Nullité des contrats et prescription : enjeux de la protection du consommateur face aux pratiques commerciales

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Nullité des contrats et prescription : enjeux de la protection du consommateur face aux pratiques commerciales

Contexte de l’affaire

Le 24 juillet 2014, Monsieur [V] a signé un contrat avec la société IDF Solaire, devenue la SAS France Habitat Solution, pour l’installation d’un système photovoltaïque d’une valeur de 27 000 euros. Ce contrat a été conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile, accompagné d’un crédit affecté souscrit auprès de la SA Groupe Sofemo, également d’un montant de 27 000 euros, remboursable sur 180 mensualités.

Évolution des sociétés impliquées

La société Groupe Sofemo a été absorbée par Cofidis, tandis que la SAS France Habitat Solution a été radiée du registre du commerce en octobre 2015. En juin 2022, un mandataire ad’hoc a été désigné pour représenter la SAS France Habitat Solution dans le cadre de la procédure judiciaire.

Procédure judiciaire

Monsieur [V] a assigné la SA Cofidis et le mandataire ad’hoc devant le tribunal judiciaire de Lille, demandant la nullité des contrats de vente et de crédit, ainsi que le remboursement de diverses sommes. L’audience a eu lieu le 8 janvier 2024, où un calendrier de procédure a été établi, avec une plaidoirie prévue pour septembre 2024.

Arguments de Monsieur [V]

Monsieur [V] soutient avoir été trompé sur la rentabilité de l’installation et accuse la SA Cofidis d’avoir participé à des manœuvres dolosives. Il conteste également le point de départ de la prescription, arguant qu’il n’a pris connaissance des irrégularités qu’après plusieurs années.

Réponse de la SA Cofidis

La SA Cofidis a demandé la déclaration de prescription des demandes de Monsieur [V], arguant que celles-ci avaient été introduites plus de cinq ans après la signature des contrats. Elle a également demandé à être condamnée à ne restituer que les intérêts perçus en cas de nullité des contrats.

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé que l’action en nullité pour dol était prescrite, le point de départ étant fixé à la date de la première facture de revente d’électricité. De même, l’action pour non-conformité du contrat au formalisme du code de la consommation a été déclarée prescrite. En conséquence, les demandes de Monsieur [V] ont été déclarées irrecevables.

Conséquences financières

Monsieur [V] a été condamné à payer 700 euros à la SA Cofidis au titre des frais de justice, et il a également été condamné aux dépens. L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
23/10626
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/10626 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XXRN

JUGEMENT

DU : 04 Novembre 2024

[T] [V]

C/

S.A. COFIDIS VENANT AUX DROITS DU GROUPE SOFEMO
S.A.S. FRANCE HABITAT SOLUTION

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 04 Novembre 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

M. [T] [V], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

ET :

DÉFENDEUR(S)

S.A. COFIDIS VENANT AUX DROITS DU GROUPE SOFEMO, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Me Xavier HELAIN, avocat au barreau d’ESSONNE

Me [U] [L], es qualité de mandaire ad’hoc de la S.A.S. FRANCE HABITAT SOLUTION, [Adresse 2], non comparant

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 09 Septembre 2024

Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 04 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

RG : 23/10626 PAGE

EXPOSE DU LITIGE

Le 24 juillet 2014, [T] [V] a contracté auprès de la société par actions simplifiée (SAS) IDF Solaire devenue la SAS France Habitat Solution une prestation relative à la fourniture et la pose d’une installation photovoltaïque pour un montant total TTC de 27 000 euros, dans le cadre d’un démarchage à domicile, suivant bon de commande n°3690.

Le même jour, Monsieur [V] a souscrit une offre de crédit affecté auprès de la société anonyme (ci-après SA) Groupe Sofemo d’un montant de 27 000 euros, au taux débiteur de 5,61% l’an, remboursable en 180 mensualités de 294,10 euros, avec assurance facultative, avec un différé de paiement de onze mois.

La société Groupe Sofemo a fait l’objet d’une fusion absorption par la société anonyme Cofidis (ci-après désignée la S.A Cofidis).

La SAS France Habitat Solution a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 8 octobre 2015.

Par ordonnance du 21 juin 2022, Madame la Présidente du tribunal de commerce d’Evry a, à la demande de Monsieur [V], désigné Maître [U] [C] [L] en qualité de mandataire ad’hoc de la SAS France Habitat Solution afin que celle-ci soit valablement représentée dans le cadre de la présente instance.

Par acte de commissaire de justice délivré le 30 juin 2023 et le 2 août 2023, Monsieur [V] a fait assigner respectivement la SA Cofidis et Maître [U] [C] [L], es qualité de mandataire ad’hoc de la SAS France Habitat Solution, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins notamment de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté et condamner la SA Cofidis au paiement de diverses sommes d’argent.

L’affaire a été appelée à l’audience du 8 janvier 2024 lors de laquelle les parties, représentées par leur conseil, à l’exception de Maître [U] [C] [L] es qualité de mandataire ad’hoc de la SAS France Habitat Solution, non représentée et non comparante, ont accepté de soumettre la procédure à l’article 446-2 du code de procédure civile et un calendrier de procédure a été établi fixant l’audience de plaidoiries au 9 septembre 2024.

A cette audience, Monsieur [V], représenté par son conseil, s’en est rapporté à ses dernières écritures, aux termes desquelles il sollicite du juge, au visa de l’article liminaire du code de la consommation, des anciens articles 1109 et 1116 du code civil, de l’article 16 de la loi n°2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012, des articles L 111-1 et R.111-1 du code de la consommation, et de l’article L121-28 tel qu’issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, de :
déclarer ses demandes recevables,prononcer la nullité du contrat de vente,prononcer, en conséquence, la nullité du contrat de prêt affecté,condamner la SA Cofidis à lui verser les sommes suivantes :27 000 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution,15 192 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux en exécution du prêt souscrit ;5 000 euros au titre du préjudice moral subi,4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,
prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA Cofidis,condamner, en conséquence, la SA Cofidis à lui rembourser l’ensemble des intérêts versés au titre de l’exécution normale du contrat de prêt et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d’amortissement expurgé desdits intérêts,rejeter l’intégralité des demandes de la SA Cofidis,condamner la SA Cofidis aux dépens de l’instance.

A l’appui de ses demandes principales, il soutient que la S.A.R.L ROBBY SOLAR l’a trompé sur la rentabilité de l’opération et n’a pas respecté les dispositions impératives du code de la consommation; que la S.A. COFIDIS a, d’une part, participé aux manœuvres dolosives de la société venderesse, et, d’autre part, versé les fonds sans procéder préalablement aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat était affecté d’irrégularités et sans vérifier l’exécution complète de la prestation.

En réponse à la fin de non-recevoir, il fait valoir que le point de départ du délai de prescription n’est pas fixé au jour de la signature des contrats mais au jour où le titulaire du droit d’agir a connu les irrégularités et manœuvres dénoncées lui permettant d’agir ou aurait dû les connaître; que s’agissant d’une action en responsabilité contractuelle, ce point de départ ne peut être fixé à la date de la seule connaissance du dommage mais à celle à laquelle ils ont eu ou auraient dû avoir non seulement connaissance du dommage, dans toute son ampleur, mais également du fait générateur de responsabilité. S’agissant du fait générateur de responsabilité, il estime qu’il ne pouvait pas avoir connaissance du manquement de la banque à son obligation d’information et d’alerte sur la régularité du bon de commande puisque cette obligation est précisément faite à celle-ci pour pallier l’ignorance du consommateur en la matière, notamment s’agissant des vices pouvant affecter le contrat de vente. Il ajoute que les irrégularités du bon de commande consistant en des mentions absentes ne pouvaient ressortir de la « seule lecture » des documents contractuels, sauf à exiger de l’emprunteur qu’il procède à une analyse approfondie du contrat que seul un professionnel ou un sachant peut réaliser, et qu’il n’était donc pas en mesure de déterminer, au moment de la signature du bon de commande, l’existence d’irrégularités. Il soutient que la Cour de cassation a récemment jugé que la reproduction des dispositions du code de la consommation, même lisible, dans le bon de commande, ne permet pas d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat. Il précise qu’il a eu connaissance de la faute de la banque qu’après plusieurs années de production. Enfin, il considère qu’il appartient à la SA Cofidis d’apporter la preuve de la connaissance par lui des irrégularités dès la date de signature du contrat de vente. Il en conclut que la prescription doit être écartée par souci d’efficacité et d’effectivité du droit de la consommation. Enfin, sur le fondement de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme, il fait valoir que le principe d’égalité des armes impose de garantir aux parties un droit d’agir ou de se défendre dans les mêmes conditions notamment face à la prescription. Il estime que si le banquier est recevable à agir pendant toute l’exécution du contrat de prêt pour obtenir le paiement des sommes échues impayées, il doit également l’être même si le contrat a été souscrit il y a plusieurs années.

La SA Cofidis, représentée par son conseil, s’en est également rapportée à ses dernières écritures aux termes desquelles elle sollicite du juge de :

A titre principal,
déclarer Monsieur [V] prescrit, irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes,rejeter l’intégralité des demandes de Monsieur [V],
A titre subsidiaire, si le juge venait à prononcer la nullité du contrat de crédit par suite de la nullité du contrat de vente,

condamner le requérant à justifier des sommes versées,être condamnée à ne restituer que les intérêts perçus,
En tout état de cause,

condamner Monsieur [V] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Au soutien de sa fin de non-recevoir, au visa de l’article 2224 du code civil, elle considère que les demandes en nullité des contrats de vente et de crédit affecté fondées sur la violation des dispositions du code de la consommation sont prescrites en ce qu’elles ont été introduites plus de cinq ans après la signature des contrats, date à laquelle les emprunteurs étaient en mesure de déceler les erreurs alléguées. Elle soutient encore que les demandes en nullité des contrats de vente et de crédit affecté fondées sur le dol sont prescrites en ce que les emprunteurs se sont nécessairement aperçus des mensonges de la société dès réception de la première facture ou a minima de la deuxième facture de production d’énergie. Elle ajoute que les emprunteurs n’apportent pas la preuve que des promesses d’autofinancement de l’installation ont été faites. Elle expose en outre que les emprunteurs sont encore prescrits en leur demande indemnitaire fondée sur la faute dans le déblocage des fonds en ce qu’ils n’ont pas agi dans les cinq ans de la signature de l’attestation de livraison le 27 août 2014 ou des premières mensualités de remboursement du prêt en 2015, dates auxquelles les fonds étaient nécessairement débloqués.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties et en application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé à leurs écritures respectives déposées à l’audience du 9 septembre 2024.

Assigné en qualité de mandataire ad’hoc de la SAS France Habitat Solution par remise de l’acte à personne morale, Maître [U] [C] [L] ne s’est ni présenté ni fait représenter à l’audience.

Par courrier réceptionné par le greffe de la juridiction le 14 septembre 2023, il a indiqué qu’en raison de l’impécuniosité du dossier, il lui était impossible de se présenter à l’audience et qu’il s’en rapportait à la sagesse du tribunal.

La décision a été mise en délibéré au 4 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Le jugement dès lors qu’il est susceptible d’appel sera rendu de manière réputée contradictoire en application de l’article 474 alinéa 1 du code de procédure civile.

Selon l’article 472 du même code, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Sur l’action en nullité du contrat principal :

Selon l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
 
Le point de départ du délai de prescription d’une action commence à courir à compter du moment où son auteur a pris connaissance des faits, ou a décelé les erreurs lui permettant de l’exercer.

Aux termes de l’article 2241 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il ressort des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, l’action en nullité du contrat de fourniture et de pose d’une installation photovoltaïque diligentée par Monsieur [V] a un double fondement : le dol et les irrégularités au regard du formalisme imposé par le code de la consommation affectant le bon de commande.

– Sur le moyen pris du dol :
  
Le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts en application de l’ancien article 1304 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 applicable au présent contrat.

Monsieur [V] soutient qu’il a été trompé par la société IDF Solaire devenue la SAS France Habitat Solution lors de la conclusion du contrat de vente au motif que les performances énergétiques et la rentabilité de l’installation qu’elle lui avait promises ne sont pas atteintes, que l’installation ne s’autofinance pas dans la mesure où les revenus liés à la revente d’électricité ne couvrent pas les mensualités d’emprunt, qu’il n’a pas été informé des variations de productivité lié à l’ensoleillement, ces éléments qui relèvent des caractéristiques essentielles d’une installation photovoltaïque étant nécessairement entrés dans le champ contractuel.

Il invoque une faute de la société Cofidis pour avoir participé au dol en consentant un crédit à partir d’imprimés-type délivrés aux démarcheurs et en instaurant un différé de paiement de onze mois pour augmenter la croyance en l’existence d’un système auto-financé.

La banque leur oppose la prescription affectant ces demandes, ayant selon elle couru depuis la première voire la deuxième facture de production.

Le point de départ du délai de prescription, consistant en la découverte du dol allégué, résultant de pratiques commerciales trompeuses et d’une promesse mensongère de rentabilité et d’autofinancement doit, en l’espèce, être fixé à la date d’émission de la première facture de revente d’électricité.

Monsieur [V] fait valoir que la première facture de production d’électricité ne lui permettait pas de vérifier le fonctionnement de l’installation dont la rentabilité ne pouvait s’apprécier qu’après plusieurs années d’utilisation.

Il verse aux débats une expertise réalisée le 28 janvier 2020 par la SASU 2 CLM de façon non contradictoire six années après la pose de l’installation photovoltaïque qui conclut que le rendement financier théorique moyen de l’installation photovoltaïque, soit 1607 euros par an, ne permet pas de couvrir la mensualité du prêt. Il estime que ce n’est qu’à la date de cette expertise qu’il a eu une connaissance effective et concrète de la rentabilité de son installation.

Toutefois, d’une part, il ne résulte pas de l’examen du bon de commande, qui a seul valeur contractuelle, la preuve d’une promesse de rentabilité voire d’autofinancement du vendeur à l’égard de l’acheteur dans le cadre de son démarchage. D’autre part, si Monsieur [V] allègue qu’il appartenait au vendeur de lui présenter la rentabilité de son produit, et de l’en informer exactement, ce en quoi ce dernier a été défaillant, mais alors que la rentabilité de l’installation n’était pas intégrée au champ contractuel, force est de constater que le requérant pouvait parfaitement se rendre compte, bien avant la réalisation de l’expertise le 28 janvier 2020, par un simple calcul du coût annuel du crédit et en le comparant au montant de la première facture annuelle de revente d’électricité, que l’installation ne pourrait pas s’autofinancer.

La découverte du dol allégué doit en effet être considérée comme acquise dès réception de la première facture de revente d’électricité qui date en principe de l’année suivant la signature du contrat d’achat avec ERDF, cette première facture révélant au consommateur la rentabilité de l’installation et les économies d’énergie générées par elle. Or, en l’espèce il est justifié du contrat d’achat d’énergie électrique conclu avec ERDF le 19 juillet 2016. Par suite, en l’absence de contestation quant au fonctionnement et au raccordement de l’installation, il y a lieu de considérer que la première facture a nécessairement été établie en juillet 2017 (même si elle n’a pas été produite aux débats), date à laquelle l’acheteur pouvait parfaitement se rendre compte que l’installation ne pourrait pas s’autofinancer.
 
Dès lors, l’action en nullité pour dol introduite les 3 juin 2023 et 2 août 2023 est prescrite.

Sur le moyen pris de la non-conformité du contrat au formalisme imposé par le code de la consommation :
En principe la prescription commence à courir à compter du jour où l’acte irrégulier a été signé.
 
S’agissant de l’action en nullité du contrat de vente pour non-respect des dispositions du code de la consommation, le point de départ du délai est donc le jour de la signature du bon de commande lorsque l’examen de la teneur de la convention permet de constater l’irrégularité.

En l’espèce, le contrat de vente conclu entre Monsieur [V] et la SAS France Habitat Solution a été conclu le 24 juillet 2014.

Nonobstant l’obligation de vérification de la régularité du contrat financé au moyen du crédit affecté pesant sur la S.A Cofidis, le demandeur ne peut invoquer sa qualité de consommateur et une méconnaissance du droit applicable pour faire échec à cette prescription.

Le bon de commande produit par Monsieur [V] reproduit de manière lisible, outre les conditions générales de vente, les articles L.121-23 à L.121-26 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 entrée en vigueur le 14 juin 2014. Si ces dispositions n’étaient pas celles en vigueur à la date du présent litige, elles reprennent, dans leur contenu, les différentes mentions obligatoires prescrites par le code de la consommation à la date de la souscription du contrat de vente litigieux .
 
Dans ces circonstances particulières, même si Monsieur [V] qui a signé le bon de commande n’est pas un professionnel de droit de la consommation, on peut admettre qu’en tant que consommateur normalement avisé, du fait de la reproduction en caractères lisibles sur le bon de commande des dispositions du code de la consommation afférentes aux mentions obligatoires, le demandeur a eu connaissance des vices du bon de commande allégués, à les supposer avérés, dès sa signature soit le 24 juillet 2014 même s’il peut n’avoir pas pris à cette date l’exacte mesure de toutes les implications juridiques de la signature du bon de commande (notamment s’agissant d’une éventuelle confirmation de la nullité).
 
Le point de départ du délai de prescription ainsi fixé au vu des pièces aux débats ne porte donc pas une atteinte au principe d’effectivité des droits du consommateur issus du droit de l’Union européenne qui impose uniquement que les dispositions de droit interne ne rendent pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits de l’ordre juridique européen. Or, le point de départ du délai de prescription ainsi fixé au vu des pièces aux débats et la durée du délai de prescription ne portent pas atteinte au principe d’effectivité des droits du consommateur issus du droit de l’obligation de l’Union européenne..
 
En conséquence, l’action en nullité fondée sur la non-conformité du bon de commande au formalisme du code de la consommation applicable en matière de démarchage à domicile, introduite suivant exploit introductif d’instance délivré le 3 juin 2023 et le 2 août 2023 19 avril 2023, soit plus de 5 années après la signature du bon de commande litigieux, est prescrite.

Sur l’action en nullité du contrat de crédit et l’action en responsabilité dirigées contre la banque :

En application de l’article L.311-32 du code de la consommation dans sa version applicable à compter du 1er mai 2011 et qui est désormais devenu l’article L.312-55 dudit code, la résolution ou l’annulation d’un contrat de vente entraîne celle du crédit affecté.
 
Dans la mesure où, d’une part, le contrat de crédit litigieux constitue l’accessoire du contrat de vente, d’autre part, la demande en nullité du contrat de crédit affecté n’est pas articulée de manière autonome par rapport à la demande en nullité du contrat principal, la prescription affectant l’action en nullité du contrat principal affecte également l’action en nullité du contrat de crédit accessoire.

En l’absence de nullité des contrats de vente et de crédit, il n’y a pas lieu à restitution entre les parties.

Dès lors, les demandes de Monsieur [V] visant à voir priver la société Cofidis de sa créance de restitution à raison des fautes prétendument commises par elle et à se voir rembourser l’intégralité des sommes qu’il aurait prétendument versées en exécution du crédit, à savoir l’intégralité du capital prêté et les intérêts conventionnels, sont sans objet.
 
Concernant l’action en responsabilité, la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Monsieur [V] fait grief à la banque d’avoir commis des fautes en débloquant les fonds en ne s’assurant pas de la régularité formelle du contrat ni de son exécution complète. Il fait également grief à la banque d’avoir participé au dol commis par la société venderesse et sollicite le paiement de diverses sommes à son encontre.
 
La société Cofidis oppose que l’action en responsabilité formée par l’emprunteur est prescrite pour n’avoir pas été engagée dans les cinq ans suivant la signature de l’attestation de livraison intervenue le 27 août 2014 ou le paiement de la première échéance de l’emprunt en janvier 2015.
 
Il est rappelé qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l’exercer.
 
La prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas connaissance.
 
Le dommage résultant de la faute de la banque dans le déblocage des fonds sans avoir vérifié la régularité formelle du contrat de vente et son exécution complète, à la supposer avérée, consiste pour l’emprunteur à devoir rembourser le crédit suite au déblocage fautif des fonds.

Le point de départ du délai de prescription se situe donc soit au moment de la libération des fonds soit au plus tard en l’absence de connaissance de la date de déblocage des fonds lors du prélèvement de la première échéance.

En l’occurrence, les parties ne produisent pas d’historique de compte. Cependant, la SA Cofidis verse aux débats une facture d’installation du kit solaire photovoltaïque n°FC3409 en date du 27 août 2014 émanant de la SAS IDF Solaire aux droits de laquelle se trouve la SAS France Habitat Solution comportant la mention suivante : « ACQUITTE le 29 août 2014 ». Cette date sera donc retenue comme étant celle du déblocage des fonds au profit du vendeur.

L’exploit introductif ayant été délivré à la société Cofidis le 30 juin 2023, plus de 5 années après la libération des fonds par la banque, l’action en responsabilité fondée sur la faute dans le déblocage des fonds est prescrite.
Même en retenant comme point de départ du délai de prescription le paiement de la première échéance du crédit par l’emprunteur intervenu le 05 septembre 2015 selon le tableau d’amortissement versé aux débats, l’action en responsabilité de la société Cofidis de ce chef est également prescrite.

Par ailleurs, l’action en nullité du contrat pour dol étant prescrite, l’action en responsabilité à l’encontre de la banque pour s’être prétendument rendue complice d’un dol commis par la société venderesse est nécessairement prescrite.

Sur l’action en déchéance du droit aux intérêts contractuels :

En application de l’article L 311-48 du code de la consommation dans sa version applicable en l’espèce, le prêteur qui ne respecte pas certaines exigences du code de la consommation lors de la souscription du crédit est déchu du droit aux intérêts contractuels.

Monsieur [V] a la qualité de demandeur principal dans la présente instance et aucune demande en paiement au titre du contrat de crédit affecté n’est formée à leur encontre par la S.A Cofidis.

Le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts contractuels et la demande subséquente de remboursement des intérêts et frais versés constituent des prétentions soumises à la prescription quinquennale, dont le point de départ se situe au jour de l’acceptation de l’offre de crédit, soit en l’espèce, le 24 juillet 2014.

Monsieur [V] sera donc également déclaré irrecevable à agir en déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur.

En conséquence, l’intégralité des demandes formées par Monsieur [V] contre la SAS France Habitat Solution prise en la personne de son mandataire ad’hoc et la S.A Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, doit être déclarée irrecevable.

Sur les demandes accessoires :

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [V] qui succombe sera condamné aux dépens et sera, en conséquence, débouté de sa demande au titre des frais non répétibles.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, Monsieur [V] sera condamné à payer à la société anonyme Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo une indemnité de 700 euros.

Selon l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire du jugement est de droit.

PAR CES MOTIFS :

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort ,

DECLARE irrecevable l’ensemble des demandes de [T] [V] dirigées contre la société par actions simplifiée France Habitat Solution prise en la personne de son mandataire ad’hoc et la société anonyme Cofidis, venant aux droits de la société anonyme Groupe Sofemo ;

DECLARE les demandes de restitution et les demandes en paiement formées par [T] [V] sans objet ;

DEBOUTE [T] [V] de sa demande au titre des frais non répétibles ;

CONDAMNE [T] [V] à payer à la société anonyme Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [T] [V] aux dépens;

RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2024.

LE GREFFIER LE JUGE
D.AGANOGLU M. CHAPLAIN


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