Constitution des contrats de créditLa SA COFIDIS a accordé à Monsieur [R] et Madame [Y] un crédit renouvelable d’un montant maximum de 6 000,00 € le 27 novembre 2022, ainsi qu’un prêt personnel de 7 500,00 € le 21 juillet 2022, remboursable en 72 mensualités de 120,09 € à un taux fixe de 4,80 %. Mise en demeure et déchéanceEn raison du non-paiement des échéances, la SA COFIDIS a envoyé une mise en demeure le 8 juin 2023, suivie d’une notification de déchéance du terme le 7 mars 2024. La mise en demeure étant restée sans effet, la SA COFIDIS a assigné les emprunteurs devant le juge des contentieux de la protection le 6 mai 2024. Demandes de la SA COFIDISLa SA COFIDIS a demandé la condamnation solidaire de Monsieur [R] et Madame [Y] à payer des sommes dues au titre des deux contrats, ainsi que la résolution judiciaire des contrats et le paiement de 800 € pour frais selon l’article 700 du code de procédure civile. Arguments des emprunteursMonsieur [R] et Madame [Y] n’ont pas comparu à l’audience. Ils ont soulevé des moyens d’irrecevabilité, de nullité des contrats, et de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, en raison de diverses irrégularités dans la procédure de crédit. Recevabilité de la demandeLe tribunal a jugé que la demande de la SA COFIDIS était recevable, car l’action a été engagée dans le délai de deux ans suivant le premier incident de paiement, survenu le 6 mars 2023. Déchéance des intérêts conventionnelsLa SA COFIDIS a été déclarée déchue de son droit aux intérêts conventionnels en raison de l’absence de remise d’un exemplaire du contrat conforme aux exigences légales, notamment en ce qui concerne le bordereau de rétractation. Sommes dues par les emprunteursMonsieur [R] et Madame [Y] ont été condamnés à rembourser le capital restant dû de 5 853,40 € pour le crédit renouvelable et 6 769,86 € pour le prêt personnel, sans intérêts, conformément aux dispositions du code de la consommation. Condamnations accessoiresLes emprunteurs ont été condamnés aux dépens et à verser 400 € à la SA COFIDIS en application de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DU HAVRE
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
JUGEMENT DU 04 NOVEMBRE 2024
Minute :
N° RG 24/00765 – N° Portalis DB2V-W-B7I-GTQJ
NAC : 53B Prêt – Demande en remboursement du prêt
DEMANDERESSE :
S.A. COFIDIS, immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 325 307 106, dont le siège social est sis Parc de la Haute Bome – 61 avenue Halley – 59866 VILLENEUVE D’ASCQ CEDEX
Représentée par Me Emmanuelle BLANGY, Avocat au barreau de CAEN substituée par Me Bastien SUZZI substitué par Me Stéphane HENRY, Avocats au barreau du HAVRE
DÉFENDEURS :
Monsieur [L] [R]
né le 21 Avril 1995 à LE HAVRE (76600), demeurant 2 B rue de Valmy – 76600 LE HAVRE
Non comparant ni représenté
Madame [S] [Y]
née le 17 Août 1994 à HARFLEUR (76700), demeurant 2 B Rue de Valmy – 76600 LE HAVRE
Non comparante ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Danielle LE MOIGNE, Vice-Présidente, Juge au Tribunal Judiciaire du HAVRE chargée des contentieux de la protection
GREFFIER : Isabelle MAHIER
DÉBATS : en audience publique le 02 Septembre 2024
JUGEMENT : réputé contradictoire
en premier ressort
par mise à disposition au Greffe, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
SIGNÉ PAR : Danielle LE MOIGNE, Vice-Présidente, Juge au Tribunal Judiciaire du HAVRE chargée des contentieux de la protection et Isabelle MAHIER, Greffier au siège de ce Tribunal, 133 Boulevard de Strasbourg – 76600 LE HAVRE
Suivant offre préalable acceptée le 27 novembre 2022 la SA COFIDIS a consenti à Monsieur [L] [R] et Madame [S] [Y] un crédit renouvelable d’un montant de maximum de 6 000,00 € utilisable par fractions et remboursable par mensualités dont le montant et le taux sont fixés en fonctions des utilisations.
Suivant offre préalable acceptée le 21 juillet 2022, la SA COFIDIS a consenti à Monsieur [R] et Madame [Y] un prêt personnel d’un montant de 7 500,00€, remboursable en 72 échéances de 120,09 € (hors assurance), au taux débiteur annuel fixe de 4,80 %.
Se prévalant du non-paiement des échéances aux termes convenus, la SA COFIDIS a adressé à Monsieur [R] et Madame [Y] une mise en demeure d’avoir à régulariser le retard sous 15 jours, visant la déchéance du terme, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 juin 2023. La déchéance a été prononcée et notifiée à Monsieur [R] et Madame [Y] par une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 mars 2024.
Cette mise en demeure étant restée sans effet, par acte du 6 mai 2024, la SA COFIDIS a fait assigner Monsieur [R] et Madame [Y] devant le juge des contentieux de la protection. Elle lui demande de :
– condamner solidairement Monsieur [R] et Madame [Y] à lui payer les sommes suivantes :
* 6 618,59 € arrêtée au 3 avril 2024 au titre du contrat de crédit ACCESSIO en date du 27 novembre 2022 avec intérêts au taux contractuel de 10,008 % par an sur la somme de 5 905,90 € et au taux légal pour le surplus jusqu’à parfait règlement,
* 7 602,71 € arrêtée au 3 avril 2024 au titre du contrat de prêt personnel en date du 21 juillet 2022 avec intérêts au taux contractuel de 4,80 % par an sur la somme de 6 953,99 € et au taux légal pour le surplus jusqu’à parfait règlement,
A titre subsidiaire,
– ordonner la résolution judiciaire du contrat de crédit ACCESSIO en date du 27 novembre 2022 et du contrat de prêt personnel en date du 21 juillet 2022 aux torts des emprunteurs,
En conséquence,
– condamner solidairement Monsieur [R] et Madame [Y] à lui payer les sommes suivantes :
* 6 618,59 € arrêtée au 3 avril 2024 au titre du contrat de crédit ACCESSIO en date du 27 novembre 2022 avec intérêts au taux contractuel de 10,008 % par an sur la somme de 5 905,90 € et au taux légal pour le surplus jusqu’à parfait règlement,
– 7 602,71 € arrêtée au 3 avril 2024 au titre du contrat de prêt personnel en date du 21 juillet 2022 avec intérêts au taux contractuel de 4,80 % par an sur la somme de 6 953,99€ et au taux légal pour le surplus jusqu’à parfait règlement,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– condamner Monsieur [R] et Madame [Y] à régler une somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux entiers dépens.
A l’audience du 2 septembre 2024, la SA COFIDIS, représentée par Maître BLANGY, substituée par Maître SUZZI, lui-même substitué par Maître HENRY, a maintenu les demandes formulées dans son acte introductif d’instance, auquel il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens.
Sur les moyens relevés d’office tendant notamment à :
– l’irrecevabilité de la demande en paiement pour cause de forclusion,
– la nullité du contrat pour déblocage anticipé des fonds et omission de la date de l’offre par l’emprunteur,
– la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour non remise d’un exemplaire du contrat doté d’un bordereau de rétractation, non remise de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, défaut de consultation préalable du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, non remise d’une notice d’assurance à l’emprunteur, défaut de recueil d’un nombre d’informations suffisantes permettant la vérification de solvabilité de l’emprunteur, défaut de justificatif de l’accomplissement du devoir d’explication, absence de conformité du contrat aux articles L. 312-28, L. 312-65 et R. 312-10 du code de la consommation, non-conformité du document d’information à l’article R. 314-20 du code de la consommation en matière de regroupement de crédit,
– la réduction de l’indemnité conventionnelle,
– la suppression de l’intérêt au taux légal,
la banque a fait valoir qu’il n’existe aucune cause de forclusion ni de nullité ou de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Monsieur [R] et Madame [Y], cités par procès-verbaux de remise à étude, n’ont pas comparu à l’audience.
Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l’article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Cet événement est caractérisé par :
– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme,
– ou le premier incident de paiement non régularisé,
– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable,
– ou le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 312-93.
Il résulte des historiques de compte produits que le premier incident de paiement est intervenu, pour chaque contrat, le 6 mars 2023. La demanderesse, qui a assigné le 6 mai 2024, a agi dans le délai biennal de l’article L. 311-52 du code de la consommation. Son action est donc recevable.
Sur les demandes en paiement
L’article R. 632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.
Ainsi, il appartient au prêteur qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier de la régularité de l’opération au regard des dispositions d’ordre public du code de la consommation.
A l’appui de ses prétentions, la SA COFIDIS produit le contrat de crédit renouvelable ACCESSIO en date du 27 novembre 2022, la fiche de dialogue, le devoir d’explication, la FIPEN, la notice d’information sur l’assurance, la copie de la liasse contractuelle remise aux emprunteurs, les recherches FICP, les justificatifs d’identité, de domicile et de revenus, l’historique de compte, le justificatif de la recevabilité du dossier de surendettement de Monsieur [R], les lettres de mise en demeure, le détail de la créance au 23 avril 2024, le contrat de prêt personnel en date du 21 juillet 2022, la fiche de dialogue, le devoir d’explication, la fiche de cohérence du produit d’assurance et notice d’assurance, la FIPEN, la copie de la liasse contractuelle remise aux emprunteurs, le tableau d’amortissement, les justificatifs d’identité, de domicile et de revenus et les recherches FICP.
Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels
– Sur le bordereau de rétractation
L’article L. 312-21 du code de la consommation, impose au prêteur de joindre un formulaire détachable à l’exemplaire du contrat de crédit de l’emprunteur, afin de faciliter l’exercice du droit de rétractation de l’emprunteur.
L’article R. 312-9 du code de la consommation, dispose que le formulaire détachable de rétractation prévu à l’article L. 312-21 est établi conformément au modèle type joint en annexe et qu’il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l’adresse du prêteur.
La déchéance du droit aux intérêts conventionnels est encourue en cas de défaut ou d’irrégularité du bordereau de rétractation en application de l’article L. 341-4 du code de la consommation.
En application de l’article 1353 du code civil, il appartient au prêteur de justifier de ce qu’il a satisfait à ses obligations par la remise d’un exemplaire du contrat de crédit doté d’un bordereau de rétractation. La signature par l’emprunteur de la mention d’une clause type figurant au contrat de prêt, selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu les documents et explications prévus au code de la consommation, ne saurait être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l’absence d’élément complémentaire, de prouver l’exécution par le prêteur de ses obligations.
En l’espèce, la SA COFIDIS verse aux débats des copies des liasses contractuelles remises aux emprunteurs qui comportent un bordereau de rétractation. Cependant, ces exemplaires sont vierges et ne sont pas signés par Monsieur [R] et Madame [Y]. Les offres signées par Monsieur [R] et Madame [Y] ne comportent pas le bordereau de rétractation.
La SA COFIDIS ne rapporte donc pas la preuve de la remise d’offres régulières au regard des dispositions relatives au droit de rétractation de l’emprunteur et elle encourt la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels pour ce motif, pour chacun des contrats.
La SA COFIDIS est donc intégralement déchue du droit aux intérêts conventionnels pour chacun des contrats à compter de leurs dates de conclusion respectives, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens relevés d’office tendant aux mêmes fins.
Sur les sommes dues
Conformément à l’article L. 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû suivant l’échéancier prévu, les sommes perçues au titre des intérêts étant restituées ou imputées sur le capital restant dû.
Cette limitation légale de la créance du prêteur, qui permet d’assurer l’effectivité de la sanction, exclut par ailleurs que le prêteur puisse prétendre au paiement de l’indemnité prévue par l’article L. 312-39 du code de la consommation, sauf à priver la sanction précitée de tout effet.
Une telle sanction n’apparaît pas excessive au regard du manquement du prêteur à ses obligations.
– Sur le contrat de crédit renouvelable en date du 27 novembre 2022
La créance du demandeur s’établit donc comme suit selon l’historique de compte en date du 13 janvier 2024 :
Capital versé
6 000 euros
Sous déduction des versements depuis l’origine
(déduction faite des frais d’assurance)
146,60 euros
TOTAL
5 853,40 euros
Monsieur [R] et Madame [Y] sont donc condamnés solidairement au paiement de la somme de 5 853,40 euros au titre du contrat de crédit renouvelable en date du 27 novembre 2022.
– Sur le contrat de prêt personnel en date du 21 juillet 2022
La créance du demandeur s’établit donc comme suit selon l’historique de compte en date du 13 janvier 2024 :
Capital versé
7 500 euros
Sous déduction des versements depuis l’origine
730,14 euros
TOTAL
6 769,86 euros
Monsieur [R] et Madame [Y] sont donc condamnés solidairement au paiement de la somme de 6 769,86 euros au titre du contrat de prêt personnel en date du 21 juillet 2022.
Par ailleurs, afin d’assurer l’effectivité de la sanction et de préserver son caractère dissuasif, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier et de dire que cette condamnation ne portera pas intérêts.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
Monsieur [R] et Madame [Y], partie perdante, sont condamnés aux dépens.
L’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie qui succombe, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés non compris dans les dépens et qu’il tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
L’équité commande de condamner solidairement Monsieur [R] et Madame [Y] au paiement de la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la SA COFIDIS recevable en ses demandes ;
PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels sur le crédit renouvelable ACCESSIO souscrit le 27 novembre 2022 par Monsieur [L] [R] et Madame [S] [Y] ;
CONDAMNE solidairement Monsieur [L] [R] et Madame [S] [Y] à payer à la SA COFIDIS la somme de 5 853,40 € (cinq mille huit cent cinquante-trois euros et quarante centimes) au titre du capital restant dû de ce crédit, sans intérêts ;
PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels sur le contrat de prêt personnel souscrit le 21 juillet 2022 par Monsieur [L] [R] et Madame [S] [Y] ;
CONDAMNE solidairement Monsieur [L] [R] et Madame [S] [Y] à payer à la SA COFIDIS la somme de 6 769,86 € (six mille sept cent soixante-neuf euros et quatre-vingt-six centimes) au titre du capital restant dû de ce crédit, sans intérêts ;
DEBOUTE la SA COFIDIS de toute demande plus ample ou contraire ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [L] [R] et Madame [S] [Y] aux entiers dépens ;
CONDAMNE solidairement Monsieur [L] [R] et Madame [S] [Y] à payer à la SA COFIDIS la somme de 400 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile ;
Ainsi jugé le 04 NOVEMBRE 2024.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT
Isabelle MAHIER Danielle LE MOIGNE