Accident de travail de Madame [O] [K]Le 2 avril 2019, Madame [O] [K], employée de la S.A.S. [5] en tant que chef de secteur, a subi un accident en soulevant un carton, entraînant une douleur à l’épaule droite. Cet incident a été reconnu comme un accident du travail par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Loire-Atlantique. Décision de la CPAMLe 30 décembre 2020, la CPAM a notifié à la société [5] un taux d’incapacité permanente (IPP) de 12 % pour Madame [K], mentionnant des séquelles motrices et des douleurs cervicales. Contestation par la société [5]Le 22 février 2021, la société [5] a contesté cette décision auprès de la commission médicale de recours amiable (CMRA), qui a confirmé le taux d’IPP de 12 % lors de sa séance du 3 juin 2021. La société a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Nantes le 22 septembre 2021 pour contester ce taux. Audience et expertise médicaleL’audience s’est tenue le 18 septembre 2024, où le Docteur [D] a été désigné comme médecin expert pour évaluer le taux d’IPP de Madame [K]. La S.A.S. [5] a demandé une réduction de ce taux à moins de 10 %, en se basant sur l’avis de son médecin conseil, le Docteur [V]. Arguments de la S.A.S. [5]La société a soutenu que la limitation de mobilité de Madame [K] était légère et ne concernait que certains mouvements, et que les douleurs persistantes étaient dues à une cervicarthrose préexistante, non liée à l’accident. Elle a proposé un taux d’IPP de 5 %. Position de la CPAMLa CPAM a demandé la confirmation du taux d’IPP de 12 %, en soulignant que des lésions supplémentaires avaient été constatées après l’accident, toutes imputables à celui-ci. Elle a également contesté l’absence de preuves d’un état antérieur à la tendinopathie. Évaluation du médecin expertLe médecin-expert a conclu que la limitation des mouvements de l’épaule droite justifiait un taux d’IPP de 12 %, en se basant sur les barèmes indicatifs d’invalidité. Décision du tribunalLe tribunal a fixé le taux d’IPP de Madame [K] à 8 %, opposable à la S.A.S. [5]. La CPAM a été condamnée aux dépens, tandis que la société a été déboutée de sa demande de frais irrépétibles. Appel et notificationLes parties ont été informées qu’elles disposent d’un délai d’un mois pour interjeter appel de cette décision, qui a été prononcée le 15 novembre 2024. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les bases légales pour la détermination du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) ?La détermination du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est régie par plusieurs articles du Code de la sécurité sociale. Selon l’article L. 434-2, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale : « Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. » Cet article souligne que le taux d’IPP doit prendre en compte divers facteurs, notamment l’état de santé général de la victime et ses capacités professionnelles. De plus, l’article R. 434-32 précise que : « Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. » Cela signifie que la caisse doit évaluer l’incapacité en se basant sur des informations complètes et pertinentes. Enfin, il est important de noter que l’appréciation du taux d’IPP relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, ce qui signifie que les décisions peuvent varier en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas. Comment la CPAM et la société [5] ont-elles contesté le taux d’IPP de madame [K] ?La contestation du taux d’IPP de madame [K] a été initiée par la société [5] et la CPAM de Loire-Atlantique par des démarches distinctes. La société [5] a saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA) le 22 février 2021 pour contester le taux d’IPP de 12 % attribué à madame [K]. La CMRA a confirmé cette décision lors de sa séance du 3 juin 2021, ce qui a été notifié à la société le 27 juillet 2021. Par la suite, la société [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes le 22 septembre 2021 pour contester le taux d’IPP, demandant une réévaluation à un taux inférieur à 10 %, idéalement de 5 %. De son côté, la CPAM a également contesté la demande de la société [5] en demandant la confirmation du taux d’IPP de 12 % et en déclarant ce taux opposable à la société. Elle a soutenu que les lésions constatées, notamment la cervicalgie et la tendinopathie, étaient directement imputables à l’accident initial et que l’état antérieur de madame [K] ne devait pas être pris en compte dans l’évaluation de son incapacité. Quels éléments médicaux ont été pris en compte pour évaluer le taux d’IPP ?L’évaluation du taux d’IPP de madame [K] a été fondée sur plusieurs éléments médicaux, notamment des examens cliniques et des avis de médecins conseils. Le médecin conseil de l’employeur a réalisé un examen clinique le 25 novembre 2020, qui a révélé que deux mouvements de l’épaule droite étaient limités : – L’abduction à 100° (normale à 170°) Les mouvements de rotation externe et interne étaient préservés et identiques des deux côtés. Le barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail, au chapitre 1.1.2, prévoit un taux d’IPP de 10 à 15 % en cas de limitation légère de tous les mouvements de l’épaule dominante. Cependant, dans le cas de madame [K], la limitation était considérée comme légère, justifiant ainsi un taux d’IPP de 8 %. Il a également été noté que des lésions nouvelles, telles qu’une cervicalgie et une tendinopathie post-traumatique, avaient été constatées peu après l’accident, ce qui a été pris en compte dans l’évaluation. Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal sur les dépens et les frais de justice ?La décision du tribunal judiciaire de Nantes a des implications importantes concernant les dépens et les frais de justice. Conformément à l’article L. 142-11 du Code de la sécurité sociale, les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes sont pris en charge par la Caisse nationale de l’assurance maladie. Dans ce cas, la CPAM de Loire-Atlantique, qui a succombé dans sa demande, a été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra couvrir les frais de la procédure. En revanche, la société [5] a été déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile, ce qui signifie qu’elle ne recevra pas de compensation pour les frais irrépétibles engagés dans le cadre de cette procédure. Cela souligne que, bien que la CPAM soit responsable des dépens, la société [5] devra assumer ses propres frais de justice, ce qui est une pratique courante dans les litiges de ce type. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL
Jugement du 15 Novembre 2024
N° RG 21/00909 – N° Portalis DBYS-W-B7F-LING
Code affaire : 89E
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Présidente : Frédérique PITEUX
Assesseur : Frédéric FLEURY
Assesseur : Alain LAVAUD
Greffière : Julie SOHIER
DEBATS
Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 18 Septembre 2024.
JUGEMENT
Prononcé par Frédérique PITEUX, par mise à disposition au Greffe le 15 Novembre 2024.
Demanderesse :
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Nicolas LATOURNERIE, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON, substitué lors de l’audience par Maître Claire-Marie CHARRIER, avocate au même barreau
Défenderesse :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LOIRE-ATLANTIQUE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Dispensée de comparution à l’audience
La Présidente et les assesseurs, après avoir entendu le DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE la partie présente en ses observations, l’ont avisée, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE, dans les termes suivants :
Le 2 avril 2019, madame [O] [K], salariée de la S.A.S. [5] en qualité de chef de secteur, a été victime d’un accident. En soulevant un carton, elle a ressenti une douleur à l’épaule droite.
Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Loire-Atlantique.
Par courrier du 30 décembre 2020, la CPAM de Loire-Atlantique a notifié à la société [5] la décision attribuant à madame [K] un taux d’incapacité permanente (IPP) de 12 %, la notification indiquant « séquelles motrices à type de limitation des amplitudes articulaires de l’épaule droite, côté dominant, qui restent cependant en zone utile, associées à des douleurs décrites au niveau cervical et de l’épaule droite ».
Le 22 février 2021, la société [5] a saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA) afin de contester la décision de la CPAM ayant attribué à madame [K] un taux d’incapacité permanente partielle de 12 % à compter du 26 novembre 2020.
La CMRA a confirmé la décision prise lors de sa séance du 3 juin 2021, ce qui a été notifié à la société [5] le 27 juillet 2021.
La société [5] a, par courrier du 22 septembre 2021, saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes aux fins de contester le taux d’IPP de 12 %.
Les parties ont été convoquées à l’audience qui s’est tenue le 18 septembre 2024 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes au cours de laquelle le Docteur [D] a été désigné en qualité de médecin expert pour donner son avis sur le taux d’IPP de madame [K].
La S.A.S. [5], aux termes de ses dernières conclusions développées oralement à l’audience, demande au tribunal de :
– Ramener le taux d’IPP de madame [K] à un taux inférieur à celui accordé, en toute hypothèse en dessous de 10 %, qui pourrait être de 5 % ;
– Condamner la CPAM de Loire-Atlantique à verser à la société [5] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
S’appuyant sur l’avis médico-légal écrit de son médecin conseil, le Docteur [V], elle fait valoir que la limitation de la mobilité de madame [K] semble légère et ne concerne que certains mouvements.
En outre, madame [K] assurait essentiellement des tâches managériales.
Elle indique que la persistance de douleurs de l’épaule droite au-delà du 13 août 2019, date de la guérison confirmée par une IRM, a mis en évidence une cervicarthrose avec saillie ostéophytique conflictuelle avec la racine C5 droite, lésion d’origine dégénérative et non post-traumatique. Il s’agit d’un état antérieur dont le médecin conseil n’a pas tenu compte dans la fixation du taux.
La discrète séquelle au niveau du supra épineux justifie une IPP de 5 %.
La caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique demande au tribunal de confirmer la décision de la CMRA qui a confirmé le taux d’IPP de 12 %, de déclarer ce taux opposable à la société [5] et de débouter cette dernière de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.
Elle rappelle qu’une nouvelle lésion a été médicalement constatée le 4 avril 2019 (cervicalgie droite) et déclarée imputable au sinistre initial. Puis, un mois et demi plus tard, une autre lésion a été constatée (tendinopathie post-traumatique du muscle supra-épineux droit), déclarée également imputable à l’accident initial.
Elle observe que le médecin conseil de l’employeur n’apporte aucun élément à l’appui d’un état antérieur à type de tendinopathie calcifiante.
En tout état de cause, pour être retenu, l’état antérieur doit être connu avant le sinistre, objectivement identifiable et documenté pour être évalué.
Elle rappelle enfin que madame [K] a été licenciée pour inaptitude le 17 décembre 2020, à l’âge de 51 ans.
Le Docteur [D], médecin-expert désigné par le tribunal aux fins de consultation sur pièces, indique que selon lui, la limitation légère des mouvements de l’épaule droite justifie, au regard du chapitre 1.1.2. du barème, de retenir un taux d‘IPP de 12 %.
La décision a été mise en délibéré au 15 novembre 2024.
Sur l’évaluation et l’opposabilité du taux d’incapacité permanente partielle de madame [O] [K]
Aux termes de l’article L. 434-2 1er alinéa du code de la sécurité sociale : « Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité ».
L’article R. 434-32 du même code précise que « Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.
Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail. »
L’appréciation du taux d’incapacité permanente partielle relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Il résulte des éléments médicaux figurant au dossier que deux lésions nouvelles ont été prises en charge peu de temps après l’accident initial : une cervicalgie droite le 11 avril 2019 et une tendinopathie post-traumatique du muscle supra-épineux droit le 24 mai 2019.
Tant le médecin conseil de l’employeur que le médecin conseil de la caisse s’accordent pour dire que les douleurs cervicales sont survenues sur un état antérieur (cervicarthrose).
Il convient cependant de rappeler que lorsqu’un état pathologique antérieur absolument muet est révélé à l’occasion de l’accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu’il n’est pas aggravé par les séquelles, il n’y a aucune raison d’en tenir compte dans l’estimation du taux d’incapacité.
Le barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail prévoit au chapitre 1.1.2. relatif aux atteintes des fonctions articulaires, un taux d’IPP de 10 à 15 % en cas de limitation légère de tous les mouvements de l’épaule dominante.
En l’espèce, il résulte de l’examen clinique réalisé par le médecin conseil le 25 novembre 2020, que deux mouvements seulement sont limités : l’abduction évaluée à 100° (contre 165° à gauche et la normale à 170°) et l’antépulsion évaluée à 120° (contre 180° à gauche et la normale à 180°).
Les mouvements de rotation externe et interne sont préservés et identiques des deux côtés.
Au regard de la limitation légère de deux mouvements seulement de l’épaule dominante, il convient de fixer le taux d’IPP de madame [K], opposable à la société [5], à 8 %.
Sur les dépens et la somme réclamée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Depuis le 1er janvier 2019, s’appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.
L’article L.142-11 du code de la sécurité sociale prévoit par ailleurs que les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes sont pris en charge par la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Par conséquent, la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens et les frais de la consultation médicale seront pris en charge par la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Il apparaît par contre équitable que la société [5] garde à sa charge les frais engagés dans le cadre de la présente procédure.
Elle sera donc déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal judiciaire de Nantes, statuant publiquement, par décision contradictoire, rendue en premier ressort,
DIT que le taux d’incapacité permanente partielle résultant de l’accident du travail dont a été victime madame [O] [K] le 2 avril 2019, opposable à la S.A.S. [5] dans ses rapports avec la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique, est fixé à 8 % ;
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique aux dépens, et dit que les frais de la consultation médicale seront à la charge de la [6] ;
DÉBOUTE la S.A.S. [5] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de procédure civile et R. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 15 novembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Frédérique PITEUX, Présidente, et par Julie SOHIER, Greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE