Contexte du litigeLe Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé à [Adresse 3] – [Localité 5] a signé en 2013 un contrat de distribution d’eau avec la LYONNAISE DES EAUX pour le compteur C12LA081252. Cependant, les factures reçues mentionnaient un autre compteur, le C10EV001710. En 2021, VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, qui a succédé à la LYONNAISE DES EAUX, a effectué un relevé manuel du compteur et a émis une facture de régularisation de 62 553,41 euros. Événements récentsUn constat d’huissier réalisé en novembre 2021 a confirmé que le compteur C12LA081252 était celui alimentant la copropriété. En janvier 2023, VEOLIA a envoyé une nouvelle facture de régularisation de 66 005,43 euros. Le Syndicat s’est opposé à cette facture et a saisi le médiateur de l’eau, qui a rendu son avis en mars 2023. En avril 2024, le Syndicat a assigné VEOLIA devant le tribunal judiciaire de Créteil pour obtenir des dommages et intérêts en raison d’une mauvaise exécution des prestations. Demandes du SyndicatDans son exploit introductif, le Syndicat des copropriétaires demande au tribunal de juger sa créance recevable et fondée, de déclarer la créance de VEOLIA prescrite pour la période antérieure au 5 avril 2019, de condamner VEOLIA à verser 66 005,49 euros en dommages et intérêts, d’ordonner la compensation entre les créances des deux parties, et de condamner VEOLIA à verser 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile. Arguments du SyndicatLe Syndicat soutient que la créance de VEOLIA est prescrite pour la période antérieure au 9 avril 2019, car des anomalies avaient été signalées dès 2013 sans que VEOLIA n’effectue de contrôle. Il accuse également VEOLIA d’avoir interverti les compteurs et d’avoir facturé une consommation erronée, causant un préjudice financier. Le Syndicat estime que les dommages et intérêts peuvent être compensés avec la créance non prescrite de VEOLIA. Procédure judiciaireL’acte introductif d’instance a été signifié à VEOLIA, qui n’a pas constitué avocat. En vertu de l’article 472 du Code de Procédure civile, le tribunal a statué sur le fond malgré l’absence du défendeur. L’ordonnance de clôture a été rendue en septembre 2024, et l’affaire a été mise en délibéré pour novembre 2024. Décision du tribunalLe tribunal a d’abord rappelé que les prétentions des parties doivent être clairement énoncées. Il a ensuite examiné la prescription de la créance de VEOLIA, concluant que le Syndicat n’avait pas prouvé avoir alerté VEOLIA sur les anomalies. Concernant la demande de dommages et intérêts, le tribunal a estimé que VEOLIA n’était pas responsable des manquements avant 2020, date à laquelle elle a repris le contrat. Conclusion de la décisionLe tribunal a rejeté la demande de prescription de la créance de VEOLIA, ainsi que les demandes de dommages et intérêts et de compensation du Syndicat. Il a condamné le Syndicat aux dépens et a rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU : 15 Novembre 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/02649 – N° Portalis DB3T-W-B7I-VBDX
AFFAIRE : SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 3] – [Localité 5] C/ S.C.A. VEOLIA EAU
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL
3ème Chambre
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : M. LUCCHINI, Juge
Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.
Avec la collaboration de Mme [G], Juriste Assistante qui n’a pas participé au délibéré
GREFFIER : Mme REA
PARTIES :
DEMANDEUR
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 3] – [Localité 5], représenté par son syndic le Cabinet RMV GESTION, S, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 6],
représenté par Me Sophie BILSKI CERVIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R093
DEFENDERESSE
S.C.A. VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 4]
non représentée
Clôture prononcée le : 19 septembre 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 15 novembre 2024
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 15 novembre 2024.
Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] a conclu en 2013 avec la LYONNAISE DES EAUX un contrat de distribution de l’eau pour la copropriété pour le compteur référencé C12LA081252. Les factures adressées au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] comportaient la référence d’un autre compteur C10EV001710.
La société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, prenant la suite de la LYONNAISE DES EAUX, a réalisé un relevé manuel du compteur en 2021. À la suite de ce relevé, la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a adressé au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] un facture de régularisation d’un montant de 62 553,41 euros le 14 septembre 2021.
Un procès-verbal de constat d’huissier a été réalisé le 16 novembre 2021 et a établi que le compteur C12LA081252 est le compteur qui alimente la copropriété en eau.
Le 9 janvier 2023, la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a adressé au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] une nouvelle facture de régularisation pour un montant de 66 005,43 euros. Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] s’est opposé à cette facture et a saisi le médiateur de l’eau, lequel a rendu son avis le 23 mars 2023.
Suivant assignation délivrée le 18 avril 2024, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] a attrait VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX devant le tribunal judiciaire de Créteil en paiement de dommages et intérêts du fait de la mauvaise exécution des prestations.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans son exploit introductif d’instance, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] demande à la juridiction :
« JUGER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] recevable et bien-fondé en ses demandes ;
En conséquence :
JUGER la créance de la société VEOLIA prescrite pour l’ensemble de la période antérieure au 5 avril 2019 ;
CONDAMNER la société VEOLIA à verser au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] une somme de 66 005,49 euros à titre de dommages et intérêts ;
ORDONNER la compensation entre les créances du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] et de la société VEOLIA l’un à l’égard de l’autre ;
CONDAMNER la société VEOLIA à verser au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] une somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile;
CONDAMNER la société VEOLIA aux entiers dépens de l’instance. »
Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] soutient que :
la créance pour la période antérieure au 9 avril 2019 dont la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX demande le paiement est en réalité prescrite puisque les premières anomalies ont été signalées par le Syndic de copropriété dès 2013 alors que la défenderesse n’a procédé à aucun contrôle de la consommation réelle du compteur pendant une dizaine d’années ;
la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a commis une faute en intervertissant les deux compteurs d’eau et en facturant une consommation d’eau ne correspondant pas au compteur de la copropriété, le compteur C12LA081252, et qu’en sa qualité de professionnelle de la distribution de l’eau, elle aurait dû relever cette anomalie, qui lui a été signalée par le syndic de copropriété.
Que cette faute a causé au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] un préjudice financier du fait de la facturation rectificative adressée par la défenderesse en raison de la surconsommation constatée sur le compteur de la copropriété portant le numéro C12LA081252 ;
que les dommages et intérêts exigés à l’encontre de la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX peuvent être compensés avec la créance non prescrite exigés par cette dernière à l’égard de la copropriété.
L’acte introductif d’instance a été signifié au défendeur suivant les modalités de l’article 656 du code civil. VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX n’a pas constitué avocat à la date du premier appel de l’affaire devant le juge de la mise en état. La représentation par avocat étant obligatoire devant le tribunal judiciaire, il sera ainsi statué par jugement réputé contradictoire en application de l’article 472 du code de Procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures déposées, en application de l’article 455 du Code de Procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2024, l’affaire a été immédiatement mise en délibéré au 15 novembre 2024.
A titre liminaire, sur la détermination des prétentions des parties
La juridiction rappelle qu’en application des dispositions de l’article 768 du code de Procédure civile « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert-hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, le tribunal ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur l’absence du défendeur
Il convient de faire application de l’article 472 du Code de Procédure civile, en vertu duquel « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.
Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».
Sur les demandes principales
Sur la prescription d’une partie de la créance,
En vertu de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les Faits lui permettant de l’exercer. La charge de la preuve du point de départ du délai de prescription incombe à la partie qui invoque cette fin de non-recevoir.
En l’espèce, au regard des pièces produites aux débats, il apparaît que le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] a conclu un contrat d’abonnement pour la distribution d’eau courante auprès du délégataire du Service de l’Eau de [Localité 5], la société SUEZ-LYONNAISE DES EAUX. Il est de même établi que plusieurs factures émises sur la base d’une estimation de la consommation lui ont été adressées afin de solliciter le paiement de sommes dues au titre de consommations entre le mois de novembre 2012 et le mois de février 2020. À partir de l’année 2020, le service de distribution de l’eau a été confié à la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX.
Au soutien de sa demande de voir la créance pour la période antérieure au 9 avril 2019 de la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX déclarée prescrite, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] affirme que le fournisseur d’eau avait été informé d’une anomalie depuis 2013, lorsque les factures émises ont fait apparaître un numéro de compteur erroné. Toutefois, elle n’apporte pas la preuve qu’elle a bien alerté la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, ou la société SUEZ, qui était le gestionnaire du service d’eau jusqu’à la reprise du contrat par VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à partir de l’année 2020, sur les anomalies dans la facturation de la consommation d’eau. En outre, la facture de régularisation du 9 juillet 2023 prend en compte la consommation à compter du mois de septembre 2020.
Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de déclarer la créance de VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX prescrite.
Sur la demande de dommages et intérêts,
Selon l’ancien article 1147 du code civil, alors applicable, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En l’espèce, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] reproche à la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de n’avoir procédé à aucun relevé du compteur d’eau depuis la conclusion du contrat de distribution d’eau pour la copropriété, lequel a été conclu en 2013. Cependant, l’absence de relevé ne saurait être imputable depuis cette date à VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX dès lors qu’elle n’a repris le contrat qu’à compter de l’année 2020. Par ailleurs, VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a fait réaliser dès le 16 novembre 2021 un constat identifiant l’inversion erronée des numéros de compteur et a annulé les factures basées sur l’estimation de la consommation d’eau erronée par cinq avoirs en date du 10 janvier 2023, comme le constate le médiateur de l’eau dans son avis du 23 mars 2023.
La défenderesse ayant effectué des diligences peu de temps après la reprise du contrat de gestion afin de rectifier les estimations sous-évaluées par l’ancien gestionnaire en raison notamment de l’interversion des compteurs, aucune faute ne saurait être imputable à la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX.
Dans ces circonstances, en l’absence de faute dans l’exécution du contrat de distribution d’eau imputable à VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, il y a lieu de débouter le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] de sa demande d’indemnisation.
Sur la demande de compensation,
Selon l’article 1347 du code civil, la compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes.
Elle s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
En l’espèce, la demande indemnitaire du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] ayant été rejetée, la demande de compensation des créances est sans objet.
Dans ces circonstances, il y a lieu de débouter le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] de sa demande de compensation.
Sur les autres mesures
En application de l’article 696 du Code de Procédure civile, il convient de condamner le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] aux entiers dépens.
Il n’y a pas lieu, en l’espèce de faire application de l’article 700 du code de Procédure civile.
Il convient enfin de rappeler que l’exécution provisoire est de droit, conformément à l’article 514 du Code de Procédure civile.
Le Tribunal, statuant par décision réputée contradictoire mise à disposition des parties par le greffe et en premier ressort,
DIT n’y avoir lieu de déclarer la créance de VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX prescrite ;
DÉBOUTE le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] de sa demande indemnitaire ;
DÉBOUTE le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] de sa demande compensatoire ;
CONDAMNE le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] – [Localité 5] aux entiers dépens ;
DIT n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Fait à CRÉTEIL, l’an DEUX MIL VINGT QUATRE ET LE QUINZE NOVEMBRE
Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier présents lors du prononcé.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT