Irrégularité des preuves dans une réclamation de créance liée à la fourniture d’eau

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Irrégularité des preuves dans une réclamation de créance liée à la fourniture d’eau

Contexte de la Demande

La société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE a assigné Madame [Y] le 18 septembre 2024, réclamant le paiement d’une somme de 26 913,10 € avec intérêts, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive et des frais irrépétibles. Elle a également demandé des travaux réparatoires pour une fuite au niveau du compteur, sous astreinte journalière.

Arguments de la Demande

VEOLIA a soutenu qu’un contrat de fourniture d’eau avait été enregistré pour l’immeuble de Madame [Y]. Elle a mentionné qu’un technicien avait constaté un compteur bloqué en août 2022, entraînant une facture de régularisation. Malgré plusieurs mises en demeure, Madame [Y] n’a pas réglé les sommes dues, ce qui a conduit à une dette totale de 23 857,60 € plus une taxe d’assainissement.

Absence de Comparution

Madame [Y] n’a pas comparu lors de l’assignation. Le 29 octobre 2024, VEOLIA a signifié des conclusions similaires à la défenderesse, qui n’ont pas été réceptionnées, les courriers recommandés ayant été retournés à l’expéditeur.

Constatations Contradictoires

Lors de la tentative de délivrance de l’assignation, le commissaire de justice a noté que le nom de Madame [Y] ne figurait pas sur la boîte aux lettres. Cependant, une seconde constatation a révélé que son nom y était présent. L’identité du propriétaire n’a pas été vérifiée, laissant incertain le lien entre Madame [Y] et l’adresse concernée.

Absence de Preuves

VEOLIA n’a pas fourni de contrat d’abonnement ni de preuve de paiements antérieurs de Madame [Y]. De plus, une facture contestée, émise sur estimation de consommation, n’a pas été accompagnée de la lettre d’explication mentionnée par VEOLIA.

Décision du Tribunal

Le tribunal a rejeté les demandes de VEOLIA, soulignant l’absence de preuve d’un contrat entre les parties et le manque de certitude quant à l’identité de la défenderesse. Les demandes ont été déboutées en référé, et les dépens ont été laissés à la charge de VEOLIA.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quel est le fondement juridique de la demande de la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE ?

La demande de la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE repose sur plusieurs fondements juridiques, notamment le contrat de fourniture d’eau et les dispositions du Code civil relatives aux obligations contractuelles.

Selon l’article 1103 du Code civil, « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. » Cela implique que les parties doivent respecter les engagements pris dans le cadre du contrat.

En l’espèce, la société VEOLIA invoque un contrat enregistré pour l’approvisionnement en eau de l’immeuble, mais elle ne produit pas de preuve d’un contrat d’abonnement signé par Madame [Y].

De plus, l’article 1231-1 du Code civil stipule que « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, à des dommages et intérêts en cas d’inexécution de son obligation. »

Ainsi, la société VEOLIA pourrait prétendre à des dommages et intérêts pour le non-paiement des factures, mais cela dépend de la preuve de l’existence d’un contrat valide.

Quelles sont les conséquences juridiques du non-paiement des factures par Madame [Y] ?

Le non-paiement des factures par Madame [Y] entraîne plusieurs conséquences juridiques, notamment la possibilité pour la société VEOLIA de demander des intérêts de retard et des dommages et intérêts.

Conformément à l’article L441-6 du Code de commerce, « Tout professionnel doit, en cas de retard de paiement, une indemnité forfaitaire de 40 euros. »

De plus, l’article 1231-6 du Code civil précise que « Les intérêts moratoires courent de plein droit à compter de la date d’exigibilité de la créance. »

Dans ce cas, la société VEOLIA demande des intérêts à trois fois le taux légal à compter du 28 août 2023, ce qui pourrait être justifié si les factures étaient effectivement dues.

Cependant, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive doit être fondée sur la preuve d’une mauvaise foi de la part de Madame [Y], ce qui n’est pas établi dans le litige.

Quels sont les éléments de preuve nécessaires pour établir la créance de la société VEOLIA ?

Pour établir la créance de la société VEOLIA, plusieurs éléments de preuve sont nécessaires, conformément aux principes du droit des obligations.

L’article 1353 du Code civil stipule que « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver celle-ci. » Cela signifie que la société VEOLIA doit prouver l’existence du contrat et le montant de la créance.

En l’espèce, la société VEOLIA a produit un contrat de gestion, mais pas de contrat d’abonnement signé par Madame [Y].

De plus, il est essentiel de fournir des preuves de paiements antérieurs effectués par Madame [Y] pour démontrer qu’elle était bien cliente de la société.

L’absence de ces éléments de preuve affaiblit la position de la société VEOLIA et pourrait conduire à un rejet de ses demandes.

Quelles sont les implications de la non-comparution de Madame [Y] lors de l’audience ?

La non-comparution de Madame [Y] lors de l’audience a des implications significatives sur le déroulement de la procédure et sur la décision du juge.

Selon l’article 473 du Code de procédure civile, « Le juge peut statuer par défaut lorsque le défendeur ne comparaît pas. » Cependant, cela ne signifie pas que la demande sera automatiquement acceptée.

Le juge doit évaluer si la demande est fondée sur des éléments de preuve suffisants. Dans ce cas, la société VEOLIA doit prouver l’existence de la créance, même en l’absence de la défenderesse.

De plus, l’article 480 du Code de procédure civile précise que « Le jugement par défaut ne peut être prononcé que si la demande est fondée. »

Ainsi, même si Madame [Y] ne comparaît pas, la société VEOLIA doit établir la validité de ses prétentions pour que le juge puisse faire droit à sa demande.

Quelles sont les conséquences de l’absence de preuve de la résidence de Madame [Y] à l’adresse concernée ?

L’absence de preuve de la résidence de Madame [Y] à l’adresse concernée a des conséquences juridiques importantes sur la validité des demandes de la société VEOLIA.

L’article 1104 du Code civil stipule que « Les contrats doivent être exécutés de bonne foi. » Cela implique que la société VEOLIA doit prouver que Madame [Y] est bien la personne responsable des paiements pour l’eau à cette adresse.

En l’absence de preuve de la résidence, le lien entre Madame [Y] et le contrat de fourniture d’eau devient incertain.

De plus, l’article 1351 du Code civil précise que « La preuve de l’existence d’un contrat peut être apportée par tout moyen. »

Cependant, si la société VEOLIA ne peut pas prouver que Madame [Y] est la propriétaire ou l’occupante de l’immeuble, cela remet en question la légitimité de ses demandes.

Ainsi, le juge pourrait rejeter les demandes de la société VEOLIA en raison de l’absence de preuve de la relation contractuelle entre les parties.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG n° 24/01572
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/01572 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZVJZ

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 12 DECEMBRE 2024
MINUTE N° 24/03560
—————-

Nous, Monsieur Ulrich SCHALCHLI, Vice-Président, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assisté de Madame Tiaihau TEFAFANO, Greffière,

Après avoir entendu les parties à notre audience du 31 octobre 2024 avons mis l’affaire en délibéré au 05 décembre 2024 et avons prorogé ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :

ENTRE :

La Société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Catherine BONNEAU de la SELARL KAPRIME SOCIETE D’AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C800

ET :

Madame [W] [Y],
demeurant [Adresse 1]

non comparante, ni représentée

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation du 18 septembre 2024, la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE demande que Madame [Y] soit condamnée à lui payer la somme de 26913,10 € avec intérêts à 3 fois le taux légal à compter du 28 août 2023, la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 3000 € au titre des frais irrépétibles.

Elle demande qu’il soit ordonné à Madame [Y] d’entreprendre les travaux réparatoires nécessaires afin de mettre fin à la fuite constatée au niveau du compteur de l’immeuble sous astreinte journalière de 100 €.

Elle fait valoir :

– qu’un contrat de fourniture d’eau a été enregistré sous le numéro 6716859 pour l’approvisionnement en eau de l’immeuble situé à [Adresse 1];

– qu’en août 2022, au cours du remplacement du compteur, le technicien a constaté que celui-ci était bloqué et qu’une facture de régularisation avait en conséquence été établie le 13 septembre 2022 sans contestation de la cliente et que malgré de nombreuses mises en demeure elle ne s’est pas acquitté des sommes dues;

– que compte tenu de deux autres factures émises les 1er mai et 31 juillet 2024, la dette en principal s’élève à la somme de 23857,60 € outre la taxe d’assainissement pour un montant de 3055,50 €;

– que les factures mentionnent un taux d’intérêt de retard égal à trois fois le taux légal;

– que le non-paiement des factures lui cause un préjudice financier en le privant des rentrées nécessaires pour mener à bien sa mission de service public de fourniture d’eau;

Assignée par procès-verbal de recherches, Madame [Y] n’a pas comparu.

Le 29 octobre 2024, la demanderesse a fait signifier à la défenderesse, à la même adresse, des conclusions aux termes desquelles elle formule les mêmes demandes.

Ces conclusions ont été signifiées en l’étude du commissaire de justice.

MOTIFS

Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime fondée ;

Il appartient à celui qui se prévaut d’une créance de somme d’argent d’en établir l’existence et le montant ;

La société VEOLIA produit un contrat par lequel le SEDIF lui délègue la gestion du service de production et de distribution d’eau potable ;

Elle ne produit pas de contrat d’abonnement, ni aucune preuve de ce que la défenderesse aurait effectivement procédé à de quelconques paiements en exécution du contrat invoqué ;

Par ailleurs, aucun des courriers recommandés adressés à Madame [Y] entre le 28 août 2023 et le 30 avril 2024 n’a été réceptionné par celle-ci, tous ayant fait l’objet d’un retour à l’expéditeur, y compris celui adressé par l’avocat de la demanderesse, la pièce n°8 mentionnée sous l’intitulé « accusé de réception » étant un avis de suivi mentionnant un retour à l’expéditeur ;

Or lors de la tentative de délivrance de l’assignation, le 18 septembre 2024, le commissaire de justice a transformé celle-ci en procès-verbal de recherches en mentionnant que le nom de Madame [Y] ne figurait pas sur la boîte aux lettres et la lettre recommandée adressée à cette adresse lui a été retournée “non réclamée”;

En contradiction avec les constatations effectuées le 18 septembre, un commissaire de justice de la même étude a constaté le 29 octobre 2024 que le nom de Madame [Y] figurait sur la boîte aux lettres ;

S’agissant d’un pavillon d’habitation, l’identité du propriétaire n’a pas été recherchée, ce qui aurait permis de déterminer si c’était effectivement Madame [Y], et à défaut si celle-ci y habitait à un autre titre ;

Ainsi, non seulement la conclusion du contrat n’est-elle établie ni par un instrumentum signé par les parties, ni par la preuve de paiements antérieurement faits par Madame [Y] en exécution, mais le lien entre l’adresse de distribution de l’eau et la défenderesse ne résulte avec certitude d’aucune pièce compte tenu des constatations radicalement contradictoires faites par un même commissaire de justice ;

Au surplus, une facture d’un montant de 12487,06 € a été émise le 13 septembre 2022 sur simple estimation de la consommation afférente à la période du 31 juillet 2020 au 11 septembre 2022, dont la demanderesse soutient qu’elle a été établie en raison de la défectuosité du compteur et expliquée par courrier à la défenderesse qui ne l’a pas contestée, mais cette lettre d’explication n’est pas produite aux débats ;

Compte tenu de ce qu’il n’est pas prouvé que Madame [Y] a conclu un contrat, ni qu’elle habite les lieux où est distribuée l’eau ou en est propriétaire et que la prétendue créance est constituée pour près de la moitié par une facture éminemment discutable puisque ne correspondant pas à une consommation établie par un relevé de compteur, les demandes ne peuvent qu’être rejetées en référé faute de l’évidence requise ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant par ordonnance publique, réputée contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe,

Déboutons la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE de ses demandes ;

Laissons les dépens à la charge de la société VEOLIA EAU ILE DE FRANCE.

AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 12 DECEMBRE 2024.

LA GREFFIERE
LE PRÉSIDENT


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