Reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie : enjeux d’information et de procédure dans le cadre des droits des assurés sociaux

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Reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie : enjeux d’information et de procédure dans le cadre des droits des assurés sociaux

Contexte de la Saisine

Par requête expédiée le 11 mars 2019, Madame [B] [O] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille d’un recours contre la décision du 22 janvier 2019 de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône. Cette décision avait rejeté sa contestation et confirmé le refus de reconnaissance de son affection, le syndrome du canal carpien droit, au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.

Demandes de Madame [O]

Lors de l’audience du 4 juin 2024, Madame [O] a demandé l’annulation des décisions de la CPAM, la reprise de l’instruction de son dossier, et la reconnaissance de ses droits, notamment au titre de la maladie ordinaire. Elle a également demandé la condamnation de la CPAM aux dépens. Madame [O] a expliqué avoir rencontré des problèmes techniques lors de la soumission de son questionnaire à la CPAM, ce qui l’a empêchée de fournir les informations nécessaires.

Position de la CPAM

La CPAM des Bouches-du-Rhône a conclu au débouté des demandes de Madame [O], arguant qu’elle n’avait pas retourné le questionnaire nécessaire à l’évaluation du lien entre sa pathologie et son activité professionnelle. La caisse a affirmé avoir relancé Madame [O] par courrier, mais n’a pas pu prouver l’envoi ou la réception de ces relances.

Arguments de Madame [O]

Madame [O] a produit plusieurs courriers de la CPAM, attestant de la réception de sa déclaration de maladie professionnelle et des délais de traitement. Elle a soutenu que les problèmes informatiques rencontrés avaient pu induire en erreur sur la bonne réception de ses réponses au questionnaire.

Analyse du Tribunal

Le tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas correctement appliqué la loi en rejetant la demande de reconnaissance de maladie professionnelle sur la base d’un défaut de réponse au questionnaire. Il a noté que les courriers de la CPAM n’informaient pas suffisamment Madame [O] des éléments manquants pour l’instruction de sa demande.

Décision du Tribunal

Le tribunal a déclaré recevable le recours de Madame [O] et a ordonné à la CPAM des Bouches-du-Rhône de reprendre l’instruction de son dossier au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles. La CPAM a été condamnée à supporter les dépens de l’instance. Le jugement rappelle que tout appel doit être formé dans un délai d’un mois suivant sa notification.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

31 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG
23/00425
REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/04253 du 31 Octobre 2024

Numéro de recours: N° RG 23/00425 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3CNT

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [B] [O]
née le 08 Mars 1970 à [Localité 6] (MAROC)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sabrina REBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
représentée par Mme [M] [N] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l’audience publique du 04 Juin 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : JAUBERT Caroline
MURRU Jean-Philippe

Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier

À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 31 Octobre 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par requête expédiée le 11 mars 2019, Madame [B] [O] a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’un recours à l’encontre de la décision du 22 janvier 2019 de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie (ci-après la CPAM) des Bouches-du-Rhône ayant rejeté sa contestation et confirmé la décision du 12 novembre 2018 relative au refus de reconnaissance, au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles, de l’affection (syndrome du canal carpien droit) déclarée le 5 juin 2018, réenregistrée sous le numéro 23/00425 après relevé de caducité.

L’affaire a été appelée et retenue le 4 juin 2024.

Par voie de conclusions oralement soutenues par son conseil, Madame [O] demande au tribunal de :

– Annuler les décisions de la caisse du 12 novembre 2018 et du 22 janvier 2019,
-Ordonner à la CPAM des Bouches-du-Rhône l’envoi d’un nouveau questionnaire à Madame [O] et de reprendre l’instruction du dossier,
– Renvoyer Madame [O] devant la CPAM des Bouches-du-Rhône pour qu’elle y soit remplie de ses droits,
-A titre subsidiaire, renvoyer Madame [O] devant la CPAM des Bouches-du-Rhône pour qu’elle y soit remplie de ses droits, à tout le moins au titre de la maladie ordinaire,
– Condamner la CPAM des Bouches-du-Rhône aux dépens,

A l’appui de ses prétentions, Madame [O] indique avoir commencé à remplir le questionnaire de la CPAM via son smartphone a été confrontée à un bug informatique l’empêchant de poursuivre, les tentatives effectuées quelques temps plus tard étant demeurées vaines mais a cru que les informations suffisantes avaient été reçues par la CPAM en l’état des courriers reçus ensuite.

La CPAM des Bouches-du-Rhône, régulièrement représentée par un inspecteur juridique réitérant oralement ses écritures, conclut au débouté de l’intégralité des prétentions adverses.

Au soutien de ses demandes, la caisse indique que lors de l’instruction de sa demande, l’assurée n’a transmis aucune information en réponse au questionnaire transmis, lui permettant de vérifier le lien entre sa pathologie et son activité professionnelle, malgré relance, raison pour laquelle le caractère professionnel de sa maladie n’a pu être reconnu.
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il convient de se reporter aux observations et conclusions déposées par les parties à l’audience, reprenant l’exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L’affaire est mise en délibéré au 31 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie

En vertu de l’article R.441-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige (devenu R.461-9 et R.441-18 pour les maladies professionnelles), « la caisse dispose d’un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d’accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.
(…)
Sous réserve des dispositions de l’article R. 441-14, en l’absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu ».
Aux termes de l’article R.441-14 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, « lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A l’expiration d’un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d’accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l’absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu ».

Il résulte de ces dispositions que la caisse dispose d’un certain délai pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie, étant précisé que le délai de trois mois imparti à l’organisme pour les maladies professionnelles ne court qu’à compter de la réception de la demande formulée sur l’imprimé réglementaire, et que ce délai peut être prolongé lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, la caisse devant alors en informer la victime et l’employeur avant l’expiration du délai fixé par l’article R. 441- 10 pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.

L’article R. 112-2 du Code de la sécurité sociale met également à la charge des caisses de retraite une obligation générale d’information et de conseil en faveur des usagers de la sécurité sociale.

Cette obligation impose seulement à la caisse de retraite de répondre aux demandes qui lui sont soumises, la caisse n’étant pas tenue, en l’absence de demande de l’assuré, de prendre l’initiative de le renseigner sur ses droits éventuels. Elle est cependant tenue d’assurer une information claire, précise, suffisamment complète, et dénuée d’ambiguïté, pour un profane par définition non habitué aux arcanes du langage technico-administratif.

En l’espèce, la caisse a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie de Madame [O] au titre du tableau n°57 C en l’absence d’éléments suffisants pour apprécier de façon objective le caractère professionnel de l’affection alléguée, l’assurée n’ayant pas retourné le questionnaire de la maladie professionnelle qui lui a été adressé, de même que son employeur. La liste limitative des travaux susceptible de provoquer cette maladie sont les suivants : travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main.

La CPAM des Bouches-du-Rhône allègue, en l’absence de réponse au questionnaire, avoir transmis un rappel par courrier. Elle prétend en justifier par la production d’un document intitulé « Historique Questionnaire » portant le nom de l’assurée pour un sinistre « MP » en date du 05/06/2018 contenant une case « Envoi du mail » en face de laquelle figure la mention « 01/08/2018 8:53 » et une adresse mail comportant le nom de l’assurée.
Mais ce document, outre qu’il ne constitue la preuve ni de l’envoi ni de la réception d’un mail, est de surcroit vide de toute mention en face de la case « Relance mail », en contradiction avec ce qui est allégué.

Madame [O], pour sa part, produit le courrier daté du 1er août 2018 que lui a adressé un « correspondant Risques Professionnels » de la CPAM mentionnant : « J’ai bien reçu, en date du 20 juillet 2018, votre déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical indiquant canal carpien gauche.
Je tiens à vous informer que votre dossier est traité avec la plus grande attention et qu’une décision devrait être prise dans le délai de trois mois à compter de la date mentionnée ci-dessus.
Dans l’hypothèse où un délai complémentaire d’instruction serait nécessaire au traitement de votre dossier, je ne manquerai pas de vous en informer.
J’attire votre attention sur le fait que, conformément à la réglementation, l’employeur et le médecin du travail ont été informés de votre déclaration de maladie professionnelle ».

Madame [O] produit également le courrier daté du 15 octobre 2018 que lui a adressé un « correspondant Risques Professionnels » de la CPAM mentionnant : « Suite à la déclaration de maladie professionnelle que vous m’avez transmise, je vous informe qu’une décision relative au caractère professionnel de cette maladie n’a pu être arrêtée dans le délai réglementaire de trois mois prévu à l’article R. 441-10 du Code de la sécurité sociale.
En effet, nous sommes dans l’attente de la décision commune médico administrative du dossier».

La requérante produit enfin un courrier daté du 22 octobre 2018 que lui a adressé un « correspondant Risques Professionnels » de la CPAM l’informant que l’instruction du dossier était terminée et que la notification de la décision prise lui serait adressée.

Il s’évince en conséquence de ce qui précède qu’eu égard à la survenance d’un problème informatique avec le logiciel de la CPAM, qui n’est pas contestée par celle-ci, les courriers adressés à l’assurée ne comportant aucune information voire avertissement de l’absence de réception des éléments nécessaires à l’instruction de la demande, et de l’absence de justification de relance adressée à l’assurée, que celle-ci a pu valablement penser que les réponses au questionnaire faites avant les impossibilités de connections avaient été reçues par l’organisme et étaient suffisantes pour permettre la satisfaction de sa demande.

Dès lors, la CPAM des Bouches-du-Rhône a fait une mauvaise application de la loi en rejetant sur l’allégation de défaut de réponse au questionnaire, la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, de sorte qu’il convient de reprendre l’instruction administrative de maladie professionnelle.

Par conséquent, le dossier de Madame [O] sera renvoyé devant la CPAM des Bouches-du-Rhône afin de vérifier si les conditions administratives de prise en charge prévues par le tableau 57 des maladies professionnelles sont remplies.
Sur les dépens et les frais irrépétibles

La charge des dépens de l’instance sera laissée à la CPAM des Bouches-du-Rhône, partie perdante, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

DÉCLARE recevable le recours de Madame [B] [O] à l’encontre de la décision du 22 janvier 2019 de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône ayant rejeté sa contestation relative au refus de reconnaissance, au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles, de l’affection (syndrome du canal carpien droit) déclarée le 5 juin 2018,

FAIT INJONCTION à la CPAM des Bouches-du-Rhône de recommencer l’instruction au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles, de l’affection (syndrome du canal carpien droit) déclarée le 5 juin 2018 par Madame [B] [O].

RAPPELLE que le présent jugement se substitue aux décisions prises par l’organisme et la commission de recours amiable,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

LAISSE la charge des dépens de l’instance à la CPAM des Bouches-du-Rhône ;

RAPPELLE que tout appel de la présente décision doit être formé dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l’article 538 du Code de procédure civile.

Notifié le :

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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