Sommaire Contexte de l’affaireLe 27 janvier 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé un jugement du 26 novembre 2019, déclarant le licenciement de M. [T], salarié détaché aux États-Unis par BNP Paribas, sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, la société a été condamnée à verser diverses sommes à M. [T], dont certaines ont été réglées après une retenue à la source en vertu de la législation fiscale américaine. Saisie-attribution et contestationLe 6 août 2020, M. [T] a initié une saisie-attribution pour récupérer un montant correspondant à la retenue effectuée par BNP Paribas. La société a contesté cette saisie devant un juge de l’exécution, entraînant un appel de M. [T] suite à l’annulation de la saisie par le jugement. Arguments de la sociétéLa société BNP Paribas a soutenu que la cour d’appel avait commis une erreur en ne procédant pas à l’annulation de la saisie-attribution. Elle a fait valoir que le juge avait soulevé d’office un moyen concernant la possibilité de compenser les sommes dues au salarié avec la retenue à la source, sans avoir respecté le principe de la contradiction. Réponse de la cour d’appelLa cour d’appel a statué que les objections de BNP Paribas constituaient une exception de compensation, mais a également noté que la société ne pouvait pas justifier la compensation entre la créance issue de l’arrêt du 26 novembre 2019 et la créance fiscale, qui n’était pas certaine. En ne permettant pas aux parties de se prononcer sur ce moyen, la cour a été jugée en violation du principe de la contradiction. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les implications du principe de la contradiction dans le cadre d’une saisie-attribution ?Le principe de la contradiction, énoncé à l’article 16 du Code de procédure civile, stipule que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même ce principe. Cela signifie que chaque partie doit avoir la possibilité de présenter ses arguments et ses preuves avant qu’une décision ne soit rendue. Dans le contexte d’une saisie-attribution, ce principe est particulièrement crucial. En effet, la saisie-attribution est une mesure qui affecte directement les droits d’une partie, ici le salarié, et peut avoir des conséquences financières significatives. Ainsi, si le juge soulève d’office un moyen qui pourrait affecter la décision, comme la possibilité d’une compensation entre les créances, il doit inviter les parties à se prononcer sur ce point. Le non-respect de ce principe peut entraîner l’annulation de la décision, comme cela a été le cas dans l’arrêt de la cour d’appel du 27 janvier 2022, où la cour a été jugée avoir violé l’article 16 en ne permettant pas aux parties de s’exprimer sur la question de la compensation. Quelles sont les conditions de la compensation selon le Code civil ?Les articles 1347 et 1348 du Code civil régissent les conditions de la compensation. Selon l’article 1347, la compensation est une cause d’extinction des obligations qui se produit lorsque deux personnes sont créancières et débitrices l’une de l’autre. Pour qu’une compensation soit valable, il faut que les créances soient : 1. Certaines : Cela signifie qu’elles doivent être établies et non contestées. 2. Liquides : Les montants doivent être déterminés ou déterminables. 3. Exigibles : Les créances doivent être dues au moment de la compensation. L’article 1348 précise que la compensation peut être opposée même si l’une des créances est contestée, à condition que la contestation ne soit pas sérieuse. Dans le cas présent, la société BNP Paribas n’a pas pu justifier que les conditions de la compensation étaient réunies, notamment en ce qui concerne la créance fiscale, qui n’était pas certaine ni justifiée par un montant ou un versement à l’administration américaine. Quels sont les effets d’une saisie-attribution sur les droits du salarié ?La saisie-attribution est une mesure conservatoire qui permet à un créancier de saisir des sommes d’argent dues à un débiteur, ici la société BNP Paribas, pour garantir le paiement d’une créance. Les effets de cette mesure sur les droits du salarié sont significatifs : 1. Protection de la créance : La saisie-attribution permet de protéger les droits du salarié en garantissant qu’il pourra récupérer les sommes qui lui sont dues suite à la décision de la cour d’appel. 2. Impact sur les finances de l’employeur : La saisie peut affecter la trésorerie de l’employeur, qui doit se conformer à la décision de saisie, ce qui peut avoir des conséquences sur sa gestion financière. 3. Droit à la contestation : Le salarié a le droit de contester la saisie si celle-ci est jugée abusive ou non conforme aux règles de procédure, ce qui a été le cas dans l’affaire examinée. En somme, la saisie-attribution est un outil juridique qui vise à protéger les droits des créanciers, mais qui doit être appliqué dans le respect des droits de la défense et des principes de procédure. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.114
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 décembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1197 F-D
Pourvoi n° J 22-13.114
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024
La société BNP Paribas, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-13.114 contre l’arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l’opposant à M. [U] [T], domicilié [Adresse 2] (Suisse), défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chevet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], et l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chevet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2022), une cour d’appel, par un arrêt du 26 novembre 2019, après avoir jugé le licenciement de M. [T] (le salarié), salarié détaché aux Etats-Unis d’Amérique au sein d’une filiale de la société BNP Paribas (la société), dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné cette dernière à lui verser diverses sommes. Celle-ci a réglé certaines de ces sommes, après avoir procédé à la retenue à la source d’une somme au titre de la législation fiscale américaine.
2. Le 6 août 2020, le salarié a fait pratiquer, sur le fondement de l’arrêt du 26 novembre 2019, une saisie-attribution pour un montant correspondant notamment à cette retenue au préjudice de la société, laquelle a contesté cette mesure devant un juge de l’exécution.
3. Le salarié a relevé appel du jugement ayant notamment annulé la saisie-attribution.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à annulation de la saisie-attribution pratiquée le 6 août 2020 et d’ordonner le cantonnement de ladite saisie-attribution au montant de 223 913,28 euros en principal, outre les intérêts, échus et provisionnels, et frais à recalculer compte tenu des versements faits par la société, et à l’exclusion de toute provision pour frais d’actes non encore délivrés au 6 août 2020, alors « que le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en soulevant d’office le moyen tiré de ce que la société BNP Paribas ne pouvait prétendre opérer, sur les sommes allouées au salarié dans le cadre de l’instance prud’homale, un prélèvement à la source sur les sommes imposables en vertu de la législation américaine sans justifier que les conditions d’une compensation avec les sommes dues au salarié étaient réunies, dans les conditions prévues par les articles 1347 et 1348 du code civil, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile. »
Vu l’article 16 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
6. Pour dire n’y avoir lieu à annulation de la saisie-attribution, l’arrêt retient, d’une part, que les moyens développés par la société pour s’opposer à la mesure de saisie-attribution s’analysent comme une exception de compensation de la créance détenue par M. [T] à son encontre au titre des condamnations prononcées, d’autre part, que la société n’est pas fondée à opposer une compensation entre la créance résultant de l’arrêt du 26 novembre 2019 et celle, non certaine, résultant de l’impôt dont elle ne justifie ni du montant ni du versement à l’administration américaine.
7. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d’office, tiré de l’application ou non des règles relatives à la compensation légale entre la créance résultant de l’arrêt du 26 novembre 2019 et la retenue à la source au titre de la législation fiscale américaine, la cour d’appel a violé le texte susvisé.