Évaluation de l’imputabilité des arrêts de travail suite à un accident professionnel : enjeux et procédures.

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Évaluation de l’imputabilité des arrêts de travail suite à un accident professionnel : enjeux et procédures.

Contexte de l’Affaire

M [B] [Z] est un salarié de la société [8]. Un accident de travail a été déclaré par son employeur le 7 décembre 2018, concernant un incident survenu le 6 décembre 2018. La reconnaissance du caractère professionnel de cet accident a été effectuée le 11 décembre 2018, et la date de Jonction de son état de santé a été fixée au 9 avril 2021.

Contestation de la Durée des Arrêts de Travail

Le 27 avril 2021, la société [8] a contesté la durée des arrêts de travail de M [Z] devant la commission médicale de recours amiable, qui a implicitement rejeté cette contestation. Par la suite, le 25 octobre 2021, la société a saisi le tribunal pour obtenir une expertise sur l’imputabilité au travail des arrêts maladie de son salarié.

Arguments de la Société et de la Caisse Primaire

La société [8] soutient que la lésion initiale était bénigne et que la reprise du travail de M [Z] était envisagée dès le 12 janvier 2019, avec une reprise effective le 25 avril 2019. En revanche, la caisse primaire d’assurance-maladie des Yvelines a conclu au rejet de la demande, affirmant qu’il y avait eu continuité des soins et que la société n’apportait pas d’éléments remettant en cause l’imputabilité des arrêts.

Analyse Juridique

Selon l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, un accident du travail est considéré comme tel si le salarié a été en arrêt-maladie sans discontinuité suite à l’accident initial. Dans ce cas, les arrêts sont présumés d’origine professionnelle. Cependant, il a été établi que M [Z] n’a pas été en arrêt continu jusqu’à la date de Jonction, ayant repris le travail entre le 25 avril et le 25 novembre 2019.

Décision du Tribunal

Le tribunal a ordonné une consultation médicale pour évaluer l’imputabilité des arrêts de travail de M [Z] entre le 6 décembre 2018 et le 8 avril 2021. Le Dr [T] [W] a été désigné pour cette mission, avec des instructions précises sur les éléments à examiner et les parties à entendre. Le tribunal a également fixé des délais pour la transmission des documents médicaux et la remise d’un rapport écrit par le consultant.

Procédure Suivante

Le tribunal a décidé d’un sursis à statuer, indiquant que le dossier serait rappelé à l’audience après le dépôt des conclusions d’une des parties, sauf si un accord pour une procédure sans audience était trouvé. Les dépens ont été réservés, et le jugement a été signé par le Vice-président et le Greffier présents lors du prononcé.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la définition d’un accident du travail selon le Code de la sécurité sociale ?

L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale définit l’accident du travail comme suit :

« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

Cette définition implique que tout accident survenant dans le cadre de l’exercice professionnel est présumé être un accident du travail.

Il est important de noter que, selon la jurisprudence, lorsque le salarié est placé sans discontinuité en arrêt-maladie à la suite d’un accident initial, tous les arrêts sont présumés d’origine professionnelle.

Ainsi, la présomption d’imputabilité au travail est un principe fondamental qui protège les droits des salariés victimes d’accidents du travail.

Quelles sont les conséquences de la contestation de la durée des arrêts de travail par l’employeur ?

La contestation de la durée des arrêts de travail par l’employeur, comme dans le cas présent, doit être effectuée devant la commission médicale de recours amiable, conformément à l’article R. 142-16 du Code de la sécurité sociale.

Cet article stipule que :

« Les contestations relatives à l’imputabilité au travail des accidents et maladies professionnelles sont soumises à l’examen d’une commission médicale de recours amiable. »

Dans ce contexte, la commission rend une décision qui peut être implicite, comme dans le cas de la société [8], qui a reçu un rejet implicite de sa demande.

Si l’employeur n’est pas satisfait de cette décision, il peut saisir le tribunal compétent, comme cela a été fait par la société [8] par requête enregistrée le 25 octobre 2021.

Il est essentiel de comprendre que la contestation de la durée des arrêts de travail peut avoir des implications sur les droits à indemnisation du salarié, ainsi que sur la reconnaissance de l’imputabilité des arrêts à l’accident du travail.

Quelles sont les obligations de la caisse primaire d’assurance-maladie en matière de continuité des soins ?

La caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) a l’obligation de garantir la continuité des soins pour les assurés sociaux, conformément aux dispositions du Code de la sécurité sociale.

En effet, l’article L. 162-1-7 précise que :

« Les soins dispensés aux assurés sociaux doivent être continus et adaptés à leur état de santé. »

Dans le cadre d’un accident du travail, la CPAM doit s’assurer que le salarié bénéficie d’un suivi médical approprié et que les arrêts de travail sont justifiés par des éléments médicaux pertinents.

Dans le litige en question, la CPAM a soutenu qu’il y avait eu continuité des soins, ce qui implique que les arrêts de travail prescrits étaient justifiés par l’état de santé du salarié.

Ainsi, la CPAM doit fournir des éléments de preuve pour démontrer que les soins ont été continus et que l’imputabilité des arrêts de travail à l’accident est fondée.

Quel est le rôle du médecin consultant désigné par le tribunal ?

Le tribunal a le pouvoir de désigner un médecin consultant pour examiner les éléments médicaux relatifs à l’affaire, conformément à l’article R. 142-16 du Code de la sécurité sociale.

Le rôle du médecin consultant est de :

– Consulter les pièces du dossier qui lui sont transmises par les parties et leur médecin-conseil.
– Procéder à l’examen sur pièces du dossier du salarié.
– Entendre les parties et recueillir leurs observations.
– S’entourer de tous renseignements et consulter tous les documents médicaux utiles.

Le médecin consultant doit émettre un avis sur l’imputabilité au travail des arrêts-maladie du salarié entre les dates spécifiées, en tenant compte de l’ensemble des éléments médicaux disponibles.

Il doit également faire toute remarque d’ordre médical qui lui semblerait opportune pour apprécier la situation médicale de l’assuré.

Le rapport du médecin consultant est essentiel pour éclairer le tribunal sur la question de l’imputabilité des arrêts de travail à l’accident du travail.

Quelles sont les conséquences d’un sursis à statuer dans une procédure judiciaire ?

Le sursis à statuer est une décision prise par le tribunal qui suspend l’examen d’une affaire jusqu’à ce qu’une condition préalable soit remplie.

Dans le cas présent, le tribunal a ordonné un sursis à statuer, ce qui signifie que l’affaire ne sera pas examinée tant que le rapport du médecin consultant n’aura pas été déposé.

Cette décision a plusieurs conséquences :

– Elle permet de garantir que le tribunal dispose de toutes les informations nécessaires pour rendre une décision éclairée.
– Elle évite des décisions hâtives qui pourraient être préjudiciables aux droits des parties.
– Elle assure que les parties sont informées des développements de l’affaire et peuvent préparer leurs arguments en conséquence.

Le sursis à statuer est donc un outil procédural qui vise à protéger les droits des parties et à garantir un procès équitable.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Nanterre
RG n° 21/01748
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
13 Décembre 2024

N° RG 21/01748 – N° Portalis DB3R-W-B7F-XA3V

N° Minute : 24/01954

AFFAIRE

S.A.S. [8]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

S.A.S. [8]
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Me Grégory KUZMA, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1309

substitué à l’audience par Me Christophe KOLE, avocat au barreau de LYON

DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
Département des affaires juridiques-Service contrôle législa
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Mme [M] [E], munie d’un pouvoir régulier

*

L’affaire a été débattue le 04 Novembre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Vincent SIZAIRE, Vice-président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Yoann VOULHOUX, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Stéphane DEMARI, Greffier.

JUGEMENT

Prononcé, avant dire droit, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

M [B] [Z] est salarié de la société [8].

Le 7 décembre 2018, son employeur a déclaré auprès de la caisse primaire d’assurance-maladie des Yvelines un accident survenu le 6 décembre 2018 et dont le caractère professionnel a été reconnu le 11 décembre 2018. La date de Jonction de son état de santé a été fixée au 9 avril 2021.

Le 27 avril 2021, la société a contesté la durée des arrêts de travail devant la commission médicale de recours amiable, laquelle a rendu une décision implicite de rejet.

Par requête enregistrée le 25 octobre 2021, la société [8] a saisi la présente juridiction.

Dans le dernier état de ses écritures et de ses observations, elle demande au tribunal d’ordonner une mesure d’expertise pour déterminer l’imputabilité au travail des arrêts maladie de son salarié.

A l’appui de ses prétentions, elle soutient que la lésion initiale était bégnine et que son médecin-conseil relève que la reprise du travail du salarié était envisagée dès le 12 janvier 2019 et qu’il a repris le travail le 25 avril 2019.

Dans le dernier état de ses écritures et de ses observations, la caisse primaire d’assurance-maladie des Yvelines conclut au rejet de la demande.

Elle soutient qu’il y a eu continuité des soins et que la demanderesse n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause l’imputabilité au travail des arrêts prescrits.

MOTIFS DE LA DECISION

Dans sa rédaction applicable au litige, l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’est  » considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise « . Il résulte de ces dispositions que lorsque le salarié a été placé sans discontinuité en arrêt-maladie à la suite de l’accident initial, l’ensemble de ces arrêts sont présumés d’origine professionnelle.

En l’espèce, il ressort des pièces versées au débat et notamment du rapport du médecin conseil de la demanderesse relatant les éléments du dossier médical de M [Z] que, contrairement à ce que soutient la caisse primaire d’assurance-maladie, le salarié n’a pas été placé en arrêt-maladie sans discontinuer jusqu’à la date de sa Jonction, mais qu’il paraît au contraire avoir repris le travail entre le 25 avril et le 25 novembre 2019.

Afin de déterminer si l’ensemble des arrêts de travail litigieux sont bien imputables à son exercice professionnel, il convient, en application de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale, de recourir à une consultation médicale aux frais de la caisse nationale d’assurance-maladie.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant avant dire droit par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe,

ORDONNE AVANT-DIRE DROIT une consultation et commet pour y procéder le

Dr [T] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
mail : [Courriel 7]

qui pourra se faire assister de tout spécialiste de son choix, avec pour mission, de :
– consulter les pièces du dossier qui lui sont destinées et qui lui seront transmises par les parties et leur médecin conseil par l’intermédiaire du tribunal ;
– procéder à l’examen sur pièces du dossier de M [B] [Z],
– entendre les parties en leurs dires et observations
– s’entourer de tous renseignements et avoir consulté tous les documents médicaux utiles et notamment les constats résultant de l’examen clinique de l’assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision,
– émettre un avis sur l’imputabilité au travail des arrêts-maladie de M [B] [Z] entre le 6 décembre 2018 et le 8 avril 2021,
– de faire toute remarque d’ordre médical qui lui paraîtrait opportune à la parfaite appréciation de la situation médicale de l’assuré ;

ORDONNE au service médical de la caisse d’adresser exclusivement par courriel dans un délai maximum de 15 jours à compter de la notification de la présente, au tribunal ([Courriel 9] en précisant le n° de RG et avec la mention  » Dossier pour expert « ) et au médecin conseil de la société, l’ensemble des éléments médicaux concernant M [B] [Z] (certificat médical initial, certificats de prolongation, certificat de nouvelle lésion éventuelle, décision de Jonction et de séquelles, rapport d’évaluation, avis rendus…) ;

ORDONNE également au médecin conseil de la société d’adresser au tribunal ([Courriel 9] en précisant  » Dossier pour expert « ) et au service médical de la caisse dans un délai maximum d’1 mois suivant le délai imparti à la caisse, toute pièce ou avis qui lui semblerait utile ;

DIT que le consultant devra adresser un rapport écrit au greffe du présent tribunal dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé de sa mission par le tribunal;

DIT qu’il en adressera également directement copie aux parties et au médecin conseil de la société, de préférence par mail ;

RAPPELLE que la rémunération du médecin consultant est réglementée par l’arrêté du 29 décembre 2020 et prise en charge par la CNAM ;

ORDONNE un sursis à statuer ;

DIT que le dossier sera rappelé à l’audience dès le dépôt des conclusions d’une des parties après rapport du consultant désigné, sauf aux parties à accepter une procédure sans audience ou à la société requérante à se désister de son action.

RÉSERVE les dépens.

Et le présent jugement est signé par Vincent SIZAIRE, Vice-président et par Stéphane DEMARI, Greffier, présents lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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