Contexte de l’accidentLe 2 octobre 2018, la SAS a déclaré un accident du travail impliquant M. [W] [K], contrôleur pointeur, survenu le 1er octobre 2018 à 13h45 dans l’entrepôt V6. Lors de l’accident, une feuille s’est envolée, et en tentant de la rattraper, M. [K] a chuté après que son pied se soit bloqué dans un bac à roulettes, entraînant des douleurs aux membres inférieurs, notamment à la hanche, à la jambe et à la cheville gauche. Certificat médical et prise en chargeUn certificat médical établi le 2 octobre 2018 a diagnostiqué une entorse du genou gauche, avec un arrêt de travail initial jusqu’au 8 octobre 2018, prolongé jusqu’au 26 mars 2021. La caisse primaire d’assurance maladie de l’Hérault a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle le 3 octobre 2018, et la date de consolidation a été fixée au 26 mars 2021. Contestation de la sociétéLe 26 novembre 2018, la société a contesté l’imputabilité des arrêts de travail et des soins prescrits à l’accident, s’adressant à la commission de recours amiable. En l’absence de décision dans les délais, elle a porté le litige devant le tribunal de grande instance de Nantes le 18 février 2019. Jugement du tribunalLe 28 janvier 2022, le tribunal a déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge des arrêts de travail et soins postérieurs au 8 octobre 2018, condamnant la caisse aux dépens. Appel de la caisseLa caisse a interjeté appel le 23 février 2022, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de la présomption d’imputabilité des arrêts de travail jusqu’à la date de consolidation. Elle a soutenu que l’employeur devait prouver l’absence de lien entre les soins et l’accident. Arguments de la sociétéLa société a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que la présomption d’imputabilité ne s’appliquait pas aux arrêts de travail au-delà du 8 octobre 2018. Elle a également sollicité une expertise médicale judiciaire pour examiner les éléments médicaux. Motifs de la décision de la courLa cour a souligné que la présomption d’imputabilité s’étendait pendant toute la durée d’incapacité de travail, et que l’employeur devait prouver le contraire. La caisse a fourni des preuves suffisantes des arrêts de travail, et la société n’a pas démontré l’existence d’un état pathologique préexistant sans lien avec l’accident. Conclusion de la courLa cour a infirmé le jugement initial, déclarant opposables à la SAS les arrêts et soins dont a bénéficié M. [K] du 2 octobre 2018 au 26 mars 2021. La demande d’expertise de la société a été déboutée, et celle-ci a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel. |
Quelles sont les conditions de la présomption d’imputabilité des accidents du travail selon le Code de la sécurité sociale ?
La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail est régie par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que :
« La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. »
Cette présomption s’applique dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail.
Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, c’est-à-dire de démontrer l’existence d’un état pathologique préexistant ou d’une cause postérieure totalement étrangère à l’accident.
Ainsi, la présomption d’imputabilité continue à s’appliquer tant que la victime est en incapacité de travail, jusqu’à la date de consolidation de son état.
Quel est le rôle de l’employeur dans la contestation de la présomption d’imputabilité ?
L’employeur a un rôle crucial dans la contestation de la présomption d’imputabilité des accidents du travail. Selon la jurisprudence, il lui incombe de prouver que les arrêts de travail et les soins postérieurs à l’accident ne sont pas liés à celui-ci.
En effet, la Cour de cassation a précisé que :
« Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, à savoir celle de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou d’une cause postérieure totalement étrangère. »
De simples doutes ou des affirmations ne suffisent pas à renverser la présomption d’imputabilité. L’employeur doit fournir des éléments concrets et probants pour établir que les soins et arrêts de travail ne sont pas liés à l’accident.
Quelles sont les conséquences de la décision de la caisse primaire d’assurance maladie sur la prise en charge des arrêts de travail ?
La décision de la caisse primaire d’assurance maladie de prendre en charge un accident du travail a des conséquences importantes sur la prise en charge des arrêts de travail. Selon la jurisprudence, lorsque la caisse a versé des indemnités journalières jusqu’à la date de consolidation, la présomption d’imputabilité continue à s’appliquer.
Ainsi, la caisse peut se prévaloir de cette présomption pour justifier la prise en charge des arrêts de travail, même si les arrêts postérieurs à l’arrêt de travail initial ne sont pas produits.
La Cour de cassation a affirmé que :
« La présomption s’applique également aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l’accident dès lors qu’il existe une continuité de soins et de symptômes. »
Cela signifie que tant que la continuité des soins et des symptômes est établie, la caisse peut maintenir la prise en charge des arrêts de travail liés à l’accident.
Quelles sont les implications de la décision de la cour sur les dépens ?
La décision de la cour a des implications directes sur les dépens, qui sont les frais liés à la procédure judiciaire. Dans le cas présent, la cour a condamné la SAS [6] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Selon l’article 696 du Code de procédure civile, les dépens comprennent les frais de justice, y compris les frais d’expertise, les frais de greffe, et les frais de déplacement des parties.
La cour a statué que :
« Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la société qui succombe. »
Cela signifie que la SAS [6], ayant perdu le litige, est responsable de tous les frais engagés durant la procédure, ce qui peut représenter une somme significative en fonction de la durée et de la complexité de l’affaire.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/01173 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SQGN
CPAM DE L’HERAULT
C/
S.A.S. [6]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère
GREFFIER :
Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 17 Septembre 2024
devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 28 Janvier 2022
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Pole social du TJ de NANTES
Références : 19/00929
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’HERAULT
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Mme [C] [I], en vertu d’un pouvoir spécial
INTIMÉE :
S.A.S. [6]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Dominique DUPARD de la SELARL DUPARD & GUILLEMIN, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Suzanne HUMBAIRE, avocat au barreau de PARIS
Le 2 octobre 2018, la SAS [6] (la société) a déclaré un accident du travail, concernant M. [W] [K], salarié en tant que contrôleur pointeur, mentionnant les circonstances suivantes :
Date : 1er octobre 2018; Heure : 13h45 ;
Lieu de l’accident : entrepôt V6 (poste de garde) [Localité 2], lieu de travail habituel ;
Activité de la victime lors de l’accident : contrôle au poste de garde ;
Nature de l’accident : une feuille s’est envolée et en voulant la rattraper son pied s’est bloqué dans le bac à roulettes le fauteuil a tourné et il a chuté au sol ;
Siège des lésions : membres inférieurs (hanche, jambe, cheville) côté gauche ;
Nature des lésions : douleurs ;
Horaires de travail le jour de l’accident : 12h30 à 20h00 ;
Accident connu le 1er octobre 2018 par l’employeur.
Le certificat médical initial, établi le 2 octobre 2018 par le docteur [B], fait état d’une ‘entorse genou gauche’ avec prescription de soins et d’un arrêt de travail jusqu’au 8 octobre 2018, prolongé jusqu’au 26 mars 2021.
Par décision du 3 octobre 2018, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Hérault (la caisse) a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle.
La date de consolidation a été fixée au 26 mars 2021.
Par décision du 20 mai 2021, la caisse a notifié à la société le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué à M. [K] fixé à 5 % à compter du 27 mars 2021, en raison des séquelles suivantes : ‘gonalgies gauches séquellaires de méniscectomie sur un état antérieur décompensé’.
Par courrier du 26 novembre 2018, la société a contesté l’imputabilité des arrêts de travail et soins prescrits à l’accident du travail devant la commission de recours amiable puis, en l’absence de décision rendue dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes le 18 février 2019.
Par jugement du 28 janvier 2022, ce tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, a :
– déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge des arrêts de travail et soins postérieurs au 8 octobre 2018 dont a bénéficié M. [K] suite à l’accident du travail du 1er octobre 2018 ;
– condamné la caisse aux entiers dépens.
Par déclaration adressée le 23 février 2022 par courrier recommandé avec avis de réception, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 8 février 2022.
Par ses écritures parvenues au greffe le 28 juillet 2022 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, la caisse demande à la cour :
– d’infirmer le jugement entrepris ;
– de constater qu’en dehors de toute expertise judiciaire, elle n’était pas tenue de transmettre les éléments médicaux de M. [K] ;
– de constater qu’il résultait des éléments qu’elle produit que la présomption d’imputabilité continuait à s’appliquer jusqu’à la date de consolidation fixée par le médecin conseil ;
– de rappeler qu’en cas de contestation, il ne lui appartient pas d’établir l’existence d’une continuité de soins et de symptômes mais à l’employeur de détruire la présomption d’imputabilité précitée ;
– de constater qu’aucun des éléments avancés par l’employeur n’était de nature à détruire la présomption d’imputabilité attachée à l’ensemble des conséquences de l’accident de travail du 1er octobre 2018 ;
– de déclarer opposable à la société, la décision de prise en charge sans instruction préalable de l’accident du travail dont a été victime M. [K], le 1er octobre 2018, ainsi que l’ensemble des conséquences s’y rapportant.
Par ses écritures parvenues au greffe le 9 novembre 2022 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour :
A titre principal :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il juge que la présomption d’imputabilité ne s’applique pas pour les arrêts de travail attribués au-delà du 8 octobre 2018 ;
– de prononcer l’inopposabilité des arrêts de travail attribués après le 8 octobre 2021 à M. [K] à son encontre ;
A titre subsidiaire :
– d’ordonner la mise en ‘uvre d’une expertise médicale judiciaire ;
– d’enjoindre à la caisse de transmettre l’entier dossier de M. [K] à l’expert désigné ;
– de nommer tel expert qu’il plaira ayant pour mission, après s’être fait remettre l’entier dossier de M. [K] par la caisse, celle figurant à son dispositif ;
– de dire que les frais d’expertise seront avancés par la caisse.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
Il convient de souligner que la décision initiale de la caisse de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle ne fait pas l’objet de discussion de la part de la société dans le cadre du présent litige. Seule la durée des arrêts et soins est en litige. Par conséquent, les développements de la caisse sur ce point sont totalement inopérants.
Sur les arrêts et soins
Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime (2e Civ., 17 février 2011, n° 10-14.981).
La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire (2e Civ., 9 juillet 2020, n° 19-17.626 ; 2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-20.585 ; 2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655 ; 2e Civ., 2 juin 2022, pourvoi n° 20-20.735).
Ainsi, lorsqu’une caisse a versé des indemnités journalières jusqu’à la date de consolidation, et même si les arrêts de travail postérieurs à l’arrêt de travail initial, joint au certificat médical initial, ne sont pas produits, la présomption d’imputabilité continue à s’appliquer jusqu’à cette date.
La présomption s’applique également aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l’accident dès lors qu’il existe une continuité de soins et de symptômes.
La Cour de cassation rappelle que les éléments médicaux sont couverts par le secret médical de sorte que les caisses ne sont en aucun cas tenues de communiquer à l’employeur les certificats médicaux.
En l’espèce, la caisse rapporte suffisamment la preuve des arrêts de travail de manière ininterrompue, dont a bénéficié M. [K] du 2 octobre 2018 au 26 mars 2021, par la production du relevé des indemnités journalières versées et ce, jusqu’à la date de consolidation sans séquelles indemnisables.
Par conséquent, la caisse peut se prévaloir de la présomption d’imputabilité de ces arrêts de travail à l’accident survenu le 1er octobre 2018.
Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, à savoir celle de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou d’une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.
De simples doutes fondés sur la supposée bénignité de la lésion et la longueur de l’arrêt de travail ne sauraient suffire à remettre en cause le bien-fondé de la décision de la caisse et en l’absence de tout élément de nature à étayer les prétentions de l’employeur, lesquelles ne sauraient résulter de ses seules affirmations, il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise. (2e Civ., 16 février 2012, n° 10-27.172)
Ainsi, c’est en vain que la société invoque le barème de la caisse qui propose pour une entorse du ligament collatéral médial du genou (ligament latéral interne) une durée d’arrêt de travail de 21 jours, alors que chaque situation fait l’objet d’un examen individuel par le médecin conseil, peu important que le médecin traitant n’ait pas à l’origine précisé qu’il s’agissait d’une entorse grave.
De même, l’indication dans la notification du taux d’IPP du 20 mai 2021 que M. [K] souffrait de ‘gonalgies gauches séquellaires de méniscectomie sur un état antérieur décompensé’ est insuffisante à combattre la présomption d’imputabilité à défaut pour la société de rapporter la preuve que cet état antérieur évoluait pour son propre compte et qu’il n’a pas simplement été aggravé par l’accident.
La cour constate que la société ne rapporte pas la preuve qui lui incombe si bien qu’il est justifié, sans porter atteinte au droit à un procès équitable ou rompre l’égalité des armes entre les parties en refusant d’ordonner une expertise, de dire que la prise en charge des arrêts de travail consécutifs à l’accident est opposable à l’employeur ( 2e Civ., 6 novembre 2014, n° 13-23.414).
Le jugement sera en conséquence infirmé et la décision de prise en charge des arrêts de travail et soins jusqu’à la consolidation sera déclarée opposable à la société.
Sur les dépens
Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la société qui succombe.
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare opposables à la SAS [6] les arrêts et soins dont a bénéficié M. [K] du 2 octobre 2018 au 26 mars 2021 à la suite de son accident du travail du 1er octobre 2018 ;
Déboute la SAS [6] de sa demande d’expertise ;
Condamne la SAS [6] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT