Inopposabilité de la décision de prise en charge d’un accident du travail en raison de la violation du principe du contradictoire et de la forclusion non justifiée

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Inopposabilité de la décision de prise en charge d’un accident du travail en raison de la violation du principe du contradictoire et de la forclusion non justifiée

Circonstances de l’Affaire

La SAS [5] a contesté la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne concernant la prise en charge d’un accident de travail survenu le 20 avril 2017, impliquant M. [H] [J].

Jugement du Tribunal

Le tribunal a rendu un jugement le 17 décembre 2018, déclarant recevable la note en délibéré de la SAS [5] mais irrecevable son recours pour forclusion, estimant que la société avait été informée de la décision de rejet dans les délais impartis.

Notification et Appel

Le jugement a été notifié à la SAS [5] le 20 mars 2019, qui a interjeté appel le 10 avril 2019, demandant l’infirmation du jugement et la déclaration de la décision de prise en charge inopposable.

Arguments de la SAS [5]

La SAS [5] a soutenu que le délai de saisine ne pouvait lui être opposé, car l’accusé de réception n’avait pas été envoyé à la bonne adresse. Elle a également contesté la régularité de la notification de l’accusé de réception, arguant qu’elle n’avait pas été informée des délais et voies de recours.

Réponse de la Cour

La Cour a constaté que la caisse n’avait pas produit l’accusé de réception du recours, ce qui a conduit à l’infirmation du jugement initial. Elle a jugé que la forclusion ne pouvait pas être opposée à la SAS [5] en l’absence de preuve de la régularité de la notification.

Opposabilité de la Décision de Prise en Charge

La SAS [5] a également fait valoir que la caisse n’avait pas respecté le principe du contradictoire lors de l’instruction de la demande de prise en charge, n’ayant pas interrogé l’employeur comme requis par la loi.

Conclusion de la Cour

La Cour a conclu que la décision de prise en charge de l’accident du travail devait être déclarée inopposable à la SAS [5], en raison du non-respect des Procédures d’instruction par la caisse. La Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne a été condamnée aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
19/04529
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 15 Novembre 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/04529 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7XHS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 18-00327

APPELANTE

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Mme [P] [I] en vertu d’un pouvoir spécial

INTIMEE

CPAM 77 – SEINE ET MARNE

Service Contentieux

[Localité 4]

représenté par Me Rachel LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substitué par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M Raoul CARBONARO, président de chambre

Mme Sohie COUPET, conseillère

M Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de Procédure civile.

-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la SAS [5] (la société) d’un jugement rendu le 17 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l’opposant à la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne (la caisse).

Faits, Procédure, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la SAS [5] a formé un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne de sa contestation relative à la prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de l’accident dont aurait été victime M. [H] [J] (l’assuré) le 20 avril 2017.

Par jugement en date du 17 décembre 2018, le tribunal :

déclare recevable la note en délibéré adressée à la représentante de la SAS [5] et reçue au secrétariat greffe le 18 octobre 2018 ;

déclare la SAS [5] irrecevable en son recours pour forclusion.

Le tribunal a retenu que la caisse avait accusé réception du recours de la société par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception reçue le 7 août 2017. Il a retenu que l’adresse était identique à celle figurant sur l’ensemble des correspondances relatives à l’accident du travail litigieux qui n’avait signalé aucun changement d’adresse. Il a précisé que cette correspondance mentionnait un numéro de téléphone dédié aux employeurs ainsi que les modalités de recours et que les dispositions de l’article R. 112-5 du code des relations entre le public et l’administration n’imposait pas que l’accusé de réception du recours mentionne l’adresse de la juridiction compétente pour connaître le litige. Dès lors, la société avait jusqu’au 2 novembre 2017 pour saisir le tribunal de son recours. En agissant le 19 janvier 2018, elle était forclose.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 20 mars 2019 à la S.A.S. [5] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception adressée le 10 avril 2019.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la SAS [5] demande à la cour de :

la recevoir en son appel et l’en déclarer bien fondée ;

infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 17 décembre 2018 en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

déclarer inopposable à l’égard de l’employeur la décision de prise en charge de l’accident déclaré par M. [H] [J] ;

débouter la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la SAS [5].

La Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne s’en rapporte à l’audience.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens de la SAS [5], la cour renvoie à ses conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 9 septembre 2024 qu’elle a soutenues oralement.

SUR CE

– sur la forclusion :

Moyens des parties :

La SAS [5] expose que le délai de saisine ne peut être valablement opposé à l’appelante dans la mesure où l’accusé de réception n’a pas été adressé au bon destinataire, à savoir celui à l’initiative du recours introduit auprès de ladite Commission ; qu’en effet, le recours a été initié par Mme [V] [L], représentant le service juridique de la société ; que l’adresse de l’auteur de la saisine était la suivante : Service Juridique, [Adresse 2] ; que cette adresse figurait très clairement sur la saisine de la Commission ainsi que sur le recommandé « avis de réception » ; que la caisse a adressé l’accusé de réception à une autre adresse ; qu’il serait illégitime de sanctionner l’appelante au motif d’une quelconque forclusion alors même qu’elle n’ a jamais été destinataire « direct » de l’accusé de réception indiquant les délais et voies de recours ainsi que la date à laquelle a commencé à courir le délai de forclusion ; que le courrier versé aux débats par la caisse n’est, en tout état de cause, pas régulier au sens de l’article R. 112-5 du code des relations entre le public et l’administration ; qu’il ne mentionne ni l’adresse du Tribunal compétent, ni le numéro de téléphone du service en charge du dossier de l’assuré.

Réponse de la Cour :

Il résulte de la déclaration d’accident du travail que l’agence qui a déclaré le sinistre avait comme adresse le [Adresse 1]. La notification de la prise en charge a été adressée à cette adresse et si la société a écrit pour former un recours devant la commission de recours amiable le 26 juillet 2017, elle n’a jamais précisé qu’elle souhaitait que l’ensemble des courriers lui soit adressé à son siège social. Dès lors, aucun grief ne saurait être tiré du fait que la société a reçu le courrier de la caisse au siège de la succursale.

L »article R. 112-5 du Code des relations entre le public et l’administration énonce cependant que :

‘ L’accusé de réception prévu par l’article L. 112-3 comporte les mentions suivantes :

‘ 1 La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d’une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ;

‘ 2 La désignation, l’adresse postale et, le cas échéant, électronique, ainsi que le numéro de téléphone du service chargé du dossier ;

‘ 3 Le cas échéant, les informations mentionnées à l’article L. 114-5, dans les conditions prévues par cet article.

‘ Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d’acceptation. Dans le premier cas, l’accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l’encontre de la décision. Dans le second cas, il mentionne la possibilité offerte au demandeur de se voir délivrer l’attestation prévue à l’article L. 232-3. ‘

En l’espèce, la caisse ne produit pas l’accusé de réception de la caisse du recours devant la commission de recours amiable de telle sorte que la notification d’une possibilité de décision implicite ainsi que du tribunal compétent pour connaître du recours sur la décision de rejet n’est pas démontrée.

La caisse ne saurait donc opposer la forclusion faute de pièce justifiant de la régularité de la notification de l’accusé de réception du recours.

Le jugement déféré sera donc infirmé.

– sur l’opposabilité de la décision de prise en charge :

Moyens des parties :

La SAS [5] expose que la caisse n’a effectivement pas pris en charge d’emblée le sinistre du 20 avril 2017 comme en atteste le courrier de clôture envoyé à l’employeur ; que ceci prouve donc que la caisse a bien mené une enquête qui devait dès lors, selon la loi et la jurisprudence, se soumettre au strict respect du principe du contradictoire ; qu’elle n’a pas été interrogée comme l’oblige l’article R. 441-11 précité que ce soit de voix vive ou par le biais d’un questionnaire ; que l’envoi de questionnaires par la caisse à chacune des parties est une condition sine qua none au bon respect du principe du contradictoire qui doit guider toute l’instruction.

Réponse de la Cour :

Selon les dispositions de l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009,

« I. ‘ La déclaration d’accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l’employeur.

Lorsque la déclaration de l’accident en application du deuxième alinéa de l’article L. 441-2 n’émane pas de l’employeur, la victime adresse à la caisse la déclaration de l’accident. Un double est envoyé par la caisse à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L’employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

En cas de rechute d’un accident du travail, le double de la demande de reconnaissance de la rechute de l’accident du travail déposé par la victime est envoyé par la caisse primaire à l’employeur qui a déclaré l’accident dont la rechute est la conséquence par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L’employeur peut alors émettre des réserves motivées.

II. ‘ La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L’employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

III. ‘ En cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ».

En l’espèce, le 8 juin 2017, la caisse a notifié la prise en charge de l’accident déclaré en mentionnant : « Je vous informe que les éléments en ma possession ne permettent de reconnaître le caractère professionnel du sinistre survenu à votre salariée cité en référence.

En effet, vous avez été informés du fait d’une instruction contradictoire avez été menés par questionnaires et/ou enquête. Les éléments recueillis permettent d’établir que l’accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail conformément aux conditions posées par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ».

Il résulte de ce document, que la caisse ne dément pas ou n’impute pas à une quelconque erreur matérielle, qu’une instruction a été diligentée au visa des articles R. 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale, imposant l’envoi d’un questionnaire au salarié et à l’employeur ainsi que la notification d’une lettre de clôture de fin d’instruction permettant d’accéder au dossier et, à l’employeur dans un délai de 10 jours francs, de formuler ses observations.

En l’espèce faute de démontrer avoir respecté la Procédure, alors qu’une instruction était ouverte selon ses propres termes, la caisse a violé les dispositions précitées.

Il en résulte que la décision de prise en charge de l’accident du travail dont a été victime M. [H] [J] le 20 avril 2017 doit être déclarée inopposable à la société.

La Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de la SAS [5] ;

INFIRME le jugement rendu le 17 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ;

STATUANT À NOUVEAU :

DÉCLARE recevable le recours de la SAS [5] ;

DÉCLARE inopposable à la SAS [5] la décision de la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne en date du 8 juin 2017 de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident dont a été victime le 20 avril 2017 M. [H] [J] ;

CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne aux dépens.

La greffière Le président


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