Conséquences d’une défaillance dans le remboursement d’un prêt : enjeux de forclusion et de mise en garde

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Conséquences d’une défaillance dans le remboursement d’un prêt : enjeux de forclusion et de mise en garde

Contexte du Prêt

La société anonyme Banque CIC Nord-Ouest a accordé un prêt personnel de 65 000 euros à M. [D] [X] le 8 octobre 2020, avec un taux d’intérêt fixe de 4,75% et un remboursement échelonné sur 60 mensualités de 1 235,92 euros, assurance facultative incluse.

Mises en Demeure et Déchéance

Le 16 mars 2023, la banque a mis en demeure M. [X] de régler des échéances impayées totalisant 3 921,43 euros. Une seconde mise en demeure a été envoyée le 6 avril 2023, réclamant 4 007,21 euros avant le 30 avril 2023. Le 11 juillet 2023, la banque a notifié la déchéance du terme du prêt, demandant le remboursement d’un solde de 42 585,73 euros.

Assignation en Justice

Le 6 octobre 2024, la banque a assigné M. [X] devant le juge des contentieux de la protection à Lille, demandant le paiement de 42 731,83 euros avec intérêts, en se fondant sur plusieurs articles du code de la consommation et du code civil. L’audience a été fixée au 11 mars 2024, avec une plaidoirie prévue pour le 2 septembre 2024.

Arguments de la Banque

La banque a soutenu qu’elle avait respecté ses obligations précontractuelles en vérifiant la solvabilité de M. [X]. Elle a affirmé que ce dernier avait fait preuve de mauvaise foi dans ses déclarations financières et a justifié sa demande d’indemnité conventionnelle de 7% du capital restant dû en raison de la défaillance de l’emprunteur.

Arguments de M. [X]

M. [X] a contesté la vérification de sa solvabilité par la banque, arguant qu’elle n’avait pas suffisamment pris en compte sa situation financière. Il a également demandé des dommages et intérêts pour défaut de mise en garde, ainsi que la radiation de son inscription au FICP, tout en sollicitant des délais de paiement.

Décision du Juge

Le juge a déclaré la demande de la banque irrecevable en raison de la forclusion, car l’action en paiement n’avait pas été engagée dans les deux ans suivant le premier incident de paiement. La demande de M. [X] pour dommages et intérêts a également été rejetée, tout comme sa demande de radiation au FICP. La banque a été condamnée aux dépens de l’instance.

Conclusion

Le jugement a été rendu le 4 novembre 2024, avec exécution provisoire de droit, confirmant l’irrecevabilité de la banque à agir en paiement et le rejet des demandes reconventionnelles de M. [X].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
23/09446
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/09446 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XUE5

JUGEMENT

DU : 04 Novembre 2024

Société LA BANQUE CIC NORD OUEST

C/

[D] [X]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 04 Novembre 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

Société LA BANQUE CIC NORD OUEST, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Représentant : Me Martine VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [D] [X], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Mathieu MASSE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 02 Septembre 2024

Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 04 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

RG 23/09446 – Page –
RG : 23/9446 PAGE

EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 8 octobre 2020, la société anonyme (ci-après SA) Banque CIC Nord-Ouest a consenti à M. [D] [X] un prêt personnel d’un montant total de 65 000 euros au taux débiteur fixe de 4,75% remboursable en 60 mensualités de 1 235,92 euros, assurance facultative comprise.
Par lettre recommandée du 16 mars 2023 réceptionnée le 23 mars 2023, la SA Banque CIC Nord-Ouest a mis en demeure M. [X] de lui régler les échéances impayées, soit la somme totale de 3 921,43 euros sous huitaine sous peine de déchéance du terme du prêt.
Par lettre recommandée du 6 avril 2023 réceptionnée le 12 avril 2023, la SA Banque CIC Nord-Ouest a mis en demeure M. [X] de lui régler la somme de 4 007,21 euros au titre des échéances impayées avant le 30 avril 2023 sous peine de déchéance du terme du prêt.
Par lettre recommandée du 11 juillet 2023 réceptionnée le 15 juillet 2023, la SA Banque CIC Nord-Ouest a notifié à M. [X] la déchéance du terme du prêt et elle l’a mis en demeure de lui régler la somme de 42 585,73 euros au titre du solde du prêt.
Par acte d’huissier du 6 octobre 2024, la SA Banque CIC Nord-Ouest a fait assigner M. [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir, au visa des articles L 311-1 et suivants, R 312-35 du code de la consommation, des articles 1103, 1104, 1231-6 du code civil, des articles 514 et 515 du code de procédure civile et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, condamner M. [X] à lui payer la somme de 42 731,83 euros avec intérêts de 4,75% sur le capital de 38 712,83 euros à compter du 9 août 2023 et jusqu’à parfait règlement.
L’affaire a été appelée à l’audience du 11 mars 2024 lors de laquelle les parties ont accepté de soumettre la procédure à l’article 446-2 du code de procédure civile et de convenir d’un calendrier de procédure aux termes duquel l’audience de plaidoiries a été fixée au 2 septembre 2024.

A cette audience, le juge a relevé d’office les moyens d’ordre public notamment tirés de la forclusion et de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels.
La SA Banque CIC Nord-Ouest, représentée par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles elle sollicite de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
rejeter les demandes de M. [D] [X],condamner M. [X] à lui payer la somme de 42 731,83 euros avec intérêts de 4,75% sur le capital de 38 712,83 euros à compter du 9 août 2023 et ce jusqu’à parfait règlement,condamner M. [X] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,condamner M. [X] aux entiers frais et dépens.

Au soutien, elle fait valoir qu’elle a pris soin de s’assurer de la solvabilité de l’emprunteur dans la phase précontractuelle en application des dispositions du code de la consommation ; qu’elle est, par ailleurs, tenue à une obligation de non immixtion et qu’elle ne pouvait déduire de la seule qualité de gérant de M. [X] qu’il s’était porté caution ; que l’emprunteur est tenu à une obligation de loyauté dans la déclaration de ses ressources et de ses charges ; qu’elle a exigé de l’emprunteur l’avis d’imposition 2020 sur les revenus 2019 et la déclaration 2035 relative aux revenus non commerciaux de l’emprunteur.
Elle estime que M. [X] a fait preuve de mauvaise foi dans ses déclarations alors qu’il était le mieux placé pour fournir des informations relatives à sa qualité de gérant et la situation financière de la société.
Elle souligne que M. [X] est parvenu à honorer ses mensualités jusqu’à l’échéance de janvier 2023, ce qui démontre que le prêt était en adéquation avec ses capacités financières.
Elle s’estime bien fondée à solliciter le paiement d’une indemnité conventionnelle correspondant à 7% du capital restant dû dans la mesure où elle est conforme à l’article L 312-39 du code de la consommation ; qu’elle s’applique automatiquement en cas de défaillance de l’emprunteur.
Elle justifie l’absence d’issue amiable et de restructuration du prêt par le non règlement des échéances impayées malgré la demande faite en ce sens à M. [X].
Elle soutient que l’article L 752-1 du code de la consommation lui fait obligation d’inscrire l’emprunteur au fichier des incidents de paiement et que la radiation n’est possible que lorsque les causes de l’incident de paiement ont été intégralement remboursées.
Elle s’oppose à tout délai de paiement, soulignant que 19 mois se sont écoulés depuis le dernier règlement de M. [X] et que celui-ci est de mauvaise foi.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite un règlement en 24 mensualités constantes payables le 10 du mois suivant la décision à intervenir et s’oppose à toute suspension d’exigibilité.
M. [X], représenté par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles il sollicite de voir, au visa des articles 1104, 1103 et suivants, 1235-1 du code civil et 1343-5 du code civil :
condamner la SA Banque CIC Nord-Ouest à lui payer la somme de 12 000 euros au titre du préjudice subi consécutivement à son défaut de mise en garde,rejeter les demandes de la SA Banque CIC Nord-Ouest au titre des accessoires du prêt et intérêtsannuler la clause pénale ou à tout le moins la réduire à de plus justes proportionsordonner à la SA Banque CIC Nord-Ouest de procéder à la radiation de son inscription au FICP,reporter le paiement des sommes qui pourraient être mises à sa charge à deux années à compter du prononcé du jugement à intervenir,accorder des délais pour s’acquitter de son éventuelle condamnation sur une période de 24 mois,condamner la SA Banque CIC Nord-Ouest au paiement d’une somme de 1 500 euros ainsi qu’aux frais et dépens de l’instance,écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.Au soutien, il fait valoir que la SA Banque CIC Nord-Ouest n’a pas suffisamment vérifié sa solvabilité comme l’exige l’article L 312-16 du code de la consommation, se contentant d’obtenir une fiche de ressources et de charges ; qu’elle n’ignorait pas qu’il avait été chef d’entreprise et que sa société avait été liquidée ; que la caution personnelle du chef d’entreprise est la règle ; que les informations reportées dans la fiche ne sont pas fausses mais seulement incomplètes.
Il rappelle que la banque dispensateur de crédit est tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard d’un cocontractant qui est une personne non avertie et dans des cas où il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt inadapté aux capacités financières de l’emprunteur ; que tel était le cas en l’espèce, dès lors que la banque a retenu un taux d’effort de 35,99% alors que le haut conseil de stabilité financière estime qu’il ne devrait pas dépasser 35% ; que la banque échoue à démontrer qu’elle a satisfait à son devoir de mise en garde.
Il estime que l’application d’une indemnité de 7% est manifestement disproportionnée eu égard à l’exécution au moins partielle de ses obligations et de la posture extrêmement sévère de la banque qui n’a cherché aucune solution pour préserver au mieux les intérêts respectifs des parties.
Il justifie la demande de report d’exigibilité par le plan de règlement auquel il est tenu vis-à-vis du SIE jusqu’en février 2025.
Il justifie sa demande de délais de paiement par l’engagement de caution pris auprès de la société générale pour environ 35 000 euros, des charges auprès du service des impôts des entreprises pour 57 187 euros, ses revenus annuels de 24 165 euros
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 4 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en paiement
Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l’article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

Aux termes de l’article R.312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à la suite de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.

Cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

En l’espèce, et en application des règles d’imputation prévues par l’article 1342-10 du code civil suivant lequel l’imputation du paiement se fait sur la dette la plus ancienne, il ressort de l’historique de compte produit par la SA Banque CIC Nord-Ouest que le premier incident de paiement non régularisé date du 30 janvier 2022.

La forclusion biennale était donc acquise lorsque la SA Banque CIC Nord-Ouest a fait délivrer son assignation.

Elle sera donc déclarée irrecevable à agir.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde

En application de l’article 1231-1 du code civil, la banque est tenue à l’égard de ses clients, emprunteurs profanes, d’un devoir de mise en garde.

Le devoir de mise en garde du banquier n’existe qu’en cas de risque d’endettement excessif de l’emprunteur. 

Pour apprécier les capacités financières et le risque d’endettement d’un emprunteur non averti, doivent être pris en considération ses biens et revenus.

Il incombe à la banque de rapporter la preuve qu’elle a satisfait au devoir de mise en garde auquel elle est tenue à l’égard d’un emprunteur non averti.

Il incombe à la victime de rapporter l’existence d’un risque d’endettement né de l’octroi du crédit litigieux

En l’espèce, il ressort des pièces produites aux débats que d’après l’avis d’imposition établi en 2020 sur les revenus 2019, le revenu fiscal de référence de M. [X] était de 72 725 euros.

Il résulte de la déclaration de revenus non commerciaux et assimilés (2035) que son activité de design a généré un résultat de 41 316 euros pour l’exercice 2018.

La fiche de renseignement jointe à l’offre de crédit mentionne des revenus de 41 000 euros par an et les charges issues du prêt de 14 755 euros par an, ce qui représente 35,99% des revenus.

M. [X] échoue donc à démontrer que l’octroi du prêt lui faisait encourir un risque d’endettement excessif propre à justifier un devoir de mise en garde de la part de la banque.

La demande de dommages et intérêts qu’il présente sera donc rejetée.

Sur la demande de radiation de l’inscription au FICP

Aux termes de l’article L 752-1 du code de la consommation, les entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L 751-2 sont tenues de déclarer à la Banque de France, dans des conditions précisées par arrêté, les incidents de paiement caractérisés dans les conditions précisées par l’arrêté mentionné à l’article L 751-6.

Dès la réception de cette déclaration, la Banque de France inscrit immédiatement les incidents de paiement caractérisés au fichier et, dans le même temps, met cette information à la disposition de l’ensemble des entreprises ayant accès au fichier. Les frais afférents à cette déclaration ne peuvent être facturés aux personnes physiques concernées.

Les informations relatives à ces incidents sont radiées immédiatement à la réception de la déclaration de paiement intégral des sommes dues effectuée par l’entreprise à l’origine de l’inscription au fichier. Elles ne peuvent en tout état de cause être conservées dans le fichier pendant plus de cinq ans à compter de la date d’enregistrement par la Banque de France de l’incident ayant entraîné la déclaration.

En l’espèce, M. [X] n’a pas intégralement réglé les sommes dues à la SA Banque CIC Nord-Ouest.
Il a seulement été constaté que la forclusion biennale rendant l’établissement bancaire irrecevable à agir en paiement était acquise.

La demande de radiation du FICP présentée par M. [X] sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SA Banque CIC Nord-Ouest qui succombe essentiellement à l’instance sera condamnée aux dépens.

L’équité commande de rejeter la demande présentée par M. [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant à l’issue de débats tenus en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DECLARE la société anonyme Banque CIC Nord-Ouest irrecevable à agir en paiement ;

REJETTE la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par M. [D] [X] ;

CONDAMNE la société anonyme Banque CIC Nord-Ouest aux dépens de l’instance ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.

Ainsi jugé et prononcé à Lille, le 4 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.

LE GREFFIER LA JUGE


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