Sommaire Contexte de l’AffaireLa banque LCL a assigné Madame [M] [D] le 2 mai 2024, demandant le paiement d’une somme de 205.078,34 euros, ainsi que des intérêts et des frais. Cette action est fondée sur des articles du code civil, en lien avec un prêt immobilier accordé à Madame [D] pour l’achat d’un appartement. Documents Fournis par Madame [D]Pour justifier sa capacité de remboursement, Madame [D] a fourni plusieurs documents, dont ses avis d’imposition, des bulletins de paie et des relevés de compte. Ces documents ont été intégrés dans la demande de prêt, où elle certifiait l’exactitude des informations fournies. Découverte de FalsificationsLa banque LCL a découvert que certains des justificatifs fournis par Madame [D] étaient faux, notamment les relevés de compte. Après avoir demandé des explications à Madame [D], la banque a mis fin à leur relation commerciale et a notifié la déchéance du terme du prêt. Procédure JudiciaireMadame [D] n’a pas constitué avocat pour se défendre dans cette affaire. La clôture de la procédure a été prononcée le 8 octobre 2024, avec une audience prévue pour le 22 novembre 2024. Irregularité de l’AssignationLe tribunal a examiné la régularité de l’assignation faite à Madame [D], qui réside aux Émirats arabes unis. Il a constaté que l’assignation n’avait pas été effectuée conformément aux exigences de la convention d’entraide judiciaire entre la France et les Émirats. Conséquences de l’IrregularitéEn raison de l’irrégularité de l’assignation, le tribunal a décidé de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, demandant à la banque LCL de justifier les diligences nécessaires pour une notification conforme. Décision FinaleLe tribunal a déclaré l’assignation irrégulière et a réservé les dépens, fixant une nouvelle audience pour le 28 mars 2025, où la banque devra prouver la régularité de la notification. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la régularité de l’assignation faite à Madame [M] [D] ?L’assignation faite à Madame [M] [D] a été déclarée irrégulière par le tribunal. Selon l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le tribunal doit néanmoins statuer sur le fond, mais uniquement si la demande est régulière, recevable et bien fondée. Dans ce cas, la régularité de l’assignation doit être appréciée à la lumière de la Convention du 9 septembre 1991, qui régit l’entraide judiciaire entre la France et les Émirats arabes unis. L’article 4 de cette convention stipule que pour notifier un acte à une personne résidant dans l’autre État, l’autorité compétente doit adresser la demande de notification à l’autorité centrale de l’État requis, accompagnée de l’acte non traduit et d’une formule modèle bilingue. En l’espèce, la banque LCL a produit une attestation de remise de l’acte par un commissaire de justice, mais n’a pas fourni de preuve de la remise de l’acte à Madame [D] conformément à l’article 5 de la convention. De plus, l’envoi postal direct à Madame [D] a échoué en raison d’une adresse incomplète, ce qui ne permet pas de considérer l’assignation comme régulière. Ainsi, le tribunal a conclu que l’assignation n’a pas été régulièrement faite, entraînant le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure. Quelles sont les conséquences de l’irrégularité de l’assignation ?L’irrégularité de l’assignation a des conséquences significatives sur la procédure. En vertu de l’article 472 du code de procédure civile, le tribunal ne peut statuer sur le fond que si la demande est régulière et recevable. Dans ce cas, l’assignation irrégulière a conduit le tribunal à renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, fixée au 28 mars 2025. Cela signifie que la banque LCL doit justifier, avant cette date, des diligences prévues à l’article 5 de la Convention du 9 septembre 1991. Cette situation peut également avoir des implications sur les droits de Madame [D]. En effet, une assignation irrégulière peut entraîner la nullité de la procédure engagée, ce qui pourrait permettre à Madame [D] de contester la demande de la banque sur le fondement de cette irrégularité. En outre, les dépens sont réservés, ce qui signifie que les frais de la procédure ne seront pas immédiatement attribués à l’une ou l’autre des parties, mais seront examinés lors de la prochaine audience. Quels articles du code civil sont applicables dans cette affaire ?Les articles du code civil applicables dans cette affaire sont principalement les articles 1101 et suivants, qui régissent les contrats. L’article 1101 définit le contrat comme un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, destiné à créer des obligations. En l’espèce, la banque LCL a consenti un prêt immobilier à Madame [D], ce qui constitue un contrat. Selon l’article 1102, les parties sont libres de contracter ou non, et de déterminer le contenu de leur contrat, sous réserve de respecter les dispositions légales. Cependant, l’article 1137 du code civil stipule que le consentement n’est pas valable s’il a été obtenu par erreur, dol ou violence. Dans ce cas, la banque LCL a allégué que les documents fournis par Madame [D] étaient faux, ce qui pourrait constituer un dol. Ainsi, si la banque parvient à prouver que Madame [D] a fourni des informations inexactes pour obtenir le prêt, cela pourrait entraîner la nullité du contrat en vertu de l’article 1137. Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés pour la défense de ses droits. Dans cette affaire, la banque LCL a demandé le paiement de 3.000 euros au titre de l’article 700, en plus des dépens. Cette demande est conditionnée par la décision du tribunal sur le fond de l’affaire. Si le tribunal statue en faveur de la banque, il pourrait accorder cette somme à titre de remboursement des frais engagés par la banque pour défendre sa position. Cependant, si l’assignation est déclarée irrégulière et que la banque ne parvient pas à justifier la régularité de la procédure, il est probable que la demande d’indemnisation au titre de l’article 700 soit rejetée. En conséquence, l’issue de l’affaire aura un impact direct sur la possibilité pour la banque de récupérer ces frais, soulignant l’importance de la régularité des actes de procédure. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expédition CC
délivrée le:
à
Me TARDIEU-CONFAVREUX
■
9ème chambre 2ème section
N° RG 24/06424 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4OZR
N° MINUTE : 12
Assignation du :
02 Mai 2024
JUGEMENT
rendu le 13 Décembre 2024
DEMANDERESSE
S.A. LE CREDIT LYONNAIS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0010
DÉFENDERESSE
Madame [M] [D]
[Adresse 5]
[Localité 4] (EMIRATS ARABES UNIS)
défaillante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Augustin BOUJEKA, Vice-Président, statuant en juge unique.
assisté de Diane FARIN, Greffière,
DÉBATS
A l’audience du 22 Novembre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 13 décembre 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort
Selon acte signifié le 2 mai 2024, la banque LCL a fait assigner Madame [M] [D] pour demander à ce tribunal, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, de :
-Condamner Madame [M] [D] à lui payer la somme de 205.078,34 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 1,56 % sur la somme de 190.928,61 euros à compter du 7 décembre 2023 jusqu’à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 13.445,60 euros à compter de la même date jusqu’à parfait paiement,
-Condamner Madame [M] [D], à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
-Rappeler que l’exécution provisoire de la décision est de droit conformément à l’article 514 du code de procédure civile, nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie.
A l’appui de cette demande, la banque LCL affirme avoir consenti à Madame [M] [D] un prêt immobilier d’un montant de 208.909,29 euros, destiné à financer l’acquisition d’un appartement à usage de résidence principale sis [Adresse 1].
Elle précise que pour justifier de ses capacités de remboursement, Madame [D] lui a remis les documents suivants :
-Son avis d’imposition sur ses revenus de l’année 2019 et 2021 ;
-Ses bulletins de paie au sein de la société Burger King Restauration de décembre 2019 et du 1er juillet au 31 décembre 2020 ;
-Ses relevés de compte du 19 juillet 2020 au 15 janvier 2021 au sein de la Caisse d’Epargne Normandie ;
-Une promesse de vente.
Elle indique que les revenus mentionnés sur ces pièces ont, à chaque fois, été reportés sur la demande de prêt signée par l’emprunteur, laquelle mentionne qu’il « certifient sur l’honneur l’exactitude des renseignements donnés, notamment en ce qui concerne les revenus et l’endettement. En cas d’erreur, d’omission ou fausse déclaration, leur dossier pourrait être refusé ou leur crédit annulé. »
Elle ajoute que ce sont ces documents qui ont fondé sa décision d’octroyer ce prêt, et de mettre à disposition la somme prêtée au montant de 208.909,29 euros.
Par la suite, la banque LCL affirme avoir pris connaissance du caractère faux des justificatifs d’obtention du prêt fournis par Madame [D], en particulier les relevés de compte émanant de la Caisse d’Epargne de Normandie, ce dernier établissement ayant confirmé la fausseté des relevés en question.
Elle indique avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 avril 2023, demandé à Madame [D] de fournir des explications sur les inexactitudes repérées sous peine de déchéance du terme dans un délai de 30 jours.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 mai 2023, la banque LCL a mis fin aux relations commerciales existants entre elle-même et Madame [D] et par une autre lettre recommandée du 12 septembre 2023, a notifié la déchéance du terme en raison de l’absence de réponse satisfaisante à la demande d’explications, mis en demeure Madame [D] d’avoir à payer la totalité des sommes restant dues, intérêts et pénalités au titre du prêt.
C’est dans ce contexte qu’est intervenue la présente procédure.
Madame [D] n’a pas constitué avocat.
La clôture a été prononcée le 8 octobre 2024, l’affaire étant appelée à l’audience du 22 novembre 2024 et mise en délibéré au 13 décembre 2024.
Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur l’irrégularité de l’assignation
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.
Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En application de ce texte, il incombe au tribunal de céans, statuant sur une demande formée à l’encontre d’un défendeur non comparant, de s’assurer que la demande est recevable.
La recevabilité de la demande doit notamment, en la circonstance, être apprécié à l’aune de la régularité de l’assignation.
Au cas particulier, l’assignation a été faite à l’endroit de Madame [D] dont la banque LCL considère le domicile comme situé à [Localité 4], ville des Emirats arabes unis.
Dès lors, la régularité de l’assignation délivrée à Madame [D] doit être appréciée en considération de la Convention du 9 septembre 1991 relative à l’entraide judiciaire, la reconnaissance et l’exécution en matière civile et commerciale entre la République Française et l’Etat des Emirats arabes unis.
Cette convention a été reçue dans l’ordre juridique français par décret n°93-419 du 15 mars 1993, entré en vigueur le 1er mai 1993.
L’article 4 de cette convention stipule : « Lorsqu’un acte judiciaire ou extrajudiciaire est destiné à une personne résidant sur le territoire de l’autre Etat, l’autorité compétente selon les lois de l’Etat d’origine adresse la demande de notification à l’autorité centrale de l’Etat requis.
La demande est accompagnée de l’acte non traduit, en double exemplaire, et de la formule modèle bilingue annexée à la présente Convention qui identifie les éléments essentiels de l’acte.
La formule modèle est complétée dans la langue de l’Etat requérant. »
En outre, l’article 5 de cette convention stipule : « L’autorité centrale de l’Etat requis procède ou fait procéder à la remise de l’acte par la voie qu’elle estime la plus appropriée.
La preuve de la remise ou de la tentative de remise se fait au moyen d’un récépissé, d’une attestation ou d’un procès-verbal. Ces documents, accompagnés d’un exemplaire de l’acte, sont retournés directement à l’autorité requérante.
Les services de l’Etat requis ne peuvent donner lieu au paiement ou au remboursement de taxes ou de frais. »
De plus l’article 6 de cette même convention prévoit : « Les articles précédents ne font pas obstacle :
– à la faculté d’adresser directement l’acte à son destinataire par la voie postale ;
– à la faculté pour toute partie intéressée de faire procéder à ses frais à la signification ou à la notification d’un acte selon les modes en vigueur dans l’Etat de destination. »
En l’espèce, le second original de l’assignation mentionne une attestation de remise de cet acte par un commissaire de justice au Ministère de la Justice des Emirats arabes unis, dans les conditions prévues à l’article 4 de la Convention du 9 septembre 1991.
Par ailleurs, la banque LCL produit aux débats un document émanant de l’entité Emirates Post Group, en date du 16 mai 2024 indiquant « Incompelete Adress », révélant que l’assignation a été directement envoyée par l’établissement bancaire à Madame [D] par voie postale, mais que cet envoi est revenu pour la raison que l’adresse de la destinataire était incomplète.
Au regard des éléments qui précèdent, il sera relevé que la banque LCL ne produit aux débats aucun des éléments de preuve de remise de l’acte ou de la tentative de remise de l’acte introductif d’instance à Madame [D], en application de l’article 5 de la Convention du 9 septembre 1991.
Par suite, il sera retenu que l’assignation n’a pas été régulièrement faite à Madame [D].
Cette irrégularité ne saurait être suppléée par l’envoi postal directement fait par la banque LCL à Madame [D] dans la mesure où l’article 6 de cette convention doit être interprétée en ce sens que la formalité qu’il prévoit apparaît comme surabondante et non substitutive à celle prévue à l’article 4 de la même convention.
Au demeurant et à titre surabondant, l’envoi prévu à l’article 6 de cette convention eût-il été considéré comme alternatif à celle prévue à l’article 4 de la même convention que le retour à l’envoyeur pour cause d’adresse incomplète n’aurait pas permis de surmonter l’irrégularité.
En cette dernière hypothèse, il incombe au commissaire de justice de justifier de diligences supplémentaires destinées à s’assurer de la remise de l’acte, même infructueuse, à la défenderesse, tel n’étant pas le cas.
Par suite, il y a lieu de relever que l’assignation ne satisfait pas aux conditions de régularité prévues à l’article 5 de la convention susmentionnée.
En conséquence, l’affaire est renvoyée à l’audience de la 2ème section de la 9ème chambre de ce tribunal du vendredi 28 mars 2025 à 9h30, la banque LCL devant avoir justifié avant cette date des diligences prévues à l’article 5 de la Convention du 9 septembre 1991.
Sur les demandes annexes
Les dépens sont réservés.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE irrégulière en l’état l’assignation faite par la société anonyme Le Crédit Lyonnais le 2 mai 2024 à Madame [M] [D] à [Localité 4] ;
RENVOIE l’affaire à l’audience de la 2ème section de la 9ème chambre de ce tribunal du vendredi 28 mars 2025 à 9h30, la société anonyme Le Crédit Lyonnais devant avoir justifié avant cette date des diligences prévues à l’article 5 de la Convention du 9 septembre 1991 ;
RÉSERVE les dépens.
Fait et jugé à Paris le 13 Décembre 2024
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT