Sommaire Contexte de l’affaireLe 27 janvier 2022, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt concernant le licenciement de M. [T], un salarié détaché aux États-Unis au sein d’une filiale de BNP Paribas. La cour a jugé que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant BNP Paribas à verser diverses sommes à M. [T]. La société a effectué certains paiements, mais a retenu une somme en raison de la législation fiscale américaine. Saisie-attribution et contestationLe 6 août 2020, M. [T] a initié une saisie-attribution pour récupérer un montant correspondant à la retenue effectuée par BNP Paribas. La société a contesté cette saisie devant un juge de l’exécution, et M. [T] a fait appel du jugement qui avait annulé la saisie-attribution. Arguments de la sociétéLa société BNP Paribas a soutenu que la cour d’appel avait commis une erreur en ne procédant pas à l’annulation de la saisie-attribution. Elle a fait valoir que le juge devait respecter le principe de la contradiction et que la compensation entre les sommes dues au salarié et la retenue à la source n’était pas justifiée, car elle n’avait pas prouvé le montant de l’impôt ni son versement à l’administration américaine. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a décidé de ne pas annuler la saisie-attribution, considérant que les objections de BNP Paribas constituaient une exception de compensation. Elle a estimé que la société ne pouvait pas opposer une compensation entre la créance issue de l’arrêt du 26 novembre 2019 et la créance fiscale, qui n’était pas certaine. Toutefois, la cour a statué sans avoir invité les parties à se prononcer sur ce moyen, ce qui a été considéré comme une violation du principe de la contradiction. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les implications du principe de la contradiction dans le cadre d’une saisie-attribution ?Le principe de la contradiction, énoncé à l’article 16 du Code de procédure civile, stipule que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même ce principe. Cela signifie que chaque partie doit avoir la possibilité de présenter ses arguments et ses preuves avant qu’une décision ne soit rendue. Dans le contexte d’une saisie-attribution, ce principe est particulièrement crucial. En effet, la saisie-attribution est une mesure qui affecte directement les droits d’une partie, ici le salarié, et peut avoir des conséquences financières significatives. Ainsi, si le juge soulève d’office un moyen qui pourrait affecter la décision, comme la possibilité d’une compensation entre les créances, il doit inviter les parties à se prononcer sur ce point. Le non-respect de ce principe peut entraîner l’annulation de la décision, comme cela a été le cas dans l’arrêt de la cour d’appel du 27 janvier 2022, où la cour a été jugée avoir violé l’article 16 en ne permettant pas aux parties de s’exprimer sur la question de la compensation. Quelles sont les conditions de la compensation selon le Code civil ?Les articles 1347 et 1348 du Code civil régissent les conditions de la compensation. Selon l’article 1347, la compensation est une cause d’extinction des obligations qui se produit lorsque deux personnes sont créancières et débitrices l’une de l’autre. Pour qu’une compensation soit valable, il faut que : 1. Les créances soient certaines, liquides et exigibles. L’article 1348 précise que la compensation peut être opposée même si l’une des créances n’est pas encore exigible, à condition que la créance soit certaine et que l’autre créance soit exigible. Dans le cas présent, la société BNP Paribas a tenté d’opposer une compensation entre la créance résultant de l’arrêt du 26 novembre 2019 et la retenue à la source. Cependant, la cour d’appel a jugé que la société n’était pas fondée à opposer cette compensation, car elle n’avait pas justifié du montant ni du versement à l’administration américaine, rendant ainsi la créance fiscale non certaine. Quels sont les recours possibles en cas de saisie-attribution contestée ?Lorsqu’une saisie-attribution est contestée, plusieurs recours sont possibles. Selon l’article 21 de la loi du 9 juillet 1991, le débiteur peut contester la saisie devant le juge de l’exécution. Le débiteur doit agir dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la saisie. Il peut soulever des moyens tels que : 1. L’absence de créance certaine, liquide et exigible. Le juge de l’exécution examinera alors les arguments des parties et pourra décider d’annuler la saisie, de la maintenir ou de la modifier. Dans le cas présent, le salarié a contesté la saisie-attribution, et la cour d’appel a finalement décidé de ne pas annuler la saisie, mais a ordonné un cantonnement au montant de 223 913,28 euros, ce qui montre que le juge a pris en compte les éléments présentés par les deux parties. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.114
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 décembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1197 F-D
Pourvoi n° J 22-13.114
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024
La société BNP Paribas, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-13.114 contre l’arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l’opposant à M. [U] [T], domicilié [Adresse 2] (Suisse), défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chevet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], et l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chevet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2022), une cour d’appel, par un arrêt du 26 novembre 2019, après avoir jugé le licenciement de M. [T] (le salarié), salarié détaché aux Etats-Unis d’Amérique au sein d’une filiale de la société BNP Paribas (la société), dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné cette dernière à lui verser diverses sommes. Celle-ci a réglé certaines de ces sommes, après avoir procédé à la retenue à la source d’une somme au titre de la législation fiscale américaine.
2. Le 6 août 2020, le salarié a fait pratiquer, sur le fondement de l’arrêt du 26 novembre 2019, une saisie-attribution pour un montant correspondant notamment à cette retenue au préjudice de la société, laquelle a contesté cette mesure devant un juge de l’exécution.
3. Le salarié a relevé appel du jugement ayant notamment annulé la saisie-attribution.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à annulation de la saisie-attribution pratiquée le 6 août 2020 et d’ordonner le cantonnement de ladite saisie-attribution au montant de 223 913,28 euros en principal, outre les intérêts, échus et provisionnels, et frais à recalculer compte tenu des versements faits par la société, et à l’exclusion de toute provision pour frais d’actes non encore délivrés au 6 août 2020, alors « que le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en soulevant d’office le moyen tiré de ce que la société BNP Paribas ne pouvait prétendre opérer, sur les sommes allouées au salarié dans le cadre de l’instance prud’homale, un prélèvement à la source sur les sommes imposables en vertu de la législation américaine sans justifier que les conditions d’une compensation avec les sommes dues au salarié étaient réunies, dans les conditions prévues par les articles 1347 et 1348 du code civil, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile. »
Vu l’article 16 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
6. Pour dire n’y avoir lieu à annulation de la saisie-attribution, l’arrêt retient, d’une part, que les moyens développés par la société pour s’opposer à la mesure de saisie-attribution s’analysent comme une exception de compensation de la créance détenue par M. [T] à son encontre au titre des condamnations prononcées, d’autre part, que la société n’est pas fondée à opposer une compensation entre la créance résultant de l’arrêt du 26 novembre 2019 et celle, non certaine, résultant de l’impôt dont elle ne justifie ni du montant ni du versement à l’administration américaine.
7. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d’office, tiré de l’application ou non des règles relatives à la compensation légale entre la créance résultant de l’arrêt du 26 novembre 2019 et la retenue à la source au titre de la législation fiscale américaine, la cour d’appel a violé le texte susvisé.