Examen des délais de contestation des prélèvements bancaires et de leur impact sur les droits des titulaires de compte

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Examen des délais de contestation des prélèvements bancaires et de leur impact sur les droits des titulaires de compte

Contexte de l’affaire

Madame [L] [R] est cliente de la BRED BANQUE POPULAIRE depuis le 6 décembre 2014. Entre février 2018 et mai 2023, elle a constaté des prélèvements sur son compte bancaire effectués par l’assureur SFAM, qu’elle conteste.

Actions de Madame [L] [R]

Le 8 juin 2023, Madame [L] [R] a informé sa banque des prélèvements contestés, recevant une réponse le 11 juillet 2023. Elle a ensuite envoyé une mise en demeure le 14 décembre 2023, demandant le remboursement de 11.613,40 euros pour les prélèvements non autorisés.

Introduction de l’instance

Le 8 mars 2024, Madame [L] [R] a engagé une procédure judiciaire contre la BRED BANQUE POPULAIRE, l’accusant de négligence dans la gestion de son compte et demandant le remboursement des prélèvements ainsi qu’une réparation pour préjudice moral.

Réponse de la BRED BANQUE POPULAIRE

Par des conclusions du 6 novembre 2024, la BRED BANQUE POPULAIRE a demandé au juge de déclarer les demandes de Madame [L] [R] irrecevables pour cause de forclusion, tout en proposant des alternatives concernant les montants contestés.

Position de Madame [L] [R]

En réponse, Madame [L] [R] a contesté la demande de forclusion soulevée par la banque dans ses conclusions du 5 novembre 2024.

Examen de l’incident

L’incident a été examiné lors de l’audience du 7 novembre 2024, avec une décision mise en délibéré pour le 12 décembre 2024. Le juge a rappelé les dispositions légales concernant la forclusion et les délais de contestation des prélèvements.

Décision du juge

Le juge a déclaré la demande de Madame [L] [R] forclose pour tous les prélèvements antérieurs au 8 février 2023, tout en la déclarant recevable pour ceux intervenus après cette date. Les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été réservées pour la suite de la procédure. L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état prévue pour le 30 janvier 2025.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conséquences de la forclusion sur les demandes de Madame [L] [R] ?

La forclusion est un mécanisme juridique qui entraîne la perte du droit d’agir en justice après l’expiration d’un délai fixé par la loi. Dans le cas présent, l’article L. 133-24 du code monétaire et financier stipule que l’utilisateur de services de paiement doit signaler une opération non autorisée dans un délai de treize mois suivant la date de débit.

Ainsi, Madame [L] [R] a contesté des prélèvements effectués entre février 2018 et juin 2023, mais n’a introduit son action qu’en mars 2024.

Par conséquent, son action est déclarée forclose pour les prélèvements antérieurs au 8 février 2023, car elle n’a pas respecté le délai de treize mois pour contester ces opérations.

En revanche, les prélèvements intervenus après cette date sont jugés recevables, permettant à Madame [L] [R] de poursuivre sa demande pour ces montants.

Quels articles du code de procédure civile sont applicables à cette affaire ?

Les articles pertinents du code de procédure civile dans cette affaire incluent l’article 789 et l’article 122.

L’article 789 précise que « le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour (…) Statuer sur les fins de non-recevoir ».

Cela signifie que le juge de la mise en état a la compétence exclusive pour examiner les demandes de forclusion soulevées par la BRED BANQUE POPULAIRE.

L’article 122, quant à lui, définit ce qu’est une fin de non-recevoir, en indiquant que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Ces articles sont cruciaux pour comprendre le cadre juridique dans lequel se situe l’affaire de Madame [L] [R].

Comment la loi spéciale prime-t-elle sur la loi générale dans ce contexte ?

L’adage « specialia generalibus derogeant » signifie qu’une loi spéciale déroge à une loi générale. Dans le contexte de cette affaire, l’article L. 133-24 du code monétaire et financier constitue une disposition spéciale qui établit un délai de forclusion de treize mois pour contester des opérations de paiement.

Ce délai prime sur le délai général de prescription de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil.

Ainsi, même si Madame [L] [R] aurait pu théoriquement agir dans le cadre du délai de prescription général, elle est soumise au délai de forclusion spécifique de treize mois pour contester les prélèvements bancaires.

Cela signifie que, pour les prélèvements effectués avant le 8 février 2023, elle ne peut plus agir en justice, car elle n’a pas respecté le délai imparti par la loi spéciale.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner une partie à verser à l’autre une somme d’argent au titre des frais exposés pour la défense de ses droits.

Dans cette affaire, les demandes formées par Madame [L] [R] au titre de l’article 700 seront tranchées lors de la procédure au fond.

Cela signifie que, bien que la BRED BANQUE POPULAIRE ait demandé la condamnation de Madame [L] [R] à verser une somme de 2.000 € en vertu de cet article, la décision finale sur cette demande sera prise ultérieurement, lors de l’examen des demandes au fond.

Il est important de noter que la partie qui succombe dans l’instance peut être condamnée aux dépens, ce qui inclut les frais de justice et d’avocat, renforçant ainsi l’importance de l’article 700 dans le cadre des litiges civils.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 24/03541
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

à
Me CHEMIN
Me BEREST

9ème chambre 3ème section

N° RG 24/03541
N° Portalis 352J-W-B7I-C4GHV

N° MINUTE : 4

Assignation du :
08 Mars 2024

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 12 Décembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [L] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Olivier CHEMIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

DEFENDERESSE

BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Justin BEREST, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #D0538

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente, juge de la mise en état, assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière.

DEBATS

A l’audience du , avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 12 Décembre 2024.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Madame [L] [R] est titulaire d’un compte ouvert dans les livres de la BRED BANQUE POPULAIRE depuis le 6 décembre 2014.

Entre les mois de février 2018 et mai 2023, Madame [L] [R] a vu apparaitre sur son compte bancaire des prélèvements de la part de l’assureur SFAM dont elle conteste être l’auteur.

Madame [L] [R] en a informé sa banque la BRED BANQUE POPULAIRE par un courriel en date du 8 juin 2023 auquel sa banque a répondu en date du 11 juillet 2023.

Madame [L] [R] a ensuite adressé à la BRED BANQUE POPULAIRE, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 décembre 2023, une mise en demeure de lui rembourser la somme de 11.613,40 euros au titre des prélèvements contestés intervenus sur son compte bancaire.

Le 8 mars 2024, Madame [L] [R] a introduit la présente instance afin d’obtenir la condamnation de la BRED BANQUE POPULAIRE au titre de sa faute de vigilance et de surveillance lors du fonctionnement de son compte bancaire et en conséquence d’obtenir la condamnation de la BRED BANQUE POPULAIRE à lui rembourser la totalité du montant des prélèvements contestés soit 11.613,40 euros, en plus de la réparation de son préjudice moral.

Par conclusions successives en date du 6 novembre 2024, la BRED BANQUE POPULAIRE demande au juge de la mise en état de :
“- DECLARER IRRECEVABLE l’ensemble des demandes, fins et conclusions de Madame [L] [R] pour cause de forclusion.

A titre subsidiaire,
– DECLARER IRRECEVABLE l’ensemble des demandes, fins et conclusions de Madame [L] [R] pour cause de forclusion, sur le fondement du délai de 8 semaines.

A titre infiniment subsidiaire,
– DECLARER IRRECEVABLES les demandes, fins et conclusions de Madame [L] [R] pour cause de forclusion à hauteur de la somme 8.175,26 € et les déclarer recevables à hauteur de la somme de 3.438,14 €.

En tout état de cause,
– CONDAMNER Madame [L] [R] à verser à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNER Madame [L] [R] aux entiers dépens de l’instance.”

Par conclusions successives en date du 5 novembre 2024, Madame [L] [R] demande au juge de la mise en état de :
“- REJETER la demande de forclusion soulevée par la BRED BANQUE POPULAIRE.”

L’incident a été examiné à l’audience du 7 novembre 2024 et mis en délibéré au 12 décembre 2024.

SUR CE,

I. Sur la forclusion

Conformément aux dispositions de l’article 789 du code de procédure civile : « le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour (…) Statuer sur les fins de non-recevoir ».

L’article 122 du code de procédure civile dispose, quant à lui, que : « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

En cas de contestation d’un prélèvement bancaire, l’article L. 133-24 du code monétaire et financier dispose que :
“L’utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III.
Sauf dans les cas où l’utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, les parties peuvent convenir d’un délai distinct de celui prévu au présent article.”

En application de l’adage « specialia generalibus derogeant », une loi spéciale qui déroge à une loi générale a vocation à s’appliquer et prime sur cette dernière.

Ainsi s’agissant du délai d’action du titulaire du compte, l’article L. 133-24 du code monétaire et financier est une disposition spéciale qui instaure un délai de forclusion spécial de 13 mois étant bien entendu que cette disposition prime sur les dispositions générales de l’article 2224 du code civil afférant au régime de prescription de droit commun prévoyant une prescription quinquennale.

Ce seul délai de forclusion de l’article L. 133-24 du code monétaire et financier a donc incontestablement vocation à s’appliquer au cas d’espèce au titulaire du compte, Madame [L] [R], étant bien entendu que la forclusion concerne uniquement l’exercice de l’action en justice.

Au cas présent, Madame [L] [R] conteste des opérations intervenues au bénéfice de la SFAM entre le mois de février 2018 et le mois de juin 2023 mais n’a assigné la BRED BANQUE POPULAIRE qu’en date du 8 mars 2024.

En conséquence, son action est forclose pour les opérations intervenues antérieurement au 8 février 2023 et recevable pour les prélèvements intervenus postérieurement à cette date.

II. Sur les autres demandes

Les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront tranchées lors de la procédure au fond.

Madame [L] [R] qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’incident.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE la demande de Madame [L] [R] forclose pour tous les prélèvements antérieurs au 8 février 2023 ;

DÉCLARE la demande de Madame [L] [R] recevable pour tous les prélèvements intervenus depuis le 8 février 2023 ;

RÉSERVE les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RENVOIE à l’audience de mise en état du 30 janvier 2025 pour dépôt des conclusions au fond.

Faite et rendue à Paris le 12 Décembre 2024.

LA GREFFIERE LA JUGE DE LA MISE EN ÉTAT


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