Examen des obligations déclaratives et des conséquences financières en matière d’aides sociales

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Examen des obligations déclaratives et des conséquences financières en matière d’aides sociales

Contexte de l’affaire

Madame [R] [O] a bénéficié de diverses aides sociales, notamment l’aide au logement, la prime d’activité et le RSA, en tant que mère d’un enfant né en 1997. En août 2021, elle a signalé un changement d’adresse et a été transférée à la CAF de l’Eure pour la reprise de ses droits.

Déclarations et contrôles

Madame [R] [O] a déclaré être isolée et au chômage depuis septembre 2021, tout en étant indemnisée par France Travail pour une formation. Elle a régulièrement déclaré ses revenus à la CAF, confirmant sa situation familiale. En avril 2022, elle a signalé le départ de son fils, devenu allocataire.

Enquête et constatations

Un contrôle de la CAF a révélé des incohérences dans les déclarations de Madame [R] [O], notamment une non-déclaration de changement de situation professionnelle et une vie maritale avec Monsieur [F]. Des trop-perçus ont été notifiés, totalisant plus de 4 000 euros.

Sanctions et pénalités

En raison de soupçons de fraude, une commission a retenu le caractère frauduleux des indus. Madame [R] [O] et Monsieur [F] ont reçu une pénalité de 750 euros, et des mises en demeure ont été adressées pour le remboursement des sommes dues.

Oppositions et audience

Madame [O] et Monsieur [F] ont formé des oppositions aux contraintes émises, qui ont été appelées à l’audience. La CAF a demandé au tribunal de se déclarer incompétent pour certaines demandes et de valider la contrainte de pénalité.

Décisions du tribunal

Le tribunal a ordonné la jonction des procédures et s’est déclaré incompétent pour statuer sur certaines demandes liées aux aides. Il a validé la contrainte de pénalité de 825 euros uniquement à l’encontre de Madame [R] [O], qui a été condamnée à payer cette somme ainsi que les frais de signification.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

31 octobre 2024
Tribunal judiciaire d’Évreux
RG
24/00263
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ÉVREUX
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL

MINUTE N° : 513/24
RG N° : N° RG 24/00263 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HXKC
NAC : Demande d’annulation d’une mise en demeure ou d’une contrainte

JUGEMENT DU 31 Octobre 2024

DEMANDEUR

CAF DE L’EURE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Mme [Y] (Salarié) muni d’un pouvoir spécial

DÉFENDEURS

Monsieur [H] [F], demeurant [Adresse 2]
non comparant, ni représenté

Madame [R] [O], demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

PRESIDENT : François BERNARD, magistrat

ASSESSEURS : Jérémy CORBILLON
Jean-Luc PIEDNOIR

GREFFIER lors des débats et de la mise à disposition : Nathalie MUZAS

DÉBATS :

En audience publique du 05 Septembre 2024

JUGEMENT :

Prononcé par mise à disposition au greffe par application de l’article 453 du code de procédure civile, réputé contradictoire, en premier ressort.

Copie délivrée aux parties le :

Copie exécutoire délivrée le :

EXPOSE DU LITIGE

Madame [R] [O] ayant la charge de son fils [D] né le 8 novembre 1997 a bénéficié de l’aide au logement , de la prime d’activité et du RSA auprès de la CAF de Seine Maritime département de son lieu de résidence.
En août 2021, Madame [R] [O] a signalé un changement d’adresse dans le département de l’Eure, précisant être hébergée à titre gratuit auprès de Monsieur [H] [F] . Son dossier a été transmis à la CAF de l’Eure pour reprise de ses droits à la prime d’activité et au RSA à compter du 1er septembre 2021.
Madame [R] [O] confirmait être isolée depuis 2010 et être au chômage depuis le 18 septembre 2021.
Indemnisée par France Travail au titre de l’allocation de formation de reclassement dans le cadre d’une formation auprès de l’AFPA à compter du 20 septembre 2021 jusqu’au 20 mai 2022 , le Président du conseil départemental de l’Eure lui a accordé le maintien du droit au RSA pendant cette période de formation.
Madame [R] [O] a déclaré tous les trois mois ses revenus pour le calcul de ses droits au RSA/Prime d’activité confirmant sa situation familiale , à savoir isolée.
Le 15 avril 2022, Madame [R] [O] a déclaré le départ de son fils [D] devenant allocataire de la CAF.
Un contrôle sur pièces de la situation globale de Madame [R] [O] a été effectué par les services de la CAF le 21 juin 2022. Madame [O] confirmait sa situation, à savoir vivre isolée depuis 2010, être sans activité depuis le 21 mai 2022 et être hébergée par Monsieur [F].
Un contrôle sur place a été diligenté par les services de la CAF.
Suite à la procédure contradictoire diligentée, le contrôleur a rendu son rapport d’enquête le 17 février 2023 relevant une non-déclaration de changement de situation professionnelle de Madame [O] depuis le 1er septembre 2022 ainsi que de ses salaires dans sa déclaration annuelle de 2021 ainsi qu’une vie maritale avec Monsieur [F] au 1er août 2021.
Un trop perçu au titre de la prime d’activité d’un montant de 3974,84 euros, outre 926,51 euros au titre du RSA, ainsi qu’un trop perçu au titre de la prime exceptionnelle de fin d’année de décembre 2021 d’un montant de 228,67 ont été notifiés à Madame [O] le 28 février 2023.
Un trop perçu au titre de l’aide exceptionnelle de solidarité au titre du mois de septembre 2022 d’un montant de 100 euros a été notifié à Madame [O] le 9 mars 2023.
Eu égard à la suspicion de fraude retenue, le dossier a été soumis à la commission administrative de fraude qui, dans sa séance du 25 mai 2023, a retenu le caractère frauduleux des indus.

Par courrier de notification de fraude du 27 juin 2023 le directeur de la CAF de l’Eure a notifié le 8 août 2023 à Madame [O] et à Monsieur [F] une pénalité de 750 euros.
Le trop perçu de RSA, en l’absence de droits aux prestations , a été cédé au conseil départemental pour recouvrement.
S’agissant des trop perçus de prime d’activité , de l’aide exceptionnelle de solidarité et de la prime de fin d’année la CAF de a mis en demeure Madame [O] par courriers du 4 juillet et du 4 août 2023 et Monsieur [F] le 23 novembre 2023 de régler les sommes dues .
S’agissant de la pénalité, une mise en demeure a été adressée à Madame [O] et Monsieur [F] le 15 janvier 2024.
Une contrainte d’un montant de 4301,51 euros a été émise à l’encontre de Madame [O] et de Monsieur [F] le 9 avril 2024 et signifiée à ces derniers le 14 mai 2024.
Une contrainte d’un montant de 825 euros incluant une majoration de 10 % a été émise à l’encontre de Madame [O] et de Monsieur [F] le 9 avril 2024 et signifiée à ces derniers le 14 mai 2024.
En date du 23 mai 2024, Madame [O] a formé une opposition à ces deux contraintes devant le pôle social du tribunal judicaire d’Evreux.
En date du 23 mai 2024, Monsieur [F] a formé une opposition à ces deux contraintes devant le pôle social du tribunal judicaire d’Evreux.
Les deux affaires ont été appelées à l’audience du 5 septembre 2024.
A cette audience la CAF de l’Eure concernant le dossier relatif à Madame [O] , se référant à ses conclusions , demande au tribunal de :
-se déclarer incompétent en matière de prime d’activité, de prime exceptionnelle de fin d’année et d’aide exceptionnelle de solidarité ;
-rejeter la requête de Madame [R] [O] ;
-valider la contrainte du 9 avril 2024 concernant la pénalité majorée d’un montant de 825 euros ;
-condamner Madame [O] au remboursement des frais de signification de la contrainte pénalité soit 46,89 euros ;
-condamner Madame [O] aux dépens.
Concernant le dossier de Monsieur [F] la CAF de l’Eure demande au tribunal de :
-se déclarer incompétent en matière de prime d’activité, de prime exceptionnelle de fin d’année et d’aide exceptionnelle de solidarité ;
-rejeter la requête de Monsieur [H] [F] ;
-valider la contrainte du 9 avril 2024 concernant la pénalité majorée d’un montant de 825 euros ;
-condamner Monsieur [F] au remboursement des frais de signification de la contrainte pénalité soit 46,89 euros ;
-condamner Monsieur [F] aux dépens.
Madame [O] et Monsieur [F] n’ont pas comparu ni ne se sont fait représenter.

MOTIFS
Sur la jonction
Le juge peut , à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
S’agissant de statuer sur des oppositions à l’égard de deux contraintes émises l’une et l’autre à l’encontre de Madame [O] et Monsieur [F] il est d’une bonne administration de la justice de les juger ensemble et de joindre en conséquence les deux procédures.
Sur l’exception d’incompétence
En application de l’article 76 du code de procédure civile « l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas.
En application notamment des articles L 134-1 et L 262-47 du code de l’action sociale et des familles , de l’article L 845-2 du code de la sécurité sociale ainsi que de l’article R 222-13 du code de la justice administrative les contentieux relatifs aux indus de revenu de solidarité active et de prime d’activité relèvent exclusivement des juridictions administratives de sorte que les juridictions judiciaires sont incompétentes pour connaître des demandes s’y rapportant. Il en est de même pour les aides exceptionnelles de fin d’année et les aides exceptionnelles de solidarité accordés aux bénéficiaires du revenu de solidarité active en application de l’article R 222-13 1° qui donne compétence au juge administratif pour les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi mentionnés à l’article R 772-5, ces aides exceptionnelle de fin d’année et de solidarité faisant partie des droits rattachés au revenu de solidarité active et rentrant dans le domaine des droits d’aide sociale.
Le pôle social du tribunal judiciaire n’est donc pas compétent pour connaître de l’opposition de la contrainte émise le 9 avril 2024 signifiée à Madame [O] et Monsieur [F] le 14 mai 2024, l’acte de signification mentionnant d’ailleurs expressément s’agissant des indus notifiés que le recours devait être porté devant le tribunal administratif.
Il convient donc de se déclarer incompétent pour statuer sur la contrainte réclamée au titre de la prime d’activité, de l’aide exceptionnelle de fin d’année et de l’aide exceptionnelle de solidarité et de renvoyer sur ces points les parties à mieux se pourvoir.

Sur le bien fondé de la pénalité financière
Selon les termes de l’article L 114-7 du code de la sécurité sociale , peuvent notamment faire l’objet d’un avertissement ou d’une pénalité prononcée par le directeur de l’organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d’assurance vieillesse , au titre de toute prestation servie par l’organisme concerné :
-l’inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ;
-l’absence de déclaration d’un changement dans la situation justifiant le service des prestations.
La sanction doit être fixée en fonction de la gravité des faits , dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.
L’article R 114-14 du même code précise que le montant de la pénalité est fixé proportionnellement à la gravité des faits reprochés, en tenant compte notamment de leur caractère intentionnel ou répété, du montant et de la durée du préjudice et des moyens et procédés utilisés.
Les éléments du dossier établissent que Madame [O] n’a pas déclaré sa vie maritale avec Monsieur [F] à la CAF alors qu’elle y était tenue en vertu de l’article R 115-7 du code de la sécurité sociale qui dispose que “toute personne est tenue de déclarer à l’un des organismes qui assure le service d’une prestation mentionnée au 1er alinéa de l’article R 111-2 dont elle relève tout changement dans sa situation familiale ou dans son lieu de résidence… qui remettrait en cause le bénéfice des prestations servies par cet organisme.”
Ce n’est que lors du contrôle sur pièces et sur place initié par la CAF que la situation a été révélée.
L’hébergement de Madame [O] par Monsieur [F] est établi à compter de l’année 2021 et la vérification des comptes bancaires ont relevé des virements réguliers de la part de Madame [O] sur le compte de Monsieur [F] de 500 euros par mois environ depuis 2020.
Au vu de ces constats réfutés par Madame [O] lors du contrôle, cette dernière n’a produit aucun des justificatifs réclamés par la CAF.
Au regard des ces éléments, qui démontrent l’absence de bonne foi de Madame [O], le prononcé de la pénalité financière à hauteur de 825 euros est justifié, aucun élément n’étant produit par cette dernière non comparante dans le cadre de la procédure, ne permettant d’en diminuer le montant.
En revanche les prestations à l’origine de la pénalité n’ayant été versées qu’à Madame [O] et en l’absence de mauvaise foi alléguée et établie concernant Monsieur [F], la pénalité financière prononcée à son encontre n’est pas justifiée.
Dans ces conditions, la contrainte du 9 avril 2024 concernant la pénalité majorée d’un montant de 825 euros ne sera validée qu’à l’encontre de Madame [O].
Sur les autres demandes
Madame [O] succombant à l’instance supportera les dépens.
Elle sera par ailleurs condamnée à régler les frais de signification de la contrainte émise au titre de la pénalité.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal;
Ordonne la jonction des procédures RG n°24/263 et n°24/264 sous le n°24/263 ;
Se déclare incompétent pour statuer sur l’opposition à la contrainte émise le 9 avril 2024 au titre de la prime d’activité, de la prime exceptionnelle de fin d’année et l’aide exceptionnelle de solidarité ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir à ce titre ; 
Déclare recevable les oppositions à contrainte formées par Madame [R] [O] et Monsieur [H] [F] à l’encontre de la contrainte du 9 avril 2024 émise au titre de la pénalité financière de 825 euros ;
Valide la contrainte du 9 avril 2024 au titre de la pénalité financière de 825 euros à l’encontre de Madame [R] [O] seule;

Condamne Madame [R] [O] à payer la dite somme à la CAISSE d’ALLOCATIONS FAMILALES de l’EURE;
Condamne Madame [R] [O] à payer les frais de signification de la dite contrainte ;
Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire ;
Condamne Madame [R] [O] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


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