Obligation de Tentative de Règlement Amiable : Un Cas de Non-Conformité et de Réticence Dolosive dans une Vente de Mobilier

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Obligation de Tentative de Règlement Amiable : Un Cas de Non-Conformité et de Réticence Dolosive dans une Vente de Mobilier

Procédure

Les articles 480 et suivants du code de Procédure civile régissent la présente affaire.

QUALIFICATION DU JUGEMENT

Le jugement contradictoire a été rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [M] [J] a acheté un canapé et un pouf auprès de la SAS INTERMEUBLES pour un montant de 1.872,30 euros TTC, selon la facture de vente n°FC250007085 du 13 juin 2022. Le 16 octobre 2023, il a assigné la SAS INTERMEUBLES devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, demandant la résolution de la vente, la restitution du prix, des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et résistance abusive. L’audience initiale a eu lieu le 20 novembre 2023, suivie de sept renvois, avant d’être débattue le 16 septembre 2024.

DEMANDES DE MONSIEUR [M] [J]

Monsieur [M] [J] a demandé au tribunal de déclarer ses demandes recevables et fondées, de prononcer la résolution de la vente, de condamner la SAS INTERMEUBLES à restituer le prix de vente avec intérêts, d’ordonner la restitution des biens, et d’accorder des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et résistance abusive. Il a également demandé le remboursement de frais d’avocat.

ARGUMENTS DE MONSIEUR [M] [J]

Monsieur [M] [J] a soutenu avoir tenté une médiation avec l’association ANM CONSOMMATION, qui a été refusée par la SAS INTERMEUBLES. Il a invoqué la non-conformité du produit et la réticence dolosive, arguant que le modèle reçu ne correspondait pas à celui exposé en magasin. Il a également mentionné un préjudice de jouissance et une résistance abusive de la part de la SAS INTERMEUBLES.

DEFENSE DE LA SAS INTERMEUBLES

La SAS INTERMEUBLES a demandé au tribunal de déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [M] [J] pour défaut de tentative de conciliation préalable. Elle a contesté les allégations de non-conformité et de dol, affirmant que le produit livré correspondait à la commande. Elle a également nié l’existence d’un préjudice de jouissance et d’une résistance abusive.

RECEVABILITÉ DES DEMANDES

Le tribunal a examiné la recevabilité des demandes de Monsieur [M] [J], notant qu’il n’avait pas justifié d’une tentative de résolution amiable avec la SAS INTERMEUBLES, sa cocontractante. Les courriers produits ne constituaient pas une preuve suffisante de cette tentative, entraînant l’irrecevabilité de ses demandes.

DEMANDES ACCESSOIRES

Monsieur [M] [J] étant déclaré irrecevable, il a été condamné aux dépens. De plus, il a été condamné à verser à la SAS INTERMEUBLES une somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.

CONCLUSION DU JUGEMENT

Le tribunal a déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [M] [J], l’a condamné aux dépens et à verser 500 euros à la SAS INTERMEUBLES, avec exécution provisoire de la décision.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
23/03577
Du 15 novembre 2024

50A

SCI/

PPP Contentieux général

N° RG 23/03577 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YMOA

[M], [C], [H] [J]

C/

S.A.S. INTERMEUBLES

– Expéditions délivrées à

– FE délivrée à

Le 15/11/2024

Avocats : Me Caroline CASTERA-DOST
Me Yoann DELHAYE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
Pôle protection et proximité
[Adresse 1] – [Localité 3]

JUGEMENT EN DATE DU 15 novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE : Madame Edith VIDALIE-TAUZIA, Magistrat

GREFFIER : Madame Françoise SAHORES

DEMANDEUR :

Monsieur [M], [C], [H] [J]
né le 14 Septembre 1950 à [Localité 10]
[Adresse 7]
[Localité 4]

Représenté par Me Yoann DELHAYE (Avocat au barreau de BORDEAUX)

DEFENDERESSE :

S.A.S. INTERMEUBLES
immatriculée au RCS de Bordeaux, N° 382 988 616
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Me Caroline CASTERA-DOST (Avocat au barreau de BORDEAUX)

DÉBATS :

Audience publique en date du 16 Septembre 2024

Procédure :

Articles 480 et suivants du code de Procédure civile.

QUALIFICATION DU JUGEMENT :

Le jugement contradictoire est rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe.

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon facture de vente n°FC250007085 du 13 juin 2022, Monsieur [M] [J] a acquis auprès de la SAS INTERMEUBLES un canapé 4 places fixe et un pouf modèles BERCETO de la marque POLTRONESOFA moyennant la somme de 1.872,30 euros TTC.

Par acte introductif d’instance délivré le 16 octobre 2023, Monsieur [M] [J] a fait assigner la SAS INTERMEUBLES à l’audience du 20 novembre 2023 de la chambre de proximité du tribunal judiciaire de Bordeaux, sur le fondement des dispositions des articles L. 217-4, L. 217-5 et L. 217-14 du code de la consommation et des articles 1103, 1104, 1137 et 1231-1 du code civil, aux fins principalement de prononcer la résolution de la vente, de la condamner à restituer le prix de vente et au paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et de la résistance abusive.

L’affaire a été appelée à l’audience du 20 novembre 2023, puis après sept renvois à la demande des parties, elle a été débattue à l’audience du 16 septembre 2024.

Lors de cette audience, M. [M] [J], représenté par son conseil, demande au tribunal de :
– Le déclarer recevable en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions et le déclarer bien fondé,
– Prononcer la résolution de la vente conclue avec la SAS INTERMEUBLES le 29 avril 2022,
– Condamner la SAS INTERMEUBLES à lui restituer la somme de 1.872,30 euros correspondant au prix de vente à compter du jugement à intervenir,
– Dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure qu’il a adressée le 15 juillet 2022,
– Ordonner la restitution du canapé et du pouf, objets de la commande à la SAS INTERMEUBLES, à charge pour elle de venir les récupérer à son domicile suivant les modalités qu’ils auront arrêtées et de respecter un délai de prévenance d’au moins 8 jours sur la date de retrait effectif,
– Condamner la SAS INTERMEUBLES à lui verser la somme de 800 euros en réparation de son préjudice de jouissance et à la somme de 800 euros en réparation de son préjudice tiré de la résistance abusive de la SAS INTERMEUBLES,
– Débouter la SAS INTERMEUBLES de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
– Condamner la SAS INTERMEUBLES à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile,
– Condamner la SAS INTERMEUBLES aux entiers dépend d’instance.

Il soutient s’être rapproché le 25 mai 2023 de l’association ANM CONSOMMATION, médiateur de la consommation désigné par l’entité PoltroneSofa France, afin d’organiser une médiation avec le vendeur qui l’a refusée le 14 juillet 2023. Il ajoute que la SAS INTERMEUBLES a mobilisé le service après-vente de la société POLTRONESOFA France, a répondu aux courriers transmis par la société POLTRONESOFA France et qu’elle a communiqué sous l’enseigne de la société POLTRONESOFA France.
Au soutien de sa demande de résolution de la vente fondée sur la non-conformité, il se fonde sur les articles L. 217-4, L. 217-5 et L. 217-14 du code de la consommation et indique qu’il a donné son consentement tant sur le bien figurant sur le site internet que sur celui présenté en boutique. Il ajoute que la SAS INTERMEUBLES ne l’a pas informé du caractère déhoussable du canapé, de son entretien ni de l’absence de correspondance entre le modèle exposé en boutique avec celui commandé. Il considère que le modèle ayant servi à son choix diffère en termes de type et de qualité de celui auquel il a consenti.
Au soutien de sa demande de résolution de la vente fondée sur la réticence dolosive, il se fonde sur les articles 1128 et 1137 du code civil et indique que le modèle exposé en magasin sur lequel il a fondé son consentement ne répond pas aux caractéristiques de celui reçu. Il ajoute que la SAS INTERMEUBLES ne lui a pas précisé que le modèle exposé différait de celui qu’il a commandé en ce que ce dernier est déhoussable et n’a pas le même rendu esthétique ce qui est une condition déterminante de son consentement.
Au soutien de sa demande d’indemnisation de son préjudice de jouissance, il indique ne pas avoir reçu le bien qu’il attendait et ne pas bénéficier d’un matériel conforme. Au titre de son préjudice fondé sur la résistance abusive de la SAS INTERMEUBLES, il précise qu’elle n’a pas donné suite à la tentative de médiation et qu’elle est de mauvaise foi alors qu’elle a reconnu que le modèle d’exposition présentait des caractéristiques différentes de celui reçu.

En défense, la SAS INTERMEUBLES, représentée par son conseil, demande au tribunal de :
– Déclarer irrecevable les demandes de Monsieur [J] pour défaut d’une tentative préalable de conciliation, de médiation ou de Procédure participative avec elle ;
En tout état de cause :
– Rejeter l’ensemble des demandes de Monsieur [J],
– Condamner Monsieur [J] au paiement d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A titre liminaire, elle argue que les demandes formulées à son encontre par Monsieur [J] sont irrecevables au regard de l’article 750-1 code de Procédure civile. Elle précise que le tribunal judiciaire de Bordeaux lui a fait sommation de justifier avoir rempli les conditions de l’article 750-1 du code de Procédure civile, ces demandes étant inférieures à 5.000 euros. Elle indique que conformément aux conditions générales de vente de la société fabricante Monsieur [J] a tenté une médiation avec la société POLTRONESOFA, qui est une entité juridique distincte d’elle, et que cela ne le dispensait pas de respecter les dispositions de l’article 750-1 du code de Procédure civile à son égard en tant que société venderesse. Elle considère qu’il ne justifie pas avoir procédé à une tentative de résolution amiable de leur différend.
Elle argue que M. [J] ne démontre pas la non-conformité du produit qu’il a acheté en ce que son mécontentement, fondé sur l’existence de pli, le caractère déhoussable et la finition choisie sur échantillon ne correspondant pas au modèle exposé, provient de son propre choix. Elle ajoute que l’existence et le contenu de l’étiquette n’ont aucune incidence au regard de la conformité du produit commandé et livré.
Elle soutient que Monsieur [J] ne démontre ni d’intention dolosive ni de manœuvres qui auraient viciées son consentement. Elle précise que le rendu esthétique du canapé a été parfaitement respecté au regard de la commande. Elle ajoute qu’en choisissant des options différentes du modèle d’exposition, il est évident que le modèle commandé serait différent.
Elle conteste l’existence d’un préjudice de jouissance et d’une résistance abusive puisqu’elle a respecté ses engagements contractuels.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT

– Sur la recevabilité des demandes

L’article 750-1 du code de Procédure civile applicable aux Procédures introduites à compter du 1er octobre 2023 dispose :  » En application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de Procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.

Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste, soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
5° Si le créancier a vainement engagé une Procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des Procédures civiles d’exécution.  »

Une tentative de résolution amiable est obligatoire et doit être justifiée. La preuve de cette mise en œuvre peut se faire par tous moyens notamment par une attestation d’un point d’accès au droit ou du conciliateur contacté sur le refus/absence de l’autre partie à la réunion ou par un constat de carence établi par le conciliateur.

En l’espèce, les prétentions de Monsieur [M] [J] portent sur une demande en paiement inférieure à 5.000 euros. Monsieur [M] [J] est donc soumis à l’obligation préalable de tentative de conciliation, de médiation ou de Procédure participative.

Monsieur [M] [J] produit un courrier émanant du médiateur de la consommation désigné par l’entité POLTRONESOFA France, l’ANM CONSOMMATION, qui indique que POLTRONESOFA France a refusé d’entrer en médiation. Or, ce document concerne Monsieur [M] [J] et POLTRONESOFA France laquelle n’est pas appelée à la présente instance.
Pourtant, Monsieur [M] [J] ne pouvait ignorer que la dénomination sociale et le siège social de son cocontractant tels qu’ils figurent sur la facture qu’il verse aux débats sont la SAS INTERMEUBLES située au [Adresse 2] [Localité 5]. En outre, l’allégation selon laquelle la SAS INTERMEUBLES a répondu aux courriers qu’il envoyait à la SAS POLTRONESOFA ne permet pas à elle seule de démontrer que la tentative de résolution amiable engagée à l’encontre de l’une vaut également à l’encontre de l’autre.

Pour justifier s’être acquitté de son obligation légale d’avoir effectué l’une des trois modalités de règlement amiable prévues à l’article 750-1 du code de Procédure civile, Monsieur [M] [J] produit la copie de trois courriers datés des 15 et 27 juillet et 24 novembre 2022 adressés à la SAS POLTRONESOFA France située au [Adresse 6] [Localité 8] qui est une personne morale différente de la SAS INTERMEUBLES et n’est donc pas son cocontractant au regard de la facture précitée.

Il verse également un courrier adressé le 27 juillet 2023 par son conseil à la SAS INTERMEUBLES. Toutefois, ce courrier, tout comme le courrier électronique adressé en juin 2022 à  » [Courriel 9]  » s’ils démontrent des diligences amiables, ne constituent manifestement pas une tentative menée par un conciliateur de justice, une tentative de médiation ou une tentative de Procédure participative.

Ainsi, Monsieur [M] [J] ne justifie pas avoir tenté de mettre en œuvre un règlement amiable du différend avec la SAS INTERMEUBLES sa cocontractante et défenderesse dans la présente instance.

L’exécution de cette obligation légale étant une condition de recevabilité de l’action, Monsieur [M] [J] sera déclaré irrecevable en ses demandes.

– Sur les demandes accessoires

Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de Procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l’espèce, Monsieur [M] [J] étant déclaré irrecevable en son action, il sera condamné au paiement des dépens.

Tenu aux dépens, Monsieur [M] [J] sera en outre condamné à payer à la SAS INTERMEUBLES la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE irrecevables les demandes formées par Monsieur [M] [J] à l’encontre de la SAS INTERMEUBLES ;

CONDAMNE Monsieur [M] [J] aux dépens ;

CONDAMNE Monsieur [M] [J] à payer à la SAS INTERMEUBLES la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Ainsi jugé les jour, mois et an susdits.

LE GREFFIER LA VICE-PRÉSIDENTE


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