Le droit à indemnisation d’une Victime d’attentat

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Le droit à indemnisation d’une Victime d’attentat

Contexte de l’Affaire

Monsieur [K] [V] se présente comme victime de l’attentat terroriste survenu le 14 juillet 2016 à [Localité 7]. Il affirme avoir été présent sur la promenade des Anglais, à proximité immédiate de la scène de crime, et avoir subi des blessures lors de la panique qui a suivi l’attaque. Il décrit avoir chuté sur la plage après avoir été bousculé par la foule en fuite.

Déroulement des Événements

Le jour de l’attentat, Monsieur [K] [V] se promenait avec sa famille avant de se retrouver seul au moment de l’attaque. Il a vu le camion foncer sur les piétons et a tenté de se mettre à l’abri, ce qui a entraîné sa chute. Après l’incident, il a été aidé par des témoins présents sur la plage et a regagné son hôtel dans un état de désorientation, souffrant de douleurs au dos et à la jambe.

Prise en Charge Médicale

Monsieur [K] [V] a été admis à l’hôpital le 15 juillet 2016, où des examens ont révélé des traumatismes au niveau du rachis cervical et lombaire. Il a également subi des séances de kinésithérapie pour traiter des séquelles physiques et psychologiques, notamment une dépression liée au choc traumatique.

Demandes d’Indemnisation

Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme (FGTI) a rejeté les demandes d’indemnisation de Monsieur [K] [V] à deux reprises, malgré l’intervention du Médiateur. En conséquence, il a assigné la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et le FGTI devant le tribunal.

Jugement et Sursis à Statuer

Le tribunal a prononcé un sursis à statuer en mars 2023, demandant des preuves supplémentaires concernant la recevabilité de la constitution de partie civile de Monsieur [K] [V] devant la Cour d’assises de Paris. Il a également été invité à fournir des témoignages de personnes ayant été en contact avec lui durant les jours suivant l’attentat.

Arguments du FGTI

Le FGTI conteste la qualité de victime de Monsieur [K] [V], soulignant des incohérences dans son récit, notamment concernant sa tenue vestimentaire, sa localisation lors des faits, et les détails de sa prise en charge médicale. Il argue que les éléments médicaux fournis ne corroborent pas les blessures alléguées et que Monsieur [K] [V] n’a pas été reconnu comme partie civile lors du procès pénal.

Décision du Tribunal

Le tribunal a conclu que Monsieur [K] [V] n’a pas prouvé sa qualité de victime d’un acte de terrorisme. Il a été déclaré irrecevable en toutes ses demandes d’indemnisation, et les dépens ont été laissés à la charge du Trésor public. La décision a été rendue le 12 décembre 2024.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la définition légale d’un acte de terrorisme selon le code pénal ?

Selon l’article 421-1 du code pénal, « constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ».

Cette définition souligne que pour qu’un acte soit qualifié de terrorisme, il doit avoir pour but de créer un climat de peur et d’intimidation, affectant ainsi l’ordre public.

Il est donc essentiel pour une victime de prouver que l’infraction dont elle a été victime s’inscrit dans ce cadre légal pour pouvoir prétendre à une indemnisation.

Quelles sont les conditions d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme selon le code des assurances ?

L’article L126-1 du code des assurances stipule que les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, ainsi que les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, sont indemnisées dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3 du code pénal.

Pour être indemnisée, la victime doit rapporter la preuve qu’elle a été victime d’une infraction de terrorisme. Cela implique de démontrer non seulement la présence sur les lieux de l’attentat, mais aussi d’établir un lien direct entre les blessures subies et l’acte terroriste.

Quels éléments de preuve sont nécessaires pour établir la qualité de victime d’un acte de terrorisme ?

Pour établir la qualité de victime d’un acte de terrorisme, il est nécessaire de fournir des éléments de preuve tangibles. Cela inclut :

1. La présence sur les lieux : La victime doit prouver qu’elle se trouvait dans le périmètre de l’attaque au moment des faits.

2. Des témoignages : Des témoignages de personnes ayant assisté à l’événement ou ayant été en contact avec la victime peuvent renforcer la crédibilité de la demande.

3. Des documents médicaux : Les certificats médicaux et les rapports d’hospitalisation doivent attester des blessures subies et de leur lien avec l’attentat.

4. La constitution de partie civile : La victime doit avoir été reconnue comme partie civile dans le cadre du procès pénal lié à l’attentat.

Ces éléments sont cruciaux pour que la demande d’indemnisation soit considérée comme recevable par les juridictions compétentes.

Quelles sont les conséquences d’une absence de constitution de partie civile dans le cadre d’une demande d’indemnisation ?

L’absence de constitution de partie civile peut avoir des conséquences significatives sur la recevabilité de la demande d’indemnisation. En effet, si la victime n’a pas été reconnue comme partie civile dans le cadre du procès pénal, cela peut être interprété comme un manque de preuve de sa qualité de victime.

Cela a été souligné dans le jugement rendu, où il a été noté que Monsieur [K] [V] n’avait pas été reçu en sa qualité de partie civile par la cour d’assises, ce qui a conduit à la conclusion qu’il ne pouvait pas prétendre à une indemnisation.

Ainsi, la constitution de partie civile est un élément fondamental pour établir le droit à indemnisation, car elle atteste de la reconnaissance officielle de la victime dans le cadre de l’infraction.

Quels sont les effets des incohérences dans le récit d’une victime sur sa demande d’indemnisation ?

Les incohérences dans le récit d’une victime peuvent gravement compromettre sa demande d’indemnisation. En effet, le tribunal peut considérer que ces incohérences remettent en question la crédibilité de la victime et, par conséquent, la véracité de sa demande.

Dans le cas de Monsieur [K] [V], plusieurs incohérences ont été relevées concernant sa tenue vestimentaire, sa localisation lors des faits, et les détails de sa prise en charge médicale. Ces éléments ont été utilisés par le FGTI pour contester sa qualité de victime.

Le tribunal a ainsi conclu que ces incohérences, loin d’être des erreurs mineures, étaient suffisamment significatives pour justifier le rejet de la demande d’indemnisation, car elles ne permettaient pas d’établir un lien direct entre les blessures alléguées et l’attentat.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal sur les frais de justice ?

La décision du tribunal a des implications directes sur les frais de justice. En l’espèce, le tribunal a décidé de laisser les dépens à la charge du Trésor public, ce qui signifie que les frais de justice liés à cette affaire ne seront pas à la charge de Monsieur [K] [V].

Cependant, le tribunal a également débouté Monsieur [K] [V] de l’intégralité de ses demandes, ce qui implique qu’il ne recevra pas d’indemnisation pour les préjudices qu’il a allégués.

De plus, le tribunal a condamné Monsieur [K] [V] à payer une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ce qui représente une charge financière supplémentaire pour lui.

Ainsi, la décision du tribunal a des conséquences financières significatives pour Monsieur [K] [V], tant en termes de frais de justice que d’indemnisation.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 21/15033
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

PRPC JIVAT

N° RG 21/15033 –
N° Portalis 352J-W-B7F-CVNNG

N° MINUTE :

Assignations du :
29 Octobre 2021
04 Novembre 2021

JUGEMENT
rendu le 12 Décembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [K] [V]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représenté par Me Charles FONTAINE, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant et Me Isabelle TESTE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1400

DÉFENDEURS

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS (FGTI),
[Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Me Noémie TORDJMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0124

CPAM du Vaucluse
[Adresse 4]
[Localité 5]

défaillante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Pascal LE LUONG, Premier Vice-Président
Géraldine CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe
Laurence GIROUX, Vice-Présidente

assistés de Véronique BABUT, Greffier

Décision du 12 Décembre 2024
PRPC JIVAT
N° RG 21/15033
N° Portalis 352J-W-B7F-CVNNG

DEBATS

A l’audience du 24 Octobre 2024 tenue en audience publique
Après clôture des débats, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2024.

JUGEMENT

– Réputé contradictoire,
– En premier ressort,
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [K] [V] fait valoir sa qualité de victime de l’infraction de terrorisme du 14 juillet 2016 à [Localité 7] en raison de sa proximité avec la scène de crime, relevant qu’il était bien présent sur la promenade des Anglais le jour de l’attentat, qu’il était sur la trajectoire du camion et qu’il s’est blessé en chutant de la promenade sur la plage après avoir été pris dans le mouvement de foule.

Ainsi, il a exposé qu’à l’issue du feu d’artifice, il marchait sur la promenade des Anglais, avec son épouse et ses deux enfants, qui rentraient à l’hôtel Carlone, leur lieu de résidence, pour se coucher ;
qu’il avait ainsi poursuivi sa promenade, seul, lorsque l’attentat avait débuté, se trouvant à une dizaine de mètres du kiosque à journaux situé sur le trottoir duquel avait surgi le camion, lequel avait failli le percuter; qu’il avait alors vu plusieurs piétons se faire écraser ;
qu’en cherchant à se mettre à l’abri sur la plage du restaurant “le sporting”, suivant le mouvement de foule et de panique générale, il avait été violemment bousculé chutant de quelques mètres sur la tête ;
que des personnes, présentes sur la plage, l’avaient alors aidé à se relever et à remonter les escaliers afin d’atteindre le trottoir d’où il était tombé ;
qu’il était revenu péniblement, à pied, à son hôtel dans un état de désorientation, souffrant d’importantes douleurs au dos et à la jambe gauche qui commençait à enfler ;
que les pompiers se seraient déplacés et lui auraient administré des calmants, appelés par un membre du personnel de l’hôtel, à la demande de son épouse ;
qu’il n’avait été conduit aux urgences que le lendemain en raison de l’aggravation de ses douleurs et de la saturation des hôpitaux, le soir de l’attentat.

A l’appui de ses dires, Monsieur [K] [V] a produit un certificat d’admission à l’Hôpital Pasteur de [Localité 7], en date du 15 juillet 2016 à 14h57, son examen clinique mettant en évidence:
– «Traumatisme rachis cervical et lombaire suite à chute accidentelle pendant les attentats
– Barrière de la langue ;

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– Douleurs à la palpation des épineuses cervicales et lombaires avec contractures paravertébrales ;
– Pas de déficit sensitivo moteur ;
– Lasègue à 40° à gauche ;
– Pas d’autres douleurs à la palpation du cadre osseux».

Il a produit également l’interprétation d’une radiographie du rachis cervico-dorso-lombaire et du bassin réalisée le 27 décembre 2016 :
“A l’étage cervical
– une rectitude vicieuse penchée vers la droite du rachis sans rotation significative des épineuses,
– Pincement assez marqué du disque C5-C6 avec osthéophytose péri-somatique rétrécissant les foramens de conjugaison avec une prédominance du côté gauche,
– Bloc fonctionnel C5 – C6 sur les clichés dynamiques ;
A l’étage dorso-lombaire :
– Inflexion à large rayon de courbure du rachis dorso-lombaire centré sur la charnière mesurée à 10°discrète raideur dans le plan sagittal du rachis,
– Pincement antérieur des disques en situation médiodorsale,
– Pincement marqué du disque L5-S1 avec ostéophytose péri-somatique,
– Arthropathie articulaire à prédominance lombaire basse,
– Bascule de 14 mm du bassin vers la gauche,
– Respect des interlignes coxo-fémoraux,
– Remaniements dégénératifs banals des interlignes -iliaques non spécifiques.”

Par la suite, Monsieur [K] [V] aurait bénéficié d’une prise en charge notamment par des séances de kinésithérapie tant pour des séquelles physiques, “sa chute de plusieurs mètres lui ayant occasionné de graves blessures au niveau du dos” que pour des répercussions psychiques des faits, souffrant de dépression à la suite du choc traumatique justifiant un suivi psychologique au long cours”.

Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) a refusé, par courriers des 26.09.2017 et 21.03.2018, ses demandes d’indemnisation amiables, sans que l’intervention du Médiateur du Fonds de Garantie, saisi le 13 juillet 2018, ne permette un changement de position (cf. son avis de rejet du 10 décembre 2018).

C’est dans ces circonstances que par actes d’huissier des 29 octobre et 4 novembre 2021, Monsieur [K] [V] a assigné la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Vaucluse et le FGTI devant le présent tribunal.

Par jugement rendu le 23 mars 2023, la présente juridiction a prononcé un sursis à statuer considérant : “compte tenu des explications fournies par Monsieur [K] [V] et des pièces qui accompagnent ces dernières, mais qui sont contestées par le Fonds de garantie, il apparaît essentiel que le requérant produise l’arrêt sur intérêts civils rendu par la Cour d’assises de Paris spécialement composée afin que soit vérifié si sa constitution de partie civile a été déclarée recevable.
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De la même manière, il pourra produire tous témoignages des personnes qui ont été en contact avec lui du 14 juillet au 16 juillet 2016 et qui sont susceptibles de fournir toute précision utile sur ce qu’elles savent des faits.”

Par ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 20 février 2024, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [K] [V] demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
DIRE ET JUGER que Monsieur [K] [V] était présent sur le parcours meurtrier du camion lors des événements terroristes de Nice du 14 juillet 2016 et estimer de ce fait son action recevable.
En conséquence,
DIRE ET JUGER le Fonds de Garantie des Victimes d’Infractions tenu d’indemniser Monsieur [K] [V] à due concurrence des postes de préjudices qui seront chiffrés à dire d’expert.
Avant dire droit,
ORDONNER une mesure d’expertise médicale à tel médecin expert qu’il plaira à la juridiction
DIRE ET JUGER que la décision à intervenir sera commune à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du VAUCLUSE attraite à la cause afin de produire ses débours.

Sur l’absence de constitution de partie civile de Monsieur [V] par devant la Cour d’assises de Paris spécialement constituée, le demandeur a précise qu’“il convient de porter à la connaissance de la juridiction que la situation financière de Monsieur [V] ne lui permettait pas de se présenter à cette audience. Il a donc souhaité concentrer ses demandes indemnitaires devant la juridiction de céans”.
Il a versé l’attestation de Madame [I] [Z], du 7.8.2023, se disant son épouse.

*

Par ses dernières conclusions signifiées le 9 janvier 2024, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le FGTI demande au tribunal au visa de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986, de l’article L. 126-1 du code des assurances, 421-1 du code pénal :

JUGER que Monsieur [K] [V] ne rapporte pas la preuve qu’il se trouvait dans le périmètre de circulation du camion lors de l’attaque terroriste perpétrée à [Localité 7] le 14 juillet 2016 ;
JUGER que Monsieur [K] [V] ne peut prétendre au statut de victime de l’attentat au sens des textes applicables et à une indemnisation de la part du FONDS DE GARANTIE ; DEBOUTER Monsieur [K] [V] de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNER Monsieur [K] [V] à payer au FONDS DE GARANTIE une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL FABRE ET ASSOCIEES, Avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le FGTI a fait valoir, précédemment, les nombreuses incohérences et contradictions dans le récit de Monsieur [V], qui n’a déposé plainte que quatre mois après les faits, le 08 novembre 2016, développées en plusieurs points:

Sur la tenue vestimentaire :
“Tout d’abord, le Tribunal constatera que lors de son dépôt de plainte, Monsieur [V] :
– a déclaré qu’il était «porteur d’une chemise noire et d’un short bleu foncé» tandis qu’aux termes de son courriel au FGTI du 8 décembre 2017, il indiquait au sujet d’une vidéo publiée sur YouTube que «la vidéo a été prise à partir d’un immeuble situé sur le trottoir nord. On y aperçoit la moto qui tente de s’interposer et je suis à ce moment-là sur la bande végétale du trottoir sud, vêtu d’un pantalon blanc et d’un tee-shirt noir»;

Sur ce qui a suivi la chute :
“Ensuite, toujours au moment de son dépôt de plainte, Monsieur [V] a déclaré «je me suis cogné la tête et j’ai du mal à me souvenir de la suite. Je sais que des gens m’ont aidé à monter les escaliers pour aller sur la promenade (…) n’habitant pas très loin, des gens m’ont aidé à regagner mon domicile» puis à la question «après les faits, qu’avez-vous fait ?», il a répondu «on m’a aidé à rejoindre mon hôtel car je ne pouvais pas marcher». Or, par son mail du 8 décembre 2017, Monsieur [V] indiquait qu’il était rentré «péniblement» sans faire mention de l’aide d’un tiers.”

Sur la prise en charge par les pompiers :
– a déclaré «au matin [le 15 juillet 2016] les pompiers sont revenus car j’avais très mal et cette fois-ci, ils m’ont transporté à l’Hôpital Pasteur à [Localité 7]» alors que le compte-rendu des urgences du Centre Hospitalier mentionne une admission à 14h45 ;”

Sur sa localisation :
– à la question : «pouvez-vous vous localiser avec précision lors des faits dont vous avez été témoin ?», il a répondu «à la hauteur du [Adresse 1], quelques mètres plus loin en direction du centre-ville», en mentionnant un kiosque à journaux et une Pergola, alors qu’il n’existe ni kiosque ni pergola au niveau du [Adresse 1].

Sur les lésions alléguées :
“Sur les pièces médicales communiquées à l’appui de l’assignation qui ne montrent pas de lésions traumatiques :
dans le cadre de la présente instance, Monsieur [V] produit des éléments médicaux afin d’établir la réalité des blessures dont il déclare avoir été victime ce soir du 14 juillet 2016. Le formulaire de demande d’indemnisation de Monsieur [V] indique qu’il aurait été «gravement blessé».

Pourtant, aucune «blessure grave» ne ressort du dossier des urgences du Centre Hospitalier de [Localité 7]. Contrairement à ce qu’il indique, Monsieur [V] n’a pas été hospitalisé 48 heures.

Il ressort du compte-rendu des urgences qu’il produit aux débats qu’il a été admis aux urgences où il a été examiné. Un scanner du rachis cervical et un scanner cérébral ont été réalisés. Dans la mesure où ils n’ont pas montré d’anomalies, Monsieur [V] a été autorisé à regagner son domicile, sans qu’il ne soit nécessaire de l’hospitalier au-delà du temps utile pour sa prise en charge aux urgences, probablement débordées ce jour-là. L’ordonnance de sortie, établie par le médecin des urgences, s’est limitée à du doliprane, un anti-inflammatoire et un relaxant musculaire. Il est précisé à toutes fins utiles que le signe de Lasègue mentionné par le courrier de sortie correspond à un signe de lombosciatique et de hernie discale, qui ne sont pas des pathologies traumatiques.

Le FGTI ajoute que l’on sait désormais, à la lecture de l’arrêt de la Cour d’assises du 23 mars 2023, que contrairement à ce qu’il avait annoncé, Monsieur [V] n’était même pas partie civile au procès pénal ;

Qu’en outre, si les pièces du dossier médical n’apportent pas d’éléments de nature à corroborer les déclarations de Monsieur [V], tant la radiographie du rachis, réalisée le 27 décembre 2016, soit 5 mois après les faits, que l’IRM du 6 février 2017 décrivent un pincement discal, une ostéophytose, un rétrécissement des foramens et une arthropathie, qui caractérisent des lésions dégénératives ou d’anomalies constitutionnelles, non traumatiques, sans lien avec une chute et qui expliquent à elles seules les séances de kinésithérapie dont Monsieur [V] se prévaut ; diagnostic confirmé par les comptes-rendus d’infiltrations articulaires réalisées les 23 mars et 31 juillet 2017 pour «névralgie cervico-brachiale» et constatant une arthrose inter-apophysaire, pathologies sans lien avec une lésion traumatique mais qui se rattachent aisément aux lésions dégénératives sus-décrites ; enfin, une IRM du 27 avril 2018 qui conclut à d’«importants signes de chondropathie et d’arthrose fémoro-patellaire, probablement en rapport avec les antécédents de fracture de rotule», fracture dont il est fait état dans un certificat médical du 11 mai 2017 qui la rattache à une chute survenue en 2006.

La CPAM du Vaucluse, régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat, la présente décision sera donc réputée contradictoire à l’égard de tous.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 mai 2024, l’affaire a été fixée en plaidoiries à l’audience du 24 octobre 2024.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 12 décembre 2024.

MOTIFS

Sur le droit à indemnisation

Aux termes de l’article L126-1 du code des assurances, les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3 du code pénal.

Selon l’article 421-1 du code pénal, « constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ».

Afin de pouvoir être indemnisée devant cette juridiction, la victime doit donc rapporter la preuve qu’elle a été victime d’une infraction de terrorisme.

Il sera renvoyé à la motivation du précédent jugement rendu par la présente juridiction le 23 mars 2023 qui a sursis à statuer, au vu des nombreuses contradictions relevées quant à la tenue vestimentaire, la prise en charge par les pompiers, la localisation exacte, les lésions alléguées, le moment de l’admission à l’hôpital, dans l’attente de la confirmation de la recevabilité de sa constitution de partie civile devant la Cour d’assises de Paris spécialement composée et de la production, le cas échéant, de tous témoignages de personnes qui auraient été en contact avec lui du 14 juillet au 16 juillet 2016 et à ce titre susceptibles de fournir toute précision utile sur ce qu’elles savent des faits le concernant directement et personnellement.

Il sera rappelé que, pour expliquer les incohérences relevées, de manière fondée, par le FGTI dans sa lettre du 21 mars 2018, Monsieur [K] [V] a répondu dans un courrier du 3 avril de la manière suivante :

– au sujet des vêtements : «je crains que le policier, une fois encore, n’ait pas compris que j’étais bel et bien vêtu d’un tee-shirt noir et d’un short blanc (l’écrivain public peut témoigner qu’il avait compris «pantalon») comme la vidéo en témoigne» ;

– au sujet du retour à l’hôtel : “ il fut en effet pénible et l’écrivain public (M. [J] [M] de l’association Vie partage qui peut en témoigner) qui a rédigé le mail pour moi n’a pas cru utile de repréciser qu’il était effectué avec l’aide de quelqu’un dans la mesure où ceci était déjà indiqué dans l’audition”

– au sujet de son admission à l’hôpital : «oui, j’ai bien été pris en charge à 14h45 le lendemain et je suppose que le policier en charge de l’audition a compris que les pompiers étaient venus le matin alors que nous les avons appelés en début d’après-midi depuis les locaux de Médecins du Monde basés non loin de notre hôtel» ;

– au sujet de sa position lors des faits : «Je n’ai jamais prétendu me trouver à la hauteur du [Adresse 1].
Je pense qu’il s’agit d’une déduction faite par le policier à partir de mon point de départ».

– au sujet de ses blessures : suite à l’attentat, j’ai dû être opéré de l’épaule et du cou. En effet ma colonne vertébrale était extrêmement douloureuse. A ce moment-là, les médecins me disaient que cela pourrait avoir une influence sur ma façon de marcher. J’ai d’importantes douleurs au genou et je pense qu’il va falloir m’opérer. Les infiltrations dans mes cervicales en 2017 ne m’ont pas soulagé et je dois prendre un traitement afin de ne pas souffrir”.

Sur ce,

Il est constant que Monsieur [K] [V] n’a pas été reçu en sa qualité de partie civile par la cour d’assises spécialement composée de Paris, dans son arrêt civil du 26 mai 2023, arrêt produit par le seul F.G.T.I. ; Monsieur [K] [V] reconnaît désormais, ne pas s’être présenté devant la cour d’assises spécialement composée, ayant siégé du 5 septembre au 15 novembre 2022, “faute d’avoir disposé des ressources financières” ; il sera relevé qu’étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale selon décision du bureau d’aide juridictionnelle d’AVIGNON du 16 avril 2021 (Décision n°2021/001108), Monsieur [K] [V] ne peut soutenir un tel argument alors qu’il ne verse, de surcroît, aux débats aucune pièce par laquelle il aurait signifié cette difficulté à la cour d’assises devant laquelle il n’apporte pas davantage la preuve qu’il aurait eu l’ intention de se constituer partie civile ;

Le procès-verbal de dépôt de plainte initiale a été signé, en connaissance de cause, par Monsieur [K] [V], entendu par des services de police dont la compétence n’est pas attaquable : «après lecture et traduction faite par l’interprète, [V] [K] persiste et signe avec nous et l’interprète» ;

Il reste des discordances fortes entre les présentes écritures et les auditions devant les services de police sur lesquelles le demandeur reste taisant, sans avoir cherché à clarifier son statut en ne se présentant pas devant la cour d’assises spécialement composée ; il en sera déduit que le nombre des incohérences retenues ne permet pas de les imputer à une approximation d’un service de police spécialisé ou d’un interprète mais au demandeur lui-même ;

Les photographies et video communiquées, issues exclusivement de données publiques, ayant circulé plusieurs mois après les faits, n’ont pas permis, de surcroît, une identification formelle de Monsieur [K] [V] ;

Les pièces médicales ne permettent pas davantage de crédibiliser les déclarations de Monsieur [K] [V] :

d’une part, aucune lésion n’a été constatée lors de son admission au Centre Hospitalier de [Localité 7] le 15 juillet 2016, d’autre part, il est parfaitement établi qu’il a subi un polytraumatisme en 2006 et qu’il présente des lésions dégénératives et des anomalies constitutionnelles relevant, en toute hypothèse, d’un état antérieur ;

Le demandeur n’apporte ainsi aucun élément nouveau de nature à emporter la conviction du tribunal quant à sa qualité de victime directe et certaine de l’attentat de Nice.

Enfin, invité à produire le témoignage de toute personne, en contact avec lui, susceptible de fournir des éléments utiles sur les faits de l’espèce, entre le 14 et le 16 juillet 2016, Monsieur [K] [V], a versé une unique attestation, non conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, d’un témoin indirect et de son proche entourage, en l’espèce, celui de Madame [I] [Z], se disant son épouse (sans produire aux débats de justificatifs de lien marital, non établi par la carte de résidente), en date du 7 août 2023, selon laquelle les faits auraient été les suivants :
«(…)[K] est allé se promener seul. Environ une heure plus tard, j’ai entendu des cris dans la cour de l’hôtel et les voisins réfugiés m’ont appelé. Deux hommes aidèrent [K] à monter dans notre chambre dont l’entrée se trouvait dans la cour fermée de l’hôtel. Il boitait et hurlait de douleur. Je ne connaissais pas le français et parlais anglais. J’ai couru voir l’administrateur de l’hôtel, j’ai demandé à son fils d’appeler une ambulance, l’appel a été passé depuis le téléphone de [K] après 15-20 minutes, une ambulance est arrivée. Le personnel ambulancier a signalé que les hôpitaux débordaient de blessés et ne pouvaient pas l’hospitaliser. J’ai dit que nous sommes des réfugiés, nous n’avons même pas de médicaments. Ils ont donné des analgésiques à [K], ont pris les coordonnées d’assurance médicale, ont dit que si la douleur ne s’atténuait pas demain, appeler à nouveau l’ambulance. Cette nuit-là, [K] s’endormit au petit matin. Mais le lendemain les douleurs au cou et au bas du dos ont repris, il lui était difficile de marcher. Non loin de notre hôtel se trouvait l’organisation médecins du monde. Le lendemain nous sommes allés les voir. Les médecins ont examiné [K] et ont appelé une ambulance pour l’emmener à l’hôpital (…) ».

Cette attestation établie en vue de sa production en justice sans mention par son auteur des mentions qu’elle devait légalement contenir n’apporte aucun élément de nature à renseigner le tribunal quant à la qualité de victime directe et certaine de l’attentat de Nice au bénéfice de Monsieur [K] [V].

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Monsieur [K] [V] échoue à démontrer l’existence avérée d’un danger immédiat ou l’exposition au risque et partant sa qualité de victime de l’attentat terroriste commis à [Localité 7] au sens des articles 421-1 et suivants du code pénal.

Il doit en conséquence être déclaré irrecevable en toutes ses demandes.

II- SUR LES AUTRES DEMANDES

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

Nonobstant la solution du litige, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

Dit que Monsieur [K] [V] n’a pas été victime d’un acte de terrorisme le 14 juillet 2016 au sens des dispositions des articles L126-1 et L422-1 et suivants du code des assurances ;

Dit en conséquence que Monsieur [K] [V] est irrecevable en toutes ses prétentions ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 12 Décembre 2024

Le Greffier Le Président


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