Reconnaissance de l’accident du travail et ses implications sur l’imputabilité des soins et arrêts de travail

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Reconnaissance de l’accident du travail et ses implications sur l’imputabilité des soins et arrêts de travail

Contexte de l’accident

Le 1er février 2020, la société a déclaré un accident du travail impliquant sa salariée, Mme [W], hôtesse de caisse, survenu le 30 janvier 2020. Mme [W] a ressenti une douleur à la main gauche alors qu’elle encaissait des articles. Un certificat médical initial, daté du 31 janvier 2020, a confirmé une « tendinite poignet G ».

Décision de prise en charge

Le 17 février 2020, la caisse primaire d’assurance maladie a notifié la prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels. La société a contesté cette décision, ce qui a conduit à un recours devant le tribunal judiciaire du Havre.

Jugement du tribunal

Le 26 juillet 2022, le tribunal a rejeté le recours de la société, confirmant la prise en charge de l’accident et des soins prescrits à Mme [W] jusqu’à la consolidation de son état. La société a été condamnée aux dépens.

Appel de la société

Le 24 août 2022, la société a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement. Elle a soutenu qu’il n’existait pas de preuves suffisantes d’un événement traumatique et a contesté l’opposabilité de la décision de prise en charge.

Arguments de la caisse

La caisse a demandé la confirmation du jugement, affirmant que la présomption d’imputabilité s’appliquait et que la question de l’imputabilité des soins devait être examinée par un expert si nécessaire.

Matérialité de l’accident

La cour a rappelé que la caisse devait prouver la matérialité de l’accident. Elle a constaté que les premiers juges avaient correctement écarté les arguments de la société, confirmant que l’accident s’était produit dans le cadre du travail.

Respect du contradictoire

La société a allégué que la caisse n’avait pas respecté les Procédures d’instruction. La cour a jugé que la caisse n’était pas tenue d’engager des investigations supplémentaires, car la déclaration d’accident n’avait pas été contestée par l’employeur.

Imputabilité des arrêts et soins

La cour a précisé que la présomption d’imputabilité s’appliquait tant que l’arrêt de travail était prescrit. La société devait prouver l’absence de lien de causalité entre les lésions et l’accident, ce qu’elle n’a pas fait.

Condamnation aux dépens

En tant que partie perdante, la société a été condamnée aux dépens d’appel. La cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire du Havre, statuant en dernier ressort.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Rouen
RG
22/02857
N° RG 22/02857 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JFE5

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 15 NOVEMBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/00274

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 26 Juillet 2022

APPELANTE :

S.A.S. [4]

[Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [Localité 5]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 26 Septembre 2024 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 26 septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 15 Novembre 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 1er février 2020, la société [4] (la société) a établi une déclaration d’accident du travail aux termes de laquelle sa salariée, Mme [W], hôtesse de caisse, a été victime d’un accident du travail le 30 janvier 2020 dans les circonstances suivantes : « La personne encaissait des articles quand soudain elle a ressenti une douleur à la main gauche ».

A l’appui de cette déclaration, était joint un certificat médical initial établi le 31 janvier 2020 faisant état d’une « tendinite poignet G ».

Le 17 février 2020, la caisse primaire d’assurance maladie [Localité 5] (la caisse) a notifié à l’assurée et à la société sa décision de prise en charge de l’accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels.

En sa séance du 7 décembre 2020, la commission de recours amiable a rejeté le recours de la société, laquelle a poursuivi sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire du Havre.

Par jugement du 26 juillet 2022, ce tribunal a :

– rejeté le recours formé par la société,

– dit opposables à la société les décisions de prise en charge de l’accident du travail survenu au préjudice de Mme [W] le 30 janvier 2020 et des arrêts et soins prescrits à cette dernière jusqu’à la date de consolidation de son état de santé,

– condamné la société aux dépens.

Le 24 août 2022, la société en a relevé appel et par conclusions remises le 24 avril 2024, soutenues oralement, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré,

A titre principal :

– juger qu’il n’existe aucun faisceau d’indices graves et concordants justifiant la survenance d’un prétendu fait traumatique au temps et au lieu de travail,

– juger inopposable à la société la décision de prise en charge de l’accident de Mme [W],

A titre subsidiaire :

– juger que la caisse ne démontre aucunement la continuité des symptômes et des soins prescrits et pris en charge à la suite de l’accident du 30 janvier 2020,

– juger que dès lors la présomption d’imputabilité ne saurait s’appliquer dès lors que le défaut de continuité des soins et symptômes est démontré,

– juger que l’ensemble des prestations, soins et arrêts de travail prescrits au titre de l’accident allégué doit être déclaré inopposable.

Par conclusions remises le 20 septembre 2024, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :

A titre principal, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire :

confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré opposable à la société la décision de prise en charge de l’accident du travail dont a été victime Mme [W], au titre de la législation sur les risques professionnels,

concernant l’imputabilité des arrêts et soins prescrits, si la cour devait estimer qu’il subsiste un litige médical, la question posée à l’expert ne pourrait qu’être la suivante : « dire si les arrêts de travail et soins prescrits à Mme [W] jusqu’à la date de consolidation fixée au 10 septembre 2021 ont pour origine une cause totalement étrangère à l’accident du travail survenu le 30 janvier 2020 ».

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la matérialité de l’accident du travail

Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle ou psychologique, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.

Il appartient à la caisse d’établir la matérialité d’un accident survenu au temps et au lieu de travail.

La cour constate que l’appelante réitère en cause d’appel son opposition à la prise en charge de l’accident du travail déclaré en faisant valoir qu’il n’est justifié d’aucun événement traumatique soudain, que la salariée n’a avisé que tardivement son employeur de l’accident allégué et qu’il n’y avait pas de témoin.

La cour constate que les premiers juges ont, par des motifs exacts et pertinents qu’elle adopte, justement écarté ces différents éléments.

En effet, les premiers juges ont pertinemment relevé que la déclaration d’accident du travail faisait état d’un fait soudain survenu aux temps et lieu de travail, que le certificat médical initial portait l’indication d’une tendinite du poignet gauche, lésion cohérente avec les termes de la déclaration du sinistre, que la lésion en cause n’obligeait pas à une consultation en urgence et que la salariée pouvait penser que les douleurs s’estomperaient avec du repos et une automédication, que cette dernière a pu vouloir terminer sa journée de travail, que la présence d’un témoin n’est pas une condition indispensable à la reconnaissance d’un accident du travail et qu’il n’est pas démontré que la lésion constatée résulterait d’une cause totalement étrangère au travail.

Au surplus, la cour relève que l’accident déclaré s’est produit le 30 septembre 2020 à 17 h et que l’employeur en a eu connaissance le lendemain à 9h30, de sorte qu’il ne peut soutenir qu’il a été tardivement informé dudit accident.

Par conséquent, c’est à raison que les premiers juges ont considéré que ces éléments étaient suffisants pour établir la matérialité d’un accident du travail survenu à Mme [W], la décision déférée est confirmée sur ce chef.

Sur le respect du contradictoire

L’appelante fait valoir que la caisse « n’a pas respecté les dispositions de l’article R.441-11 et suivants du code de la sécurité sociale » en prenant en charge d’emblée l’accident déclaré sans procéder à une instruction et, partant, « sans l’informer de la fin de la Procédure d’instruction et des éléments susceptibles de lui faire grief ».

Il est constant que la déclaration d’accident du travail n’a fait l’objet d’aucune réserve de la part de l’employeur concernant le caractère professionnel de l’accident, de sorte qu’en application de l’article R.441-7 du même code, la caisse ne devait engager des investigations que « si elle l’estime nécessaire ». Dans le cas considéré, la caisse n’avait donc aucune obligation de diligenter une enquête et, partant, de respecter les dispositions prévues à l’article R. 441-8 du même code.

Aussi, ce moyen a été justement écarté par les premiers juges dont la décision est également confirmée sur ce point.

Sur l’imputabilité des arrêts et soins

La cour rappelle que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail s’étend à toute la durée d’incapacité précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l’état de la victime dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail. Il appartient donc à l’employeur qui entend renverser cette présomption d’imputabilité d’apporter la preuve que les lésions ayant donné lieu aux prescriptions d’arrêt de travail qu’il conteste, sont dues à une cause totalement étrangère au travail.

En l’espèce, il convient de relever que le certificat médical initial du 31 janvier 2020 a prescrit un arrêt de travail à Mme [W], si bien que la présomption d’imputabilité doit s’appliquer jusqu’au 10 septembre 2021, date de la consolidation, sans que la caisse ait à justifier de la continuité des soins et des arrêts de travail comme le soutient à tort la société intimée.

Dès lors, si cette dernière entend contester l’imputabilité des arrêts de travail prescrits à sa salariée, il lui appartient de démontrer l’absence de lien de causalité entre les lésions décrites dans les arrêts de travail contestés et celles résultant de l’accident du travail.

Or, elle n’allègue, ni ne justifie de l’existence d’une cause étrangère, si bien que les premiers juges ont justement dit que les arrêts et soins prescrits à Mme [W] jusqu’à la date de consolidation, étaient opposables à la société.

La décision déférée est encore confirmée sur ce chef.

Sur les dépens

En qualité de partie succombante, l’appelante est condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire du Havre du 26 juillet 2022,

Y ajoutant,

Condamne la société [4] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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