Contexte de l’affaireMonsieur [U] [X], agent d’entretien dans un supermarché, a été placé en arrêt maladie ordinaire à partir du 19 avril 2018 en raison de cervicalgies causées par une hernie discale C4-C5. Décision de la CPAMLe 3 septembre 2019, la CPAM a jugé que Monsieur [U] [X] était apte à reprendre une activité professionnelle à compter du 28 septembre 2019, décision que ce dernier a contestée en demandant une expertise médicale. Recours et jugement initialLa Commission de recours amiable de la CPAM a confirmé le 4 septembre 2020 la décision initiale, entraînant la saisine du tribunal judiciaire de Marseille par Monsieur [U] [X] le 19 septembre 2020. Expertise médicaleLe tribunal a ordonné une expertise médicale, dont le rapport a été rendu par le Docteur [K] [R] le 14 décembre 2023, fixant la date de stabilisation de l’état de santé de Monsieur [U] [X] au 6 juin 2020. Demande de Monsieur [U] [X]Lors de l’audience du 4 juin 2024, Monsieur [U] [X] a demandé le versement d’indemnités journalières pour la période du 28 septembre 2019 au 5 juin 2020 et a sollicité l’entérinement du rapport d’expertise. Position de la CPAMLa CPAM a demandé la nullité du rapport d’expertise et a soutenu que la date de reprise d’activité devait rester fixée au 28 septembre 2019, tout en contestant la validité des prolongations d’arrêts de travail. Analyse du rapport d’expertiseLe rapport du Docteur [K] [R] a été jugé clair et précis, concluant que l’état de santé de Monsieur [U] [X] ne lui permettait pas de reprendre une activité professionnelle avant le 6 juin 2020. Décision du tribunalLe tribunal a fait droit au recours de Monsieur [U] [X], fixant la date de reprise d’activité au 6 juin 2020 et ordonnant le versement des indemnités journalières, tout en déboutant la CPAM de ses demandes. Conséquences financièresLes dépens de l’instance ont été laissés à la charge de la CPAM, partie perdante, conformément aux dispositions légales en vigueur. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
JUGEMENT N°24/04247 du 31 Octobre 2024
Numéro de recours: N° RG 20/02373 – N° Portalis DBW3-W-B7E-X5XY
AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [U] [X]
né le 21 Décembre 1963 à [Localité 5] (ALGÉRIE)
[Adresse 4]
[Localité 1]
comparant en personne
c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
représentée par Mme [F] [H] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier
DÉBATS : À l’audience publique du 04 Juin 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : DEPARIS Eric, Vice-Président
Assesseurs : JAUBERT Caroline
MURRU Jean-Philippe
Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 31 Octobre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
Monsieur [U] [X], agent d’entretien dans un supermarché, a été placé en arrêt maladie ordinaire à compter du 19 avril 2018 pour cervicalgies sur hernie discale C4-C5.
Par courrier du 3 septembre 2019, le service médical de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après CPAM) a considéré que Monsieur [U] [X] était apte à reprendre une activité professionnelle quelconque à compter du 28 septembre 2019.
Monsieur [U] [X] a contesté cette décision et sollicité la désignation d’un expert afin de dire si le repos était médicalement justifié au-delà du 28 septembre 2019.
Par décision du 4 septembre 2020, la Commission de recours amiable de la CPAM a confirmé les conclusions de l’expert et rejeté le recours introduit par Monsieur [U] [X].
Par courrier recommandé avec accusé de réception expédié le 19 septembre 2020, Monsieur [U] [X] a saisi pôle social du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de contester la décision explicite de rejet de la Commission de recours amiable confirmant la date de reprise d’une activité professionnelle quelconque au 28 septembre 2019.
Par jugement avant-dire droit du 7 juillet 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
– Déclaré recevable le recours formé par Monsieur [X] [U] à l’encontre de la Caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône ;
– Ordonné la mise en œuvre par la Caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône d’une expertise médicale prévue par l’article L141-1 du Code de la sécurité sociale avec pour mission donnée à l’expert de :
– Déterminer si oui ou non, à la date du 28 septembre 2019, l’état de santé de Monsieur [X] [U] lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque ;
– Dans la négative, dire à quelle date cet état de santé lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque ;
– Réserve toute autre demande.
Le Docteur [K] [R], expert psychiatre, a rendu son rapport le 14 décembre 2023 par lequel il repousse la date de stabilisation au 6 juin 2020.
Les parties ayant été régulièrement convoquées, l’affaire a été appelée à l’audience du 4 juin 2024.
A l’audience, Monsieur [U] [X] demande au tribunal de faire droit à sa demande de versement des indemnités journalières pour la période du 28 septembre 2019 au 5 juin 2020 inclus et d’entériner le rapport d’expertise du Docteur [K] [R].
Par voie de conclusions soutenues oralement par une inspectrice juridique, la CPAM demande au tribunal :
– de prononcer la nullité du rapport d’expertise du Docteur [R] ;
– de confirmer la date de reprise d’une activité professionnelle quelconque au 28 septembre 2019 ;
Dans le cas où la juridiction ne s’estimerait pas suffisamment éclairée,
– mettre en œuvre une expertise, non confiée au Docteur [R], tant pour les lésions physiques que pour les lésions psychologiques avec pour mission de :
– Dire si oui ou non, à la date du 28 septembre 2019, l’état de santé de Monsieur [X] lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque ;
– Dans la négative, dire à quelle date cet état de santé lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque.
Enfin, elle conclut au débouté de l’intégralité des demandes de Monsieur [U] [X] dans l’attente du rapport à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, la CPAM relève que les prolongations d’arrêts de travail envoyées après le 28 septembre 2019 concernent des lésions psychiques et non plus physiques. Elle estime que les conclusions du Docteur [K] [R] comprennent des incohérences et reproche à ce dernier de ne pas avoir justifié les raisons médicales qui l’ont conduit à fixer la date de reprise d’une activité professionnelle quelconque au 6 juin 2020.
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il conviendra de se reporter aux observations et conclusions des parties, reprenant l’exposé de leurs moyens et prétentions.
L’affaire a été mise en délibéré au 31 octobre 2024.
Sur la demande de versement des indemnités journalières
L’article L321-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : « L’assurance maladie assure le versement d’indemnités journalières à l’assuré qui se trouve dans l’incapacité physique constatée par le médecin traitant, selon les règles définies par l’article L. 162-4-1, de continuer ou de reprendre le travail ; l’incapacité peut être également constatée, dans les mêmes conditions, par la sage-femme dans la limite de sa compétence professionnelle et pour une durée fixée par décret ; toutefois, les arrêts de travail prescrits à l’occasion d’une cure thermale ne donnent pas lieu à indemnité journalière, sauf lorsque la situation de l’intéressé le justifie suivant des conditions fixées par décret ».
L’inaptitude au travail est caractérisée par l’incapacité physique de se livrer à une activité professionnelle quelconque, qu’elle soit identique ou différente de l’activité antérieure.
L’article L141-1 du Code de la sécurité sociale, en vigueur au moment des faits, dispose que : « Les contestations d’ordre médical relatives à l’état du malade ou à l’état de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle et celles relatives à leur prise en charge thérapeutique, à l’exclusion des contestations relevant des 4° à 6° de l’article L. 142-1 donnent lieu à une procédure d’expertise médicale dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
Ces dispositions sont également applicables aux contestations d’ordre médical relatives à l’état de santé de l’enfant pour l’ouverture du droit à l’allocation journalière de présence parentale prévue aux articles L. 544-1 à L. 544-9 ».
Enfin, l’article L141-2 du même code, en vigueur au moment des faits, dispose que « Quand l’avis technique de l’expert ou du comité prévu pour certaines catégories de cas a été pris dans les conditions fixées par le décret en Conseil d’Etat auquel il est renvoyé à l’article L. 141-1, il s’impose à l’intéressé comme à la caisse. Au vu de l’avis technique, le juge peut, sur demande d’une partie, ordonner une nouvelle expertise ».
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En l’espèce, le Docteur [K] [R], expert psychiatre, désigné en application de l’article L141-1 du Code de la sécurité sociale, a pris en compte l’ensemble des éléments médicaux en sa possession, à savoir :
– 22 ordonnances du Docteur [D] [L], datées du 15/12/2020 au 03/10/2023 ;
– 7 avis d’arrêts de travail, du 04/06/2019 au 14/05/2020 ;
– 2 comptes-rendus de radiographies du rachis dorsolombaire et du bassin montrant un discret pincement L5/S1 ;
– 1 certificat du Docteur [D] [L] en date du 15/12/2020 dans lequel il indique que l’état du patient « ne lui permet plus d’exercer une activité professionnelle quelconque».
Le Docteur [K] [R] a conclu en ces termes :
« Non, l’état de santé de Monsieur [X] [U] ne lui permettait pas de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 28/9/2019.
Nous fixerons cette date au 6/6/2020 ».
L’expert estime ainsi que la date de reprise d’une activité professionnelle quelconque doit être fixée au 6 juin 2020.
Il convient de constater que le rapport d’expertise du Docteur [K] [R] est clair, précis et dénué de toute ambiguïté.
Il ressort des pièces versées aux débats que la CPAM ne produit aucun élément médical postérieur au rapport d’expertise du Docteur [K] [R] permettant de remettre en cause ledit rapport ainsi que les conclusions.
Ainsi, en l’absence de preuve contraire, l’avis technique de l’expert s’impose à la caisse comme à l’intéressé.
Dans ces conditions et compte tenu des éléments susvisés, il conviendra en conséquence de faire droit au recours introduit par Monsieur [U] [X] et de lui verser les indemnités journalières pour la période du 28 septembre 2019 au 5 juin 2020 inclus.
Sur les dépens
Les dépens de la présente instance seront laissés à la charge de la CPAM des Bouches-du-Rhône, partie perdante, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Vu le jugement avant-dire droit du 7 juillet 2023,
Vu le rapport d’expertise du Docteur [K] [R] en date du 14 décembre 2023,
FAIT DROIT au recours introduit par Monsieur [U] [X] ;
DIT que la date de reprise d’une activité professionnelle quelconque de Monsieur [U] [X] est fixée au 6 juin 2020 ;
RENVOIE en conséquence Monsieur [U] [X] devant les services de la CPAM des Bouches-du-Rhône pour la liquidation de ses droits à indemnités journalières de sécurité sociale ;
DÉBOUTE la CPAM des Bouches-du-Rhône de ses demandes ;
CONDAMNE la CPAM des Bouches-du-Rhône aux dépens de l’instance ;
DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification conformément aux dispositions de l’article 538 du Code de procédure civile.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
Notifié le :
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT