Sommaire Déclaration de maladie professionnelleLe 7 mai 2020, M. [I] [W], conducteur de ligne de fabrication, a déclaré une maladie professionnelle liée à une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche, appuyée par un certificat médical daté du 27 mars 2020. Refus de prise en charge par la caisseLe 25 novembre 2020, la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir a refusé de prendre en charge la maladie, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, en raison de l’absence de lien direct entre le travail et la maladie. Recours et décisions judiciairesL’assuré a contesté cette décision, mais la commission de recours amiable a rejeté son recours le 26 janvier 2021. Il a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Chartres, qui a désigné un autre comité régional. Ce dernier a également rendu un avis défavorable, conduisant à un jugement du 15 décembre 2023 qui a confirmé le refus de reconnaissance de la maladie professionnelle. Appel de l’assuréPar déclaration du 11 janvier 2023, l’assuré a interjeté appel, demandant l’annulation des avis des comités régionaux et la reconnaissance de sa maladie comme d’origine professionnelle, ainsi que la prise en charge par la caisse. Arguments de la caisseLa caisse a demandé la confirmation du jugement du 15 décembre 2023, soutenant que l’assuré ne remplissait pas les conditions nécessaires pour la reconnaissance de sa maladie au titre de la législation professionnelle. Composition des comités régionauxL’assuré a contesté la régularité des avis des comités régionaux, arguant de l’absence du médecin inspecteur régional du travail. La caisse a rétorqué que cette absence ne suffisait pas à annuler les avis, car les autres membres avaient rendu un avis unanime. Conditions du tableau n° 57L’assuré a affirmé que les conditions du tableau n° 57 des maladies professionnelles étaient remplies, mais la caisse a soutenu que l’instruction avait montré que l’assuré ne remplissait pas la condition d’exposition au risque. Évaluation des tâches de l’assuréLes activités de l’assuré ont été examinées, notamment l’utilisation d’un karcher, le réglage de formats, et le changement de plaques. Les témoignages et les descriptions de poste ont été analysés pour déterminer si les mouvements effectués correspondaient aux critères du tableau n° 57. Conclusion du tribunalLe tribunal a confirmé que l’assuré ne remplissait pas les conditions requises pour la reconnaissance de sa maladie professionnelle, en raison de l’absence de mouvements ou de maintien de l’épaule sans soutien en abduction selon les critères établis. Dépens et indemnitésL’assuré, ayant perdu l’instance, a été condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande d’indemnité. Le jugement initial a été modifié pour annuler la condamnation à payer 750 euros à la caisse au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la procédure de reconnaissance d’une maladie professionnelle en France ?La reconnaissance d’une maladie professionnelle en France est régie par le Code de la sécurité sociale, notamment par l’article L. 461-1. Cet article stipule que pour qu’une maladie soit reconnue comme professionnelle, il doit être établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime. En effet, le sixième alinéa de cet article précise que si certaines conditions, telles que le délai de prise en charge ou la durée d’exposition, ne sont pas remplies, la maladie peut néanmoins être reconnue d’origine professionnelle si un lien direct avec le travail est établi. De plus, l’article D. 461-27 du même code précise la composition du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), qui doit inclure un médecin-conseil, un médecin inspecteur du travail, et un praticien hospitalier qualifié. Il est important de noter que l’avis du médecin du travail, bien qu’utile, n’est plus obligatoire dans le cadre de cette procédure, comme l’indique l’article D. 461-29. Ainsi, la reconnaissance d’une maladie professionnelle repose sur l’évaluation des conditions de travail et des avis des comités régionaux, qui doivent examiner les éléments fournis par l’assuré et son employeur. Quels sont les critères pour qu’une maladie soit reconnue au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles ?Le tableau n° 57 des maladies professionnelles, qui concerne les pathologies de la coiffe des rotateurs, énonce des critères spécifiques pour la reconnaissance d’une maladie. Selon ce tableau, pour qu’une maladie soit reconnue, il faut que l’assuré ait été exposé à des mouvements ou à un maintien de l’épaule sans soutien en abduction. Plus précisément, les critères stipulent que l’assuré doit avoir effectué des mouvements avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour, ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour. Ces conditions sont essentielles pour établir un lien entre la pathologie et le travail. Dans le cas présent, l’assuré a soutenu qu’il remplissait ces critères, mais les avis des comités régionaux ont conclu qu’il ne les respectait pas, ce qui a conduit à un refus de prise en charge. Il est donc crucial pour l’assuré de fournir des preuves tangibles et mesurables de son exposition aux risques professionnels pour que sa demande soit validée. Quelles sont les conséquences d’un refus de prise en charge d’une maladie professionnelle ?Lorsqu’une demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle est refusée, comme dans le cas de M. [I] [W], plusieurs conséquences peuvent en découler. Tout d’abord, l’assuré ne pourra pas bénéficier des prestations spécifiques liées à la reconnaissance de sa maladie comme professionnelle, ce qui inclut la prise en charge des frais médicaux et des indemnités journalières. De plus, l’assuré peut être amené à supporter les frais de justice, comme cela a été le cas ici où il a été condamné aux dépens. L’article 700 du Code de procédure civile permet également à la partie gagnante de demander le remboursement de ses frais d’avocat, ce qui peut représenter une charge financière supplémentaire pour l’assuré. En cas de contestation, l’assuré peut faire appel de la décision, mais cela implique des frais supplémentaires et un processus judiciaire prolongé. Dans ce cas, l’assuré a interjeté appel, ce qui pourrait entraîner des délais supplémentaires avant qu’une décision finale ne soit rendue. Il est donc essentiel pour les assurés de bien comprendre les implications d’un refus de prise en charge et de se préparer à d’éventuelles démarches juridiques pour défendre leurs droits. Comment se déroule l’appel d’une décision de refus de prise en charge d’une maladie professionnelle ?L’appel d’une décision de refus de prise en charge d’une maladie professionnelle suit une procédure spécifique, régie par le Code de la sécurité sociale et le Code de procédure civile. L’assuré doit d’abord interjeter appel dans un délai déterminé, généralement d’un mois à compter de la notification de la décision contestée. L’article 455 du Code de procédure civile stipule que les conclusions écrites doivent être déposées et soutenues à l’audience, ce qui implique que l’assuré doit présenter des arguments juridiques et des preuves pour soutenir sa demande. Lors de l’audience, les parties sont convoquées pour exposer leurs arguments. La cour examine les éléments du dossier, y compris les avis des comités régionaux, les certificats médicaux, et les témoignages éventuels. La cour peut alors confirmer la décision de première instance, l’infirmer, ou ordonner une nouvelle expertise. Dans le cas de M. [I] [W], il a demandé la saisine d’un nouveau CRRMP pour évaluer le lien entre sa pathologie et son travail, ce qui est une démarche courante en appel. Enfin, la décision de la cour d’appel est rendue par un arrêt, qui peut également inclure des dispositions concernant les dépens et les frais d’avocat, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile. Il est donc crucial pour l’assuré de bien préparer son dossier et de se faire accompagner par un avocat spécialisé pour maximiser ses chances de succès en appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 89A
Ch.protection sociale 4-7
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 DÉCEMBRE 2024
N° RG 24/00404 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WKTN
AFFAIRE :
[I] [W]
C/
CPAM D’EURE ET LOIR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de CHARTRES
N° RG : 21/00073
Copies exécutoires délivrées à :
Me Virginie FARKAS
M. [I] [W]
Copies certifiées conformes délivrées à :
M. [I] [W]
CPAM D’EURE ET LOIR
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [I] [W]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Mme [H] [B], en vertu d’un pouvoir spécial(FNATH)
APPELANT
CPAM D’EURE ET LOIR
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Virginie FARKAS, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E1748
INTIMÉE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Octobre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente,
Madame Aurélie PRACHE, présidente de chambre,
Madame Charlotte MASQUART, conseillère,
Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Juliette DUPONT,
Le 7 mai 2020, M. [I] [W] (l’assuré), exerçant en qualité de conducteur de ligne de fabrication au sein de la société [5] (la société), a déclaré à la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir (la caisse) une maladie professionnelle au titre d’une ‘rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche’ sur la base d’un certificat médical initial établi le 27 mars 2020.
Le 25 novembre 2020, la caisse, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP ou comité régional) de la région Centre-Val-de-Loire, a refusé de prendre en charge la maladie déclarée par la victime sur le fondement du tableau n° 57 des maladies professionnelles, en l’absence de lien direct et essentiel entre le travail et la maladie déclarée par l’assuré.
L’assuré a contesté la décision devant la commission de recours amiable de la caisse qui, dans sa séance du 26 janvier 2021, a rejeté son recours.
L’assuré a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres qui, par jugement du 18 mars 2022, a désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Nouvelle Aquitaine.
Le second comité régional ayant rendu un avis défavorable, le tribunal judiciaire de Chartres, par jugement contradictoire en date du 15 décembre 2023, a :
– débouté l’assuré de sa demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie résultant d’une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche déclarée par certificat médical initial du 27 mars 2020 ;
– homologué les avis rendus par le CRRMP de la région Centre-Val-de-Loire et par le CRRMP de la région Nouvelle Aquitaine ;
– confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse ;
– condamné l’assuré aux dépens ;
– condamné l’assuré à payer à la caisse la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 11 janvier 2023, l’assuré a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l’audience du 15 octobre 2024.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’assuré demande à la Cour :
à titre principal :
– d’annuler l’avis du second comité régional de Nouvelle Aquitaine du 13 février 2023 et l’avis du premier comité régional de Centre-Val-de-Loire du 24 novembre 2020 ;
– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres le 15 décembre 2023 ;
– d’ordonner la saisine d’un nouveau CRRMP aux fins de se prononcer sur le lien direct entre la pathologie de rupture de coiffe des rotateurs de l’épaule gauche de l’assuré et son travail habituel ;
– de condamner la caisse à la prise en charge de la maladie de rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche au titre de la législation professionnelle ;
– de le renvoyer devant la caisse pour la liquidation de ses droits ;
– de débouter la caisse de l’ensemble de ses prétentions, moyens et conclusions ;
– de condamner la caisse au paiement des entiers dépens ;
– de condamner la caisse au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
à titre subsidiaire :
– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres le 15 décembre 2023 ;
– de condamner la caisse à la prise en charge de la maladie professionnelle de rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche de l’assuré au titre de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article L. 461 -1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale ;
– de le renvoyer devant la caisse pour la liquidation de ses droits ;
– de débouter la caisse de l’ensemble de ses prétentions, moyens et conclusions ;
– de condamner la caisse au paiement des entiers dépens ;
– de condamner la caisse au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la Cour :
– de confirmer le jugement rendu le 15 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Chartres en toutes ses dispositions ;
– de rejeter le recours et les demandes formées par l’assuré ;
– de confirmer le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de l’assuré.
Sur la nullité des avis des comités régionaux
L’assuré expose que le médecin inspecteur régional du travail est absent lors de chaque avis des CRRMP de sorte que la composition de ces comités régionaux est irrégulière.
En réponse, la caisse soutient que la composition irrégulière d’un comité régional ne peut à elle seule emporter la nullité de l’avis rendu, les deux autres membres ayant rendu un avis unanime ; qu’à défaut, il conviendrait de désigner un autre comité régional.
Elle ajoute que l’avis du médecin du travail n’est plus qu’une possibilité et non une obligation de la caisse.
Sur ce,
Sur la composition du comité régional
Selon le sixième alinéa de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
L’article D. 461-27 du même code dispose que :
‘Le comité régional comprend :
1° Le médecin-conseil régional mentionné à l’article R. 315-3 du code de la sécurité sociale ou un médecin-conseil de l’échelon régional qu’il désigne pour le représenter ;
2° Le médecin inspecteur régional du travail mentionné à l’article L. 8123-1 du code du travail ou le médecin inspecteur qu’il désigne pour le représenter ;
3° Un professeur des universités-praticien hospitalier ou un praticien hospitalier, particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle nommé pour quatre ans et inscrit sur une liste établie par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé. Pour les pathologies psychiques, le professeur des universités-praticien hospitalier ou le praticien hospitalier particulièrement qualifié en pathologie professionnelle peut être remplacé par un professeur des universités-praticien hospitalier ou un praticien hospitalier spécialisé en psychiatrie. Le praticien perçoit pour cette mission une rémunération dans des conditions fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
Lorsqu’il est saisi dans le cadre du sixième alinéa de l’article L. 461-1, le comité régional peut régulièrement rendre son avis en présence de deux de ses membres. En cas de désaccord, le dossier est à nouveau soumis pour avis à l’ensemble des membres du comité…’
En l’espèce, la caisse a saisi le comité régional du fait que la troisième condition relative à la liste des travaux du tableau 57 des maladies professionnelles n’était pas remplie, conformément au sixième alinéa de l’article L. 461-1 susvisé.
Il s’ensuit que l’avis rendu par deux des membres de comité régional est régulier.
Sur l’avis du médecin du travail
Selon l’article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, le dossier examiné par le comité régional comprend les éléments mentionnés à l’article R. 441-14 auxquels s’ajoute notamment un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l’exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises éventuellement demandé par la caisse en application du II de l’article R. 461-9 et qui lui est alors fourni dans un délai d’un mois.
En effet, les nouvelles dispositions de cet article, applicable à la maladie déclarée par l’assuré le 7 mai 2020, ont rendu facultatif le recours à l’avis du médecin du travail.
Il en résulte que la caisse n’avait pas l’obligation de solliciter son avis au médecin du travail et à le communiquer au comité régional.
Il convient d’ailleurs de relever que ce renseignement manquait uniquement dans l’avis du comité régional du Centre-Val-de-Loire et non dans celui de Nouvelle Aquitaine.
Les moyens tirés de l’irrégularité des avis seront ainsi rejetés ainsi que la demande de désignation d’un troisième CRRMP.
Sur la présomption de maladie professionnelle
L’assuré affirme que les trois conditions du tableau n° 57 sont réunies et que la caisse aurait dû prendre en charge sa malade au titre de ce tableau ; qu’il exécutait des travaux nécessitant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant deux heures par jour et avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour sans qu’un effort physique soit nécessaire ; qu’il a détaillé son poste de travail ; que le médecin du travail dans son étude de poste et des conditions du travail considère que la troisième condition du tableau 57 est remplie.
Il ajoute que la même maladie à l’épaule droite a fait l’objet d’une prise en charge au titre du tableau 57.
De son coté, la caisse prétend que l’instruction de la maladie a permis de constater que l’assuré ne remplissait pas la troisième condition liée à l’exposition au risque, s’agissant de son épaule non dominante.
Sur ce
Selon le tableau n° 57 A des maladies professionnelles, sont visés, de façon limitative, comme étant susceptibles de provoquer une rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM, des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction : avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé, ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
En l’espèce, seule cette condition du tableau est discutée.
L’assuré a produit deux attestations de collègues qui ont confirmé le rythme intense et la pénibilité du travail effectué par l’assuré sans pour autant chronométrer les mouvements ou maintien sans abduction supérieurs à un angle de 60° ou de 90°.
L’assuré ainsi que l’employeur ont décrit le poste de travail et les diverses activités réalisées.
– L’utilisation du karcher
L’assuré soutient l’utiliser chaque jour pour le sol, les murs et le plafond ; la société confirme son utilisation 1/2 heure par jour, essentiellement pour le sol, un agent de nettoyage venant en fin de journée. La photographie produite par l’employeur dans le cadre de l’instruction montre que l’usage de l’appareil s’effectue à deux mains. Cependant compte tenu d’un lavage au sol, l’angle des bras avec la ligne verticale est au plus égal à 60°.
– Le réglage des formats
L’employeur a reconnu que cet exercice était pratiqué 2 heures par jour. Néanmoins, ce travail consiste en réglage de manettes ou boutons et se pratique essentiellement avec une seule main, celle dominante, la main droite pour l’assuré, raison pour laquelle la même pathologie a été reconnue d’origine professionnelle le 20 juillet 2021 pour l’épaule droite de l’assuré.
Le changement de plaques
L’assuré reprend la description du poste par le médecin du travail, pour la pathologie de l’épaule droite, qui évalue le changement de plaques de 1,7 kg x 224 par four une fois par jour en moyenne, étant deux à s’occuper de trois fours.
L’assuré décrit ainsi cette fonction : ‘la mise en place des machines, changement de formats, changement des circuits fermés de 224 plaques par ligne de production, une plaque pèse 1700kg’.
Il précise qu’il poussait des chariots de plaques pour les charger dans les fours à biscuits en ayant les bras décollés du corps avec un angle de 90° pendant une heure en cumulé par jour.
L’employeur indique que la durée d’un changement de plaques est d’environ 40 minutes mais est réalisée pour l’essentiel par un agent de production ; que ce changement se réalise jusqu’à 3 ou 4 fois par jour à l’aide de sa main ou de son bras droit qui permet au conducteur de ligne d’être disponible pour faire les réglages machine.
Il en ressort que l’assuré, conducteur de ligne, assisté de l’agent de production, procédait aux changements de plaques qui ne consistaient pas uniquement à pousser des chariots pendant 40 minutes mais également à les régler et les positionner.
La manutention de cartons de matières premières
L’assuré précise qu’il remplit les distributeurs fruits pour les cakes pendant plus de deux heures en cumulé.
La société indique que cette opération se réalise en moyenne 10 minutes par jour à l’aide d’un marche-pied. La photo reprise par l’assuré montre que le bras de l’assuré ne se décolle pas du tronc et qu’il n’est ainsi pas sans soutien ni abduction.
L’allumage et l’extinction des brûleurs
L’assuré reprend les termes de l’employeur qui indique que cette opération est anecdotique à raison de 5 minutes par jour en appuyant sur des boutons pour allumer ou éteindre les brûleurs.
Il apparaît donc que cette activité s’effectue avec la seule main droite dominante de l’assuré.
Le démoulage des cakes
L’assuré précise qu’il démoule les cakes en hauteur qui pèsent 3,5kg par moule à raison de 32 moules par chariot du sol à 1,80m selon le médecin du travail. Il indique mesurer 1,70m.
Néanmoins, le médecin du travail et l’assuré ne précisent pas la répétition de l’opération par jour.
Ils ne contredisent pas l’employeur qui affirme que le démoulage des cakes se fait deux fois par mois sur une durée de deux heures, tâche essentiellement réalisée par un agent de production.
Le nettoyage des machines
L’assuré expose nettoyer les machines 30 minutes par jour en effectuant des mouvements d’abduction de 60°, ce que confirme l’employeur.
*
Il en résulte que, même si le médecin du travail a pu estimer possible le lien entre la maladie et le travail, l’assuré n’effectue pas des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction : avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé, ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
C’est donc à juste titre que la caisse a saisi un comité régional en estimant que la troisième condition du tableau n’était pas remplie.
Le jugement qui a rejeté la demande de reconnaissance par l’assuré de sa maladie professionnelle sera confirmé de ce chef.
Sur le lien direct entre le travail habituel de l’assuré et sa pathologie
A titre infiniment subsidiaire, l’assuré soutient que les gestes qu’il décrit laissent apparaître la réalisation de mouvements de l’épaule conforme à la liste des travaux du tableau 57 depuis vingt ans, qu’il est exposé au port de charges lourdes ainsi qu’à la réalisation de gestes répétitifs avec les bras décollées du corps ; que le même comité régional a reconnu la même maladie comme professionnelle pour l’épaule droite, avec les mêmes éléments.
En réponse, la caisse expose qu’elle est tenue par l’avis du comité régional qu’elle a saisi et que les deux CRRMP ont donné un même avis défavorable.
Sur ce
Il résulte de l’avis des deux comités régionaux que ceux-ci ont apprécié l’étude des gestes, contraintes et postures générés par le poste de travail occupé par l’assuré pour exclure un lien de causalité direct entre la pathologie et les activités professionnelles exercées par l’assuré.
Le comité régional de Nouvelle Aquitaine a indiqué avoir pris en compte l’avis du médecin du travail du 10 mars 2021, le courrier du chirurgien et les témoignages des collègues.
Il en déduit qu’au ‘vu de l’étude des éléments figurant au dossier soumis aux membres du CRRMP, le Comité considère que les sollicitations de l’épaule gauche, sont ponctuelles et que les gestes décrits sont variés sans caractère spécifique (absence de bras maintenus au-dessus du plan de l’épaule, de contraction musculaire statique et dynamique, de port de charge, ou d’abduction sans soutien avec un angle supérieur ou égal à 60°) par rapport à la pathologie déclarée de cette épaule.’
Il convient en effet de relever les tâches variées de l’activité de l’assuré, de sa fonction principale de contrôle et de réglage qui fait intervenir essentiellement l’épaule droite.
En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les demandes accessoires
L’assuré, qui succombe à l’instance, est condamné aux dépens d’appel et corrélativement débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu des revenus de l’assuré, il ne paraît pas inéquitable d’infirmer le jugement qui a condamné l’assuré à payer à la caisse la somme de 750 euros sur le même fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné M. [I] [W] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [W] aux dépens d’appel ;
Déboute M. [I] [W] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.
La greffière La conseillère