Contexte de l’affaireLa présente affaire oppose la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Ile-de-France à M. [O], qui est caution de la société Eldai sous procédure collective. Le litige a été porté devant le tribunal judiciaire de Créteil, où un jugement a été rendu le 30 avril 2024. Jugement du tribunal judiciaireLe juge de l’exécution a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire des comptes bancaires de M. [O], a rejeté sa demande de dommages et intérêts, et a condamné la société Caisse régionale à lui verser 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement a été assorti de l’exécution provisoire de droit. Appel de la décisionLa société Caisse régionale a interjeté appel de ce jugement et a assigné M. [O] en référé devant le premier président de la cour d’appel de Paris, demandant un sursis à l’exécution du jugement jusqu’à la décision de la cour d’appel. Elle a également réclamé 4000 euros en application de l’article 700. Arguments de la Caisse régionaleLa Caisse régionale soutient qu’il existe des moyens sérieux de réformation du jugement, arguant que le juge de première instance n’a pas pris en compte le risque de non-recouvrement de sa créance, qui s’élève à 533.460 euros. Elle évoque le comportement de M. [O], notamment des mouvements de fonds vers une autre société et une déclaration patrimoniale inexacte. Arguments de M. [O]M. [O] conteste la demande de suspension de l’exécution du jugement et demande la confirmation de celui-ci. Il fait valoir que la banque a laissé s’accroître son découvert et qu’il n’a pas commis de fraude. Il souligne que la valeur de ses parts dans la SCI Myjarel est suffisante pour garantir la créance de la banque. Décision du premier président de la cour d’appelLe premier président a décidé de surseoir à l’exécution du jugement du 30 avril 2024, considérant qu’il existe des moyens sérieux de réformation. Les dépens de l’instance sont laissés à la charge de la société Caisse régionale, et il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile. ConclusionL’ordonnance a été rendue par Mme Marie-Hélène MASSERON, présidente de chambre, et les parties ont été informées conformément aux dispositions légales. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 29 OCTOBRE 2024
(n° /2024)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/10391 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJRYG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Avril 2024 du Juge de l’exécution de CRETEIL – RG n° 24/01484
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
DEMANDEUR
SOCIÉTÉ CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 8] ET D’ILE-DE-FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Carole BRUGUIÈRE substituant Me Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0133
à
DEFENDEUR
Monsieur [R] [O]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878
Et assisté de Me Carole TUAILLON substituant Me Patrick ATLAN, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : P0006
POUR DÉNONCIATION DE LA PROCÉDURE
S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non comparante ni représentée à l’audience
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 01 Octobre 2024 :
Par jugement du 30 avril 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de comptes bancaires pratiquée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d’Ile-de-France à l’encontre de M. [O] (en tant que caution de la société Eldai sous procédure collective) ; rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [O] ; condamné la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Ile-de-France à payer la somme de 1000 euros à M. [O] en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ; rejeté toute autre demande ; rappelé que les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.
La société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Ile-de-France a interjeté appel de ce jugement.
Par acte du 12 juin 2024, elle a assigné M. [O] en référé devant le premier président de la cour d’appel de Paris aux fins de voir surseoir à l’exécution du jugement rendu le 30 avril 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil jusqu’à ce que la cour d’appel de Paris rende son arrêt, et condamner M. [O] à lui payer la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Aux termes de cet acte et par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 1er octobre 2024, elle soutient l’existence de moyens sérieux de réformation dudit jugement en ce que le premier juge a considéré qu’il n’existait pas d’éléments susceptibles de laisser craindre que la créance de la banque ne puisse être recouvrée, alors que le risque de non-recouvrement de sa créance à l’égard de M. [O] est réel compte tenu notamment de son importance et de son ancienneté, du faible montant des sommes saisies sur ses comptes bancaires, du comportement de M. [O] qui a effectué des mouvements de fonds au profit de son autre société, aggravant ainsi la dette de la société Eldai au moment de l’ouverture de la procédure collective, qui a fait une déclaration de patrimoine inexacte lorsqu’il s’est porté caution de la société Eldai, et qui a commis une fraude paulienne en faisant donation à ses enfants de la nue-propriété de son immeuble situé à [Localité 7].
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, M. [O] sollicite :
– le débouté de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Ile-de-France de sa demande de suspension de l’exécution provisoire du jugement rendu par le juge de l’exécution de [Localité 8] le 30 avril 2024,
– la confirmation des termes dudit jugement,
– la condamnation de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Ile-de-France au paiement d’une somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Il fait essentiellement valoir que l’ancienneté et l’importance de la créance sont le fait de la banque qui n’en a jamais demandé le remboursement avant l’ouverture de la procédure collective de la société Eldai et qui a laissé s’accroître son découvert ; que jusqu’au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, la société Eldai était en droit de faire des règlements à ses fournisseurs ou à ses clients, l’administrateur n’ayant d’ailleurs jamais sollicité l’annulation des règlements intervenus ; que si la déclaration patrimoniale de la caution manque de précision c’est en raison du manquement de la banque à son obligation de vigilance et de conseil ; que la donation faite à ses enfants procède d’une démarche habituelle en matière de succession, et si M. [O] avait entendu commettre une fraude paulienne il aurait cédé ses parts dans la SCI Myjarel ; que la valeur des parts qu’il détient dans cette SCI à hauteur de 32 % est amplement suffisante pour garantir la créance de la banque, sa quote-part se chiffrant aujourd’hui à 1.358.720 euros, l’immeuble n’ayant cessé de prendre de la valeur.
En application de l’article R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution, en cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.
Jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.
Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.
L’auteur d’une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d’un montant maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.
La décision du premier président n’est pas susceptible de pourvoi.
Un moyen sérieux d’annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d’appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.
Selon l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
En l’espèce, certaines des circonstances dont se prévaut la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Ile-de-France sont bien de nature à être considérées par la cour comme faisant peser une menace sur le recouvrement de la créance de la banque à l’encontre de la caution de la société Eldai.
Cette créance est en effet très importante puisqu’elle se chiffrait à 533.460 euros au 11 août 2023. Or, le patrimoine tel que déclaré par M. [O] en 2015 lors de la souscription de son engagement de caution apparaît surestimé : la caution a déclaré, au titre de son patrimoine personnel, un bien immobilier d’une valeur vénale de 285.000 euros (avec un prêt en cours de 80.000 euros) et des parts de SCI d’une valeur de 2.300.000 euros (avec un prêt en cours de 1.450.000 euros). Il s’avère cependant que M. [O] n’avait pas la pleine propriété de l’immeuble situé à Créteil puisqu’il en était propriétaire indivis avec son épouse, et qu’il ne détient que 32 % des parts de la SCI Myjarel, sa quote-part se limitant ainsi en 2015 à 272.000 euros. A l’insincérité de la déclaration de patrimoine s’ajoute le fait, constant, de la donation que M. [O] a faite le 29 juillet 2022 à ses enfants de la nue-propriété de l’immeuble situé à [Localité 7], la garantie qu’il offre au titre de ce bien se limitant désormais à un usufruit d’une valeur de 57.000 euros. L’augmentation substantielle de la valeur des parts de la SCI Myjarel alléguée par M. [O] est incertaine sur la base de simples avis de valeur d’agences immobilières et en l’absence de justification comptable de l’endettement de la SCI. En outre, la réalisation de titres et la vente forcée d’un immeuble appartenant à plusieurs personnes est compliquée à mettre en ‘uvre comme le souligne la banque. Enfin, l’épargne de M. [O] apparaît limitée eu égard au faible montant des sommes saisies sur ses comptes bancaires (16.712 euros).
Il existe en conséquence des moyens sérieux de réformation de la décision déférée à la cour. Il sera sursis à l’exécution du jugement frappé d’appel.
Les dépens de la présente instance seront laissés la charge de la demanderesse, à qui profite la décision.
Il n’y pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Disons qu’il est sursis à l’exécution du jugement rendu le 30 avril 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil, jusqu’à ce que la cour d’appel rende son arrêt,
Disons que les dépens de la présente instance seront supportés par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Ile-de-France,
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejetons toute autre demande.
ORDONNANCE rendue par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente