Responsabilité et Indemnisation : Évaluation des Préjudices Subis par un Surveillant Pénitentiaire

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Responsabilité et Indemnisation : Évaluation des Préjudices Subis par un Surveillant Pénitentiaire

Contexte de l’Affaire

Par acte extra-judiciaire du 31 octobre 2023, M. [D] [S] a assigné M. [X] [Z] devant le tribunal judiciaire de Paris. Il a demandé la reconnaissance de sa recevabilité et la condamnation de M. [Z] à verser des indemnités pour un préjudice résultant d’agressions subies dans l’exercice de ses fonctions de surveillant pénitentiaire.

Les Faits

M. [S] a été victime de menaces, d’insultes et de violences de la part de M. [Z], alors incarcéré. Lors d’une fouille, M. [Z] a violemment fermé la porte de sa cellule sur M. [S] et lui a porté des coups. M. [S] soutient que ces actes constituent une faute engageant la responsabilité de M. [Z] selon l’article 1240 du code civil.

Procédure Judiciaire

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024. M. [Z], assigné selon les articles 656 et 658 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat, rendant la décision réputée contradictoire et susceptible d’appel.

Responsabilité de M. [Z]

Le tribunal a examiné la responsabilité de M. [Z] en vertu de l’article 1240 du code civil, qui stipule que tout fait causant un dommage oblige son auteur à le réparer. M. [S] a fourni plusieurs éléments de preuve, y compris des rapports médicaux et des décisions disciplinaires, établissant que M. [Z] avait commis des fautes engageant sa responsabilité.

Évaluation du Préjudice

Le rapport médical a constaté des douleurs et des lésions chez M. [S], entraînant une incapacité totale de travail de deux jours. Le tribunal a décidé d’indemniser le déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 50 euros et les souffrances endurées à hauteur de 1.000 euros.

Décision du Tribunal

Le tribunal a déclaré M. [Z] responsable des conséquences dommageables des faits du 21 février 2020 et l’a condamné à verser un total de 1.050 euros à M. [S] pour réparation de son préjudice. M. [Z] a également été condamné à payer 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. L’exécution provisoire a été ordonnée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

29 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
23/13956
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre 1ère section

N° RG 23/13956
N° Portalis 352J-W-B7H-C24U2

N° MINUTE :

Assignation du :
31 Octobre 2023

JUGEMENT
rendu le 29 Octobre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [D] [S]
domicilié : Centre pénitentiaire de [Localité 7] [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Laurence LEGER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0209

DÉFENDEUR

Monsieur [X] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente, statuant en juge unique.

assistée de Nadia SHAKI, Greffier,
Décision du 29 Octobre 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 23/13956 – N° Portalis 352J-W-B7H-C24U2

DÉBATS

A l’audience du 03 Septembre 2024 tenue en audience publique devant
Madame DETIENNE, Vice-Présidente, statuant en juge unique, avis a été rendu que la décision serait prononcée ce jour.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte extra-judiciaire du 31 octobre 2023, M. [D] [S] a fait citer M. [X] [Z] devant le tribunal judiciaire de Paris en demandant au tribunal de :
« Vu l’article L 211-4-1 du code de l’organisation judiciaire,
Vu l’article 1240 du code civil,
(…)
DECLARER Monsieur [S] recevable en ses demandes ;
CONDAMNER Monsieur [Z] à payer à Monsieur [S] la somme de 60 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire totale
CONDAMNER Monsieur [Z] à payer à Monsieur [S] la somme de 5.000 euros au titre des souffrances qu’il a endurées ;
DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
CONDAMNER Monsieur [Z] a payer a Monsieur [S] la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et le CONDAMNER aux dépens. ».

Au soutien de ses demandes, M. [S] fait valoir pour l’essentiel qu’il a été victime, dans le cadre de ses fonctions de surveillant pénitentiaire, de menaces, d’insultes et de violences de la part de M. [Z] qui était alors incarcéré à la maison d’arrêt de [Localité 7] [Adresse 2] et qui a, lors de la fouille de sa cellule, violemment fermé la porte sur lui puis s’est rebellé et lui a porté des coups lors de sa maîtrise au sol. Il prétend que ces agissements sont constitutifs d’une faute engageant la responsabilité de M. [Z] sur le fondement de l’article 1240 du code civil et justifiant la réparation des préjudices qu’il subit. Il précise que le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris avait initialement envisagé de faire citer M. [Z] devant le tribunal correctionnel mais qu’il a finalement décidé de procéder au classement sans suite de l’affaire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

Assigné dans les formes des articles 656 et 658 du code de procédure civile, M. [Z] n’a pas constitué avocat. La présente décision, susceptible d’appel, sera par conséquent réputée contradictoire.

Pour un plus ample exposé des faits et de l’argumentation du demandeur, il est renvoyé, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, à son assignation valant dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».

Sur la responsabilité de M. [Z]

Aux termes de l’article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. ».

En application des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, il appartient à M. [S] qui recherche la responsabilité de M. [Z] sur le fondement de cet article de rapporter la preuve d’une faute de ce dernier et d’un préjudice en lien causal avec cette faute.

Au soutien de ses demandes, M. [S] verse notamment aux débats :
– la fiche pénale de M. [Z],
– le compte-rendu d’incident qu’il a rédigé le 21 février 2020 et son procès-verbal de dépôt de plainte du même jour qui décrivent l’incident l’ayant opposé à M. [Z] dans des termes identiques,
– la décision prononcée le 24 février 2020 par la commission de discipline considérant que M. [Z] a commis les fautes disciplinaires prévues aux articles R.57-7-1, 3°, 5° et 12° du code de procédure pénale consistant à opposer une résistance violente aux injonctions des personnels, à commettre intentionnellement des actes de nature à mettre en danger la sécurité d’autrui et à proférer des insultes, des menaces ou des propos outrageants à l’encontre d’un membre du personnel de l’établissement, d’une personne en mission ou en visite au sein de l’établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires et prononçant à son encontre une sanction de 15 jours de cellule disciplinaire dont 3 jours en prévention. Lors de sa comparution devant la commission de discipline, M. [Z] a contesté les menaces et insultes mais a reconnu avoir involontairement claqué la porte de sa cellule alors que M. [S] était en train de la pousser,
– le procès-verbal du 22 octobre 2020 mentionnant que le procureur de la République a sollicité la transmission de la procédure en vue d’une citation directe,
– le courrier électronique des services du procureur de la République en date du 27 mai 2022 informant le conseil de M. [S] que la procédure avait fait l’objet d’un classement sans suite le 15 avril 2022,
– le rapport établi le 23 février 2020 par le docteur [F], médecin exerçant aux urgences médico-judiciaires de l'[6], concluant à une incapacité totale de travail de deux jours et faisant état d’un certificat médical en date du 21 février 2020 du docteur [J] « (urgences [5]) », documents médicaux dont les constatations sont concordantes et compatibles avec les faits dénoncés par M. [S] notamment des lésions au niveau du bras, du coude et du genou.

Ces éléments établissent que M. [Z] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de M. [S] sur le fondement de l’article 1240 du code civil en proférant des insultes et menaces et en commettant des violences à son encontre.

Sur la liquidation du préjudice de M. [S]

Le rapport du docteur [F] indique :

« DOLEANCES
M. [S] nous rapporte des douleurs du coude gauche, du genou gauche, de l’épaule droite et de la hanche gauche.
Absence de : nausées/vomissements ; céphalées ; malaise ; sensation vertigineuse ; troubles de la vision ; sensation d’hypoacousie ; acouphène ; mobilité dentaire ;

CERTIFICAT MEDICAL ANTERIEUR
-Certificat médical initial en date du 21/02/2020, Dr [J] (urgences [5]) mentionnant : « ecchymose bras droit au niveau tricipital 6 cm, douleur à la palpation de l’olécrane gauche, sans œdème, sans impotence fonctionnelle, douleur du genou gauche avec dermabrasion 2 cm, pas d’indication à un bilan para-clinique ».

EXAMEN CLINIQUE RETENTISSEMENT FONCTIONNEL
Temps écoulé depuis les faits rapportés : 02 jours
L’examen des téguments et l’examen clinique réalisés ce jour permettent de constater :
– Une ecchymose bleutée de 4 cm de diamètre face postérieure, tiers moyen bras droit,
– Douleur alléguée à la palpation du coude gauche, sans bursite, sans limitation des amplitudes articulaires de l’articulation,…
– Auscultation pulmonaire sans particularité,
– Une abrasion crouteuse de 2cm de diamètre à la face antérieure du genou gauche;
– Une abrasion crouteuse de 2cm de diamètre à la face externe du genou gauche
– Douleur alléguée à la palpation du genou gauche, sans limitation des amplitudes articulaires,
– Pouls poplité perçu
Le reste de l’examen clinique est sans particularité en dehors de cicatrices anciennes sans rapport avec les faits allégués.

CONCLUSION
(…)
Les lésions constatées ce jour ainsi que le retentissement fonctionnel qui en découle entrainent une INCAPACITE TOTALE DE TRAVAIL (I.T.T.) de deux jours (2 jours) à compter de la date des faits (art.222-7 à 222-16 du CP) sous réserve de l’absence de complications. (…). »

– Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique. Par conséquent, il inclut les préjudices sexuel et d’agrément durant la période temporaire.

Au vu des lésions ci-avant rappelées, la gêne subie par M. [S] dans les actes de la vie courante sera indemnisée sur une base de 25 euros par jour, soit une somme de 50 euros au total.

– Sur les souffrances endurées

Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l’espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et le retentissement psychique des faits. Il sera précisé que le docteur [E] a indiqué que sur le plan psychologique, aucune plainte n’était formulée par M. [S] à part une colère lors des faits au cours desquels il aurait tapé « d’un coup de poing sur la vitre ». Si ce médecin a précisé qu’une décompensation ultérieure n’était pas exclue et qu’il était souhaitable que M. [S] soit dans ce cas-là évalué à distance des faits par un psychiatre, il n’est produit aucune pièce justifiant d’un examen de ce type. M. [S] évoque en revanche un sentiment de tristesse et de démotivation professionnelle ainsi qu’un stress professionnel et une certaine appréhension à reprendre ses fonctions.

Dans ces conditions, il convient de lui allouer la somme de 1.000 euros à ce titre.

M. [Z] sera par conséquent condamné à payer à M. [S] la somme de 1.050 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des faits du 21 février 2020.

Sur les demandes accessoires

M. [Z] qui succombe sera condamné aux dépens et à verser à M. [S] la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l’espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Déclare M. [X] [Z] responsable des conséquences dommageables des faits commis au préjudice de M. [D] [S] le 21 février 2020 ;

Condamne M. [X] [Z] à payer à M. [D] [S] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :
– 50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
– 1.000 euros au titre des souffrances endurées ;

Condamne M. [X] [Z] à payer à M. [D] [S] la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [X] [Z] aux dépens ;

Rappelle que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire ;

Déboute M. [D] [S] de ses demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige ;

Fait et jugé à Paris le 29 Octobre 2024.

Le Greffier La Présidente
Nadia SHAKI Géraldine DETIENNE


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