Évaluation de l’incapacité permanente : enjeux et contestations autour d’une maladie professionnelle liée à un accident de travail.

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Évaluation de l’incapacité permanente : enjeux et contestations autour d’une maladie professionnelle liée à un accident de travail.

Contexte de l’affaire

Le 19 juillet 2017, M. [S] [Z], salarié de la SAS [11], a déclaré une maladie professionnelle, spécifiquement une maladie de Kienböck. Un certificat médical daté du 29 juin 2017 a confirmé un arrêt de travail lié à un accident survenu le 11 janvier 2017, en rapport avec cette maladie.

Décisions de la caisse

Le 3 novembre 2017, la caisse a reconnu la pathologie d’ostéonécrose du semi-lunaire carpe droit comme maladie professionnelle, fixant la date de consolidation au 16 janvier 2018. Le 16 avril 2018, un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 12 % a été attribué à M. [Z] en raison de séquelles telles que la raideur du poignet et la diminution de la force de préhension.

Contestation par la société

Le 18 mai 2018, la société a contesté la décision de la caisse devant le tribunal du contentieux de l’incapacité de Rennes. Le jugement du 17 décembre 2021 a déclaré recevable le recours de la société, tout en confirmant le taux d’IPP de 12 % et en rejetant la demande de modification de ce taux.

Appel de la société

Le 17 février 2022, la société a interjeté appel du jugement. Dans ses écritures, elle a demandé la réévaluation du taux d’IPP, arguant que celui-ci avait été mal évalué et sollicitant une expertise médicale pour examiner les éléments du dossier médical de M. [Z].

Demande de la caisse

La caisse, par ses écritures du 28 avril 2023, a demandé la confirmation du jugement initial, soutenant que le taux d’IPP de 12 % était bien fondé et opposable à la société, tout en rejetant les conclusions de cette dernière.

Éléments médicaux et évaluation de l’incapacité

Le tribunal a examiné les éléments médicaux, notamment les rapports des médecins impliqués. Le médecin de recours de la société a suggéré que les séquelles étaient dues à l’accident du travail, tandis qu’un médecin consultant a confirmé le taux d’IPP de 12 % en tenant compte des lésions dégénératives.

Ordonnance d’expertise

Le tribunal a ordonné une expertise médicale pour évaluer l’incapacité permanente de M. [Z] en lien avec sa maladie professionnelle, en distinguant les séquelles de l’accident du travail et celles de la maladie. L’expert désigné devra examiner l’ensemble du dossier médical et proposer un taux d’IPP approprié.

Conclusion de la procédure

Le tribunal a décidé de surseoir à statuer sur les autres demandes et a ordonné la radiation de la procédure, avec possibilité de réinscription à la demande de la partie la plus diligente.

Quelles sont les conditions de prise en charge d’une maladie professionnelle selon le Code de la sécurité sociale ?

La prise en charge d’une maladie professionnelle est régie par le Code de la sécurité sociale, notamment par l’article L. 461-1 qui définit les maladies professionnelles comme celles qui figurent dans un tableau établi par la réglementation.

Pour qu’une maladie soit reconnue comme professionnelle, il faut que :

1. La maladie soit inscrite dans un tableau des maladies professionnelles.
2. Il existe un lien direct entre la maladie et l’activité professionnelle.

L’article L. 461-1 précise que les maladies doivent être causées par l’exposition à des agents nocifs dans le cadre de l’activité professionnelle.

En l’espèce, la maladie de Kienböck, reconnue par la caisse comme maladie professionnelle, a été prise en charge au titre du tableau n°69 des maladies professionnelles, ce qui répond aux critères de l’article L. 461-1.

Comment est déterminé le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) ?

Le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est déterminé selon l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que ce taux est établi en tenant compte de plusieurs éléments :

1. La nature de l’infirmité.
2. L’état général de la victime.
3. L’âge de la victime.
4. Les facultés physiques et mentales de la victime.
5. Les aptitudes et la qualification professionnelle.

L’article R. 434-32 précise que la caisse se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et sur le taux de celle-ci, en se basant sur des barèmes indicatifs d’invalidité.

Ces barèmes, annexés au Code, permettent d’évaluer l’impact de la maladie sur la capacité de travail de l’individu. Dans le cas de M. [Z], le taux d’IPP a été fixé à 12 % en raison de la raideur du poignet et de la diminution de la force de préhension.

Quels recours sont possibles en cas de contestation du taux d’IPP ?

En cas de contestation du taux d’IPP, l’article R. 434-33 du Code de la sécurité sociale permet à l’assuré ou à l’employeur de contester la décision de la caisse.

Le recours peut être exercé devant le tribunal du contentieux de l’incapacité, comme cela a été fait par la société dans le cas présent.

Le tribunal peut alors :

1. Déclarer recevable le recours.
2. Confirmer ou modifier le taux d’IPP.
3. Condamner la partie perdante aux dépens.

Dans le jugement du 17 décembre 2021, le tribunal a confirmé le taux d’IPP de 12 % attribué à M. [Z], rejetant la demande de la société de le modifier.

Quelles sont les implications d’une expertise médicale dans ce type de litige ?

L’expertise médicale est un outil essentiel dans les litiges relatifs à l’incapacité permanente. Selon l’article 276 du Code de procédure civile, l’expert doit prendre en compte les observations des parties et établir un rapport détaillé sur l’état de santé de la victime.

Dans le cas présent, la cour a ordonné une expertise médicale pour :

1. Évaluer les lésions consécutives à l’accident du travail.
2. Distinguer les séquelles de la maladie de Kienböck de celles résultant de l’accident du travail.
3. Proposer un taux d’IPP en fonction des résultats de l’expertise.

Cette expertise permettra de clarifier les éléments médicaux et d’établir un lien entre la maladie professionnelle et l’accident du travail, ce qui est crucial pour déterminer le taux d’IPP approprié.

Quels sont les frais liés à l’expertise et qui en supporte le coût ?

Les frais d’expertise sont généralement à la charge de la partie perdante, comme le stipule l’article 696 du Code de procédure civile. Dans le cas présent, la cour a ordonné à la société de consigner une somme de 800 euros pour garantir les frais d’expertise.

Cette somme est destinée à couvrir les coûts liés à l’expertise médicale, et la cour a précisé que l’expert pourrait demander une provision complémentaire si nécessaire.

En cas de décision favorable à la société, la caisse pourrait être condamnée à rembourser ces frais, selon l’issue du litige.


 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 novembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
22/01101
9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/01101 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SP47

Société [11]

C/

[10]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Clotilde RIBET, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Septembre 2024

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 17 Décembre 2021

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du Tribunal Judiciaire de RENNES

Références : 18/10482

APPELANTE :

La Société [11], anciennement dénomée [9]

[Adresse 12]

[Localité 2]

représentée par Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON substitué par Me Maria BEKMEZCIOGLU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

LA [7]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Madame [V] [M] en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 19 juillet 2017, M. [S] [Z], salarié en tant que carreleur de la SAS [11] (la société), a déclaré une maladie professionnelle en raison d’une ‘maladie de Kienböck’.

Le certificat médical initial, établi le 29 juin 2017 par le docteur [F], fait état des éléments suivants : ‘en arrêt de travail dans le cadre d’un accident du travail du 11 janvier 2017 est en rapport avec une maladie de Kienböck du poignet droit (ostéonécrose du semi lunaire carpe droit) relevant d’une pathologie professionnelle’.

Par décision du 3 novembre 2017, la [8] (la caisse) a pris en charge la pathologie ‘ostéonécrose du semi-lunaire (maladie de Kienböck) droite’ au titre du tableau n°69 des maladies professionnelles.

La date de consolidation a été fixée au 16 janvier 2018.

Par décision du 16 avril 2018, la caisse a notifié à la société le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué à M. [Z] fixé à 12 % à compter du 17 janvier 2018, en raison des séquelles suivantes : ‘raideur du poignet et diminution de la force de préhension droite chez un droitier’.

Par courrier du 18 mai 2018, la société a contesté l’opposabilité de cette décision devant le tribunal du contentieux de l’incapacité de Rennes.

Par jugement du 17 décembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes, désormais compétent, a :

– déclaré recevable le recours de la société ;

– dit que les séquelles présentées à la date du 16 janvier 2018 par M. [Z] justifient l’attribution d’un taux d’IPP de 12 % ;

– rejeté la demande formée par la société aux fins de voir modifier le taux d’IPP de M. [Z] ;

– condamné la société aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018 à l’exception des frais de consultation médicale restant à la charge de la [5].

Par déclaration adressée le 17 février 2022 par courrier recommandé avec avis de réception, la société a interjeté appel de ce jugement adressé par le greffe le 9 février 2022 (AR manquant).

Par ses écritures parvenues au greffe le 30 décembre 2022, auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour :

– de déclarer qu’elle est recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions ;

À titre incident,
– de commettre tout consultant qu’il plaira à la juridiction avec pour mission d’examiner sur pièces les éléments du dossier médical justifiant le taux d’IPP de 12 % attribué à M. [Z] en conséquence de sa maladie professionnelle du 29 juin 2017, d’en apprécier le bien-fondé et de se prononcer sur les éléments concourants à la fixation de ce taux ;- d’ordonner que la consultation prendra la forme d’une consultation orale qui sera présentée à l’audience que le tribunal fixera ou, s’il plaît à la juridiction, qu’elle prendra la forme d’une consultation écrite qui sera remise au greffe et communiquée au médecin désigné par l’employeur ainsi qu’au praticien conseil de la caisse ;
– d’enjoindre à cette fin à la caisse ainsi qu’à son praticien conseil de communiquer au consultant ainsi désigné l’entier dossier médical de M. [Z] justifiant ladite décision ;
– d’ordonner que les frais résultant de la consultation soient mis à la charge de la caisse ;

Au fond,
– de déclarer que le taux de 12 % auquel la caisse a fixé la rente d’IPP attribuée à M. [Z] au titre de sa maladie professionnelle du 29 juin 2017 a été mal évalué ;
En conséquence,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a confirmé le taux d’IPP opposable à l’employeur de 12 % ;
– de dire que les séquelles de la maladie professionnelle du 29 juin 2017 présentées par M. [Z] justifient à son égard l’opposabilité d’un taux d’IPP de 5 % avec toutes les conséquences de droit ;

En tout état de cause,
– de condamner la caisse aux dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 28 avril 2023, auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, la caisse demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris ;

– dire que sa décision d’attribuer à M. [Z] un taux d’IPP de 12 % est bien fondée et opposable à la société ;

– rejeter toutes conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires de la société ;

– condamner la société aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 – Sur le taux d’incapacité :

L’article L.434-2, 1er alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :

‘Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes générales et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité’.

Selon l’article R. 434-32 du même code, « Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail’.

Ce barème indicatif d’invalidité est référencé à l’annexe 1, telle qu’issue du décret n°2006-111 du 2 février 2006. L’annexe II applicable aux maladies professionnelles est en vigueur depuis le 30 avril 1999.

L’annexe I comporte trois parties, respectivement intitulées Principes généraux (I), Mode de calcul du taux médical (II), et Révisions (III), parties suivies du barème proprement dit.

Il est précisé à l’article 1er du chapitre préliminaire que les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical.

Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d’incapacité permanente, sont :

1° La nature de l’infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d’où l’on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l’atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l’altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.

2° L’état général. Il s’agit là d’une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d’estimer l’état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l’évaluation d’adapter en fonction de l’état général, le taux résultant de la nature de l’infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.

L’estimation de l’état général n’inclut pas les infirmités antérieures – qu’elles résultent d’accident ou de maladie – ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.

3° L’âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l’indication tirée de l’état civil, mais en fonction de l’âge organique de l’intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l’involution physiologique, de celles résultant d’un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l’état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.

On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.

4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l’individu et de l’incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l’étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l’état physique ou mental de l’intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d’un individu normal.

Le dernier élément qui concerne les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social.

S’agissant de ce 5° élément (Aptitudes et qualification professionnelles), il est précisé que :

– la notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée ; quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé ;

– lorsque un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l’assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l’intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail.

– que la possibilité pour l’assuré de continuer à occuper son poste de travail – au besoin en se réadaptant – ou au contraire, l’obligation d’un changement d’emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l’aptitude médicale aux divers permis de conduire.

L’estimation médicale de l’incapacité doit faire la part de ce qui revient à l’état antérieur, et de ce qui revient à l’accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l’objet d’une estimation particulière.

a. Il peut arriver qu’un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l’occasion de l’accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu’il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n’y a aucune raison d’en tenir compte dans l’estimation du taux d’incapacité.

b. L’accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l’aggraver. Il convient alors d’indemniser totalement l’aggravation résultant du traumatisme.

c. Un état pathologique antérieur connu avant l’accident se trouve aggravé par celui-ci. Etant donné que cet état était connu, il est possible d’en faire l’estimation. L’aggravation indemnisable résultant de l’accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l’accident ou la maladie professionnelle’.

Le chapitre 1.1.2 du barème prévoit pour le poignet :

Mobilité normale : flexion 80° ; extension active : 45° ; passive : 70° à 80°. Abduction (inclinaison radiale) : 15° ; adduction (inclinaison cubitale) : 40°.

Des altérations fonctionnelles peuvent exister sans lésion anatomique identifiable.

DOMINANT

NON DOMINANT

Blocage du poignet :

– En rectitude ou extension, sans atteinte de la prono-supination

15

10

– En flexion sans troubles importants de la prono-supination

35

30

En l’espèce, il ressort de la notification de la décision attributive de rente que le taux d’IPP de 12 % de M. [Z] a été fixé au regard des éléments suivants : ‘raideur du poignet et diminution de la force de préhension droite chez un droitier’.

La société se prévaut du rapport de son médecin de recours, le docteur [O], lequel relève le 15 avril 2021 :

‘Le certificat médical initial fait état d’un arrêt de travail en cours à la date de rédaction du rapport pour un accident du travail du 11/01/2017.

Le médecin conseil écrit au paragraphe ‘rappel des faits médicaux’ : ‘maladie de Kienböck découverte lors de l’accident du travail du 11/01/2017″.

1) l’accident du travail a donc nécessairement intéressé au moins l’articulation du poignet droit.

2) le médecin conseil examine l’assuré le 06/03/2018 et le rapport est daté du 06/03/2018. Or, le médecin conseil indique que l’accident du travail du 11/01/2017 est consolidé sans séquelles le 06/04/2018 soit un mois après son examen et la rédaction du rapport.

‘ Hormis la problématique portant sur les dates, la clinique en lien avec l’accident du travail du 11/01/2017 était encore évolutive à la date d’examen du médecin conseil concernant la maladie professionnelle.

Il existe donc à la date d’examen par le médecin conseil une pathologie interférente sans lien avec la maladie professionnelle objet du rapport.

[…]

‘ La transcription de l’examen clinique réalisé par le médecin conseil retrouve une limitation de flexion-extension du poignet droit dominant respectant l’angle favorable. […]

La transcription du scanner du 16/01/2017 met en évidence d’importantes lésions dégénératives de l’ensemble du carpe. […]

Conclusion :

Pour l’ensemble de ces raisons : pathologie traumatique récente interférente (accident du travail du 11/01/2017) / lésions dégénératives intéressant l’ensemble du carpe / examen mettant en évidence une diminution d’amplitudes articulaires au niveau du poignet respectant l’angle favorable non uniquement imputable à la maladie professionnelle objet du rapport – les séquelles à type de limitation d’amplitudes articulation du poignet droit dominant participant au tableau clinique global justifient un taux d’incapacité permanente de 5 %’.

Le médecin consultant désigné par le tribunal, le docteur [W], qui avait connaissance du rapport du docteur [O], a repris les constatations du médecin conseil (flexion 45°/80° – extension 30°/45° – inclinaison cubitale 30°/40° – inclinaison radiale complète – prosupination complète) et a confirmé le taux de 12 % en relevant ceci :

‘ M. [Z] présente une maladie professionnelle n°69 pour maladie de Kienböck, ostéonécrose du semi-lunaire carpe droit. Il présente également des lésions dégénératives appartenant également à la maladie professionnelle 69. Il garde une limitation d’amplitude en flexion-extension permettant de confirmer le taux de 12%’.

La société indique que les conclusions du médecin consultant ne répondent pas à la problématique de l’accident du travail couvrant la même période que la maladie professionnelle ; que les séquelles découlant de l’accident du travail interférant ne peuvent être prises en compte.

La caisse n’apporte aucune donnée complémentaire sur ce point.

Les éléments pointés par la société tenant à l’existence d’un accident du travail à l’origine de la découverte de la maladie ainsi qu’à la difficulté concernant la chronologie des événements telle que retracée dans le rapport d’évaluation des séquelles justifient qu’une expertise judiciaire soit ordonnée selon les modalités reprises au dispositif.

Il y a lieu, pour le surplus, de surseoir à statuer jusqu’au dépôt du rapport d’expertise.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

AVANT DIRE DROIT,

ORDONNE une expertise médicale sur pièces ;

DÉSIGNE pour y procéder le docteur [Y] [H], [Adresse 1], avec pour mission de :

– se faire communiquer par la [6] l’entier dossier médical de M. [S] [Z] et le rapport médical d’évaluation des séquelles ;

– prendre connaissance de toutes pièces médicales ou administratives qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;

– en s’aidant du barème indicatif d’incapacité, fixer l’incapacité permanente dont reste atteint M. [S] [Z] dans les suites de la maladie professionnelle prise en charge, sur la base d’une consolidation au 16 janvier 2018, selon les hypothèses suivantes :

1) Décrire les lésions consécutives à l’accident du travail du 11 janvier 2017 ;

2) Distinguer, s’agissant de l’état à la consolidation :

– ce qui résulte de la maladie de Kienböck du poignet droit ;

– ce qui résulte de l’accident du travail du 11 janvier 2017 ;

3) Dire si la maladie a révélé un état antérieur connu ou inconnu ;

Distinguer, s’il est possible :

– ce qui résulte de l’état antérieur évoluant pour son propre compte sans être aggravé par la maladie ;

– ce qui résulte de la maladie ;

– ce qui résulte de la maladie aggravant éventuellement l’état antérieur ;

Proposer en conséquence le taux d’IPP présenté par M. [R] au titre de la maladie de Kienböck du poignet droit.

INVITE la [6] à faire toute diligence auprès du service du contrôle médical pour que soit transmis à l’expert le rapport d’évaluation des séquelles et d’évaluation du taux d’incapacité ;

DIT que la SAS [11] devra consigner, en garantie des frais d’expertise, la somme de 800 euros auprès du régisseur de la cour d’appel, dans le mois de la présente décision ;

DIT que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de solliciter le versement d’une provision complémentaire ;

DIT que l’expert devra :

– communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai pour la production de leurs dires auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

– adresser son rapport définitif à chacune des parties ainsi qu’à la cour dans les six mois de sa saisine ;

DIT que le rapport devra être accompagné de son mémoire de frais avec justification de ce que ledit mémoire a été communiqué aux parties ;

RAPPELLE les dispositions de l’article 276 du code de procédure civile :

‘ L’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

Toutefois, lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.

Lorsqu’elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu’elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.

L’expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il aura donnée aux observations ou réclamations présentées’.

DIT que l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l’expertise et le coût prévisible de l’expertise ;

DÉSIGNE le président de chambre ou tout autre magistrat de la chambre sociale chargé de l’instruction des affaires en qualité de juge chargé du contrôle de la mesure d’expertise ;

DIT qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat susvisé ;

SURSOIT à statuer sur les autres demandes et les dépens ;

ORDONNE la radiation de la procédure ;

DIT qu’elle sera enrôlée à nouveau à la demande de la partie la plus diligente, la demande devant être accompagnée des écritures et du bordereau des pièces communiquées.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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