.

L’ensemble des moyens de défense invoqués par la RATP ayant été écarté, celle-ci sera solidairement condamnée au paiement des sommes mises à la charge de M. [N] au titre du prêt cautionné.

3. SUR LES FRAIS DU PROCÈS ET L’EXÉCUTION PROVISOIRE

Selon l’article 695 du code de procédure civile, les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution comprennent :
1° Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les secrétariats des juridictions ou l’administration des impôts à l’exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l’appui des prétentions des parties ;
2° Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
3° Les indemnités des témoins ;
4° La rémunération des techniciens ;
5° Les débours tarifés ;
6° Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
7° La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;
8° Les frais occasionnés par la notification d’un acte à l’étranger ;
9° Les frais d’interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d’instruction effectuées à l’étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (CE) n° 1206 / 2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale ;
10° Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072 et 1248 ;
11° La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l’article 388-1 du code civil.

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En application de l’article 700 1° du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

Partie perdante, M. [N], Mme [P] et la RATP seront solidairement condamnés aux dépens, qui ne sauraient comprendre les frais engagés aux fins de conservation de la créance et notamment d’inscription hypothécaire, qui ne sont pas visés par l’article 695 du code de procédure civile, étant toutefois précisé qu’en application de l’article L. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution, les frais d’hypothèque judiciaire provisoire sont, à défaut de décision contraire, de droit à la charge du débiteur. Il en est de même des frais d’hypothèque définitive en application de l’article 2406 du code civil.

Supportant les dépens, M. [N], Mme [P] et la RATP seront solidairement condamnés à payer à La banque postale la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Consécutivement, M. [N] et la RATP seront déboutés de leur demande fondée sur le même texte.

Enfin, les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que le juge en décide autrement s’il estime que cette exécution provisoire de droit est incompatible avec la nature de l’affaire. En l’occurrence, la nature de l’affaire n’implique pas de déroger au principe sans qu’il ne soit nécessaire de le rappeler dans le dispositif.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire,

PRONONCE la résiliation du contrat de prêt immobilier n° 200905286L00001 conclu entre M. [Z] [N] et Mme [O] [Y] [P] d’une part et la SA La banque postale d’autre part, à effet au 24 novembre 2023 ;

CONDAMNE solidairement M. [Z] [N] et Mme [O] [Y] [P] à payer à la SA La banque postale la somme de 111 844,47 euros au titre des échéances impayées et du capital restant dû à la date de la résiliation ;

DIT que cette condamnation produit intérêts pour Mme [O] [Y] [P] au taux contractuel de 4,20 % à compter du 24 novembre 2023 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts qui seront dus par Mme [O] [Y] [P] pour une année entière à compter du présent jugement ;

DIT que cette même condamnation ne produit aucun intérêt pour M. [Z] [N] depuis le 31 mai 2023 et jusqu’au 30 novembre 2025, sous réserves des dispositions qui pourraient être ordonnées par la commission de surendettement au delà de cette date ;

DIT que cette même condamnation produira intérêts pour M. [Z] [N] au taux contractuel de 4,20 % à compter du 1er décembre 2025, sous réserves des dispositions qui pourraient être ordonnées par la commission de surendettement au delà de cette date ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts qui seront dus par M. [Z] [N] pour une année entière à compter du 1er décembre 2025, sous réserves des dispositions qui pourraient être ordonnées par la commission de surendettement au delà de cette date ;

CONDAMNE solidairement M. [Z] [N] et Mme [O] [Y] [P] à payer à la SA La banque postale la somme de 1 877,66 euros au titre de la clause pénale ;

DIT que cette condamnation produit intérêts pour Mme [O] [Y] [P] au taux légal à compter du 24 novembre 2023 ;

DIT que cette même condamnation ne produit aucun intérêt pour M. [Z] [N] entre le 31 mai 2023 et le 30 novembre 2025, sous réserves des dispositions qui pourraient être ordonnées par la commission de surendettement au delà de cette date ;

DIT que cette condamnation produit intérêts pour M. [Z] [N] au taux légal à compter du 1er décembre 2025, sous réserves des dispositions qui pourraient être ordonnées par la commission de surendettement au delà de cette date ;

RAPPELLE que la SA La banque postale ne peut exercer des procédures d’exécution à l’encontre de M. [N] avant 1er décembre 2025 ;

DÉBOUTE l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) régie autonome des transports parisiens (RATP) de sa demande de nullité de l’acte de cautionnement du 8 avril 2009 ;

CONDAMNE l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) régie autonome des transports parisiens (RATP) à payer solidairement avec M. [Z] [N] à la SA La banque postale l’ensemble des condamnations mises à la charge de M. [Z] [N] titre au contrat de prêt immobilier n° 200905286L00001 ;

CONDAMNE solidairement M. [Z] [N], Mme [O] [Y] [P] et l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) régie autonome des transports parisiens (RATP) aux dépens, dans les limites deux ceux listés à l’article 695 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement M. [Z] [N], Mme [O] [Y] [P] et l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) régie autonome des transports parisiens (RATP) à payer à la SA La banque postale la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [Z] [N] et l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) régie autonome des transports parisiens (RATP) de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier.

Le Greffier Le Président
Camille FLAMANT Michaël MARTINEZ


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