Conflit autour de la légitimité d’une sanction disciplinaire et des motifs de rupture d’un contrat de travail dans le secteur des travaux publics.

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Conflit autour de la légitimité d’une sanction disciplinaire et des motifs de rupture d’un contrat de travail dans le secteur des travaux publics.

Contexte de l’affaire

La Société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils, spécialisée dans les travaux publics, a transféré le contrat de travail de M. [N] [L] à partir du 1er septembre 2018, suite à la victoire de la société dans un marché public. M. [L] a été engagé en tant que conducteur d’engins, avec une ancienneté reconnue depuis le 1er mai 2009.

Sanctions disciplinaires

Le 26 mai 2020, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable pour une éventuelle sanction disciplinaire. Le 12 juin 2020, il a reçu une mise à pied disciplinaire de cinq jours pour des retards répétés et la détérioration de matériel. Par la suite, il a été licencié le 11 février 2021 pour des motifs jugés sérieux par l’employeur.

Contestation du licenciement

M. [L] a contesté son licenciement par lettre le 26 février 2021 et a saisi le Conseil des prud’hommes de Montmorency le 27 juillet 2021, demandant la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement de diverses sommes.

Décision du Conseil des prud’hommes

Le 27 septembre 2022, le Conseil des prud’hommes a jugé que le licenciement de M. [L] était justifié, tout en lui accordant un reliquat d’indemnité de licenciement et d’autres sommes. La société a été condamnée à verser des indemnités et à remettre un bulletin de paie conforme.

Appel de M. [L]

M. [L] a interjeté appel le 24 octobre 2022, demandant la confirmation de certaines décisions tout en contestant d’autres aspects du jugement, notamment la qualification de son licenciement et les montants non alloués.

Arguments de la société

La société a également fait appel, cherchant à confirmer la légitimité de son licenciement et à infirmer les décisions favorables à M. [L]. Elle a soutenu que le licenciement était fondé sur des manquements graves aux obligations contractuelles.

Éléments de preuve et jugement

Le jugement a été fondé sur des éléments de preuve concernant les retards de M. [L] et son intervention non autorisée chez un particulier, entraînant des dommages. Le tribunal a jugé que ces faits constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Décisions finales

La cour a confirmé en partie le jugement du Conseil des prud’hommes, annulant la mise à pied disciplinaire et condamnant la société à verser des sommes à M. [L]. Les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal, et la société a été condamnée aux dépens.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conditions de validité d’une mise à pied disciplinaire ?

La mise à pied disciplinaire est une sanction qui doit respecter certaines conditions de validité, notamment en ce qui concerne la procédure à suivre et la proportionnalité de la sanction par rapport à la faute commise.

Selon l’article L. 1333-1 du Code du travail, en cas de litige, le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié justifient une sanction.

Il doit également tenir compte des éléments fournis par l’employeur et par le salarié. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

De plus, l’article L. 1333-2 du même code précise que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction qui est irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Dans le cas de M. [L], la cour a jugé que la mise à pied de cinq jours était disproportionnée par rapport aux retards constatés, notamment en raison des circonstances exceptionnelles liées à la période de confinement.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Un licenciement sans cause réelle et sérieuse entraîne plusieurs conséquences pour l’employeur, notamment l’obligation de verser des indemnités au salarié.

L’article L. 1235-1 du Code du travail stipule que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. En cas de litige, le juge doit apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués.

Si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité qui peut être calculée selon l’article L. 1235-3 du Code du travail. Cette indemnité ne peut être inférieure à six mois de salaire, sauf si le juge décide d’une somme inférieure en tenant compte de la situation du salarié et des circonstances de la rupture.

Dans le cas de M. [L], la cour a confirmé que son licenciement était justifié, mais si cela avait été le contraire, il aurait pu prétendre à une indemnité significative.

Comment se calcule l’indemnité de licenciement ?

L’indemnité de licenciement est calculée selon des règles précises établies par le Code du travail.

L’article L. 1234-9 du Code du travail précise que le salarié licencié a droit à une indemnité de licenciement, sauf en cas de faute grave.

L’article R. 1234-2 indique que cette indemnité ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté, jusqu’à 10 ans, et un tiers de mois de salaire par année à partir de dix ans.

Le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité est le 12ème de la rémunération des 12 derniers mois précédant la date du licenciement ou le tiers des trois derniers mois, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié.

Dans le cas de M. [L], son indemnité a été calculée sur la base de son ancienneté et de son salaire moyen, ce qui a conduit à un reliquat d’indemnité de 1 009,18 euros.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de procédure de licenciement ?

L’employeur a des obligations précises en matière de procédure de licenciement, qui doivent être respectées pour garantir la validité de la rupture du contrat de travail.

L’article L. 1232-2 du Code du travail impose à l’employeur de convoquer le salarié à un entretien préalable, au cours duquel il doit lui exposer les motifs de la sanction envisagée.

Le salarié doit également avoir la possibilité de se faire assister par une personne de son choix lors de cet entretien.

Après l’entretien, l’employeur doit notifier le licenciement par écrit, en précisant les motifs de la rupture, conformément à l’article L. 1232-6.

Dans le cas de M. [L], la cour a examiné si ces obligations avaient été respectées et a confirmé que la procédure suivie par l’employeur était conforme aux exigences légales.

Quelles sont les conséquences d’une exécution déloyale du contrat de travail ?

L’exécution déloyale du contrat de travail peut entraîner des conséquences juridiques pour l’employeur, notamment en matière d’indemnisation.

L’article 1231-1 du Code civil stipule que le débiteur d’une obligation est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution, sauf s’il prouve que cette inexécution est due à une cause étrangère.

Dans le cadre d’une relation de travail, si un salarié subit un préjudice en raison de l’exécution déloyale de son contrat, il peut demander des dommages et intérêts.

Dans le cas de M. [L], bien qu’il ait allégué une exécution déloyale de son contrat de travail, la cour a rejeté sa demande, n’ayant pas apporté de preuves suffisantes pour justifier ses allégations de harcèlement ou de traitement déloyal.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n° 22/03214
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 DECEMBRE 2024

N° RG 22/03214 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VPLW

AFFAIRE :

[N] [L]

C/

S.A.S.U. ENTREPRISE DE TRAVAUX FAYOLLE ET FILS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Septembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : I

N° RG : F21/00533

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Katia BITTON

Me Armelle RONZIER JOLY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [N] [L]

né le 19 Janvier 1978 à MAURITANIE

de nationalité Mauritanienne

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentant : Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1543 substitué par Me Catherine SCHLEEF avocat au barreau de PARIS.

APPELANT

S.A.S.U. ENTREPRISE DE TRAVAUX FAYOLLE ET FILS

N° SIRET : 501 639 165

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Armelle RONZIER JOLY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0255 –

INTIMEE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS Présidente,

Madame Odile CRIQ, Conseillère,

Madame Véronique PITE Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

Greffier lors du prononcé : Madame Anne REBOULEAU

FAITS ET PROCEDURE,

La Société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils est une entreprise de travaux publics qui emploie plus de dix salariés. Elle relève de la convention collective des ouvriers des travaux publics.

Par avenant du 3 septembre 2018, le contrat de travail à durée indéterminée de M. [N] [L] a été transféré à la Société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils à compter du 1er septembre 2018, la société ayant remporté le marché public de propreté urbaine des espaces publics de la commune d'[Localité 3].

M. [L] a été transféré à la Société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils en qualité de conducteur d’engins/équipement, avec reprise d’ancienneté au 1er mai 2009.

Le 26 mai 2020, M.[L] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Par lettre du 12 juin 2020 une mise à pied disciplinaire de 5 jours a été notifiée au salarié pour non-respect chronique des horaires de travail et détérioration et perte du matériel de l’entreprise.

Convoqué le 22 janvier 2021 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 1er février suivant, M. [L] a été licencié par courrier du 11 février 2021 pour faute.

M.[L] a contesté son licenciement par lettre du 26 février 2021.

M.[L] a saisi, le 27 juillet 2021 le Conseil des prud’hommes de Montmorency aux fins d’obtenir la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s’est opposée.

Par jugement en date du 27 septembre 2022, le Conseil des prud’hommes de Montmorency a rendu la décision suivante :

Dit que le licenciement de M. [N] [L] est de cause réelle et sérieuse,

Dit que la Sasu Fayolle et Fils prise en la personne de ses représentants légaux devra verser les sommes suivantes à M. [L] [N] :

Reliquat indemnités de licenciement 1 009,18 euros

Indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile 1000 euros,

Ordonne à la Sasu Fayolle et Fils de remettre à M. [L] [N] un bulletin de paye en conformité avec les termes du présent jugement,

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 2 482,15 euros bruts,

Dit que l’exécution provisoire s’appliquera dans les conditions présentées par l’article R 1454-28 du code du travail,

Déboute M. [L] [N] du surplus de ses demandes,

Déboute la Sasu Fayolle et Fils de sa demande reconventionnelle,

Met les éventuels dépens à la charge des parties.

Le 24 octobre 2022, M. [L] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 26 avril 2023, M.[L] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce que le Conseil de Prud’hommes a :

– Dit que la Société Entreprise de travaux Fayolle et Fils, prise en la personne de ses représentants légaux, devra verser les sommes suivantes à M. [L] [N] :

*1.009,18 euros au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement ;

*1 000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile ;

– Ordonné à la Société Entreprise de travaux Fayolle et Fils de remettre à M. [L] [N] un bulletin de paye en conformité avec les termes du jugement.

– Dit que la moyenne des trois derniers mois est de 2.482,15 € bruts

-Débouté la Société Entreprise de travaux Fayolle et Fils de sa demande reconventionnelle.

Infirmer le jugement des demandes et montants non alloués à M. [N] [L] et plus précisément en ce qu’il a :

– Débouté M. [L] du surplus de ses demandes

– Mis les éventuels dépens à la charge des parties.

Par suite,

Juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Juger que M.[L] a été victime d’une exécution déloyale de son contrat de travail et d’un préjudice moral au titre notamment du harcèlement

Condamner la société Entreprise de travaux Fayolle et Fils à payer à M.[L] les sommes suivantes :

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 27.303,65 euros nets

– Annuler la mise à pied disciplinaire notifiée le 12 juin 2020

– Rappel de salaire sur mise à pied de 5 jours (du 22 au 26 juin 2020) : 438,70 euros

– Congés payés afférents : 43,87 euros

– Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral : 10.000 euros nets

Ordonner la remise d’un bulletin de paie, du certificat de travail et de l’attestation pôle-emploi conformes ;

Prononcer l’intérêt au taux légal au jour de la saisine, soit au 27 juillet 2021 ;

Ordonner la capitalisation des intérêts ;

Débouter la société Entreprise de travaux Fayolle et Fils de ses demandes reconventionnelles ;

Condamner la société Entreprise de travaux Fayolle et Fils à payer à M. [L] la somme de 3.500 euros par application des dispositions de l’article 700 code procédure civile ;

Condamner la société Entreprise de travaux Fayolle et Fils aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 30 janvier 2023, la société demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu le 27 septembre 2022 en ce que le Conseil de prud’hommes de Montmorency a :

– jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [L] ;

– dit que l’exécution provisoire s’appliquera dans les conditions présentées par l’article R.1454-28 du code du travail ;

– débouté M. [L] du surplus de ses demandes

Infirmer le jugement rendu le 27 septembre 2022 en ce que le Conseil de prud’hommes de Montmorency a :

– Dit que la SASU Fayolle et Fils, prise en la personne de ses représentants légaux devra verser les sommes suivantes à M. [L] [N] :

– 1.009,18 euros au titre du reliquat d’indemnité de licenciement ;

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné à la SASU Fayolle et Fils de remettre à M. [L] [N] un bulletin de paye en conformité avec les termes du jugement

– Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 2.482,15 euros bruts

– Débouté la SASU Fayolle et Fils de sa demande reconventionnelle

Statuant à nouveau,

– Fixer à la somme de 2.247,42 euros bruts le salaire mensuel moyen calculé sur les trois derniers mois, plus avantageux ;

– Juger que M. [L] a été intégralement rempli de ses droits au titre de l’indemnité légale de licenciement et infirmer en conséquence le jugement avec toutes les conséquences de droit ;

– Condamner M. [L] au paiement d’une somme de 3500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédure de première instance et d’appel ;

– Condamner M. [L] aux entiers dépens des instances.

A toutes fins :

-dans l’hypothèse où la Cour jugerait sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [L],

fixer a minima l’indemnité à ce titre, soit à une somme qui ne saurait excéder 6.743 euros bruts conformément aux dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail

– dans l’hypothèse où la Cour annulerait la mise à pied disciplinaire, la société adhérant à la Caisse des congés payés des travaux publics elle ne peut donc être condamnée à payer des congés payés mais simplement à délivrer au salarié une attestation de salaire pour ses droits à congés payés à faire valoir auprès de ladite caisse.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 3 juillet 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 14 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire du 12 juin 2020 :

Selon l’article L.1333-2 du code du travail, le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Conformément aux dispositions de l’article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments retenus par l’employeur pour prendre la sanction et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par courrier du 12 juin 2020, était notifiée une mise à pied disciplinaire au salarié dans les termes suivants :

 » Monsieur [L],

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 mai 2020, nous vous avons convoqué le vendredi 5 juin 2020, afin de nous entretenir d’une éventuelle mesure de licenciement que nous envisageons à votre encontre.

Vous vous êtes présenté seul à cet entretien.

Nous vous informons qu’en dépit de vos explications nous sommes au regret de vous notifier par la présente une mise à pied disciplinaire de cinq jours ouvrés pour les raisons suivantes :

Depuis le jeudi 16 avril 2020, date de votre retour de congés et Jusqu’au 29 mai 2020, vous vous êtes présenté, chaque jour, à votre poste de travail systématiquement avec a minima 20 minutes de retard et jusqu’à une heure de retard.

Le jeudi 21 mai 2020, alors vous vous étiez présenté en retard de 20 minutes à votre poste de travail et que vos horaires de travail prévoient que vous terminiez votre journée de travail à 12 heures, votre hiérarchie a malheureusement constaté qu’à 10 heures vous aviez quitté votre poste de travail, n’étiez plus de fait en tenue de travail (que vous aviez eu le temps de retirer aux vestiaires) et sur le chemin pour regagner votre domicile.

Nous ne saurions admettre de tels retards et absences qui ne sont pas isolés et ont déjà fait l’objet de rappel à l’ordre.

Nous vous rappelons par ailleurs, si besoin en était, que conformément à notre règlement intérieur et à notre convention collective, toute absence doit être justifiée dans un délai maximum de 48 heures; qu’au-delà de cette obligation de justification, il vous appartient de nous prévenir immédiatement de toute absence prévisible. Qu’enfin, également aux termes de notre règlement intérieur, est susceptible de sanction disciplinaire tant le fait de se présenter en retard à son poste de travail que de le quitter de façon anticipée, sans autorisation de son responsable hiérarchique.

En l’espèce, nous estimons que votre comportement est constitutif d’une faute.

Le 16 avril 2020, votre hiérarchie, constatant que votre téléphone professionnel ne répondait plus, vous a demandé de le lui restituer pour s’assurer de son bon fonctionnement. Ce n’est que le 27 mai 2020, après de multiples relances et engagements de votre part de le restituer au plus vite, que vous avez finalement rendu votre téléphone, détérioré, et indiqué à cette occasion que vous aviez perdu la carte SIM du téléphone durant vos congés. Il s’avère toutefois, notamment sur la période du 21 avril au 20 mai 2020, ainsi que sur la période qui a suivi, que le relevé de votre téléphone (ligne téléphonique) fait état de consommations téléphoniques… En dépit de votre résistance manifestement délibérée à nous restituer le matériel téléphonique professionnel qui vous avait été confié, au-delà de l’usure normale, force est de constater votre manquement quant à la bonne garde de ce matériel. Plus encore, c’est à l’évidence volontairement que vous nous avez dissimulé la perte de votre carte SIM qui pourtant a fait l’objet d’une utilisation  » inconnue « , pendant plus d’un mois et demi, avant que nous puissions couper la ligne.

Ce comportement s’il n’est volontaire est a minima constitutif d’une négligence fautive contraire aux dispositions de notre règlement intérieur.

Votre mise à pied débutera le lundi 22 janvier 2020 et se terminera le vendredi 26 juin 2020 inclus. Vous reprendrez le travail le lundi 29 juin 2020. Cette sanction, prévue dans notre règlement intérieur, sera versée à votre dossier personnel. Ces journées de mise à pied entraineront une retenue de salaire sur votre paie du mois de juin 2020.

Dans la mesure où vous vous présenteriez tout de même à votre poste de travail pendant cette période, il s’agirait d’un refus d’obtempérer à une sanction disciplinaire. Nous serions donc dans la nécessité d’envisager votre licenciement, le cas échéant sans préavis ni indemnités.

Nous attirons également votre attention sur le fait que si de tels faits et comportements venaient à se reproduire une nouvelle fois, nous serions amenés à envisager une sanction plus grave pouvant aller jusqu’à votre licenciement. « .

Pour preuve des retards du salarié, la société produit aux débats :

– (pièce n° 21) l’attestation de M. [F], agent de maîtrise secteur propreté urbaine, qui témoigne que lorsqu’il avait la charge du pointage des horaires de travail de M. [L], ce dernier arrivait parfois avec une heure de retard sur la période du 16 avril au 29 mai 2020.

-(pièce n° 22) l’attestation de M. [U], agent de maîtrise secteur propreté urbaine, aux termes de laquelle il indique être allé plusieurs fois chercher en voiture M. [L] du 16 avril au 29 mai 2020 à la gare d'[Localité 3] lorsqu’il était en retard, pour le déposer directement au dépôt de l’entreprise.

-le règlement intérieur en son article n° 4 selon lequel :  » Chaque salarié doit se trouver à son poste aux heures fixées contractuellement ou collectivement. Le non-respect des horaires est passible de sanctions disciplinaires. La durée du travail s’entend du travail effectif : ceci implique que chaque salarié se trouve à son poste en tenue de travail aux heures fixées pour le début et pour la fin du travail. Tout retard doit être justifié auprès du responsable hiérarchique direct : les retards réitérés injustifiés peuvent entraîner l’une des sanctions prévues par le présent règlement. « .

M. [L] oppose que les faits s’inscrivent durant la période de confinement avec suppression de nombreux trains et qu’habitant à [Localité 4], la distance pour effectuer son trajet était particulièrement longue.

Si les retards du salarié sur la période litigieuse sont établis, force est de relever toutefois que leur fréquence n’est pas établie au regard des attestations produites et qu’ils sont limités sur la période de confinement pendant laquelle les moyens de transport étaient moins réguliers.

Au regard de sa pièce numéro 17, qui se présente sous la forme d’un tableau chiffré sans plus d’indication, la société ne justifie pas contrairement à ce qu’elle soutient, du départ par M. [L] sans autorisation préalable de sa hiérarchie, de son poste de travail avec deux heures d’avance.

De même, l’employeur ne communique aucun élément de nature à étayer la détérioration par le salarié de son téléphone professionnel et de sa carte Sim.

Les seules pièces visées ne consistent qu’en la notification de la sanction et l’article 7 du contrat de travail (pièce n°2).

En l’état de ces éléments, seuls des retards du salarié sur la période limitée du 16 avril au 29 mai 2020 étant établis, force est de relever que la mise à pied de cinq jours prononcée à l’encontre de M. [L] est disproportionnée aux manquements commis. La sanction sera donc annulée. Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Il sera fait droit à la demande de rappel de salaire du salarié correspondant à la mise à pied de cinq jours. Ainsi, la société sera condamnée à payer à M. [L] la somme de 438,70 euros au titre du salaire du 22 au 26 juin 2020.

La société adhérant à la caisse des congés payés des travaux publics, sera tenue de délivrer au salarié une attestation de salaire pour ses droits à congés payés à faire valoir auprès de la caisse.

Il sera ajouté au jugement à ce titre.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement du 11 février 2021, qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

 » Monsieur [L],

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 janvier 2021, nous vous avons convoqué le lundi 1er février 2021, afin de nous entretenir d’une éventuelle mesure de licenciement que nous envisageons à votre encontre.

Vous vous êtes présenté accompagné à cet entretien.

Nous vous informons qu’en dépit de vos explications nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, pour les raisons suivantes :

Le 21 janvier 2021, nous avons été alertés par les services techniques de la mairie d'[Localité 3], que ce même jour, au seul motif que celui-ci vous l’avait demandé, vous avez quitté votre poste de travail et vous vous êtes déplacé au domicile d’un particulier au volant de votre balayeuse de service pour y ramasser notamment ses feuilles mortes. En l’espèce il s’agissait du domicile de M. [G] résidant au [Adresse 1] à [Localité 3], au fond d’une voie privée de 50 mètres de long, sur un terrain de plus de 600 m2. A cette occasion, en roulant dessus, votre véhicule a déplacé et brisé un certain nombre de dalles gravillonnées ainsi qu’un regard d’assainissement qui en se brisant aurait pu être à l’origine d’un grave accident. Vous avez ensuite quitté les lieux en proposant au propriétaire de se rapprocher des services techniques de la mairie quant aux dégâts. A aucun moment vous n’avez avisé votre hiérarchie de cet incident. Les dégâts que nous avons dû prendre à notre charge s’élèvent à plus de 1.000 euros.

Force est de constater que, sans aucun motif, vous avez quitté votre poste de travail durant un temps certain au regard de la dimension et de la disposition du jardin de M. [G]; Que vous vous êtes soustrait du pouvoir de direction de l’employeur et notre règlement intérieur en utilisant à des fins personnelles du matériel de l’entreprise, sur votre temps de travail; Que vous avez méconnu les consignes de votre hiérarchie en intervenant en dehors de votre zone d’affectation; Qu’outre l’incidence financière vous avez mis à mal notre image et la confiance que nous accordait notre client (en l’occurrence le plus important de notre activité nettoiement), dont la direction technique s’est légitimement interrogée sur la récurrence de ce type de comportement et a appelé à la déduction du temps passé de nos prestations; Que vous avez manqué de détériorer le matériel qui vous était confié et vous êtes mis dans une situation qui aurait pu conduire à ce que vous soyez victime d’un accident; Que sciemment vous avez omis d’aviser votre hiérarchie de cet incident ; Que ces faits sont d’autant plus graves qu’ils ne sont pas isolés et ont déjà fait l’objet d’une précédente sanction disciplinaire pour une partie d’entre eux.

Au terme de votre préavis de deux mois, vous cesserez de faire partie de nos effectifs et vous pourrez alors prendre rendez-vous avec le service du personnel pour percevoir les sommes vous restant dues et retirer votre solde de tout compte. (‘) « .

Le salarié conteste le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par la société. Rappelant avoir 12 ans d’ancienneté, M. [L] fait observer n’avoir jamais reçu d’avertissement avant la date du 12 juin 2020.

M. [L] qui ne conteste pas les faits en limite cependant la portée en indiquant être intervenu sur l’insistance des époux [G] pour leur apporter son aide et être resté seulement tout au plus deux ou trois minutes et ce sans contrepartie. Le salarié fait observer que la société ne justifie d’aucun préjudice.

La société fait valoir qu’en réalisant sans autorisation préalable, sur son temps de travail, avec le matériel de l’entreprise une prestation au profit d’un tiers, M. [L] a manqué à plus d’une obligation contractuelle.

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l’administration de la preuve pour ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur les faits précis et matériellement vérifiables.

Aux termes du contrat de travail de M. [L] ( pièce n° 2 de la société intimée), il est stipulé que ce dernier :

-sera tenu d’observer les dispositions réglementant les conditions de travail applicables à l’ensemble des salariés de l’entreprise ainsi que les règles générales concernant la discipline et la sécurité du travail telles qu’elles figurent dans le règlement intérieur de l’entreprise dont M. [N] [L] reconnaît avoir eu communication,

-s’engage à réserver l’exclusivité de ses services à l’entreprise pendant toute l’exécution du contrat,

– s’engage à solliciter l’accord exprès de l’entreprise avant d’accepter de se livrer à des activités professionnelles, même secondaires, étrangères à ses fonctions.

– s’engage à respecter toutes les consignes et instructions transmises oralement ou par écrit par sa hiérarchie ou par un membre de la direction de l’entreprise, notamment en matière d’hygiène ou de sécurité du travail.

Le règlement intérieur (pièce n°10 de l’intimée) prévoit :

-qu’il est interdit de quitter son poste de travail sans l’autorisation préalable du responsable hiérarchique,

-que tout membre du personnel est tenu de conserver en bon état d’une façon générale tout le matériel, les machines, les outils qui lui sont confiés en vue de l’exécution de son travail. Il ne doit pas utiliser les matériels à d’autres fins et notamment à des fins personnelles, sans autorisation de la direction.

-le personnel roulant doit apporter toute prudence et soins voulus à la conduite du véhicule.

L’intervention de M. [L] chez M. [G] est confirmée par l’attestation de ce dernier (pièce n° 12 de l’intimée) selon laquelle M. [G] indique que le salarié est venu chez lui avec son camion, à sa demande pour lui rendre un service afin d’enlever des feuilles en précisant que cette prestation a été gratuite et que malheureusement ce dernier a cassé son regard de tout-à-l’égout.

Les faits ne sont pas contestés par le salarié.

L’objection de ce dernier selon laquelle il est intervenu chez M.[G] à la demande de ce dernier pendant un temps court de deux ou trois minutes, sans contrepartie, est inopérante, dès lors qu’en intervenant chez un tiers, sans autorisation de son employeur, il se plaçait volontairement en dehors de ses fonctions et du pouvoir de direction de l’employeur, contrairement aux stipulations précises du règlement intérieur et du contrat de travail qui lui imposaient de recueillir l’accord exprès de l’entreprise avant d’accepter de se livrer à « des activités professionnelles, même secondaires, étrangères à ses fonctions  » ce qu’il ne fit pas.

Vainement, le salarié fait-il valoir que la société n’aurait subi aucun préjudice, alors que la société justifie avoir indemnisé M. [G] des dégâts occasionnés par le salarié sur sa propriété, par la communication (pièce n° 20 de l’intimée) d’une facture de réparation  » du regard assainissement EU  » à hauteur de 1 519,92 euros.

Le non-respect par M. [L] de ses obligations stipulées à la fois par le contrat de travail et le règlement intérieur, matériellement établi, constitue une cause sérieuse de licenciement.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le reliquat de l’indemnité de licenciement :

L’article L.1234-9 du code du travail dispose que le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte huit mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Selon l’article R. 1234-2 du code du travail l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté, jusqu’à 10 ans auquel s’ajoutent un tiers de mois de salaire par année à partir de dix ans .

Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité est le 12ème de la rémunération des 12 derniers mois précédant la date du licenciement ou selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le tiers des 3 derniers mois.

Calculée sur la base d’une ancienneté, au terme du préavis auquel il avait droit, de 11 ans et 11mois, et du salaire de 2 482,15 euros, calculé sur la moyenne la plus avantageuse des trois derniers mois de salaire, l’indemnité de licenciement due à M. [L] est égale à 7 791,18 euros. M. [L] ayant perçu la somme de 6 782 euros à titre d’indemnité de licenciement, le jugement sera confirmé en ce qu’il a été alloué au salarié la somme de 1 009,18 euros au titre du reliquat de l’indemnité.

Sur la demande de dommages intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail :

À l’appui de sa demande d’indemnisation à hauteur de 10 000 euros, M. [L] soutient que les conditions dans lesquelles se sont déroulées la relation de travail et la rupture du contrat portent atteinte à sa dignité.

Le salarié fait valoir qu’il est manifeste que la société a agi avec une légèreté blâmable.

La société conclut au rejet de la demande.

Le salarié n’allègue, ni ne justifie a fortiori d’aucun élément de fait, lesquels, pris dans leur ensemble laisseraient supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Indépendamment du rejet de ses demandes au titre du bien-fondé du licenciement, M. [L] ne justifie pas de circonstances entourant son licenciement qui soient de nature brutale ou vexatoire.

De plus, M. [L] qui ne reproche à l’employeur aucun fait précis, n’objective pas la déloyauté alléguée. Sa demande indemnitaire sera rejetée par confirmation du jugement.

Sur les autres demandes :

Conformément à l’article 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne. La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil. Il sera ajouté au jugement de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Montmorency rendu le 27 septembre 2022 en toutes ses dispositions, sauf à ce qu’il a débouté M. [N] [L] de sa demande d’annulation de la mise à pied et de sa demande subséquente en paiement de rappel de salaire, et en ce qu’il a mis les éventuels dépens à la charge des parties.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Annule la mise à pied du 12 juin 2020,

Condamne la Société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils à payer à M. [N] [L] les sommes suivantes :

– 438,70 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied du 12 juin 2020.

-1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Ordonne à la société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils de délivrer à M. [N] [L] une attestation de salaire pour ses droits à congés payés à faire valoir auprès de la caisse des congés payés des travaux publics.

Rappelle que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.

Ordonne la capitalisation des intérêts.

Condamne la Société Entreprise de Travaux Fayolle et Fils aux entiers dépens.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Anne REBOULEAU, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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