La Clause de non-concurrence du contrat de cession de droits sociaux ne peut être opposée à l’associé cédant si les actes anticoncurrentiels et de débauchage reprochés sont antérieurs à la signature du contrat de cession de droits sociaux et donc antérieur au transfert de propriété des droits de l’associé.
La rétroactivité de la clause de non-concurrence peut toutefois être stipulée entre les Parties. Il résulte de l’article 1103 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. En l’espèce, le contrat de cession de droits sociaux conclu stipule : « A compter de la signature du protocole et pour une durée de dix-huit mois après la date de transfert de propriété (des titres), le cédant, sur l’ensemble du territoire français, s’interdit, autrement que pour le compte direct du cessionnaire, d’entreprendre, de créer, faire valoir, gérer, concevoir, développer, exercer à titre onéreux ou gratuit, pour son compte ou celui d’un tiers, (directement ou indirectement, ou en qualité d’intermédiaire, de partenaire financier, de bailleur, d’employé, ou de représentant de toute personne morale ou physique) toute activité concurrente des activités actuellement exercées par la société ABBEAL [Localité 5] (que ces activités soient exercées postérieurement en tout ou partie par la société ABBEAL [Localité 5]). » L’article 6.3 de la convention prévoit l’engagement du cédant « pour une durée de trois ans après la date de transfert de propriété à ne pas engager ou contribuer à faire engager par tout tiers, sauf accord du cessionnaire, un salarié ou un mandataire social de l’une des sociétés contrôlées par la société ABBEAL H soit en tant qu’employé, consultant, ou par un autre moyen, que ledit employé se rende coupable d’une violation des stipulations de son contrat de travail ou non. » L’article 6.4 stipule que « Le cessionnaire s’engage à verser au cédant, qui l’accepte, une contrepartie financière à l’engagement de non-concurrence et de non-débauchage du cédant d’un montant ferme et définitif de quarante-quatre mille euros (44 000 euros). Cette contrepartie financière sera versée selon les modalités suivantes : – VINGT MILLE EUROS (20 000 euros) au premier juillet 2022, – VINGT-QUATRE MILLE EUROS (24 000 euros) au 31 décembre 2022. » Il échet de constater, à la lecture des article du contrat qu’ils ne sont pas rétroactifs puisqu’ils ne s’appliquent qu’à compter de la date de transfert de propriété des droits sociaux. |
Résumé de l’affaire :
Constitution de la société ABBEALLa société ABBEAL a été immatriculée le 27 avril 2017 au RCS de Lyon, avec un capital social réparti entre la Société ABBEAL de Paris, détenant 70 % des actions, et Monsieur [C] [H], qui en détient 30 %. Son objet social inclut le conseil en recrutement et l’ingénierie informatique. Pacte d’associés et cession de droits sociauxUn pacte d’associés a été signé en avril 2017, incluant une clause de non-concurrence. Le 20 juillet 2021, Monsieur [H] a cédé ses droits sociaux à la Société ABBEAL pour 206.211 euros, avec des obligations de non-concurrence et de non-débauchage stipulées dans l’acte de cession. Conflit et mise en demeureLe 2 septembre 2022, la Société ABBEAL a accusé Monsieur [H] de violer ses obligations contractuelles, le mettant en demeure de cesser ses agissements. En réponse, Monsieur [H] a contesté ces accusations et a exigé le paiement de 20.000 euros en vertu de l’acte de cession. Assignation en justiceMonsieur [H] a assigné la Société ABBEAL devant le tribunal judiciaire de Paris le 19 octobre 2022, demandant la nullité de la clause de non-concurrence et le paiement de diverses sommes. Prétentions de Monsieur [H]Monsieur [H] a demandé l’annulation de la clause de non-concurrence, le paiement de 20.000 euros, puis 24.000 euros, ainsi que des dommages et intérêts. Il a soutenu que la clause n’était pas limitée dans l’espace et que les accusations de la Société ABBEAL étaient infondées. Prétentions de la Société ABBEALLa Société ABBEAL a demandé le déboutement de Monsieur [H] et a réclamé 44.000 euros pour manquement à son obligation d’information. Elle a accusé Monsieur [H] d’avoir participé à la création d’une société concurrente pendant les négociations. Décision du tribunalLe tribunal a constaté la nullité de la clause de non-concurrence du pacte d’associés et a condamné la Société ABBEAL à verser à Monsieur [H] 20.000 euros et 24.000 euros, tout en déboutant Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts. La responsabilité de Monsieur [H] a été engagée pour manquement à son devoir d’information, entraînant une condamnation à verser 44.000 euros à la Société ABBEAL. ConclusionLe tribunal a statué que chaque partie supporterait ses propres dépens, sans application de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la validité de la clause de non-concurrence dans le pacte d’associés signé en 2017 ?La clause de non-concurrence insérée dans le pacte d’associés signé en 2017 est déclarée nulle par le tribunal. Selon la jurisprudence, pour qu’une clause de non-concurrence soit valable, elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace, et doit désigner précisément les activités concernées (Cass. Com., 23 juin 2021, n° de pourvoi 19-24.488). En l’espèce, l’article 5.2.1 du pacte stipule que la clause s’applique « en France et à l’étranger », ce qui, en réalité, couvre le monde entier. Cette absence de limitation géographique rend la clause inapplicable et donc nulle. Ainsi, le tribunal a constaté que le champ d’application de cette stipulation contractuelle n’est pas limité dans l’espace, entraînant son annulation. Quelles sont les conséquences de la nullité de la clause de non-concurrence sur les obligations contractuelles ?La nullité de la clause de non-concurrence a des conséquences directes sur les obligations contractuelles entre les parties. En vertu de l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Dans ce cas, l’article 6.4 du contrat de cession de droits sociaux stipule que le cessionnaire s’engage à verser une contrepartie financière au cédant pour son engagement de non-concurrence et de non-débauchage. Étant donné que la clause de non-concurrence est déclarée nulle, les obligations qui en découlent ne peuvent être appliquées. Par conséquent, la société ABBEAL est tenue de verser à Monsieur [H] la somme de 20 000 euros et 24 000 euros, conformément aux modalités prévues par l’article 6.4, car ces montants ne dépendent pas de la validité de la clause de non-concurrence. Comment se justifie la demande de dommages et intérêts de la société ABBEAL envers Monsieur [H] ?La société ABBEAL demande des dommages et intérêts à Monsieur [H] pour manquement à son devoir d’information, en vertu de l’article 112-1 du Code civil. Cet article stipule que toute partie qui connaît une information déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer, surtout si cette dernière ignore cette information. Monsieur [H] a omis de révéler aux représentants de la société ABBEAL qu’il participait à la création d’une société concurrente au moment de la négociation de l’acte de cession. Cette dissimulation est considérée comme un manquement à son devoir de loyauté et de bonne foi, ce qui a causé un préjudice à la société ABBEAL. Le tribunal a estimé que cette dissimulation a eu un impact direct sur la décision de la société de conclure le contrat, entraînant un préjudice évalué à 44 000 euros, correspondant à la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence. Ainsi, Monsieur [H] a été condamné à verser cette somme à la société ABBEAL. Quelles sont les implications de la décision du tribunal concernant les demandes accessoires ?Concernant les demandes accessoires, le tribunal a décidé de ne pas faire application de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles. Cette décision est fondée sur le fait que chacune des parties a été condamnée à verser une somme d’argent à l’autre, ce qui rend l’application de cet article inappropriée. De plus, le tribunal a statué que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens, ce qui signifie qu’aucune des parties ne sera remboursée pour les frais engagés dans le cadre de cette procédure. Cette approche vise à maintenir l’équité entre les parties, compte tenu des circonstances de l’affaire. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
5ème chambre 2ème section
N° RG 22/12704
N° Portalis 352J-W-B7G-CYCZ6
N° MINUTE :
Assignation du :
19 Octobre 2022
JUGEMENT
rendu le 14 Novembre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [C] [H]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Marie BRUCKMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1799
DÉFENDERESSE
S.A.S. ABBEAL
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Valérie GUILLEM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0105
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Antoine DE MAUPEOU, Premier Vice-Président Adjoint
Christine BOILLOT, Vice-Présidente
Rémi FERREIRA, Juge
assistés de Fathma NECHACHE, Greffier lors des débats
et de Nadia SHAKI, Greffier lors de la mise à disposition au greffe
Décision du 14 Novembre 2024
5ème chambre 2ème section
N° RG 22/12704 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYCZ6
DÉBATS
A l’audience du 02 Octobre 2024 tenue en audience publique devant Madame BOILLOT, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort
La société ABBEAL [Localité 5] a été immatriculée le 27 avril 2017 au RCS de Lyon sous le numéro 829 310 960. Ses associés sont : La Société ABBEAL, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 790172 928, qui détient 7.000 actions en pleine propriété, soit 70 % du capital social ; et Monsieur [C] [H], qui détient 3.000 actions en pleine propriété, soit 30 % du capital social.
Elle a pour objet, le conseil en recrutement, la prestation de service et l’ingénierie informatique, notamment dans les systèmes d’information et de communication.
Par acte sous seing privé signé au mois d’avril 2017 (la date exacte n’est pas précisée), la société ABBEAL et Monsieur [H] ont conclu un pacte d’associés contenant une clause de non-concurrence.
Par contrat du 20 juillet 2021, ils ont conclu un acte de cession de droits sociaux aux termes duquel Monsieur [H], cédant, a cédé l’intégralité de ses droits sociaux dans la société ABBEAL [Localité 5] à la Société ABBEAL, cessionnaire, au prix de 206.211 euros.
L’acte de cession stipule une obligation de non-concurrence et de non-débauchage à la charge du cédant, et prévoit une contrepartie financière à l’engagement de non concurrence et de non-débauchage du cédant à l’article 6.4.
Par courrier du 2 septembre 2022 adressé à Monsieur [H], la Société ABBEAL a reproché à ce dernier d’avoir violé ses obligations de non-dénigrement, de non concurrence et de non-débauchage entrainant la perte de la contrepartie financière, et le mettant en demeure de mettre fin à ses agissements.
Monsieur [H], par l’intermédiaire de son conseil, a contesté une quelconque activité de non-concurrence et, par courrier recommandé du 27 septembre 2022, il a mis en demeure la Société ABBEAL de payer sous 48 heures la somme de 20.000 euros en exécution de l’article 6.4 de l’acte de cession de droits sociaux du 20 juillet 2021.
La Société ABBEAL est restée taisante.
Par exploit du 19 octobre 2022, Monsieur [H] a alors assigné la société ABBEAL devant le tribunal judiciaire de Paris.
PRÉTENTION DES PARTIES :
Monsieur [H], dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 12 septembre 2023, demande au tribunal de :
– prononcer la nullité de la clause de non-concurrence insérée au pacte d’associés,
– condamner la société ABBEAL à lui payer la somme de :
20.000 euros outre intérêts légaux à compter du 1er juillet 2022, et subsidiairement à compter de la mise en demeure du 27 septembre 2022,24.000 euros outre intérêts légaux à compter du 31 décembre 2022, et subsidiairement à compter des conclusions additionnelles du 13 janvier 2023,- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
– condamner la société ABBEAL à lui payer la somme de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– débouter la Société ABBEAL de toute ses demandes,
– condamner la société ABBEAL à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marie BRCUKMANN, Avocat.
Il fait valoir, en se fondant sur la jurisprudence de la chambre de commerce de la Cour de cassation, que, n’étant pas limitée dans l’espace, la clause relative à l’obligation de non-concurrence insérée dans le pacte d’associés, est atteinte de nullité et la Société ABBEAL n’est pas fondée à s’en prévaloir.
Il avance que les allégations de la Société ABBEAL dans le courrier du 2 septembre 2022 ne sont aucunement justifiées. Elles sont au demeurant parfaitement contredites par la réalité des faits.
Il ajoute que la clause de non-concurrence du contrat du 20 juillet 2021 n’a pas d’effet rétroactif, sa rétroactivité n’étant pas prévue par les parties. Par conséquent, les éléments invoqués par la Société ABBEAL, antérieurs au 20 juillet 2021, ne peuvent en aucun cas caractériser une infraction à cette clause qui, par définition, n’existait pas au moment des faits allégués.
Il soutient qu’il n’avait strictement rien à dénoncer à la société ABBEAL car de simples idées librement exprimées dans le cadre d’une soirée privée, en dehors du temps et du lieu de travail, n’avaient pas à être rapportées à fortiori, dans la mesure où elles n’ont jamais été suivies d’effet concret. Il souligne que la société ABBEAL tient majoritairement des propos incriminants à l’encontre de deux anciens salariés, et non pas à son encontre. En outre, en se fondant sur l’article 1231-2 du code civil, il prétend que la société ABBEAL ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence et de l’étendue du préjudice allégué qu’elle chiffre totalement arbitrairement à 44.000 euros sans aucune pièce à l’appui, se dispensant au surplus d’établir un quelconque lien de causalité.
Enfin, il fait valoir que l’accusation totalement infondée d’agissements déloyaux et anticoncurrentiels est particulièrement vexatoire, et n’est invoquée qu’à des fins dilatoires par la défenderesse pour tenter, de mauvaise foi, d’échapper à ses obligations contractuelles.
La société ABBEAL, dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 novembre 2023, demande au tribunal de :
A titre principal,
– débouter Monsieur [C] [H] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Monsieur [C] [H] à lui verser la somme de 44 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d’information, de bonne foi et de loyauté.
En tout état de cause, condamner Monsieur [C] [H] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; ainsi qu’aux dépens.
Elle oppose, sur fondement des articles 1103 et 1104 du code civil, que Monsieur [C] [H] a manqué à ses obligations de loyauté et de bonne foi et de non concurrence renforcée par sa double qualité d’associé et de dirigeant de la société ABBEAL [Localité 5]. En effet, lors d’une soirée privée du 23 avril 2021 ce dernier aurait pris part au projet de création d’une société concurrente envisagée dès janvier 2020 par deux des salariés de la société ABBEAL : Monsieur [Y] [O] et Monsieur [U] [Z].
Elle fait également valoir, sur fondement de l’article 1112-1 du code civil, que Monsieur [C] [H] a délibérément manqué à son devoir d’information envers elle en dissimulant le concours actif qu’il a apporté à ses deux salariés dans la création d’une entreprise directement concurrente, tant dans son modèle que dans ses activités, avec la volonté affirmée de débaucher son personnel et de capter sa clientèle.
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Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus complet de leurs prétentions et moyens.
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L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 novembre 2023. L’affaire a été renvoyée à l’audience à juge rapporteur du 2 octobre 2024 à 10heures puis mise en délibéré au 14 novembre 2024.
Sur les demandes de Monsieur [H] :
Monsieur [H] demande d’abord l’annulation de la clause de non concurrence contenue dans le pacte d’associés signé en 2017 au motif qu’elle n’est pas suffisamment limitée dans l’espace.
La jurisprudence considère que la clause de non concurrence, en ce qu’elle est contraire à la liberté d’entreprendre, doit, pour être valable, être limitée dans le temps et dans l’espace et qu’elle doit désigner précisément les activités sur lesquelles elle porte (Cass Com 23 juin 2021, numéro de pourvoi 19-24.488).
En l’espèce, il résulte des stipulations de l’article 5.2.1 du pacte d’associés que la clause de non-concurrence qu’il prévoit s’applique « en France et à l’étranger », expression qui désigne, en réalité, le monde entier. De ce fait le champ d’application de cette stipulation contractuelle n’est pas limité dans l’espace. Cette stipulation doit donc être annulée.
Monsieur [H] demande ensuite le paiement de la somme de 20 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 1 juillet 2022, à défaut, du 27 septembre 2022 et de celle de 24 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2022 et, subsidiairement du 13 janvier 2023. Il se fonde sur l’article 6.4 du contrat de cession de droits sociaux.
Il résulte de l’article 1103 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l’article 6.2 du contrat de cession de droits sociaux conclu le 20 juillet 2021, « A compter de la signature du protocole et pour une durée de dix-huit mois après la date de transfert de propriété (des titres), le cédant, sur l’ensemble du territoire français, s’interdit, autrement que pour le compte direct du cessionnaire, d’entreprendre, de créer, faire valoir, gérer, concevoir, développer, exercer à titre onéreux ou gratuit, pour son compte ou celui d’un tiers, (directement ou indirectement, ou en qualité d’intermédiaire, de partenaire financier, de bailleur, d’employé, ou de représentant de toute personne morale ou physique) toute activité concurrente des activités actuellement exercées par la société ABBEAL [Localité 5] (que ces activités soient exercées postérieurement en tout ou partie par la société ABBEAL [Localité 5]). »
L’article 6.3 de la convention prévoit l’engagement du cédant « pour une durée de trois ans après la date de transfert de propriété à ne pas engager ou contribuer à faire engager par tout tiers, sauf accord du cessionnaire, un salarié ou un mandataire social de l’une des sociétés contrôlées par la société ABBEAL H soit en tant qu’employé, consultant, ou par un autre moyen, que ledit employé se rende coupable d’une violation des stipulations de son contrat de travail ou non. »
L’article 6.4 stipule que « Le cessionnaire s’engage à verser au cédant, qui l’accepte, une contrepartie financière à l’engagement de non-concurrence et de non-débauchage du cédant d’un montant ferme et définitif de quarante-quatre mille euros (44 000 euros).
Cette contrepartie financière sera versée selon les modalités suivantes :
– VINGT MILLE EUROS (20 000 euros) au premier juillet 2022,
– VINGT-QUATRE MILLE EUROS (24 000 euros) au 31 décembre 2022. »
Il échet de constater, à la lecture des article 6.2 et 6.3 du contrat qu’ils ne sont pas rétroactifs puisqu’ils ne s’appliquent qu’à compter de la date de transfert de propriété des droits sociaux.
Or, les actes anticoncurrentiels et de débauchage reprochés à Monsieur [H] par la société ABBEAL sont antérieurs à la signature du contrat de cession de droits sociaux et donc antérieur au transfert de propriété de ces droits de Monsieur [H] à la société ABBEAL puisque, selon les déclarations de cette dernière et les attestations qu’elle produit, ils ont été commis entre le mois de janvier 2020 et le mois de juin 2021.
Les articles 6.2 et 6.3 de l’acte de cession n’étaient pas en vigueur au moment de leur commission. Ils sont donc inapplicables en l’espèce. La clause de non-concurrence prévue à l’article 5.2.1 du pacte d’associé ne peut, elle non plus, recevoir application puisqu’elle est nulle.
Aucun acte anticoncurrentiel ou de débauchage ne pouvant être retenu contre Monsieur [H] sur le fondement des article 6.2 et 6.3 de l’acte de cession du 20 juillet 2021 ni sur celui de l’article 5.2.1 du pacte d’associés, l’article 6.4 du contrat de cession doit s’appliquer et la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence et de non-débauchage doit être payée à Monsieur [H] selon les modalités prévues par ce texte.
Pour s’exonérer du paiement de cette contrepartie financière, la société ABBEAL invoque la déloyauté de Monsieur [H] qui menait des actes anticoncurrentiels au moment des négociations précédant l’acte de cession. Cette considération ne permet pas d’écarter l’application de l’article 6.4 de ce contrat sauf à considérer que Monsieur [H] a commis des manœuvres dolosives et à constater purement et simplement la nullité du contrat de cession sur le fondement de l’article 1137 du code civil, ce que la société ABBEAL ne demande pas.
La société ABBEAL sera donc condamnée à payer à Monsieur [H] : la somme de 20 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée le 27 septembre 2022 et celle de 24 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2022, date à laquelle elle est exigible en vertu du contrat. La capitalisation des intérêts sera ordonnée.
Monsieur [H] sollicite la condamnation de la société ABBEAL à lui payer 3 000 euros de dommages et intérêts, lui reprochant d’avoir sali son honneur par des accusations infondée et de s’obstiner à ne pas lui payer la contrepartie financière de son obligation de non-concurrence.
Il résulte des attestations produites par la défenderesse que Monsieur [H] a élaboré un business plan pour la constitution d’une société destinée à exercer exactement la même activité au mois d’avril 2021. Le business plan lui-même est versé aux débats par la société ABBEAL ainsi que le courrier électronique auquel il était joint. Monsieur [H] ne peut donc reprocher à la société ABBEAL d’avoir sali son honneur et sa réputation par des accusations mensongères. En outre, la volonté des représentants de la défenderesse de ne pas payer la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence stipulée au contrat du 20 juillet 2021 ne procède d’aucun abus de leur part mais trouve son origine dans le sentiment de révolte qu’ils ont éprouvé lorsqu’ils ont appris qu’au moment de négocier les termes de ce contrat, Monsieur [H] entreprenait, avec d’autres, de créer une société concurrente.
Monsieur [H] sera, compte tenu de ces éléments, débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes reconventionnelles de la société ABBEAL :
La société ABBEAL sollicite la condamnation de Monsieur [H] au paiement de la somme de 44 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement au devoir d’information, celui-ci ne l’ayant pas mise au courant des actes anticoncurrentiels qu’il commettait au moment de négocier l’acte de cession conclu le 20 juillet 2021. La somme qu’elle demande représente, selon elle, la valeur financière de l’engagement de non-concurrence stipulé à l’acte du 20 juillet 2021.
Il résulte des dispositions de l’article 112-1 du code civil que celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux article 1130 et suivant du code civil.
La responsabilité de l’auteur du manquement au devoir d’information ne peut être engagée que si son manquement a été, pour son cocontractant, la cause d’un préjudice.
Il n’est pas discuté, en l’espèce, que Monsieur [H] n’a pas révélé aux représentants de la société défenderesse les agissements qu’il commettait au moment de négocier avec elle l’acte de cession, en vue de constituer, avec Messieurs [O] et [Z], une société concurrente.
Une telle information était évidemment déterminante pour les représentants de la société ABBEAL qui ne pouvait pas conclure un contrat prévoyant une obligation de non concurrence avec une partie qui prenait part à des actes anticoncurrentiels commis à son préjudice.
La dissimulation de cette information par Monsieur [H] a indéniablement causé un préjudice à la société ABBEAL puisqu’elle se trouve liée à ce dernier par un contrat stipulant une clause de non concurrence assortie d’une contrepartie financière qu’elle est tenue de lui payer alors qu’il s’est livé à des actes anticoncurrentiels, vidant ladite clause de son sens et alors qu’il est stipulé dans le contrat que la société ABBEAL ne l’aurait jamais conclu s’il n’avait pas contenu une telle clause. Ce préjudice peut être évalué à la somme de 44 000 euros, montant de la contrepartie financière de l’obligation de non concurrence mise à la charge de Monsieur [H].
La responsabilité de Monsieur [H] est engagée envers la société ABBEAL et Monsieur [H] sera condamné à payer à ladite société la somme de 44 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Su les demandes accessoires :
L’équité n’impose pas, en l’espèce, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile, chacune des parties à l’instance étant condamnée à payer une somme d’argent à l’autre.
Pour la même raison, chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort,
Constate la nullité de la clause de non-concurrence figurant à l’article 5.2.1 du pacte d’associé conclu en avril 2017 entre Monsieur [C] [H] et la société ABBEAL,
Condamne la société ABBEAL à payer à Monsieur [C] [H] :
– La somme de 20 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2022,
– La somme de 24 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2022,
Ordonne la capitalisation des intérêts,
Déboute Monsieur [C] [H] de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute la société ABBEAL à payer à Monsieur [C] [H] la somme de 44 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.
Fait et jugé à Paris le 14 Novembre 2024.
Le Greffier Le Président
Nadia SHAKI Antoine DE MAUPEOU