Régularisation de carrière et contestation des droits à pension : enjeux et implications des cotisations vieillesse

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Régularisation de carrière et contestation des droits à pension : enjeux et implications des cotisations vieillesse

Demande de régularisation de carrière

Par lettre reçue le 22 février 2022, M. [E] [F] a sollicité la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) pour la régularisation de sa carrière concernant son activité au sein du cabinet de M. [O] [L] entre le 1er avril 1984 et le 12 août 1985.

Notification de retraite

La CNAV a notifié à M. [F] une pension de retraite d’un montant mensuel net de 1.306,17 euros, prenant effet le 1er septembre 2022.

Recours auprès de la commission de recours amiable

Le 29 septembre 2022, M. [F] a contesté cette notification en saisissant la commission de recours amiable (CRA).

Réévaluation de la retraite

Le 14 septembre 2023, la CNAV a réévalué la pension de M. [F] à 1.316,62 euros à compter du 1er septembre 2023.

Nouveau recours et saisine du tribunal

Le 27 septembre 2023, M. [F] a de nouveau saisi la CRA concernant la période manquante sur son relevé de carrière. En l’absence de réponse, il a déposé une requête au tribunal judiciaire de Bobigny le 31 janvier 2024 pour obtenir une rectification de son relevé de carrière et un recalcul de sa retraite.

Audition au tribunal

L’affaire a été entendue le 10 septembre 2024, où M. [F], représenté par son conseil, a formulé plusieurs demandes, notamment la rectification de son relevé de carrière et des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Arguments de M. [F]

M. [F] a expliqué qu’il ne pouvait fournir les bulletins de salaire des années 1984 et 1985 en raison d’un cambriolage en 1987, mais a affirmé que ces trimestres avaient été pris en compte par l’AGIRC-ARRCO.

Position de la CNAV

La CNAV a demandé le rejet des demandes de M. [F], arguant que la validation des périodes d’assurance dépend du versement effectif de cotisations, ce qui n’a pas été prouvé pour la période concernée.

Éléments de preuve présentés

M. [F] a fourni plusieurs attestations et documents, mais aucun ne prouve le paiement de cotisations au régime général pour les années 1984 et 1985.

Décision du tribunal

Le tribunal a débouté M. [F] de sa demande de rectification de son relevé de carrière, considérant qu’il n’avait pas apporté la preuve des cotisations versées.

Demande de dommages-intérêts

La demande de dommages-intérêts a également été rejetée, le tribunal estimant que M. [F] n’avait pas démontré de faute de la part de la CNAV ni de préjudice.

Conclusion et exécution provisoire

Le tribunal a mis les dépens à la charge de M. [F] et a ordonné l’exécution provisoire de la décision, tout en rappelant le délai d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

29 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG
24/00378
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00378 – N° Portalis DB3S-W-B7I-Y46B
Jugement du 29 OCTOBRE 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 OCTOBRE 2024

Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 24/00378 – N° Portalis DB3S-W-B7I-Y46B
N° de MINUTE : 24/02071

DEMANDEUR

Monsieur [E] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Maître Victor EDOU de la SELARL SELARL EDOU – DE BUHREN – HONORE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0021

DEFENDEUR

CNAV CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE VIEILLESSE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Madame [I] [S], audiencière

COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 10 Septembre 2024.

M. Cédric BRIEND, Président, assisté de Monsieur Frédéric KAMOWSKI et Monsieur Sylvain DELFOSSE, assesseurs, et de Monsieur Denis TCHISSAMBOU, Greffier.

Lors du délibéré :

Président : Cédric BRIEND,
Assesseur : Frédéric KAMOWSKI, Assesseur salarié
Assesseur : Sylvain DELFOSSE, Assesseur employeur

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Cédric BRIEND, Juge, assisté de Denis TCHISSAMBOU, Greffier.

Transmis par RPVA à : Maître Victor EDOU de la SELARL SELARL EDOU – DE BUHREN – HONORE

FAITS ET PROCEDURE

Par lettre reçue 22 février 2022, M. [E] [F] a adressé à la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) une demande de régularisation de sa carrière pour son activité exercée du 1er avril 1984 au 12 août 1985 au sein du cabinet de M. [O] [L].

La CNAV lui a notifié sa retraite d’un montant mensuel net de 1.306,17 euros à compter du 1er septembre 2022.

Par lettre du 29 septembre 2022, M. [F] a saisi la commission de recours amiable (CRA) en contestation de cette notification.

Par notification du 14 septembre 2023, la CNAV a réévalué la retraite de M. [F] à hauteur d’un montant de 1.316,62 euros à compter du 1er septembre 2023.

Le 27 septembre 2023, M. [F] a de nouveau saisi la CRA concernant la période manquante sur son relevé de carrière (1984 à 1985).

En l’absence de réponse, par requête de son conseil reçue au greffe le 31 janvier 2024, M. [F] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’obtenir une rectification de son relevé de carrière et un recalcul du montant de sa retraite.

L’affaire a été appelée à l’audience du 10 septembre 2024 date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.

M. [E] [F], représenté par son conseil, par des conclusions déposées et soutenues à l’audience, demande au tribunal de :
– ordonner à la CNAV de rectifier son relevé de carrière et d’y intégrer la période travaillée en tant que salarié du 1er avril 1984 au 12 août 1985 ;
– ordonner à la CNAV de corriger le montant de sa pension de retraite ;
– fixer le montant de sa retraite personnelle, hors majoration pour enfants, au 1er janvier 2010, à la somme de 1.229,34 euros,
– condamner la CNAV à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– condamner la CNAV à lui payer la somme de 2.000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, il explique ne pas être en mesure de transmettre les bulletins de salaire afférents aux années 1984 et 1985 car il a été victime d’un cambriolage en 1987. Il ajoute que ces trimestres de travail ont été pris en compte sur les relevés de compte de l’AGIRC-ARRCO. S’agissant de sa demande indemnitaire, il fait valoir que depuis des années, il n’a reçu aucune réponse claire à ses demandes d’explication ainsi qu’à son recours auprès de la commission de recours amiable de la CNAV.

Par conclusions reçues au greffe le 26 juillet 2024, la caisse nationale d’assurance vieillesse, régulièrement représentée, demande au tribunal de débouter M. [F] de ses demandes.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que la validation des périodes d’assurance vieillesse ne dépend pas de la preuve de l’activité salariée mais du versement effectif de cotisations. Elle ajoute que les recherches qu’elle a effectuées n’ont pas permis de dire que le cabinet comptable [L] a transmis les déclarations nominatives de salaires qui auraient dû être établies en 1984 et 1985 pour l’activité exercée par le requérant. Elle précise qu’un relevé de compte établi par la retraite complémentaire ne saurait être pris en compte dès lors que ce document atteste que des cotisations ont été versées aux caisses de retraite complémentaire mais en aucun cas du versement de cotisations vieillesse au titre du régime général. Elle rappelle que les modalités de calcul des cotisations vieillesse au titre du régime général diffèrent en tout point de celles des retraites complémentaires. En réponse à la demande indemnitaire, elle indique qu’elle a appliqué la législation en vigueur en tenant compte des informations déclarées par les employeurs par le biais des déclarations nominatives annuelles des salaires reportés sur le compte individuel de M. [F].

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux écritures de celles-ci.

L’affaire a été mise en délibéré au 29 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rectification du relevé de carrière au titre des années 1984 et 1985

Aux termes de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, “L’assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l’assuré qui en demande la liquidation à partir de l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2.

Le montant de la pension résulte de l’application au salaire annuel de base d’un taux croissant, jusqu’à un maximum dit « taux plein », en fonction de la durée d’assurance, dans une limite déterminée, tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes, ou en fonction de l’âge auquel est demandée cette liquidation. […] ”

Aux termes de l’article L. 351-2 du même code, “Les périodes d’assurance ne peuvent être retenues, pour la détermination du droit à pension ou rente que si elles ont donné lieu au versement d’un minimum de cotisations au titre de l’année civile au cours de laquelle ces périodes d’assurance ont été acquises, déterminé par décret. En cas de force majeure ou d’impossibilité manifeste pour l’assuré d’apporter la preuve du versement de cotisations, celle-ci peut l’être à l’aide de documents probants ou de présomptions concordantes. Lorsque la possibilité d’effectuer un versement de cotisations est ouverte en application de dispositions réglementaires au-delà du délai d’exigibilité mentionné à l’article L. 244-3 et à défaut de production de documents prouvant l’activité rémunérée, ce versement ne peut avoir pour effet d’augmenter la durée d’assurance de plus de quatre trimestres. […]”

Aux termes de l’article R. 351-1 du même code, “les droits à l’assurance vieillesse sont déterminés en tenant compte :

1°) des cotisations versées au titre de la législation sur les assurances sociales et arrêtées au dernier jour du trimestre civil précédant la date prévue pour l’entrée en jouissance de la pension, rente ou allocation aux vieux travailleurs salariés ;

2°) de l’âge atteint par l’intéressé à cette dernière date ;

3°) du nombre de trimestres d’assurance valables pour le calcul de la pension.”

Aux termes de l’article R. 351-3 du même code, “les termes « durée d’assurance » et « périodes d’assurance » figurant à l’article L. 351-1 désignent :

1°) les périodes de cotisations à l’assurance vieillesse obligatoire ou volontaire ainsi que les périodes assimilées à des périodes d’assurance ou validables en application des règles propres à chacun des régimes de base obligatoires. […]”

Aux termes de l’article R. 351-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, “Il est tenu compte, pour l’ouverture du droit et le calcul des pensions de vieillesse prévues aux articles L. 351-1, L. 351-7 et L. 352-1, de toutes les cotisations d’assurance vieillesse versées pour les périodes antérieures à l’entrée en jouissance de la pension, quelle que soit la date de leur versement. […]

Sont également valables pour l’ouverture du droit et le calcul desdites pensions, les cotisations non versées, lorsque l’assuré a subi en temps utile, sur son salaire, le précompte des cotisations d’assurance vieillesse.”

Il résulte de la combinaison de ces textes que si seul le salaire ayant été soumis à la cotisation d’assurance vieillesse doit être reporté sur le compte individuel de l’assuré et rentrer dans le calcul de la pension vieillesse, en cas d’absence ou d’insuffisance de report à son compte, l’assuré peut le voir régularisé lorsqu’il rapporte la preuve du versement de la cotisation ou justifie avoir subi, en temps utile, un précompte sur ses rémunérations. Il revient à l’assuré de rapporter des preuves précises ou des présomptions concordantes à cette fin.

En l’espèce, M. [E] [F] verse notamment aux débats :
– une attestation de M. [X] [L] du 2 mars 2006 aux termes de laquelle il est indiqué : “En réponse à votre fax du 1er courant nous vous informons que nous sommes dans l’impossibilité de vous fournir une attestation justifiant de votre emploi au sein du cabinet [L] pour l’année 1985. (…) Nous vous informons également que nous ne sommes plus en possession d’aucun document concernant l’année 1985 car nous avons subi lors des intempéries de septembre 1993 une inondation et toutes nos archives ont été détruites.”
– une attestation d’affiliation du 3 janvier 2008 à l’Institution [5] par l’intermédiaire du cabinet comptable [O] [L] sur la période du 1er avril 1984 au 12 août 1985 ;
– un relevé récapitulatif de point de l’ARRCO du 26 novembre 2008 duquel il ressort un total de 145,97 points au titre de son activité au sein du cabinet comptable [O] [L] pour les années 1984 et 1985 ;
– des avis d’imposition au titre des années 1982, 1984 et 1985.

Il ressort de ces éléments que M. [F] justifie d’une activité salariée au sein du cabinet comptable [O] [L] sur les années 1984 et 1985. Aucune de ces pièces ne permet en revanche de démontrer que des cotisations au régime général ont effectivement été payées au titre des salaires versés sur cette période.

Si M. [F] indique que le régime de retraite complémentaire a bien a pris en compte les cotisations versées sur cette période, cela n’induit nullement que des cotisations ont été payées au titre du régime général, d’autant que les cotisations pour les régimes de retraite complémentaire sont fixées au regard d’une assiette différente que celle du régime de base.

Ce faisant, M. [E] [F] doit être débouté de sa demande de rectification du relevé de carrière pour les années1984 et 1985 et de l’ensemble des demandes subséquentes.

Sur la demande de dommages-intérêts

Selon l’article 1240 du code civil, “tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

Dès lors qu’elle entraîne un préjudice pour l’assuré, la faute commise par un organisme de sécurité sociale est de nature à engager sa responsabilité sur le fondement du droit commun. Il appartient au demandeur de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l’espèce, la CNAV démontre avoir adressé une demande auprès de la CRAM de Marseille afin de pouvoir prendre en compte l’activité professionnelle de M. [F] en Corse dans ses droits à la retraite. La CNAV justifie donc de diligences dans les suites de la demande de régularisation de carrière formulée par M. [F].

Par ailleurs, l’absence de réponse d’une commission de recours amiable n’est pas constitutive d’une faute mais d’un rejet implicite du recours.

L’assuré ne démontre pas de manquement fautif de la part de l’organisme ni l’existence d’un préjudice.

La demande de dommages-intérêts sera rejetée.

Sur les mesures accessoires

Les dépens seront mis à la charge du demandeur qui succombe en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Sa demande au titre de l’article 700 du même code ne peut qu’être rejetée.

L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Déboute M. [E] [F] de l’ensemble de ses demandes ;

Met les dépens à la charge de M. M. [E] [F] ;

Rejette sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.

Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :

Le greffier Le président

Denis TCHISSAMBOU Cédric BRIEND


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