Conséquences d’un manquement aux obligations de vérification de solvabilité dans un contrat de crédit à la consommation

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Conséquences d’un manquement aux obligations de vérification de solvabilité dans un contrat de crédit à la consommation

Constitution du crédit

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a accordé un crédit de 12 090 € à Monsieur [Y] [R] le 16 mars 2019 pour l’achat d’une moto YAMAHA T MAX DX, remboursable en 72 mensualités de 198,52 € à un taux d’intérêt de 4,99 %.

Mise en demeure et déchéance du terme

En raison d’échéances impayées, la banque a envoyé une mise en demeure à Monsieur [R] le 11 mars 2023, lui accordant 10 jours pour régulariser sa situation. La déchéance du terme a été prononcée et notifiée le 7 avril 2023.

Assignation en justice

Le 30 avril 2024, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a assigné Monsieur [R] devant le juge des contentieux de la protection pour obtenir le paiement de 7 226,06 € avec intérêts, la résiliation du contrat de prêt, et des frais supplémentaires.

Présence de Monsieur [R] à l’audience

Lors de l’audience du 2 septembre 2024, Monsieur [R] a exprimé ses difficultés financières dues à des problèmes de santé et a proposé un plan de paiement de 1 000 € par mois.

Recevabilité de la demande

Le tribunal a constaté que la demande de la banque était recevable, car l’assignation avait été faite dans le délai de deux ans suivant le premier incident de paiement non régularisé survenu en mai 2022.

Vérification de la solvabilité

Le tribunal a souligné que la banque devait prouver la régularité de l’opération de crédit, notamment en justifiant la vérification de la solvabilité de l’emprunteur, ce qui n’a pas été fait de manière satisfaisante.

Déchéance des intérêts conventionnels

En raison du manquement de la banque à ses obligations, le tribunal a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels, limitant la créance à la restitution du capital restant dû.

Montant dû par Monsieur [R]

Monsieur [R] a été condamné à rembourser 4 764,75 € au titre du capital restant dû, sans intérêts, et a été autorisé à échelonner ce paiement en quatre versements de 1 000 €.

Demande de délais de paiement

Le tribunal a accordé des délais de paiement à Monsieur [R], suspendant les procédures d’exécution pendant cette période.

Condamnation aux dépens

Monsieur [R] a été condamné aux dépens et à verser 300 € à la banque pour couvrir les frais non compris dans les dépens, conformément à l’article 700 du code de procédure civile.

Décision finale

Le jugement a été rendu le 4 novembre 2024, déclarant la banque recevable dans ses demandes, prononçant la déchéance des intérêts, et fixant les modalités de paiement pour Monsieur [R].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 novembre 2024
Tribunal judiciaire du Havre
RG
24/00503
MINISTÈRE DE LA JUSTICE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DU HAVRE

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

JUGEMENT DU 04 NOVEMBRE 2024

Minute :
N° RG 24/00503 – N° Portalis DB2V-W-B7I-GRLE
NAC : 53B Prêt – Demande en remboursement du prêt

DEMANDERESSE :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 542 097 902, dont le siège social est sis 1 boulevard Haussmann – 75009 PARIS

Représentée par Me Quentin DELABRE de la SELARL CABINET BADINA ET ASSOCIÉS, Avocats au barreau de ROUEN

DÉFENDEUR :

Monsieur [Y] [R]
né le 10 Novembre 1999 à MONTIVILLIERS (76600), demeurant 60 allée Freycinet – 1er étage – logement 859 – 76620 LE HAVRE

Comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Danielle LE MOIGNE, Vice-Présidente, Juge au Tribunal Judiciaire du HAVRE chargée des contentieux de la protection

GREFFIER : Isabelle MAHIER

DÉBATS : en audience publique le 02 Septembre 2024

JUGEMENT : contradictoire

en premierr ressort

par mise à disposition au Greffe, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

SIGNÉ PAR : Danielle LE MOIGNE, Vice-Présidente, Juge au Tribunal Judiciaire du HAVRE chargée des contentieux de la protection et Isabelle MAHIER, Greffier au siège de ce Tribunal, 133 Boulevard de Strasbourg – 76600 LE HAVRE

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 16 mars 2019, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a consenti à Monsieur [Y] [R] un crédit affecté d’un montant de 12 090 € destiné à financer l’acquisition d’une moto de marque YAMAHA, modèle T MAX DX, remboursable en 72 mensualités de 198,52 € (hors assurance) au taux débiteur annuel fixe de 4,99 %.

Des échéances étant restées impayées, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a adressé, le 11 mars 2023, à Monsieur [R], une mise en demeure d’avoir à régulariser le retard dans un délai de 10 jours visant la déchéance du terme, par lettre recommandée avec accusé de réception. La déchéance du terme a été prononcée et notifiée à Monsieur [R] par une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 avril 2023.

Cette mise en demeure étant restée sans effet, par acte du 30 avril 2024, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a fait assigner Monsieur [R] devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire du Havre, aux fins de voir :

– condamner Monsieur [R] à lui payer la somme principale de 7 226,06 € avec intérêts au taux contractuel de 4,99 % sur la somme de 6 849,17 € à compter du 7 avril 2023,
A titre subsidiaire,
– prononcer la résiliation du contrat de prêt et, en conséquence, condamner Monsieur [R] à lui payer la somme principale de 7 226,06 € avec intérêts au taux contractuel de 4,99 % sur la somme de 6 849,17 € à compter du jugement,
En tout état de cause,
– condamner le défendeur à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner en tous les dépens.

A l’audience du 2 septembre 2024 lors de laquelle l’affaire est évoquée, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, représentée par Maître [F] substituée par Maître [E], a maintenu les demandes contenues dans son acte introductif d’instance, auquel il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, et ne s’est pas opposé à la proposition de délais de paiement.

Sur les moyens relevés d’office tendant notamment à :

– l’irrecevabilité de la demande en paiement pour cause de forclusion,
– la nullité du contrat pour déblocage anticipé des fonds et omission de la date de l’offre par l’emprunteur,
– la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour non remise d’un exemplaire du contrat doté d’un bordereau de rétractation, non remise de la fiche d’informations pré-contractuelles européennes normalisées, défaut de consultation préalable du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, non remise d’une notice d’assurance à l’emprunteur, défaut de recueil d’un nombre d’informations suffisantes permettant la vérification de solvabilité de l’emprunteur, défaut de justificatif de l’accomplissement du devoir d’explication, absence de conformité du contrat aux articles L. 312-28, L. 312-65 et R. 312-10 du code de la consommation, non-conformité du document d’information à l’article R. 314-20 du code de la consommation en matière de regroupement de crédit,
– la réduction de l’indemnité conventionnelle,
– la suppression de l’intérêt au taux légal,

La banque n’a pas fait valoir d’observations.

Monsieur [R] était présent à l’audience. Il a indiqué avoir connu des difficultés financières suite à des problèmes de santé. Il travaille dans les centrales nucléaires en France et à l’étranger. Il perçoit 4 000 € par mois. Il a demandé à bénéficier de délais de paiement et a proposé de régler 1 000 € par mois.

La décision a été mise en délibéré au 4 novembre 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande

Aux termes de l’article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Cet événement est caractérisé par :
– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme,
– ou le premier incident de paiement non régularisé,
– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable,
– ou le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 312-93.

Il résulte de l’historique de compte produit que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu au mois le 2 mai 2022. La demanderesse, qui a assigné le 30 avril 2024, a agi dans le délai biennal de l’article L.311-52 du code de la consommation. Son action est donc recevable.

Sur la demande en paiement

L’article R. 632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

Ainsi, il appartient au préteur qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier de la régularité de l’opération au regard des dispositions d’ordre public du code de la consommation.

A l’appui de ses prétentions, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE produit la FIPEN, la fiche explicative, la fiche de renseignements, le document d’information de l’assurance emprunteur, la fiche assurance conseil, l’offre de crédit avec bordereau de rétractation, la notice d’assurance, la réserve de propriété, la demande de financement, l’attestation de livraison, le RIB, le tableau d’amortissement, l’historique de compte, le détail de la créance, le FICP, les lettres de mise en demeure, la quittance et le mandat SEPA.

Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels

– Sur la vérification de la solvabilité de l’emprunteur

En application de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.

De simples déclarations non étayées faites par un consommateur ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives.

Il incombe au créancier qui réclame l’exécution d’un contrat d’en établir la régularité au regard des textes d’ordre public sur la consommation et donc de prouver qu’il a bien procédé à la vérification de la solvabilité en exigeant les pièces justificatives nécessaires. La nécessité pour le prêteur de rapporter la preuve de ses diligences l’oblige à produire le double des pièces exigées.

L’article L. 341-2 du même code sanctionne le non-respect de cette obligation par la déchéance totale ou dans la proportion fixée par le juge du droit aux intérêts du prêteur.

En l’espèce, seule figure au dossier du prêteur la fiche d’évaluation sommaire prévue par l’article L. 312-17 du code de la consommation, fiche qui ne fait, comme le précise cet article, que contribuer à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur. Aucun autre élément n’est produit.

La SA BNP PARIBAS encourt donc la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels pour ce motif, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens relevés d’office tendant aux mêmes fins.

Sur les sommes dues

Conformément à l’article L. 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû suivant l’échéancier prévu, les sommes perçues au titre des intérêts étant restituées ou imputées sur le capital restant dû. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts.

Cette limitation légale de la créance du prêteur, qui permet d’assurer l’effectivité de la sanction, exclut par ailleurs que le prêteur puisse prétendre au paiement de l’indemnité prévue par l’article L. 312-39 du code de la consommation, sauf à priver la sanction précitée de tout effet.

Une telle sanction n’apparaît pas excessive au regard du manquement du prêteur à ses obligations.

La créance du demandeur s’établit donc comme suit selon l’historique de compte en date du 23 avril 2024 :

Capital versé
12 090,00 euros
Sous déduction des versements depuis l’origine (déduction faite des sommes versées au titre de l’assurance : 15,11×47 = 710,17 / 8 035,42 – 710,17 = 7 325,25)
7 325,25 euros
TOTAL
4 764,75 euros

Monsieur [R] est donc condamné au paiement de la somme de 4 764,75 euros au titre du contrat de prêt en date du 16 mars 2019.

Par ailleurs, afin d’assurer l’effectivité de la sanction et de préserver son caractère dissuasif, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier et de dire que cette condamnation ne portera pas intérêts.

Enfin, l’indemnité de 8% dont le paiement est sollicité par le créancier à hauteur de 376,89 € apparaît manifestement excessive eu égard au préjudice réellement subi du fait du retard dans les paiements. Cette indemnité sera réduite à 100 € sur le fondement de l’article 1231-5 du code civil.

Sur les délais de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment. »

En l’espèce, au regard de la situation justifiée par Monsieur [R], il convient de lui accorder des délais de paiement, selon les modalités visées au dispositif de la présente décision.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

Monsieur [R], partie perdante, est condamné aux dépens.

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie qui succombe, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés non compris dans les dépens et qu’il tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

L’équité commande de condamner Monsieur [G] au paiement de la somme de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DECLARE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE recevable en ses demandes ;

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels sur le contrat de crédit affecté souscrit le 16 mars 2019 par Monsieur [Y] [R] ;

CONDAMNE Monsieur [Y] [R] à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 4 764,75 euros (quatre mille sept cent soixante-quatre euros et soixante-quinze centimes) au titre du capital restant dû de ce prêt, sans intérêts ;

AUTORISE Monsieur [Y] [R] à s’acquitter de cette somme en 4 versements de 1000 euros, payables le dixième jour de chaque mois suivant celui de la signification du présent jugement, le 5ème versement étant majoré du solde de la dette, sauf meilleur accord entre les parties ou engagement d’une procédure de surendettement ;

DIT qu’en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date exacte, et après une mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours, l’échelonnement qui précède sera caduc et la totalité des sommes dues deviendra immédiatement exigible ;

RAPPELLE que la présente décision suspend les procédures d’exécution et interdit la mise en œuvre de nouvelles procédures pendant le délai de grâce ;

CONDAMNE Monsieur [Y] [R] à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 100 € au titre de la clause pénale ;

DEBOUTE la SA BNP PARIBAS PERSONALE FINANCE de toute demande plus ample ou contraire ;

CONDAMNE Monsieur [Y] [R] aux entiers dépens ;

CONDAMNE Monsieur [Y] [R] à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.

Ainsi jugé le 04 NOVEMBRE 2024.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT
Isabelle MAHIER Danielle LE MOIGNE


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