Alors qu’un texte a été spécifiquement créé pour prévoir que le versement obligatoire de cotisations par l’Avocat retraité actif après liquidation de ses droits à retraite ne permet pas l’acquisition de droits nouveaux en matière de pension de retraite, aucun texte ne fait état de la même contrainte en matière d’invalidité.
Or, en l’espèce, malgré la liquidation et l’entrée en jouissance de sa pension de retraite, l’avocate, retraitée active, a supporté des cotisations d’invalidité décès jusqu’à sa cessation d’activité pour cause de maladie. Dès lors qu’elle démontre remplir les conditions prévues par l’article R. 653-20 du code de la sécurité sociale au moment de sa cessation d’activité, elle doit pouvoir bénéficier de l’obligation de prise en charge par la CNBF d’une allocation d’invalidité temporaire, dont le service ne peut, en vertu de l’alinéa 5 de l’article précité, être interrompu par l’omission litigieuse. Pour rappel, l’article R.653-20 du code de la sécurité sociale dispose : » L’avocat ou l’avocat stagiaire reçoit une allocation s’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer sa profession, à partir du quatre-vingt-onzième jour qui suit la cessation de toute activité à la condition de justifier qu’il était inscrit à un barreau lors de sa cessation d’activité et qu’il a exercé la profession pendant douze mois au moins. Cette allocation n’est toutefois acquise à l’intéressé que si la cessation de l’activité a pour cause une maladie ou un accident dont les effets invalidants interdisant l’exercice de la profession surviennent après l’inscription de l’intéressé à la Caisse nationale des barreaux français. Le conjoint collaborateur reçoit une allocation s’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer son activité, à partir du quatre-vingt-onzième jour qui suit la cessation de toute activité à la condition de justifier du statut de conjoint collaborateur lors de cette cessation d’activité depuis douze mois au moins. Le montant de l’allocation est égal au produit de celui prévu pour les avocats et de la fraction retenue pour le calcul de la cotisation versée par le conjoint collaborateur pour ce risque. La cessation de l’activité est constatée dans les conditions fixées par les statuts de la caisse. Elle doit être totale, ce qui exclut toutes postulation, plaidoirie, réception de clientèle et consultation. Le service de l’allocation n’est pas interrompu par la cessation de l’inscription à un barreau. Ce service cesse lorsque l’intéressé est redevenu apte à exercer sa profession ou, le cas échéant, sa collaboration ou qu’il a reçu l’allocation pendant trois ans. Toutefois, dans le cas d’interruption suivie de reprise de travail, il est ouvert un nouveau délai de trois ans, dès l’instant où ladite reprise a été d’au moins un an. Lorsque la reprise de travail dure moins d’un an, le total des périodes successives pendant lesquelles l’allocation est servie, comptées de date à date, ne peut excéder une durée de trois ans ». Le texte précité pose clairement les conditions du bénéfice de l’allocation versée à l’avocat lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer sa profession à partir du 91e jour suivant la cessation de toute activité. Les conditions ainsi posées pour déterminer si l’Avocat est éligible au bénéfice de cette allocation sont les suivantes : 1) Le premier alinéa de l’article R. 653-20 du code de la sécurité sociale prévoit deux conditions : – être inscrit à un barreau lors de la cessation d’activité Le 2e alinéa pose une condition tenant à ce que la cessation d’activité ait pour cause une maladie dont les effets invalidants surviennent après l’inscription de l’intéressé à la CNBF Le 4e alinéa requiert que la cessation d’activité soit totale Le 5e alinéa prévoit expressément que le service de l’allocation n’est pas interrompu par la cessation de l’inscription à un barreau. |
Résumé de l’affaire :
Contexte Professionnel de Mme [H]Mme [I] [H] épouse [T] est avocate, affiliée à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). Elle a pris sa retraite le 1er octobre 2019 tout en continuant à exercer son activité dans le cadre d’un cumul retraite-activité. Arrêt de Travail et Prise en ChargeUn arrêt de travail pour maladie a été prescrit à Mme [H] du 11 janvier 2021 au 27 juin 2021, prolongé jusqu’au 31 décembre 2021. Pendant les 90 premiers jours de cet arrêt, elle a été prise en charge par l’association La prévoyance des avocats. Décisions de la CNBFLe 28 avril 2021, la CNBF a informé Mme [H] que ses droits à l’allocation journalière pour invalidité temporaire étaient ouverts à partir du 11 avril 2021. Cependant, après que le Conseil de l’ordre a omis Mme [H] du barreau pour maladie à compter du 31 mars 2021, la CNBF a modifié sa décision, rejetant la prise en charge et demandant le remboursement d’un trop-perçu. Recours de Mme [H]Mme [H] a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable de la CNBF, qui a refusé son bénéfice d’allocation d’invalidité temporaire le 1er octobre 2021. Elle a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Besançon, qui a déclaré son incompétence et a renvoyé l’affaire au tribunal de Paris. Demandes de Mme [H]Dans ses conclusions, Mme [H] demande la rétablissement de sa prise en charge d’allocation d’invalidité temporaire, le paiement d’indemnités, ainsi qu’une réparation pour préjudice moral et des frais de justice. Position de la CNBFLa CNBF demande le rejet des demandes de Mme [H] et la condamnation de celle-ci à lui verser des frais. Elle soutient que Mme [H] ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l’allocation d’invalidité temporaire, en raison de son omission du barreau. Motivations du TribunalLe tribunal a examiné les conditions d’éligibilité de Mme [H] à l’allocation d’invalidité temporaire, concluant qu’elle remplissait les critères requis. Il a noté que la cessation d’inscription au barreau ne devait pas interrompre le service de l’allocation. Décision du TribunalLe tribunal a condamné la CNBF à verser à Mme [H] une indemnité d’invalidité temporaire à partir du 1er juin 2021, tout en rejetant ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral. La CNBF a également été condamnée aux dépens et à payer des frais de justice à Mme [H]. Exécution ProvisoireLe tribunal a rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de droit, sans qu’aucun motif ne justifie son écartement. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
■
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/02811 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZG57
N° MINUTE :
Assignation du :
08 Décembre 2022
JUGEMENT
rendu le 13 Novembre 2024
DEMANDERESSE
Madame [I] [H] épouse [T]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Aurélie BELGRAND, avocat postulant au barreau de PARIS, vestiaire #C0399 et par Me Anne LAGARRIGUE, avocat plaidant au barreau de la HAUTE SAÔNE, [Adresse 3]
DÉFENDERESSE
CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANCAIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Danielle SALLES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2119
Décision du 13 Novembre 2024
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/02811 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZG57
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Cécile VITON, Première vice-présidente adjointe
Présidente de formation,
Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
Madame Valérie MESSAS, Vice-présidente
Assesseurs,
assistées de Monsieur Gilles ARCAS, Greffier lors des débats et de Madame Marion CHARRIER, Greffier lors du prononcé
DÉBATS
A l’audience du 16 Octobre 2024
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort
Mme [I] [H] épouse [T] exerce la profession d’avocat et est à ce titre affiliée à la Caisse nationale des barreaux français (ci-après la CNBF).
Elle a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er octobre 2019 et a continué une activité dans le cadre d’un cumul activité retraite.
Un arrêt de travail pour cause de maladie a été établi par le médecin traitant de Mme [H] pour la période du 11 janvier 2021 au 27 juin 2021, prolongé jusqu’au 26 septembre 2021, puis jusqu’au 31 décembre 2021.
Dans le cadre de son arrêt de travail, elle a été prise en charge par l’association La prévoyance des avocats pendant les 90 premiers jours de son arrêt, soit jusqu’au 10 avril 2021.
Par courrier du 28 avril 2021, la CNBF lui a indiqué que ses droits au titre de l’allocation journalière pour invalidité temporaire étaient ouverts pour la période du 11 avril 2021 au 27 juin 2021.
En parallèle, Mme [H] a saisi le Conseil de l’ordre afin d’être omise du barreau de la Haute Saône, dans l’attente de l’évolution de sa situation.
Par délibération du 4 février 2021, le Conseil de l’ordre a déclaré Mme [H] omise du tableau du barreau de la Haute Saône pour maladie à compter du 31 mars 2021.
A la suite de la transmission de cette délibération, la CNBF a modifié sa décision, a rejeté la prise en charge de Mme [H] au titre de prestations d’invalidité et a sollicité le remboursement d’un trop perçu.
Mme [H] a saisi la commission de recours amiable de la CNBF par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2021.
Par décision du 1er octobre 2021 notifiée le 21 octobre 2021, la commission de recours amiable de la CNBF lui a refusé le bénéfice de l’allocation d’invalidité temporaire de travail en raison de son omission du barreau à compter du 31 mars 2021.
Mme [H] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Besançon le 17 décembre 2021.
Ce dernier, par jugement du 8 décembre 2022, s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le tribunal de Paris.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 juin 2023, Mme [I] [H] épouse [T] demande au tribunal de :
– condamner la CNBF à rétablir sa prise en charge au titre de l’allocation invalidité temporaire à compter du 1er avril 2021 jusqu’au 1 095e jour d’arrêt, décompté depuis le 11 janvier 2021, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification du jugement à intervenir ;
-condamner la CNBF à lui payer les indemnités d’invalidité temporaire à compter du 1er avril 2021 jusqu’au 1 095e jour d’arrêt, décompté depuis le 11 janvier 2021, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification du jugement à intervenir;
-condamner la CNBF à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
-condamner la CNBF à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-ordonner l’exécution provisoire ;
-condamner la CNBF aux entiers dépens.
Née le 2 septembre 1957, elle expose être affiliée au contrat de prévoyance de l’association [7] et au titre du contrat complémentaire 801047 et que, étant en cumul activité retraite, elle bénéficiait de la garantie au moins jusqu’à son 70e anniversaire en application de l’article 11 du contrat socle national 80146 et de l’article 12 du contrat complémentaire 80147, à interpréter à l’aune de l’article 10 du contrat socle national qui prévoit le maintien de l’affiliation dès lors que l’omission du barreau par effet de la maladie est prise par le conseil de l’ordre. Elle ajoute remplir les conditions prévues par l’article 54-3 des statuts de la CNBF régissant l’allocation temporaire d’invalidité, et souligne qu’il ne prévoit aucune cause d’exclusion du fait d’une éventuelle retraite. Elle soutient que l’article 60 des statuts ne fait pas partie de la section relative à l’invalidité temporaire et ne lui est pas applicable. Elle affirme remplir les conditions des articles R. 723-54 et R 723-55 du code de la sécurité sociale, dès lors qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’exercer la profession d’avocat pour cause de maladie. Elle fait grief à la CNBF de lui contester la qualité de retraitée active alors qu’un cumul pension de retraite et prestation d’invalidité est possible et expressément reconnu par la Cour de cassation, notamment par un arrêt du 4 mai 2016. Si dans ses dernières écritures la CNBF lui dénie la qualité d’avocat en se fondant sur l’article R. 653-20 du code de la sécurité sociale ayant remplacé l’article R. 723-54 du même code, elle rappelle remplir toutes les conditions dudit article et ajoute que le 5e alinéa de l’article R. 653-20 du code précité prévoit expressément que la cessation de l’inscription à un barreau n’interrompt pas le service de l’allocation.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er juin 2023, la CNBF demande au tribunal de :
– débouter Mme [I] [H] épouse [T] de ses demandes,
– condamner Mme [I] [H] épouse [T] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La CNBF soutient que les dispositions du contrat national souscrit par l’association La prévoyance des avocats avec la compagnie d’assurance [6], de même que celles du contrat particulier auquel son barreau a adhéré lui sont, en sa qualité de gestionnaire d’un régime légal, inopposables. Elle affirme que Mme [H] ne répond pas aux conditions fixées pour l’application de l’article R. 653-20 du code de la sécurité sociale, dès lors qu’elle n’était plus avocate, mais simple retraitée, à la date du 11 avril 2021 où elle aurait pu prétendre au service de l’allocation d’invalidité temporaire de la CNBF. Elle ajoute rappeler sur son site internet que l’affiliation à la CNBF est interrompue dès lors que l’avocat n’est plus inscrit au barreau.
Elle ajoute que Mme [H] ne peut valablement se prévaloir des articles 54-3 et 54-5 des statuts de la CNBF, dès lors que ces articles ne concernent que les avocats inscrits à un barreau et non les avocats omis du barreau, ne serait-ce que pour raison de santé. Elle considère de même que l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 mai 2016 ne lui est pas applicable. Elle estime que l’article 60 des statuts de la CNBF qui évoque la cessation du service de l’allocation d’invalidité » lorsque l’intéressé obtient de la caisse le service d’une retraite entière ou proportionnelle » doit recevoir application dès lors que la retraite n’est plus active en raison de l’omission du barreau en date du 31 mars 2021.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures, dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2023.
En application de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il ne sera dès lors pas statué sur la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 2 528,46 euros évoquée par la CNBF dans ses motifs et non reprise dans le dispositif de ses dernières conclusions.
Sur les demandes formées au titre de l’allocation d’invalidité temporaire
– Sur l’inapplicabilité des dispositions résultat du contrat national souscrit par l’association La prévoyance des avocats avec la compagnie [6] et du contrat particulier auquel le barreau de la Haute Saône a adhéré à la CNBF
En application de l’article 1199 du code civil, le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties. Les tiers ne peuvent se voir contraints de l’exécuter.
La CNBF n’était pas partie au contrat national souscrit par l’association La prévoyance des avocats et au contrat souscrit par le barreau de la Haute Saône, les dispositions de ces deux contrats ne sauraient lui être valablement opposées.
– Sur l’applicabilité de l’article R. 653-20 du code de la sécurité sociale (ancien article R. 723-54 du même code) et les conditions requises pour bénéficier de l’allocation d’invalidité temporaire
La CNBF ne conteste pas l’applicabilité de ces articles dont se prévaut Mme [H], mais en donne une interprétation différente et considère qu’ils justifient son refus de lui servir l’allocation d’invalidité temporaire.
L’article R.653-20 du code de la sécurité sociale dispose :
» L’avocat ou l’avocat stagiaire reçoit une allocation s’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer sa profession, à partir du quatre-vingt-onzième jour qui suit la cessation de toute activité à la condition de justifier qu’il était inscrit à un barreau lors de sa cessation d’activité et qu’il a exercé la profession pendant douze mois au moins.
Cette allocation n’est toutefois acquise à l’intéressé que si la cessation de l’activité a pour cause une maladie ou un accident dont les effets invalidants interdisant l’exercice de la profession surviennent après l’inscription de l’intéressé à la Caisse nationale des barreaux français.
Le conjoint collaborateur reçoit une allocation s’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer son activité, à partir du quatre-vingt-onzième jour qui suit la cessation de toute activité à la condition de justifier du statut de conjoint collaborateur lors de cette cessation d’activité depuis douze mois au moins. Le montant de l’allocation est égal au produit de celui prévu pour les avocats et de la fraction retenue pour le calcul de la cotisation versée par le conjoint collaborateur pour ce risque.
La cessation de l’activité est constatée dans les conditions fixées par les statuts de la caisse. Elle doit être totale, ce qui exclut toutes postulation, plaidoirie, réception de clientèle et consultation.
Le service de l’allocation n’est pas interrompu par la cessation de l’inscription à un barreau. Ce service cesse lorsque l’intéressé est redevenu apte à exercer sa profession ou, le cas échéant, sa collaboration ou qu’il a reçu l’allocation pendant trois ans.
Toutefois, dans le cas d’interruption suivie de reprise de travail, il est ouvert un nouveau délai de trois ans, dès l’instant où ladite reprise a été d’au moins un an. Lorsque la reprise de travail dure moins d’un an, le total des périodes successives pendant lesquelles l’allocation est servie, comptées de date à date, ne peut excéder une durée de trois ans ».
En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que Mme [H] est en cessation totale d’activité à la suite d’une maladie depuis le 11 janvier 2021 et a été, à sa demande, omise du tableau du barreau de la Haute Saône pour maladie à compter du 31 mars 2021.
Le texte précité pose clairement les conditions du bénéfice de l’allocation versée à l’avocat lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer sa profession à partir du 91e jour suivant la cessation de toute activité, soit en l’espèce à partir du 11 avril 2021.
Il convient d’examiner tour à tour les conditions ainsi posées par ce texte pour déterminer si Mme [H] est éligible au bénéfice de cette allocation.
1) Le premier alinéa de l’article R. 653-20 du code de la sécurité sociale prévoit deux conditions :
– être inscrit à un barreau lors de la cessation d’activité
En l’espèce, Mme [H] justifie avoir été inscrite au barreau de la Haute Saône lors de sa cessation d’activité du 11 janvier 2021.
Le tribunal constate que cet alinéa distingue expressément la date à laquelle l’inscription au barreau doit être justifiée, à savoir le jour de la cessation d’activité (ici le 11 janvier 2021), du moment à partir duquel sera versée l’allocation, à savoir à partir du 91e jour suivant cette cessation d’activité (ici le 11 avril 2021).
– avoir exercé la profession d’avocat pendant douze mois au moins
En l’espèce, Mme [H] justifie avoir cotisé en qualité d’avocat auprès de la CNBF depuis le mois de janvier 1987 sous la référence 23593, de sorte qu’elle remplit la condition tenant à la durée d’exercice minimal de la profession.
1) Le 2e alinéa pose une condition tenant à ce que la cessation d’activité ait pour cause une maladie dont les effets invalidants surviennent après l’inscription de l’intéressé à la CNBF
En l’espèce, la cause de l’arrêt de travail de Mme [H] est bien une maladie et Mme [H] justifie être rattachée à la CNBF depuis sa prestation de serment, de sorte que les effets invalidants de cette maladie surviennent bien après son inscription à la CNBF.
2) Le 4e alinéa requiert que la cessation d’activité soit totale
La CNBF ne conteste pas que Mme [H] n’a exercé aucune activité depuis son arrêt de travail.
3) Le 5e alinéa prévoit expressément que le service de l’allocation n’est pas interrompu par la cessation de l’inscription à un barreau.
Comme le reconnaît la CNBF, alors qu’un texte a été spécifiquement créé pour prévoir que le versement obligatoire de cotisations par le retraité actif après liquidation de ses droits à retraite ne permet pas l’acquisition de droits nouveaux en matière de pension de retraite, aucun texte ne fait état de la même contrainte en matière d’invalidité.
Or, malgré la liquidation et l’entrée en jouissance de sa pension de retraite, Mme [H], retraitée active, a supporté des cotisations d’invalidité décès jusqu’à sa cessation d’activité du 11 janvier 2021 pour cause de maladie.
Dès lors qu’elle démontre remplir les conditions prévues par l’article R. 653-20 du code de la sécurité sociale au moment de sa cessation d’activité du 11 janvier 2011, elle doit pouvoir bénéficier de l’obligation de prise en charge par la CNBF d’une allocation d’invalidité temporaire, dont le service ne peut, en vertu de l’alinéa 5 de l’article précité, être interrompu par l’omission litigieuse.
La CNBF justifie lui avoir versé des allocations d’invalidité temporaire pour un montant total de 2 528,46 euros pour la période du 11 avril 2021 au 31 mai 2021, avant de se rétracter au regard de son omission du tableau du barreau et d’en solliciter le remboursement dans les seuls motifs de ses dernières conclusions, sans reprendre cette demande dans le dispositif de celles-ci.
Dans ces conditions, au regard des allocations dues mais déjà versées jusqu’au 31 mai 2021 et à peine d’un enrichissement sans cause de Mme [H], la CNBF ne doit être condamnée à payer à Mme [I] [H] épouse [T] les indemnités d’invalidité temporaire qu’à compter du 1er juin 2021 et jusqu’au 1 095e jour d’arrêt, décompté depuis le 11 janvier 2021, sans qu’il apparaisse à ce stade justifié de prononcer une astreinte à l’encontre de la défenderesse.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Si Mme [H] sollicite la condamnation de la CNBF à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation d’un préjudice moral, l’enjeu du litige apparaît en l’espèce purement patrimonial et Mme [H] n’a pas été, pendant la présente procédure, privée de revenu dès lors qu’elle percevait sa pension de retraite.
Dans ces conditions, elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La CNBF, qui succombe en ses demandes, est condamnée aux dépens de l’instance.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Il est équitable de condamner la CNBF à payer à Mme [I] [H] épouse [T] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter la CNBF de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles.
Les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Aucun motif ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit du présent jugement.
Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE la Caisse nationale des barreaux français à payer à Mme [I] [H] épouse [T] une indemnité d’invalidité temporaire à compter du 1er juin 2021 et jusqu’au 1 095e jour d’arrêt, décompté depuis le 11 janvier 2021 ;
REJETTE les demandes principales plus amples ;
CONDAMNE la Caisse nationale des barreaux français aux dépens ;
CONDAMNE la Caisse nationale des barreaux français à payer à Mme [I] [H] épouse [T] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la Caisse nationale des barreaux français de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de l’entier jugement est de droit.
Fait et jugé à Paris le 13 Novembre 2024
Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Cécile VITON