Validité des actions en recouvrement : enjeux de la forclusion dans les contrats de crédit

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Validité des actions en recouvrement : enjeux de la forclusion dans les contrats de crédit

Souscription du Crédit

Monsieur [K] [T] a souscrit un crédit de 28.000 euros auprès de la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES (CEPARH) le 5 septembre 2017, avec un taux d’intérêt de 5,90 % par an, remboursable sur 84 mois.

Défaillance et Mise en Demeure

La société CEPARH a constaté une défaillance de l’emprunteur concernant le paiement des échéances et a mis en demeure Monsieur [T] avant de prononcer la déchéance du terme le 22 octobre 2020.

Action en Justice

En l’absence de règlement, la CEPARH a cité Monsieur [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion le 2 juillet 2021, demandant le paiement de 24.363,26 euros, plus intérêts.

Jugement du Tribunal

Le 4 septembre 2023, le tribunal a déclaré l’action en paiement de la CEPARH irrecevable en raison de la forclusion, a débouté la société de sa demande d’indemnité et l’a condamnée aux dépens.

Appel de la Décision

La CEPARH a interjeté appel du jugement le 26 octobre 2023 et a déposé ses conclusions d’appel le 25 janvier 2024, signifiant la déclaration d’appel à Monsieur [T] le 21 février 2024.

Arguments de la CEPARH

Dans ses conclusions, la CEPARH conteste la décision de forclusion, soutenant que le premier incident de paiement non régularisé était le 4 juillet 2019, et non le 4 avril 2019, ce qui aurait permis à son action d’être recevable.

Analyse de la Cour

La cour a examiné les éléments de preuve et a confirmé que le premier incident de paiement non régularisé était bien antérieur à la date de l’assignation, ce qui a conduit à la confirmation de la forclusion de l’action en paiement.

Décision Finale

La cour a confirmé le jugement initial en toutes ses dispositions et a condamné la société CEPARH aux dépens, rendant ainsi une décision publique et définitive.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG
23/01501
Arrêt N°2024/411

PC

N° RG 23/01501 – N° Portalis DBWB-V-B7H-F67A

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES

C/

[T]

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2024

Chambre civile TGI

Appel d’une décision rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SAINT PIERRE REUNION en date du 04 SEPTEMBRE 2023 suivant déclaration d’appel en date du 26 OCTOBRE 2023 rg n° 23/00088

APPELANTE :

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Sophie MARGAIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [K] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

CLÔTURE LE : 23 mai 2024

DÉBATS : en application des dispositions de l’article 799 alinéa 3 du code de Procédure civile, le conseiller de la mise en état, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 06 Septembre 2024.

Le président a avisé les parties que l’affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la Cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, conseillère

Conseiller : Mme Sophie PIEDAGNEL, conseillère

qui en ont délibéré,

et que l’arrêt serait rendu le 15 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 15 Novembre 2024.

Greffier : Madame Sarah HAFEJEE, Greffier.

LA COUR

Par offre de crédit acceptée le 05/09/2017, Monsieur [K] [T] a souscrit auprès de la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES (la CEPARH), un crédit d’un montant de 28.000 euros au taux d’intérêts contractuel de 5,90 % l’an (TAEG : 6 ,35 % l’an) remboursable sur 84 mois.

Alléguant la défaillance de l’emprunteur dans le respect de ses obligations de paiement des échéances du prêt, la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES l’a mis en demeure et a prononcé la déchéance du terme en date du 22 octobre 2020.

Puis, à défaut de règlement, la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES a fait citer Monsieur [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal Judiciaire de Saint Pierre de la Réunion par acte en date du 2 juillet 2021, aux fins de le voir condamné au paiement de la somme restant due au titre du crédit, à savoir la somme de 24.363,26 euros, outre intérêts au taux contractuel.

Par jugement réputé contradictoire en date du 4 septembre 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion a statué en ces termes :

« Déclare irrecevable l’action en paiement de la SA CAISSE D’EPARGNE RHONES ALPES prise en la personne de son représentant légal en raison de la forclusion,

Déboute la SA CAISSE D’EPARGNE RHONES ALPES, prise en la personne de son représentant légal de sa demande fondée sur l’article 700 du code de Procédure civile,

Condamne la SA CAISSE D’EPARGNE RHONES ALPES, prise en la personne de son représentant légal aux dépens,

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit. »

Par déclaration au greffe de la cour du 26 octobre 2023, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES (la CEPARH) a interjeté appel du jugement précité.

Elle a déposé ses premières conclusions d’appelante le 25 janvier 2024, signifiant la déclaration d’appel et ces conclusions à Monsieur [K] [T] le 21 février 2024 selon les modalités prévues par l’article 659 du code de Procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 23 mai 2024.

*

Aux termes de ses uniques conclusions, la CEPARH demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action en paiement de la SA CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal en raison de la forclusion ; En ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal formées à l’encontre de Monsieur [K] [T], en ce compris sa demande visant à dire et juger que la déchéance du terme est acquise, à défaut prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt, sa demande en paiement de la somme de 24 363,26 €, majorée des intérêts au taux contractuel de 5,90 % l’an à compter du 13 octobre 2020 jusqu’au jour du parfait paiement, sa demande de capitalisation des intérêts, En ce qu’il a débouté la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES de sa demande en paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu’au titre des dépens ; En ce qu’il a condamné la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que l’action formée par la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES à l’encontre de Monsieur [K] [T] n’est pas forclose ; En conséquence, DECLARER recevable l’action formée par la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES à l’encontre de Monsieur [K] [T] ;

DIRE ET JUGER que la demande la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES est bien fondée ;

En conséquence, et en tout état de cause, CONDAMNER Monsieur [K] [T] à payer à la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES la somme de 24.363,26 € outre intérêts au taux contractuel de 5,90 % l’an à compter du 22/10/2020 au titre de sa créance au titre du contrat de crédit accepté le 05/09/2017 ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts à compter de la date de signification de l’assignation conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code civil ;

CONDAMNER Monsieur [K] [T] à payer à la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

Le CONDAMNER aux entiers dépens en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure civile. »

*

Monsieur [T] n’a pas constitué avocat.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la Procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de Procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de Procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » lorsqu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Vu les articles 472 et 954 du code de Procédure civile ;

Sur la forclusion de la demande en paiement au titre du prêt impayé :

Pour déclarer l’action de la banque forclose, le premier juge a considéré que la date du premier incident de paiement non régularisé devait être fixée au 4 avril 2019.

L’appelante fait valoir que le premier juge a opéré une erreur dans le calcul du premier incident de paiement non régularisé. En prenant en compte dans le calcul les règlements effectifs, le premier incident de paiement non régularisé est fixé au 04/07/2019 et non au 04/04/2019, de sorte que l’action de l’exposante n’est pas forclose au vu de l’assignation signifiée en date du 02/07/2021. (Cf. Pièces n° s 3, 7 et 10) Selon elle, la règle de l’imputation sur les échéances les plus anciennement impayées était expressément rappelée aux termes des conditions générales de l’offre contractée par Monsieur [T], qui stipulent : (Pièce n° 1) « IV-8. IMPUTATION DES REGLEMENTS : tout règlement des emprunteurs sera imputé par priorité au paiement des échéances échues impayées, s’il en existe, en commençant par l’échéance la plus ancienne ».

L’analyse de l’historique de compte fait ressortir que le premier incident de paiement non régularisé est fixé au 04/07/2019. L’assignation ayant été signifiée en date du 02/07/2021 l’a bien été dans le délai de deux ans imparti.

Sur ce,

Aux termes de l’article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant [le tribunal judiciaire] à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :

-le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

-ou le premier incident de paiement non régularisé ;

-ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;

-ou le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 312-93.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 733-1 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 733-7.

En l’espèce, le contrat de crédit est un crédit de regroupement de crédits.

Selon le courrier de mise en demeure daté du 1er octobre 2020 (Pièce n° 4), Monsieur [T] devait à cette date la somme de 4.055,42 euros, correspondant aux échéances impayées majorées des indemnités légales sur impayés.

Par courrier daté du 13 octobre 2020, la banque a informé Monsieur [T] de la déchéance du terme.

Le décompte des sommes dues au 14 juin 2021 (Pièce n° 6) mentionne un montant échu de 12.526,10 euros, des règlements effectués pour 8.880,40 euros et un solde impayé de 3.845,70 euros.

Compte tenu du montant des mensualités, de 427,30 euros, hormis la première de 456,34 euros, il y avait au moins huit échéances impayées pour atteindre le solde de 3.845,70 euros, à la date du 14 juin 2021. Le capital restant dû de ce décompte s’élève à la somme de 20.517,56 euros, correspondant sur le tableau d’amortissement à la 26ème échéance du 4 décembre 2019

Mais le décompte de la créance du 13 octobre 2020, correspondant à la date de la déchéance du terme, mentionne un capital restant dû non échu de 17.714,50 euros, outre un capital restant dû reporté de 2.803,06 euros (Pièce n° 7).

Si la somme de 17.714,50 euros correspond au capital restant dû au 4 septembre 2020 (17.714,48 euros), il convient d’y ajouter le capital restant dû reporté que l’appelante n’explique pas mais permettant de considérer que le capital restant dû total est de 20.517,56 euros, correspondant exactement au décompte du 14 juin 2021.

C’est donc bien à l’échéance du 4 décembre 2019 que le capital restant dû est compté.

Eu égard aux échéances impayées, pour un montant de 4.055,42 euros, il y avait environ neuf échéances impayées avant la déchéance du terme au 4 décembre 2019.

Même avec la règle d’imputation des paiements sur les échéances les plus anciennes, le premier juge a parfaitement retenu que le premier incident de paiement non régularisé remontait au moins au mois d’avril 2019 (même si le décompte pourrait porter ce premier incident non régularisé au mois de mars 2019), soit huit à neuf mois avant la déchéance du terme fixée au 4 décembre 2019 selon le décompte de l’appelante.

Or, contrairement à ce que prétend la CEPARH, elle ne peut se prévaloir d’autres règlements s’imputant sur l’arriéré du prêt à la seule lecture de ses décomptes de créance.

Ainsi, le jugement querellé doit être confirmé en ce qu’il a constaté la forclusion de l’action en paiement de la CEPARH à l’encontre de Monsieur [T].

L’appelante supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision rendue par défaut, en matière civile et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de Procédure civile, 

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société CAISSE D’EPARGNE RHONE ALPES aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par madame Sarah HAFEJEE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

SIGNE


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