Sommaire Contexte de l’affairePar lettre recommandée du 2 octobre 2023, l’Urssaf d’Ile de France a informé la société O’Pains d’Or d’une situation de travail dissimulé, accompagnée d’une évaluation des cotisations éludées et des pénalités potentielles. Ce document a déclenché une série de procédures judiciaires. Assignation de l’UrssafLe 8 novembre 2023, la société O’Pains d’Or a assigné l’Urssaf d’Ile de France devant le juge de l’exécution, demandant l’annulation des mesures conservatoires prises par l’Urssaf et le paiement de 2000 euros pour frais de justice. L’affaire a été mise en délibéré après plusieurs audiences. Arguments des partiesLors de l’audience, O’Pains d’Or a soutenu que la lettre de l’Urssaf permettait de saisir le juge de l’exécution. En revanche, l’Urssaf a demandé la déclaration d’irrecevabilité de la demande, arguant que le juge n’avait pas compétence pour apprécier l’existence d’un travail dissimulé sans mesures conservatoires en cours. Décision du juge de l’exécutionLe juge a déclaré la demande de nullité de la décision de l’Urssaf irrecevable, précisant que la lettre du 2 octobre 2023 ne constituait pas une décision exécutoire. En conséquence, la demande de la société O’Pains d’Or a été rejetée. Conséquences financièresLa société O’Pains d’Or, ayant perdu son procès, a été condamnée aux dépens. De plus, sa demande de remboursement des frais irrépétibles a également été rejetée, le juge considérant qu’il n’y avait pas lieu à cette condamnation. Conclusion de l’affaireLe jugement a été rendu le 12 décembre 2024, confirmant l’irrecevabilité de la demande de nullité, condamnant O’Pains d’Or aux dépens et rejetant les demandes supplémentaires des parties. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la compétence du juge de l’exécution en matière de contestation des mesures conservatoires ?Le juge de l’exécution, selon l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire, est compétent pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée. Il a également le pouvoir d’autoriser les mesures conservatoires et de connaître des contestations relatives à leur mise en œuvre. Cela inclut les demandes nées de la procédure de saisie immobilière et des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires. En revanche, le juge de l’exécution ne peut pas apprécier l’existence d’un travail dissimulé en l’absence de mesures conservatoires ou d’exécution. Ainsi, dans le cas présent, la société O’Pains d’Or a contesté une décision qui n’était pas une mesure conservatoire, mais un simple courrier d’information, ce qui rend sa demande irrecevable. Quelles sont les conséquences de la déclaration d’irrecevabilité de la demande de nullité ?La déclaration d’irrecevabilité de la demande de nullité a pour effet de clore le débat sur cette question spécifique. En effet, selon l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Dans ce cas, la société O’Pains d’Or, ayant succombé dans sa demande, sera condamnée à payer les dépens. Cela signifie qu’elle devra supporter les frais de justice engagés par l’Urssaf d’Ile de France, ce qui peut inclure les frais d’avocat et autres coûts liés à la procédure. De plus, la société O’Pains d’Or a également formulé une demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie perdante à payer des frais irrépétibles à l’autre partie. Cependant, cette demande a été rejetée, ce qui signifie qu’aucune indemnisation ne sera accordée à la société O’Pains d’Or pour ses frais de justice. Quels sont les critères pour l’octroi des frais irrépétibles selon l’article 700 du code de procédure civile ?L’article 700 du code de procédure civile stipule que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge doit tenir compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée. Il a également la possibilité de décider qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations, même d’office, pour des raisons d’équité. Dans le cas présent, la société O’Pains d’Or a demandé des frais irrépétibles, mais cette demande a été rejetée. Cela peut s’expliquer par le fait que le juge a considéré que la situation économique de la société ne justifiait pas une telle indemnisation ou que les circonstances de l’affaire ne le permettaient pas. Ainsi, la société O’Pains d’Or ne recevra pas de compensation pour ses frais de justice, ce qui peut avoir un impact significatif sur sa situation financière. Quelles sont les implications de la décision de l’Urssaf concernant le travail dissimulé ?La décision de l’Urssaf d’Ile de France de signaler une situation de travail dissimulé a des implications importantes pour la société O’Pains d’Or. Selon l’article L133-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu’un procès-verbal de travail dissimulé est établi, l’Urssaf doit remettre un document à la personne contrôlée, évaluant le montant des cotisations et contributions éludées. Ce document doit également mentionner les majorations et pénalités afférentes, ainsi que les réductions ou exonérations de cotisations annulées. La société O’Pains d’Or a la possibilité de contester cette évaluation, mais cela doit se faire dans le cadre des procédures prévues par la loi. En l’absence de mesures conservatoires, le juge de l’exécution n’a pas le pouvoir d’annuler le courrier de l’Urssaf, ce qui limite les options de la société pour contester la décision. Ainsi, la société doit se préparer à faire face à des conséquences financières significatives si elle ne parvient pas à prouver l’absence de travail dissimulé ou à justifier ses pratiques. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT CONTENTIEUX DU
12 Décembre 2024
MINUTE : 24/1275
RG : N° 24/07254 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZT4T
Chambre 8/Section 3
Rendu par Madame COSNARD Julie, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Madame HALIFA Zaia, Greffière,
DEMANDEUR
S.A.S. O’PAINS D’OR
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Thierry TONNELLIER, avocat au barreau de PARIS – D1020
ET
DEFENDEUR
URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Madame [N] [H], muni d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS
Madame COSNARD, juge de l’exécution,
Assistée de Madame FAIJA, Greffière.
L’affaire a été plaidée le 28 Novembre 2024, et mise en délibéré au 12 Décembre 2024.
JUGEMENT
Prononcé le 12 Décembre 2024 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.
Par lettre recommandée datée du 2 octobre 2023, l’Urssaf d’Ile de France a transmis à la société O’Pains d’Or un document faisant état d’une situation de travail dissimulé et comportant l’évaluation du montant des cotisations et contributions éludées, des majorations prévues à l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale et, le cas échéant, des majorations et pénalités afférentes, ainsi que du montant des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales dont a pu bénéficier le débiteur annulées en application du deuxième alinéa de l’article L. 133-4-2.
C’est dans ce contexte que, par acte du 8 novembre 2023, la société O’Pains d’Or a assigné l’Urssaf d’Ile de France à l’audience du 20 mars 2024 devant le juge de l’exécution de la juridiction de céans et lui demande de :
– annuler la décision du directeur de l’Urssaf de procéder à des mesures conservatoires,
– condamner l’Urssaf d’Ile de France au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
À cette date, l’affaire a fait l’objet d’une déclaration de caducité, révoquée par ordonnance du 19 juillet 2024. Les parties ont été convoquées à l’audience du 28 novembre 2024.
À cette audience, la société O’Pains d’Or, représentée par son conseil, reprend son acte introductif d’instance.
S’agissant de la fin de non-recevoir soulevée en défense, elle indique que la lettre du 2 octobre 2023 précise que le juge de l’exécution peut être saisi d’une contestation.
En défense, l’Urssaf d’Ile de France demande au juge de l’exécution de :
– déclarer la demande principale irrecevable,
– rejeter la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle indique que faute de mesure conservatoire ou de mesure d’exécution, le juge de l’exécution n’a pas de pouvoir pour apprécier l’existence d’un travail dissimulé.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 12 décembre 2024.
I. Sur la fin de non-recevoir
Aux termes de l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre. Le juge de l’exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle. Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires. Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution.
Selon l’article L133-1 du code de la sécurité sociale, I.-Lorsqu’un procès-verbal de travail dissimulé a été établi par les agents chargés du contrôle mentionnés au premier alinéa de l’article L. 243-7 du présent code ou à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, ou transmis aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code et à l’article L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime en application de l’article L. 8271-6-4 du code du travail, l’agent chargé du contrôle remet, en vue de la mise en œuvre par l’organisme de recouvrement de la procédure prévue au II, à la personne contrôlée un document constatant cette situation et comportant l’évaluation du montant des cotisations et contributions éludées, des majorations prévues à l’article L. 243-7-7 du présent code et, le cas échéant, des majorations et pénalités afférentes, ainsi que du montant des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales dont a pu bénéficier le débiteur annulées en application du deuxième alinéa de l’article L. 133-4-2.
Ce document fait état des dispositions légales applicables à cette infraction ainsi que celles applicables à la procédure prévue au présent article. Il mentionne notamment les dispositions du II du présent article ainsi que les voies et délais de recours applicables. Ce document est signé par l’agent chargé du contrôle.
II.-A la suite de la remise du document mentionné au I, la personne contrôlée produit des éléments justifiant, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’Etat, de l’existence de garanties suffisant à couvrir les montants évalués. A défaut, le directeur de l’organisme de recouvrement peut procéder, sans solliciter l’autorisation du juge prévue au premier alinéa de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, à une ou plusieurs des mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521-1 à L. 533-1 du même code, dans la limite des montants mentionnés au I du présent article.
A tout moment de la procédure, la personne contrôlée peut solliciter la mainlevée des mesures conservatoires prises à son encontre en apportant auprès du directeur de l’organisme des garanties suffisantes de paiement.
III.-La décision du directeur de l’organisme peut être contestée selon les dispositions applicables à la saisine en urgence du juge de l’exécution prévues au code des procédures civiles d’exécution. Le juge statue au plus tard dans un délai de quinze jours. Le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire, notamment s’il apparaît que les conditions de mise en œuvre des mesures ne sont pas respectées ou s’il estime que les garanties produites par la personne contrôlée sont suffisantes. Le recours n’a pas d’effet suspensif.
En l’espèce, la société O’Pains d’Or sollicite la nullité de la décision du directeur de l’Urssaf de faire procéder à une ou plusieurs mesures conservatoires.
Or, la lettre de l’Urssaf du 2 octobre 2023 (pièce 3) n’émane pas du directeur de l’Urssaf et ne contient pas une telle décision. Il s’agit uniquement du courrier préalable prévu à l’article L133-1 I du code de la sécurité sociale.
Aucune disposition ne permet au juge de l’exécution d’annuler un tel courrier.
Par conséquent, faute de pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution, la demande de nullité doit être déclarée irrecevable.
II. Sur les autres demandes
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société O’Pains d’Or, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes du 1° de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
La société O’Pains d’Or étant condamnée aux dépens, il y a lieu de rejeter sa demande formée à ce titre.
La juge de l’exécution, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE irrecevable la demande de nullité formée par la société O’Pains d’Or,
CONDAMNE la société O’Pains d’Or aux dépens,
REJETTE la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Fait à Bobigny le 12 décembre 2024.
LA GREFFIÈRE LA JUGE DE L’EXÉCUTION