Contexte de l’affaireMadame [V] [B] a bénéficié d’une pension d’invalidité de catégorie 1 à partir du 23 janvier 2015, suivie d’une pension de catégorie 2 à compter du 1er juillet 2018. Demande de contestationLe 4 août 2020, elle a contesté la décision de rejet de la CPAM des Bouches-du-Rhône concernant le montant de sa pension d’invalidité pour les années 2016, 2017 et 2018, devant le tribunal judiciaire de Marseille. Requêtes de Madame [V] [B]Lors de l’audience du 4 juin 2024, Madame [V] [B] a demandé le rejet de la prescription biennale, le versement d’un montant total de 11.633,45 € pour les années concernées, ainsi que des intérêts et des frais de justice. Arguments de la CPAMLa CPAM a demandé la déclaration d’irrecevabilité de la demande pour cause de prescription, tout en contestant le bien-fondé des demandes de Madame [V] [B] sur le fond. Prescription partielleLe tribunal a examiné la question de la prescription, notant que l’action de Madame [V] [B] pour le paiement des prestations était prescrite pour la période de janvier 2016 à septembre 2017, mais recevable pour la période d’octobre 2017 à décembre 2018. Analyse des demandes de paiementMadame [V] [B] a justifié ses demandes par la différence entre le montant théorique de sa pension et les sommes perçues, tandis que la CPAM a détaillé les montants versés et les revenus de l’assurée. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré irrecevables les demandes de Madame [V] [B] pour la période prescrite et a débouté ses demandes pour la période restante, concluant qu’elle n’avait pas prouvé le bien-fondé de sa demande de paiement d’arrérages de pension d’invalidité. Conséquences financièresMadame [V] [B] a été condamnée aux dépens de l’instance, sans application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile en faveur de la CPAM. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
JUGEMENT N°24/04245 du 31 Octobre 2024
Numéro de recours: N° RG 20/02031 – N° Portalis DBW3-W-B7E-XX2Z
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [V] [B]
née le 14 Mars 1967 à [Localité 1] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Charles-henri PETIT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julien BRILLET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 1]
représentée par Mme [E] [O] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier
DÉBATS : À l’audience publique du 04 Juin 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : DEPARIS Eric, Vice-Président
Assesseurs : JAUBERT Caroline
MURRU Jean-Philippe
Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 31 Octobre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
Madame [V] [B] s’est vu allouer le bénéfice d’une pension d’invalidité catégorie 1 à compter du 23 janvier 2015, puis une pension d’invalidité catégorie 2 à compter du 1er juillet 2018.
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 4 août 2020, Madame [V] [B] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’une contestation de la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après CPAM ou la caisse) du 9 juin 2020, de sa demande concernant le montant de sa pension d’invalidité au titre des années 2016, 2017 et 2018.
L’affaire a été appelée à l’audience du 4 juin 2024.
Madame [V] [B], représentée par son conseil à l’audience, reprenant ses conclusions, sollicite du tribunal de :
-rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale ;
-condamner la CPAM des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 11.633,45 €, soit 2.139,57 € au titre de l’année 2016, 6.076,33 € au titre de l’année 2017 et 3.417,55 € au titre de l’année 2018, à titre de rappel de pension d’invalidité et assortir cette somme des intérêts aux taux légal à compter de leur exigibilité ;
-condamner la CPAM des Bouches-du-Rhône à l’anatocisme ;
-condamner la CPAM des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Elle soutient que son action n’est pas prescrite car si, par jugement du 12 septembre 2019, le pôle social du Tribunal de Grande Instance de Marseille a déclaré irrecevable pour défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône sa contestation relative au calcul et au paiement de la pension d’invalidité servie au titre des années 2016, 2017 et 2018, un nouveau délai de prescription de 2 ans a commencé à courir à compter de la date de notification dudit jugement.
Sur le fond, elle explique que la somme réclamée correspond à l’écart entre le montant annuel de la pension d’invalidité et le montant effectivement reçu et que contrairement à ce que soutient la CPAM des Bouches-du-Rhône ses revenus ne dépassaient pas le seuil qui permet le versement de la pension dans son intégralité.
La CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée à l’audience par une inspectrice juridique, sollicite du tribunal :
A titre principal de,
– Déclarer la demande en paiement portant sur les années 2016 et 2017 et jusqu’en septembre 2018 irrecevable pour cause de prescription ;
A titre subsidiaire et en tout état de cause,
– Débouter Madame [V] [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner Madame [V] [B] aux entiers dépens de l’instance et à lui verser la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Elle soutient que conformément à la prescription biennale prévue à l’article L. 332-1 du Code de la sécurité sociale, Madame [V] [B] ayant saisi la commission de recours amiable en février 2020, elle n’est recevable à contester le montant de la pension d’invalidité qui lui est servie qu’à compter d’octobre 2018.
Sur le fond, elle estime justifier des sommes versées à Madame [V] [B] au titre de la pension d’invalidité des années 2016, 2017 et 2018 et soutient que le montant cumulé de la pension d’invalidité et des salaires ou gains de l’assurée excédait, pendant deux trimestres consécutifs, le salaire trimestriel moyen de la dernière année civile précédant l’arrêt de travail suivi d’invalidité, ce qui explique la suspension ou la réduction du montant de la pension d’invalidité.
En réponse à Madame [V] [B], elle explique que l’assurée a bénéficié du maintien de son salaire par son employeur durant son arrêt maladie du 7 septembre 2017 au 30 juin 2018 et critique la façon dont elle a déterminé la somme qu’elle lui estime due et pour déterminer le seuil de revenus.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.
L’affaire a été mise en délibéré au 31 octobre 2024.
Sur la prescription partielle
L’article L. 332-1 du Code de la sécurité sociale dispose que « L’action de l’assuré pour le paiement des prestations en espèces de l’assurance maladie se prescrit par deux ans, à compter du premier jour du trimestre suivant celui auquel se rapportent lesdites prestations ; […] ».
Il est constant que ce délai se comptabilise à compter de la réception, par l’organisme de la sécurité sociale, de la demande de prestation et qu’il se prolonge jusqu’à ce que l’organisme se prononce expressément sur la réclamation.
L’article 2241 du Code civil dispose que « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».
Il est constant que l’article 2241 ne s’applique qu’aux deux hypothèses, qu’il énumère de saisine d’une juridiction incompétente ou d’annulation de l’acte de saisine par l’effet d’un vice de procédure ; il en résulte que l’effet interruptif de prescription de la demande en justice est non-avenu si celle-ci est déclarée irrecevable.
En l’espèce, au visa de l’article L. 332-1 du Code de la sécurité sociale, la CPAM des Bouches-du-Rhône soutient que l’action en paiement des prestations en espèces de Madame [V] [B] est prescrite pour les périodes antérieures au mois d’octobre 2018 dans la mesure où l’assurée à saisi la commission de recours amiable en février 2020.
Madame [V] [B] soutient que le jugement du 12 septembre 2019 a fait courir un nouveau délai de 2 ans et qu’ayant saisi la commission de recours amiable de la caisse avant l’expiration de ce délai de 2 ans, la prescription n’est pas acquise.
Par requête expédiée le 5 avril 2017, [V] [B] a saisi ce tribunal d’une contestation de la décision implicite de rejet de commission de recours amiable de la caisse.
Il est d’ores et déjà acquis qu’à cette date du 5 avril 2017, Madame [V] [B] ne pouvait nécessairement pas demander le paiement d’arrérages des mois de mai 2017 à décembre 2018.
Par jugement en date du 12 septembre 2019, ce tribunal a déclaré recevable en la forme la contestation de Madame [V] [B] relative au paiement d’un arrérage de pension d’invalidité pour l’année 2015 mais a déclaré irrecevables pour défaut de saisine préalable de CPAM des Bouches-du-Rhône et de sa commission de recours amiable, les contestations relatives au calcul et au paiement de la pension d’invalidité servie au titre des années 2016, 2017 et 2018, s’agissant de demandes nouvelles dont le tribunal n’était pas valablement saisi.
Il en résulte que Madame [V] [B] n’avait pas formulé auprès de la CPAM des Bouches-du-Rhône de demande de paiement de sa pension d’invalidité au titre des années 2016, 2017 et 2018 mais seulement au titre de l’année 2015.
Le jugement du 12 septembre 2019 n’a pas statué sur une annulation de l’acte de saisine du tribunal, ni sur un vice de procédure mais sur une irrecevabilité d’une partie des demandes de Madame [V] [B] puisqu’elle n’avait pas saisi préalablement la Caisse et sa commission de recours amiable d’une telle demande.
Dès lors, ni la saisine du tribunal le 5 avril 2017, ni le jugement du 12 septembre 2019 n’ont eu pour effet d’interrompre le délai de prescription de l’action de Madame [V] [B] pour le paiement des prestations en espèces de l’assurance maladie des années 2016, 2017 et 2018.
Il ressort de la lettre de saisine de la commission de recours amiable de la caisse par Madame [V] [B] en date du 6 février 2020 qu’elle a adressé le 8 novembre 2019 à la CPAM des Bouches-du-Rhône une demande de paiement des arrérages de pension d’invalidité pour les années 2016, 2017 et 2018.
Conformément aux dispositions de l’article L. 332-1 du Code de la sécurité sociale, à la date du 8 novembre 2019, elle était recevable à contester uniquement les arrérages à compter du mois d’octobre 2017.
En effet, le 1er jour du trimestre suivant octobre 2017 est le 1er janvier 2018 de sorte que le délai de 2 ans prévue par l’article L. 332-1 du Code de la sécurité sociale a pris fin au 31 décembre 2019. En revanche, pour le mois de septembre 2017, le 1er jour du trimestre suivant était le 1e octobre 2017, de sorte que le délai de deux ans expirait le 31 septembre 2019, soit avant la demande de rappel de pension d’invalidité au titre des années 2016, 2017 et 2018 par Madame [V] [B]. La demande en paiement au titre de ce mois de septembre 2017 ainsi que pour les mois précédents sont prescrites.
En conséquence, il convient de constater que la demande de Madame [V] [B] est prescrite pour la période de janvier 2016 à septembre 2017 mais recevable pour la période d’octobre 2017 à décembre 2018.
Sur le fond
En application de l’article R. 341-4 du Code de la sécurité sociale le montant de la pension d’invalidité de catégorie 1 est égale à 30 % du salaire annuel moyen correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d’assurance dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l’assuré. Il est de 50 % de ce salaire moyen pour les assurés en invalidité de catégorie 2.
L’article L. 341-12 du Code de la sécurité sociale dispose que le service de la pension peut être suspendu en tout ou partie en cas de reprise du travail, en raison des revenus d’activité et de remplacement de l’intéressé, au-delà d’un seuil et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
L’article R. 341-17 du Code de la sécurité sociale précise que les pensions d’invalidité sont réduites ou suspendues lorsque l’intéressé a, pendant plus de deux trimestres consécutifs, cumulé sa pension d’invalidité avec des revenus tirés d’une activité professionnelle salariée ou non salariée, pour un montant trimestriel supérieur au salaire trimestriel moyen revalorisé qu’il percevait lors de la dernière année civile précédant son arrêt de travail suivi d’invalidité.
Pour l’application de ces dispositions, il est constant qu’il doit être tenu compte du salaire tel que défini au quatrième alinéa de l’article R341-4, effectivement versé, augmenté des avantages susceptibles de donner lieu au versement des cotisations et affecté des coefficients de revalorisation établis en application de l’article L341-6.
Lorsque le pensionné a ou reprend une activité salariée, les ressources qu’il convient de retenir se composent d’une part de la pension d’invalidité, d’autre part des salaires ou gains perçus par l’intéressé issue de son activité salariée.
Les indemnités journalières et la partie de salaire maintenue par l’employeur pendant un arrêt de travail sont prises en compte.
L’article 9 du Code de procédure civile dispose :
« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
Et l’article 1353 du Code civil prévoit :
« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation».
En l’espèce, Madame [V] [B] s’est vue attribuer le bénéfice d’une pension d’invalidité catégorie 1 à compter du 23 janvier 2015 d’un montant brut annuel théorique de 6.835,09 € (soit 22.783,62 € x 30 %), puis le bénéficie d’une pension d’invalidité catégorie 2 à compter du 1er juillet 2018 d’un montant brut annuel théorique de 11.437,41€.
Madame [V] [B] demande le paiement de sommes qu’elle justifie par la différence entre le montant annuel brut de la pension d’invalidité et les sommes versées par la CPAM, soit :
– 6.076,33 € au titre de l’année 2017 (6.835,09 € – 758,76 €)
– 3.417,55 € au titre de l’année 2018 (6.835,09 € – 1.465,41 €)
Elle critique la position de la caisse en indiquant que ses calculs sont erronés puisqu’ils tiennent compte d’indemnités journalières qu’elle prétend avoir dû rembourser, et que le montant de ses revenus salariés ou assimilés tels qu’ils résultent de ses avis d’imposition sont de :
– 17.157 € en 2017 ;
– 10.454 € en 2018 ;
La caisse détaille les sommes perçues par l’assurée au titre de la pension d’invalidité de janvier 2016 à décembre 2018, lesquelles sont égale à :
– 775,76 € en 2017 ;
– 6.735,68 € en 2018 ;
Elle critique la méthode de calcul de l’assurée en indiquant qu’elle compare le montant de la pension annuelle brute avec les sommes nettes qui lui ont été versées.
Elle indique qu’il résulte des tableaux « EOPPS » que Madame [V] [B] a perçu les salaires suivants : 21.825 € en 2017 et 3.798 € en 2018.
Madame [V] [B] ne remet pas en cause le montant et les modalités de calcul par la CPAM des Bouches-du-Rhône :
– du salaire annuel moyen,
– du montant brut annuel théorique de la pension d’invalidité de catégorie 1 puis catégorie 2,
– du salaire trimestriel moyen de comparaison.
Il ressort des bulletins de paie versées aux débats que les sommes avancées par Madame [V] [B] correspondent à ses salaires imposables tandis que les sommes mise en avant par la CPAM des Bouches-du-Rhône correspondent aux salaires bruts de l’assurée.
Surtout, il ressort des bulletins de paie que Madame [V] [B] a bénéficié du maintien de ses salaires pendant son arrêt de travail pour maladie du 07 septembre 2017 au 13 mars 2018. Elle ne verse aux débats aucun élément justificatif permettant de corroborer son allégation selon laquelle elle a dû rembourser les indemnités journalières correspondant à cet arrêt de travail et il n’est également pas rapporté la preuve qu’elle a dû rembourser les sommes versées au titre du maintien du salaire à son employeur.
Dès lors, elle échoue à rapporter la preuve que le cumul de ses salaires et de la pension d’invalidité ne dépassait pas, pendant deux trimestres consécutifs, le salaire trimestriel moyen de comparaison.
Il résulte de ces constatations que Madame [V] [B] ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de sa demande de paiement d’arrérages de pension d’invalidité de sorte qu’il convient de la débouter de cette demande.
Sur les demandes accessoires
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la CPAM des Bouches-du-Rhône.
Madame [V] [B], partie perdante, sera condamnée aux dépens.
Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort ;
DÉCLARE IRRECEVABLE pour cause de prescription les demandes de Madame [V] [B] relatives en paiement d’arrérages de sa pension d’invalidité pour la période de janvier 2016 à septembre 2017 ;
DÉBOUTE Madame [V] [B] de ses demandes relatives au paiement d’arrérages de sa pension d’invalidité pour la période d’octobre 2017 à décembre 2018 ;
DIT n’y avoir lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;
CONDAMNE Madame [V] [B] aux dépens de l’instance ;
DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l’article 538 du Code de procédure civile.
Notifié le :
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT