Une Proposition de loi visant à indexer les salaires sur l’inflation a été déposée au Sénat.
L’indexation des salaires sur l’inflation est un sujet clé pour assurer la préservation du pouvoir d’achat des salariés dans un environnement économique fluctuant.
Sommaire
Le pouvoir d’achat demeure la priorité des Français.
Selon les auteurs du texte, ces dernières années, sous les coups de l’inflation et en l’absence d’une véritable politique salariale, la France s’est « smicardisée ». Alors qu’en 2021, 12 % des travailleurs étaient payés au SMIC, ils sont aujourd’hui 17,3 %. La France compte ainsi, en ce début d’année, 3,1 millions de salariés payés au SMIC dont 58 % de femmes travaillant dans des secteurs économiques essentiels.
Une inflation qui ampute le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés
Selon une publication du 23 octobre 2024, l’Insee affirme que les salaires ont décroché avec l’inflation ces dernières années. Le salaire net moyen a diminué de – 0,8 % en euros constants en 2023, après -1,0 % en 2022. Toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées par la baisse des salaires réels. Cette baisse est plus prononcée chez les cadres, avec une diminution de 2,8 %. Les ouvriers et les employés ont été un peu mieux protégés, les baisses étant respectivement de 0,3 % et 0,5 %, grâce aux augmentations du SMIC indexées sur l’inflation.
Dans la fonction publique, depuis la fin de l’indexation du point d’indice sur l’inflation, en 1983, le pouvoir d’achat des fonctionnaires a chuté. Le recrutement, dans des secteurs comme la santé, la protection de l’enfance ou l’enseignement, est de plus en plus difficile face au manque d’attractivité de ces métiers.
Entre 2013 et 2020, le salaire moyen net du secteur public a augmenté deux fois moins que pour le secteur privé. Une part de plus en plus importante des premiers échelons des catégories B et C est rémunérée au SMIC. Les dernières revalorisations (1,5 % en juillet 2023 après 3,5 % en juillet 2022) sont bien en dessous de l’inflation.
Selon la 18ème édition du baromètre de la pauvreté et de la précarité Ipsos/Secours Populaire, deux Français sur cinq disent désormais avoir traversé « une période de grande fragilité financière » au moins à un moment de leur vie. Jamais ce niveau n’a été aussi élevé depuis le pic enregistré en 2013.
Le niveau de difficulté est tel qu’au total, 62 % des Français déclarent avoir connu la pauvreté ou avoir été sur le point de la connaître, soit 4 points de plus qu’en 2023.
Cette fragilité financière touche en premier lieu les catégories populaires. Ainsi, 80 % des ouvriers déclarent « avoir connu la pauvreté ou avoir été sur le point de la connaître », un niveau en progression de 6 points en un an. Parmi les personnes vivant dans les communes rurales, zones où la population est constituée d’une part importante d’ouvriers et d’employés, le niveau monte à 69 %.
L’urgence d’indexer les salaires sur l’inflation
L’inflation n’est pas conjoncturelle mais structurelle : son ampleur impose des mesures structurelles. Même si l’inflation a diminué en 2024 à 2,5 %, après une inflation de 5,2 % en 2022 et 4,9 % en 2023, l’inflation est estimée par la Banque de France à 1,6 % pour l’année 2025.
L’indexation des salaires sur l’inflation garantit les revenus des travailleuses et travailleurs face à la hausse des prix. Ce mécanisme d’échelle mobile des salaires, protecteur et efficace, a déjà existé en France entre 1952 et 1983, lorsqu’il a été abandonné au moment du « tournant de la rigueur ».
L’indexation des salaires sur l’inflation permettrait au contraire de rehausser la part des salaires dans la valeur ajoutée et de donner de la visibilité aux ménages pour se projeter, non plus survivre, mais vivre. Chez nos voisins européens, comme à Malte, au Luxembourg et en Belgique, l’indexation est actuellement en vigueur. L’exemple belge montre l’efficacité de cette mesure.
La recherche permanente de la baisse du « coût » du travail a ainsi considérablement appauvri les salariés et creusé les inégalités dans la société. L’indexation des salaires est une revendication soutenue extrêmement majoritairement par les Français (selon un sondage IFOP – 87 % des Français sont favorables à l’indexation des salaires sur l’inflation).
Les dispositions clefs du texte
Le texte ambitionne de mieux répartir la richesse entre le capital et le travail. Les politiques de baisse du « coût du travail » menées depuis plus de 40 ans ont laminé les bases du financement de la sécurité sociale en privilégiant la rémunération du capital contre le développement de l’emploi et des salaires.
Précarisation de l’emploi et pression sur les salaires exigées par la finance qui a mis la main sur les gestions d’entreprises, se sont traduites par un assèchement lent des recettes de cotisations sociales de la sécurité sociale. Ces politiques ont réduit la part des cotisations sociales dans le financement de la sécurité sociale. Le prélèvement sur la richesse produite dans l’entreprise, les cotisations sociales, ne représente plus que 50 % des 662 milliards d’euros de recettes.
En revanche, en compensation, ces politiques ont mis à contribution les ménages par la fiscalité. L’impôt sur les revenus des ménages qu’est la CSG représente 120 milliards d’euros aujourd’hui, en plus des 185 milliards d’euros de taxes et impôts sur la consommation des ménages qui sont affectés directement à la sécurité sociale pour compenser les exonérations de cotisations sociales.
La grille mobile des salaires aura ainsi pour objectif de stopper la perte continue de pouvoir d’achat des salariés, dans le privé comme dans le public.
Les auteurs du texte proposent de conditionner les réductions générales de cotisations patronales sur les bas salaires dites « allègements Fillon » au respect de l’augmentation annuelle des salaires, a minima, au niveau de l’inflation constatée. L’objectif est de soutenir les petites et moyennes entreprises en minorant les exonérations de cotisations sociales qui pèsent 27 milliards d’euros chaque année.
Enfin, pour tenir pleinement sa fonction de justice sociale, l’échelle mobile des salaires doit être rétablie pour qu’il n’y ait plus aucun salaire minimal de branches professionnelles en-deçà du SMIC.
C’est pourquoi le rétablissement de l’échelle mobile des salaires doit aller de pair avec une négociation collective annuelle par branche permettant de remettre à niveau l’ensemble des minima de branche. Une telle négociation annuelle devra permettre de corriger, enfin, les inégalités salariales insupportables entre les femmes et les hommes.
La proposition de loi prévoit 5 articles :
L’article 1er instaure une échelle mobile de tous les salaires dans le secteur privé. Les salaires devront, au minimum, augmenter comme l’indice national des prix à la consommation. Il est en outre proposé de supprimer l’article L. 3231-3 du code du travail, qui prévoit que « sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords ».
L’article 2 instaure, de manière identique, une échelle mobile des traitements de la fonction publique. La hausse du point d’indice est la variable à prendre en compte car elle touche à la fois les fonctionnaires de toutes les catégories mais aussi l’ensemble des contractuels.
L’article 3 vise augmenter la fréquence des négociations collectives concernant les salaires. Aujourd’hui, celles-ci doivent avoir lieu au moins une fois tous les quatre ans. Avec cet article, nous proposons que ces négociations se tiennent au moins une fois par an et que ces négociations permettent d’aligner les minima de branches au moins au niveau du SMIC, hors primes versées par l’employeur.
L’article 4 prévoit la minoration des exonérations de cotisations sociales des entreprises en fonction de l’augmentation annuelle des salaires, au minimum, au niveau de l’inflation.
L’article 5 est l’article de gage.
Qu’est-ce que l’indexation des salaires ?
L’indexation des salaires sur l’inflation consiste à ajuster les salaires en fonction de l’évolution du coût de la vie, mesuré par l’indice des prix à la consommation (IPC). Ce mécanisme vise à compenser l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat des travailleurs. Lorsqu’il y a une hausse des prix des biens et services, l’indexation salariale permet d’augmenter les salaires pour que les salariés ne perdent pas de pouvoir d’achat.
Pourquoi indexer les salaires sur l’inflation ?
1. Protéger le pouvoir d’achat
L’indexation salariale garantit que les revenus des travailleurs suivent la hausse des prix. En période d’inflation, si les salaires n’augmentent pas, les employés perdent en réalité de l’argent, car leur capacité à acheter des biens et des services diminue. Cette pratique permet ainsi de maintenir un équilibre entre le revenu des travailleurs et l’évolution du coût de la vie.
2. Éviter les grèves et tensions sociales
Lorsqu’une économie connaît une inflation élevée, l’absence de mécanismes d’ajustement salarial peut entraîner des frustrations, des grèves et des protestations de la part des employés. L’indexation des salaires réduit ces risques en garantissant une certaine stabilité financière pour les travailleurs.
3. Motiver et fidéliser les employés
L’indexation salariale montre aux employés que leur employeur se soucie de leur bien-être économique. Cela renforce la motivation et favorise la fidélité, car les salariés se sentent protégés face à la hausse des prix.
Comment fonctionne l’indexation des salaires sur l’inflation ?
L’indexation des salaires repose sur une formule mathématique simple. En général, le pourcentage d’augmentation des salaires est basé sur l’évolution de l’inflation mesurée par l’IPC sur une période donnée. Par exemple, si l’inflation annuelle est de 2 %, les salaires des employés peuvent être augmentés de 2 % pour compenser la perte de pouvoir d’achat.
1. Base de l’indexation
Les entreprises se basent sur un indice de référence, souvent l’IPC, pour déterminer l’évolution des salaires. Cet indice est calculé par des organismes statistiques nationaux comme l’INSEE en France. En fonction de l’évolution de cet indice, les salaires peuvent être ajustés.
2. Fréquence de l’ajustement
L’indexation peut être annuelle, semestrielle, ou même trimestrielle, selon les conventions collectives ou les accords spécifiques à l’entreprise. Certaines entreprises choisissent d’appliquer l’ajustement salariale directement après la publication des chiffres de l’inflation.
3. Plafonnement et seuils
Certaines entreprises ou pays appliquent des plafonds ou des seuils au taux d’indexation pour éviter des hausses salariales excessives. Cela permet de concilier l’ajustement des salaires avec la rentabilité des entreprises.
Quels sont les avantages et les inconvénients de l’indexation des salaires ?
Avantages :
- Protection du pouvoir d’achat : Les employés ne perdent pas de pouvoir d’achat, même en période d’inflation.
- Prévention des tensions sociales : Les grèves et les protestations liées à la baisse du pouvoir d’achat sont moins fréquentes.
- Stabilité économique : L’indexation crée une relation de prévisibilité entre les salariés et l’entreprise, assurant ainsi la stabilité des relations professionnelles.
Inconvénients :
- Coûts supplémentaires pour l’entreprise : L’indexation des salaires peut entraîner des coûts supplémentaires pour l’employeur, en particulier en période d’inflation élevée.
- Risque de spirale inflationniste : Si tous les salaires sont ajustés à la hausse en fonction de l’inflation, cela peut entraîner une augmentation générale des prix, aggravant ainsi l’inflation.
L’indexation des salaires sur l’inflation en France
En France, l’indexation des salaires sur l’inflation n’est pas adoptée. Cependant, certaines professions, notamment dans le secteur public et dans les secteurs liés à l’État, bénéficient d’un système d’indexation des salaires plus formalisé.
Le gouvernement français a aussi mis en place des mécanismes pour soutenir les salariés lors de périodes d’inflation, comme le complément de salaire ou des primes spécifiques pour les bas salaires. Toutefois, l’indexation automatique des salaires n’est pas généralisée dans le secteur privé.
Comment l’indexation des salaires impacte-t-elle l’économie ?
1. Réduction des inégalités
L’indexation salariale permet de réduire les inégalités entre les travailleurs, en particulier ceux qui dépendent de salaires fixes. Elle aide également les travailleurs à maintenir leur niveau de vie, même en période d’inflation.
2. Impact sur la compétitivité des entreprises
L’indexation des salaires peut affecter la compétitivité des entreprises, surtout si les coûts salariaux augmentent plus rapidement que la productivité. Certaines entreprises peuvent décider de ne pas appliquer d’indexation ou de la limiter, en particulier dans les secteurs où la concurrence est féroce.
3. Stabilité sociale
En prévenant les grèves et autres formes de protestation, l’indexation des salaires contribue à une stabilité sociale et à une meilleure coopération entre les employeurs et les employés.