Les sites proposant des services d’investissement sur contrats financiers sans agrément peuvent être bloqués par les FAI sur l’initiative du président de l’AMF.
En l’espèce, le site propose notamment des opérations portant sur l’ouverture de comptes permettant de passer des ordres sur des options binaires et/ou des CFD au moyen d’une plateforme de Trading en ligne sur différents actifs sous-jacents. Selon l’article L. 531-1 du code monétaire et financier, les prestataires de services d’investissement sont les entreprises d’investissement, les sociétés de gestion de portefeuille ainsi que les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1. La prestation de services connexes au sens de l’article L. 321-2 du code monétaire et financier est libre, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur applicables à chacun de ces services. Elle ne permet pas, à elle seule, de prétendre à la qualité d’entreprise d’investissement. Selon l’article L. 621-13-5 du même code, le président de l’Autorité des marchés financiers adresse aux opérateurs offrant des services d’investissement en ligne non agréés en application de l’article L. 532-1 ne figurant pas au nombre des personnes mentionnées à l’article L. 531-2 ou n’entrant pas dans le champ d’application des articles L. 532-16 à L. 532-22, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure rappelant les dispositions de l’article L. 573-1 relatives aux sanctions encourues et les dispositions du deuxième alinéa du présent article, enjoignant à ces opérateurs de respecter cette interdiction et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours. Il adresse également aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une copie de la mise en demeure prévue au premier alinéa du présent article et leur enjoint de prendre toute mesure propre à empêcher l’accès au contenu du service de communication au public en ligne proposé par l’opérateur mentionné au premier alinéa. Ces personnes sont invitées à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours. A l’issue de ce délai, en cas d’inexécution des injonctions prévues aux deux premiers alinéas du présent article ou si l’offre de services d’investissement en ligne reste accessible, le président de l’Autorité des marchés financiers peut saisir le président du tribunal du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond, l’arrêt de l’accès à ce service aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée. Il peut également saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux mêmes fins si l’offre demeure accessible, nonobstant l’éventuelle exécution par les personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article, sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature. Le président de l’Autorité des marchés financiers peut saisir par requête le président du tribunal judiciaire de Paris aux mêmes fins lorsque ce service de communication au public en ligne est accessible à partir d’autres adresses. |
Résumé de l’affaire :
Constatation des Activités IllicitesLe 17 août 2024, le président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a constaté qu’un site internet, accessible via les adresses xtrader365.com et www.xtrader365.com, proposait des services d’investissement en France sans l’agrément requis par le code monétaire et financier. Mise en Demeure de Cesser les ActivitésLe 23 août 2024, le président de l’AMF a mis en demeure l’éditeur du site de cesser immédiatement ses offres de services d’investissement. La même journée, il a également adressé une mise en demeure à la société Shinjiru Technology Sdn Bhd, l’hébergeur du site, pour qu’elle prenne des mesures afin d’empêcher l’accès au contenu illicite. Constatations Répétées et Actions des Fournisseurs d’AccèsLe 12 septembre 2024, des constatations similaires ont été effectuées, confirmant que le site continuait d’offrir des services d’investissement. Le 23 septembre 2024, le président de l’AMF a informé les fournisseurs d’accès à internet des mises en demeure adressées aux opérateurs. Procédure Judiciaire EngagéeEntre le 25 et le 27 septembre 2024, le président de l’AMF a cité plusieurs fournisseurs d’accès à internet devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant des mesures pour bloquer l’accès au site litigieux. Demande de Mesures par l’AMFLors de l’audience, le président de l’AMF a demandé au tribunal d’ordonner aux fournisseurs d’accès de mettre en œuvre des mesures pour empêcher l’accès au site dans un délai de quinze jours, ainsi que de justifier les actions entreprises. Réponses des Fournisseurs d’AccèsLes fournisseurs d’accès, dont Orange, Free et Bouygues Telecom, ont formulé diverses demandes, notamment concernant la durée des mesures de blocage, la nécessité d’un délai raisonnable pour leur mise en œuvre, et la prise en charge des coûts associés. Motifs de la DécisionLe tribunal a constaté que le site en question offrait des services d’investissement sans agrément, ce qui constitue une infraction. Malgré les mises en demeure, l’opérateur n’a pas cessé ses activités, justifiant ainsi l’intervention de l’AMF. Ordonnance du TribunalLe tribunal a ordonné aux fournisseurs d’accès de mettre en œuvre des mesures pour bloquer l’accès au site dans un délai de quinze jours, tout en précisant que ces mesures doivent être proportionnées et adaptées à la situation. Exécution et CoûtsLes mesures doivent être exécutées dans les meilleurs délais, et le tribunal a précisé que les coûts des mesures de blocage ne peuvent pas être à la charge de l’AMF, conformément au principe de séparation des pouvoirs. Conclusion de la DécisionLa décision a été rendue exécutoire par provision, et les dépens ont été laissés à la charge du président de l’AMF. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations des prestataires de services d’investissement selon le code monétaire et financier ?Les obligations des prestataires de services d’investissement sont principalement définies par l’article L. 531-1 du code monétaire et financier. Cet article stipule que les prestataires de services d’investissement incluent les entreprises d’investissement, les sociétés de gestion de portefeuille, ainsi que les établissements de crédit qui ont reçu un agrément pour fournir des services d’investissement. Cet agrément est essentiel car il garantit que seuls les prestataires ayant satisfait à des exigences réglementaires strictes peuvent offrir des services d’investissement. En effet, l’article L. 321-1 précise que ces services peuvent inclure la réception et la transmission d’ordres, l’exécution d’ordres pour le compte de clients, ainsi que la gestion de portefeuille. De plus, l’article L. 621-13-5 introduit des mesures spécifiques pour les opérateurs offrant des services d’investissement en ligne sans agrément. Il est donc impératif que tout opérateur souhaitant proposer de tels services sur le territoire français soit dûment agréé, sous peine de sanctions. Quelles sont les conséquences d’une mise en demeure par l’AMF ?La mise en demeure par l’AMF, comme stipulé dans l’article L. 621-13-5, a pour but d’informer les opérateurs de leur situation illégale et de leur enjoindre de cesser leurs activités non agréées. Si l’opérateur ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai imparti, l’AMF peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris pour ordonner l’arrêt de l’accès à ces services. L’article mentionne également que l’AMF doit adresser une copie de la mise en demeure aux personnes mentionnées dans la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, leur enjoignant de prendre des mesures pour empêcher l’accès au contenu illégal. En cas d’inaction, le président de l’AMF peut agir sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions. Ainsi, la mise en demeure est une étape cruciale qui peut mener à des actions judiciaires si l’opérateur ne respecte pas les exigences légales. Quels sont les droits des fournisseurs d’accès à internet face à une injonction de l’AMF ?Les fournisseurs d’accès à internet (FAI) ont des droits spécifiques lorsqu’ils reçoivent une injonction de l’AMF. Selon l’article L. 621-13-5, ils peuvent demander un délai raisonnable pour mettre en œuvre les mesures de blocage. Par exemple, plusieurs FAI ont demandé un délai de 15 jours pour se conformer à l’injonction. De plus, les FAI ont le droit de choisir la méthode technique de blocage qu’ils jugent la plus appropriée. Ils peuvent également demander des clarifications sur la nature des contenus à bloquer et sur les conditions de levée de ces mesures. Enfin, les FAI peuvent solliciter le remboursement des coûts associés à la mise en œuvre des mesures de blocage, en présentant les factures correspondantes. Cela souligne l’importance de la transparence et de la communication entre l’AMF et les FAI dans le cadre de l’exécution des injonctions. Comment l’AMF peut-elle lever une mesure de blocage ?L’AMF peut lever une mesure de blocage en informant les fournisseurs d’accès à internet par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette procédure est prévue pour garantir que les FAI soient rapidement informés lorsque les conditions justifiant le blocage ne sont plus d’actualité. L’article L. 621-13-5 précise que la mesure de blocage doit être limitée dans le temps et ne doit se poursuivre que tant que l’opérateur ne dispose pas de l’agrément requis. Ainsi, si l’opérateur obtient l’agrément ou si des mesures sont prises pour interdire l’accès à son site depuis le territoire français, l’AMF doit en informer les FAI pour lever le blocage. Cette flexibilité est essentielle pour garantir que les mesures de blocage ne soient pas excessives et qu’elles respectent les droits des opérateurs tout en protégeant les consommateurs. Quelles sont les implications de la décision du tribunal judiciaire de Paris ?La décision du tribunal judiciaire de Paris a des implications significatives pour les fournisseurs d’accès à internet et l’AMF. En ordonnant aux FAI de mettre en œuvre des mesures de blocage, le tribunal reconnaît la nécessité de protéger les consommateurs contre des services d’investissement illégaux. Cette décision est exécutoire par provision, conformément à l’article 481-1 du code de procédure civile, ce qui signifie qu’elle doit être appliquée immédiatement, même si elle peut faire l’objet d’un appel. Cela souligne l’urgence de la situation et la volonté du tribunal de protéger les investisseurs. De plus, le tribunal a laissé les dépens à la charge de l’AMF, ce qui signifie que l’AMF devra assumer les coûts liés à cette procédure. Cela peut avoir des conséquences sur la manière dont l’AMF gère ses ressources et ses actions futures contre des opérateurs non agréés. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 24/56517 – N° Portalis 352J-W-B7I-C55CG
N° : 10/MM
Assignation du :
25,26,27 Septembre 2024
[1]
[1] 5 Copies exécutoires
délivrées le:
JUGEMENT RENDU SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND
le 13 novembre 2024
par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE
Madame la Présidente de l’AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS (AMF), agissant au nom de l’Autorité des Marchés Financiers
[Adresse 5]
[Localité 9]
représenté par Maître Philippe JOUARY de l’ASSOCIATION AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocats au barreau de PARIS – #J0114
DEFENDERESSES
Société SFR FIBRE
[Adresse 1]
[Localité 10]
non constituée
Société ORANGE
[Adresse 2]
[Localité 12]
représentée par Me Alexandre LIMBOUR, avocat au barreau de PARIS – #L0064
SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE – SFR
[Adresse 4]
[Localité 9]
non constituée
S.A.S. FREE
[Adresse 11]
[Localité 9]
et pour signification :
[Adresse 3]
[Localité 9]
représentée par Me Yves COURSIN, avocat au barreau de PARIS – #C2186
S.A. BOUYGUES TELECOM
[Adresse 8]
[Localité 9]
représentée par Maître François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocats au barreau de PARIS – #B0873
S.A.S. COLT TECHNOLOGY SERVICES
[Adresse 7]
[Localité 13]
représentée par Maître Katia BONEVA-DESMICHT de l’AARPI BAKER & MC KENZIE, avocats au barreau de PARIS – #P0445
Société OUTREMER TELECOM
[Adresse 16]
[Localité 14]
non constituée
SOCIETE REUNIONNAISE DU RADIOTELEPHONE – SRR
[Adresse 6]
[Localité 15]
non constituée
DÉBATS
A l’audience du 16 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Le 17 août 2024, le président de l’Autorité des marchés financiers (ci-après AMF) a fait constater par procès-verbal d’huissier qu’un site internet accessible à partir des adresses xtrader365.com et www.xtrader365.com proposait sur le territoire français des services d’investissement portant sur des contrats financiers alors que l’opérateur n’avait pas reçu l’agrément prévu par l’article L. 531-1 du code monétaire et financier.
Le président de l’AMF a, par lettre du 23 août 2024, mis en demeure l’éditeur du site de cesser sans délai de proposer de telles offres de services d’investissement, à destination du territoire français, à partir de ces sites internet.
Par courrier du même jour, le président de l’AMF a mis en demeure la société Shinjiru Technology Sdn Bhd (établie en Malaisie), apparaissant être l’hébergeur, de prendre toutes les mesures propres à empêcher l’accès au contenu du service de communication en ligne accessible aux adresses précitées.
Le 12 septembre 2024, les mêmes constatations d’offres de services d’investissement en ligne ont été réalisées à la demande de l’AMF.
Par lettres du 23 septembre 2024, le président de l’AMF a dénoncé aux fournisseurs d’accès à internet les mises en demeure adressées aux opérateurs.
C’est dans ce contexte, et par exploits délivrés les 25, 26 et 27 septembre 2024, que le président de l’autorité des marchés financiers a fait citer, suivant la procédure accélérée au fond, la SAS SFR fibre, la SA Orange, la SA Société Française du radiotéléphone (SFR), la SCS Société réunionnaise du radiotéléphone (SRR), la SAS Free, la SA Bouygues Télécom, la SAS Colt Technology services ainsi que la SAS Outremer Télécom devant le président du tribunal judiciaire de Paris.
*
A l’audience, le président de l’AMF sollicite, au visa des articles L. 532-1, L. 532-2, L. 532-16 à L. 532-22, L. 573-1 et L.621-13-5 du code monétaire et financier, ensemble l’article 481-1 du code de procédure civile, de :
– enjoindre aux défenderesses de mettre en œuvre ou faire mettre en œuvre dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance, toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses xtrader365.com et www.xtrader365.com,
– les enjoindre de justifier et dénoncer sous sept jours, au président de l’AMF, ainsi qu’au président du tribunal judiciaire de Paris, des mesures prises et mises en œuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses précitées,
– dire que la mesure de blocage ordonnée pourra être levée sur simple demande de sa part adressée par lettre recommandée avec accusé de réception aux défenderesses ou par décision du président du tribunal judiciaire en référé par toute personne intéressée,
– rappeler que l’exécution provisoire est attachée à la décision à intervenir,
– dire qui lui en sera référé en cas de difficulté d’exécution des mesures.
Au soutien de ses prétentions, l’AMF fait principalement valoir qu’elle est une autorité publique indépendante ayant notamment pour mission de contrôler et réglementer les marchés financiers ainsi que de veiller à la protection de l’épargne ; qu’en vertu de l’article L. 531-1 du code monétaire et financier, les prestataires de services d’investissement sont les entreprises d’investissement et les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d’investissement ; que seuls les prestataires ayant reçu un tel agrément sont en droit de proposer des services d’investissement portant sur des instruments financiers ; que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a introduit un nouvel article L. 621-13-5 du code monétaire et financier permettant de solliciter le blocage de sites proposant, sans agrément préalable, des services d’investissements portant sur des instruments financiers ; qu’il importe en conséquence d’enjoindre aux sociétés défenderesses d’empêcher l’accès en France au service de communication en ligne accessible à partir des adresses relevées.
En réponse, la société Orange demande au président du tribunal judiciaire de :
– lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à l’appréciation du président sur le caractère manifestement illicite des contenus dénoncés par le président de l’AMF ainsi que sur la recevabilité des demandes au regard des dispositions de l’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier,
– lui donner acte de ce qu’elle serait libre, si elle devait faire droit à une injonction correspondante, de choisir la mesure technique de blocage qu’elle juge adaptée et efficace,
– dire et juger que les mesures de blocage éventuellement ordonnées prendraient fin, sur notification du président de l’AMF aux fournisseurs d’accès internet dans l’hypothèse (i) d’un changement d’état des sites objets de la mesure justifiant la levée de celle-ci ou (ii) de l’adoption par l’hébergeur et/ou de l’éditeur du site internet accessible aux adresses litigieuses de toutes mesures ayant pour effet d’en interdire l’accès à partir du territoire français,
– en tout état de cause, dire et juger que toute mesure de blocage qui serait ordonnée serait provisoire et limitée à une durée de 12 mois à l’issue de laquelle le président de l’AMF devrait saisir le président du tribunal judiciaire afin de lui permettre d’apprécier la situation et de décider s’il convient ou non de reconduire lesdites mesures de blocage,
– dire et juger que les parties pourront saisir le président du tribunal judiciaire en cas de difficulté ou d’évolution du litige,
– dire et juger que les coûts afférents aux mesures qui seraient prises en exécution de l’ordonnance devront être mis à la charge du demandeur sur présentation des factures correspondantes,
– débouter le président de l’AMF de ses plus amples demandes et mettre à sa charge les dépens.
La société Free sollicite de :
– juger qu’elle disposera d’un délai raisonnable de 15 jours pour mettre en œuvre d’éventuelles mesures de blocage, lesquelles seront prises pour une durée déterminée,
– juger que le président de l’AMF devra communiquer sans délai aux fournisseurs d’accès à internet, dont la société Free, toute information utile relative à l’évolution du litige et à la nécessité de lever les blocages qui seraient ordonnés,
– lui donner acte qu’elle se réserve la possibilité de lui demander le remboursement du coût des mesures de blocage ordonnées,
– juger qu’en cas de difficulté, la partie la plus diligente pourra en référer au président du tribunal judiciaire,
– laisser les dépens à la charge du président de l’AMF.
La société Bouygues Telecom demande au président du tribunal judiciaire de :
– apprécier si les conditions de mise en œuvre de l’article L.621-13-5 du code monétaire et financier ont été respectées, ainsi que l’existence et la nature du dommage allégué,
– dire qu’elle disposera d’un délai de 15 jours à compter de la notification pour mettre en œuvre les mesures propres à prévenir l’accès à ses abonnés situés sur le territoire français aux adresses xtrader365.com et www.xtrader365.com,
– limiter la durée de ces mesures de blocage,
– mettre à la charge du président de l’AMF le remboursement des coûts afférents à la mesure de blocage des sites internet litigieux sur présentation des factures correspondantes,
– débouter le demandeur de toute autre demande et mettre à sa charge les dépens.
Enfin, la société Colt Technology services demande au président du tribunal judiciaire de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice quant à la nécessité et la proportionnalité des mesures sollicitées par le président de l’AMF au regard des risques de trouble à l’ordre public et social, et de mettre les dépens à la charge de ce dernier.
Bien que régulièrement citées, les sociétés SFR fibre, SFR, SRR et Outremer Télécom n’ont pas constitué avocat.
Sur le bien-fondé de la demande
Selon l’article L. 531-1 du code monétaire et financier, les prestataires de services d’investissement sont les entreprises d’investissement, les sociétés de gestion de portefeuille ainsi que les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1.
La prestation de services connexes au sens de l’article L. 321-2 du code monétaire et financier est libre, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur applicables à chacun de ces services. Elle ne permet pas, à elle seule, de prétendre à la qualité d’entreprise d’investissement.
Selon l’article L. 621-13-5 du même code, le président de l’Autorité des marchés financiers adresse aux opérateurs offrant des services d’investissement en ligne non agréés en application de l’article L. 532-1 ne figurant pas au nombre des personnes mentionnées à l’article L. 531-2 ou n’entrant pas dans le champ d’application des articles L. 532-16 à L. 532-22, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure rappelant les dispositions de l’article L. 573-1 relatives aux sanctions encourues et les dispositions du deuxième alinéa du présent article, enjoignant à ces opérateurs de respecter cette interdiction et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours.
Il adresse également aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une copie de la mise en demeure prévue au premier alinéa du présent article et leur enjoint de prendre toute mesure propre à empêcher l’accès au contenu du service de communication au public en ligne proposé par l’opérateur mentionné au premier alinéa. Ces personnes sont invitées à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours.
A l’issue de ce délai, en cas d’inexécution des injonctions prévues aux deux premiers alinéas du présent article ou si l’offre de services d’investissement en ligne reste accessible, le président de l’Autorité des marchés financiers peut saisir le président du tribunal du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond, l’arrêt de l’accès à ce service aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée.
Il peut également saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux mêmes fins si l’offre demeure accessible, nonobstant l’éventuelle exécution par les personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article, sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature.
Le président de l’Autorité des marchés financiers peut saisir par requête le président du tribunal judiciaire de Paris aux mêmes fins lorsque ce service de communication au public en ligne est accessible à partir d’autres adresses.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats, notamment les procès-verbaux de constat d’huissier des 17 août et 12 septembre 2024, que le site internet accessible à partir des adresses xtrader365.com et www.xtrader365.com offre aux internautes, sur le territoire français, des services d’investissement sur contrats financiers.
En effet, le site propose notamment des opérations portant sur l’ouverture de comptes permettant de passer des ordres sur des options binaires et/ou des CFD au moyen d’une plateforme de Trading en ligne sur différents actifs sous-jacents.
Il est en outre démontré que cet opérateur ne dispose pas de l’agrément prévu par les dispositions susvisées dès lors qu’il ne figure pas dans le Registre des agents financiers (Regafi) qui recense l’ensemble des agents financiers disposant d’un agrément pour exercer leur activité de prestation de services d’investissement.
Or malgré la mise en demeure d’avoir à mettre fin à son activité illicite sur le territoire français, qui lui a été adressée le 23 août 2024, l’opérateur n’a pas cessé son activité puisqu’il est établi par un procès-verbal de constat du 12 septembre 2024 que le site était toujours accessible à cette date. La mise en demeure a par ailleurs été dénoncée à l’hébergeur que les services de l’Autorité ont pu identifier.
Le président de l’AMF est donc bien fondé, et ce sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature, à saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond, l’arrêt de l’accès à ce service aux fournisseurs d’accès à internet.
Sur les mesures ordonnées
Les mesures ordonnées doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées au but poursuivi.
Compte tenu d’une part, de la nature du trouble résultant de l’illicéité du site en cause, qui constitue une infraction susceptible d’être sanctionnée pénalement, laquelle peut avoir des conséquences non négligeables sur les personnes mal informées qui s’engagent dans des investissements risqués, et d’autre part, de l’investissement financier, technique et organisationnel induit pour procéder aux blocages sollicités pour les fournisseurs d’accès, les mesures réclamées par le président de l’AMF n’apparaissent pas disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.
Elles respectent l’exigence de juste équilibre entre la liberté d’entreprendre des fournisseurs d’accès à internet et l’absence d’obligation de surveillance générale ainsi que – au-delà desdits prestataires – de la liberté d’information des internautes, d’une part, et la nécessité d’assurer la protection des consommateurs contre les agissements illicites de l’opérateur en cause, d’autre part.
En conséquence, il convient de faire droit aux demandes présentées par le président de l’AMF à l’égard des sociétés défenderesses fournissant un accès à internet, selon les modalités détaillées au dispositif de la présente décision.
Les mesures ainsi ordonnées devront notamment être mises en oeuvre par les fournisseurs d’accès à internet dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente ordonnance et il sera laissé à ces derniers le choix de la mesure propre à assurer le but poursuivi.
Ces mesures seront en outre limitées dans le temps à ce qui est strictement nécessaire au regard de leur efficacité en ce qu’elles ne devront se poursuivre qu’autant que l’opérateur ne sera pas titulaire de l’agrément prévu par la loi et qu’il permettra l’accès de son site aux internautes se connectant depuis la France et/ou que l’hébergeur, n’aura pas déféré à la mise en demeure qui lui a été faite.
Elles pourront donc prendre fin sur demande du président de l’AMF dès lors qu’elles s’avéreraient inutiles. Il appartiendra dès lors au président de l’AMF d’aviser sans délai les fournisseurs d’accès à internet visés dans la présente procédure de ce que la mesure de blocage peut être levée.
Par ailleurs, il sera rappelé que toutes les parties peuvent saisir le président du tribunal en cas de difficulté ou d’évolution de la situation de fait, par la voie du référé.
Enfin, il sera relevé que la juridiction ne peut condamner l’AMF à supporter le coût des mesures imposées aux fournisseurs d’accès à internet au regard du principe de la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires, précision étant faite qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit cette prise en charge. Il appartient dès lors aux fournisseurs d’accès à internet de soumettre les factures correspondant aux coûts supportés à l’AMF pour leur éventuelle prise en charge, sans que celle-ci puisse être ordonnée par le juge judiciaire au vu des textes applicables.
La présente décision est exécutoire par provision en application de l’article 481-1 du code de procédure civile.
Compte tenu de la nature de la décision, il y a lieu de laisser les dépens à la charge du président de l’AMF.
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, selon la procédure accélérée au fond, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
Enjoint à la SAS SFR fibre, la SA Orange, la SA Société Française du radiotéléphone, la SCS Société réunionnaise du radiotéléphone, la SAS Free, la SA Bouygues Télécom, la SAS Colt Technology services ainsi qu’à la SAS Outremer Télécom de mettre en œuvre, ou de faire mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses xtrader365.com et www.xtrader365.com ;
Dit que la présente injonction doit être exécutée dans les meilleurs délais et au plus tard 15 jours à compter de la signification de la présente décision, délai au-delà duquel il pourra en être référer ;
Les invite à informer le président de l’AMF des diligences effectuées par elles dans les 8 jours de leur réalisation ;
Invite le président de l’Autorité des marchés financiers à aviser, sans délai, les fournisseurs d’accès à internet visés dans la présente procédure de ce que la mesure de blocage peut être levée par lettre recommandée avec accusé de réception ;
Dit qu’en cas de difficulté ou d’évolution du litige, il pourra en être référer au président de ce tribunal ;
Rejette le surplus des demandes ;
Laisse les dépens à la charge du président de l’Autorité des marchés financiers ;
Rappelle que la présente décision est exécutoire par provision ;
Fait à Paris le 13 novembre 2024
Le Greffier, Le Président,
Minas [R] Lucie LETOMBE