Contexte du PrêtLa SA Cofidis a accordé un prêt personnel de 7 000 euros à [F] [T] épouse [Y] et à [V] [Y] en tant que co-emprunteur solidaire, avec un taux d’intérêt de 4,86 % par an. Le remboursement était prévu en une première échéance de 160,37 euros, suivie de 46 mensualités de 160,76 euros et d’une dernière échéance de 160,61 euros. Déchéance du TermeAprès plusieurs échéances impayées, la SA Cofidis a notifié la déchéance du terme par lettre recommandée le 21 novembre 2022, suite à une mise en demeure envoyée le 4 novembre 2022. Procédure JudiciaireLe 25 mai 2023, la SA Cofidis a assigné Monsieur et Madame [Y] devant le juge des contentieux de la protection à Lille pour le remboursement du prêt. L’audience a eu lieu le 27 novembre 2023, où un calendrier de procédure a été établi, avec une audience de plaidoiries fixée au 25 mars 2024. Désistement de la SA CofidisLors de l’audience, la SA Cofidis a décidé de se désister de toutes ses demandes contre [F] [Y], tout en maintenant ses demandes contre [V] [Y]. Elle a demandé la constatation de la déchéance du terme et la condamnation de [V] [Y] à rembourser la somme de 7 523,23 euros, ainsi que d’autres demandes subsidiaires. Arguments de Monsieur [Y]Monsieur [Y] a contesté la validité du contrat, affirmant qu’il n’avait pas signé le prêt, et a déposé une plainte pour faux. Il a également soutenu que les fonds avaient été utilisés par Madame [Y] pour des besoins personnels, et qu’il avait déposé un dossier de surendettement. Déclarations de Madame [Y]Madame [Y] a confirmé le désistement de la SA Cofidis et a nié avoir imité la signature de son conjoint. Elle a affirmé que les fonds avaient été versés sur un compte commun et que les mensualités avaient été prélevées de ce compte. Décision du TribunalLe tribunal a constaté le désistement de la SA Cofidis à l’égard de [F] [Y] et a prononcé la nullité de l’engagement de [V] [Y] en raison de la falsification de sa signature. La SA Cofidis a été déboutée de toutes ses demandes contre [V] [Y] et condamnée aux dépens. Exécution ProvisoireLe jugement a été assorti de l’exécution provisoire de droit, conformément à l’article 514 du code de procédure civile. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
de LILLE
[Localité 4]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 23/05164 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XIB3
JUGEMENT
DU : 04 Novembre 2024
Société COFIDIS
C/
[V] [Y]
[F] [T] épouse [Y]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 04 Novembre 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
Société COFIDIS, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Représentant : Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
M. [V] [Y], demeurant [Adresse 2], représenté par Me Marion GIRAUD, avocat au barreau de LILLE
Mme [F] [T] épouse [Y], demeurant [Adresse 3], représenté par Me Natacha MAREELS-SIMONET, avocat au Barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 09 Septembre 2024
Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 04 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
RG : 23/5164 PAGE
Selon offre de contrat acceptée le 7 décembre 2021, la SA Cofidis a consenti à [F] [T] épouse [Y], en qualité d’emprunteur, et à [V] [Y], en qualité de co-emprunteur solidaire, un prêt personnel d’un montant de 7 000 euros, assorti d’un taux d’intérêt contractuel de 4,86 % l’an et stipulé remboursable en une échéance de 160,37 euros, puis en 46 mensualités de 160,76 euros et une dernière échéance de 160,61 euros hors assurance facultative.
Plusieurs échéances étant restées impayées, le prêteur a provoqué la déchéance du terme par lettre recommandée expédiée le 21 novembre 2022 avec avis de réception portant la mention ‘pli avisé et non réclamé’, après une mise en demeure adressée aux emprunteurs par lettre recommandée avec avis de réception le 4 novembre 2022.
Par acte de commissaire de justice du 25 mai 2023, la SA Cofidis a fait assigner Monsieur et Madame [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille en remboursement du prêt.
L’affaire a été appelée à l’audience du 27 novembre 2023, lors de laquelle les parties, représentées par leurs conseils respectifs ont accepté l’application de l’article 446-2 du code de procédure civile et l’établissement d’un calendrier de procédure. L’audience de plaidoiries a été fixée au 25 mars 2024.
A cette audience, l’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état du 8 avril 2024 puis du 6 mai 2024 où un nouveau calendrier de procédure a été signé par les parties. L’audience de plaidoiries a été fixée au 29 septembre 2024.
A cette audience, les parties, représentées par leur conseil respectif, ont développé oralement leurs dernières écritures déposées à l’audience et visées par le greffier.
La SA Cofidis déclare se désister de toutes ses demandes dirigées contre [F] [Y] et conclut au débouté des prétentions adverses.
Elle demande au juge de :
– dire recevable et bien fondé l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
– constater la déchéance du terme de l’engagement souscrit par [F] et [V] [Y] faute de régularisation des impayés,
– en conséquence, condamner [V] [Y] à lui payer la somme de 7 523,23 euros augmentée des intérêts au taux de 4,86 % l’an courus et à courir à compter du 27 avril 2023 et jusqu’au jour du plus complet paiement,
* subsidiairement :
– prononcer la résolution judiciaire du contrat signé le 7 décembre 2021,
– condamner [V] [Y] à lui payer la somme de 7 000,00 euros au titre des restitutions qu’implique la résolution judiciaire du contrat, déduction faite des règlements intervenus, ainsi que la somme de 2.000 euros par application de l’article 1231-1 du code civil,
* très subsidiairement :
– condamner [V] [Y] à lui payer les échéances impayées jusqu’à la date du jugement,
– dire que [V] [Y] devra reprendre le règlement des échéances à bonne date sous peine de déchéance du terme sans formalité de sa part,
* en tout état de cause :
– condamner [V] [Y] à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens,
– rappeler au besoin l’exécution provisoire de droit attachée à la décision :
Elle fait valoir que Madame [Y] a bénéficié d’un effacement de ses dettes postérieurement à l’assignation en justice, de sorte qu’il entend se désister ce jour de l’ensemble de ses demandes formées à son encontre.
Elle considère que la signature contestée émane bien de Monsieur [Y] et qu’elle n’a commis aucune faute dans la mesure où elle a respecté les mesures de vigilance à adopter lors de l’octroi d’un crédit prévues par la directive 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015. Elle fait remarquer qu’elle a vérifié l’identité du client et bénéficiaire du prêt au moyen de la carte nationale d’identité et que la signature présente sur la pièce d’identité est similaire à celle figurant au contrat.
Interrogée par le tribunal, elle a indiqué que son action n’était pas forclose et qu’aucune cause de déchéance du droit aux intérêts soulevée d’office par le tribunal n’était encourue.
Monsieur [Y] demande de :
à titre principal, prononcer la nullité du crédit à son encontre,à titre subsidiaire, juger qu’il n’est pas solidaire du paiement du prêt,en conséquence, débouter la SA Cofidis de sa demande de condamnation solidaire,en tout état de cause, débouter la SA Cofidis de sa demande de dommages et intérêts.
Il conteste avoir signé le contrat de prêt litigieux, soutenant que ce contrat a été signé en son nom par son épouse au moment de la séparation du couple. Il précise qu’il ne sait pas lire ni écrire et qu’il a déposé plainte pour faux et usage de faux, laquelle est en cours d’instruction par le commissariat.
Il estime que l’établissement de crédit a manqué de vigilance et a commis une faute en ne vérifiant pas correctement l’identité du co-emprunteur alors même qu’il existait des différences flagrantes entre les différentes signatures et que le contrat n’était pas paraphé par les deux emprunteurs.
Subsidiairement, il fait valoir qu’il ne peut être condamné sur le fondement de la solidarité ménagère prévue par l’article 220 du code civil dès lors que les fonds empruntés ont été utilisés par Madame [Y] pour ses besoins personnels et qu’ils sont manifestement excessifs eu égard au train de vie du ménage.
Il explique enfin qu’il a été contraint de déposer un dossier de surendettement après l’assignation en justice délivrée par la SA Cofidis dès lors qu’il n’était pas en capacité de régler la somme réclamée et qu’il a sollicité dans le cadre de la procédure de surendettement la vérification de la créance litigieuse.
Madame [J] déclare prendre acte du désistement de la SA Cofidis de ses demandes, confirmant avoir bénéficié d’un effacement total de ses dettes le 27 décembre 2023, et conteste avoir imité la signature de son conjoint lors de la souscription du prêt objet du litige. Elle soutient que Monsieur [Y] n’a jamais la même signature, que la séparation du couple intervenue le 31 décembre 2021 est postérieure à la signature du contrat, que les fonds ont été versés sur un compte ouvert au nom de Monsieur et Madame [Y] et que les mensualités du crédit ont été prélevées sur ce compte commun. Elle ajoute qu’en déclarant la dette dans son dossier de surendettement, Monsieur [Y] a nécessairement reconnu la créance de la société Cofidis.
L’affaire a été mise en délibéré au 4 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur le désistement partiel
En application des articles 394 et 399 du code de procédure civile, le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance.
Le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur. Toutefois, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.
En l’espèce, Madame [J] accepte le désistement d’instance de la SA Cofidis à son égard. Il convient de constater le caractère parfait de ce désistement.
Sur la nullité du contrat de crédit
[V] [Y] conteste avoir signé le contrat de prêt litigieux.
Aux termes de l’article 1128 du code civil, le consentement des parties est nécessaire à la validité d’un contrat.
Il résulte des dispositions combinées de l’article 1373 du code civil et 287 du code de procédure civile que, dans le cas où une partie désavoue sa signature ou son écriture dans l’acte qu’on lui oppose, il appartient au juge de procéder à la vérification à moins qu’il puisse être passé outre cet acte.
Pour apprécier l’authenticité de la signature contestée, le juge tient compte de tous les documents utiles provenant de l’une ou de l’autre parties, étant précisé que c’est à la partie qui invoque l’acte dont l’authenticité est déniée d’en établir la sincérité ; en l’occurrence, cette charge incombe à la SA Cofidis.
Cette-dernière produit le contrat de prêt et la photocopie de la carte nationale d’identité de [V] [Y] délivré le 11 septembre 2017.
De son côté, Monsieur [Y] communique une photocopie de son dépôt de plainte en date du 14 novembre 2022.
Madame [Y] verse en outre un courrier manuscrit en date du 18 juin 2022 signé par Monsieur [Y], la signature n’étant pas discutée par celui-ci.
L’examen de l’offre de prêt montre que les pages sont paraphées par une seule et même personne sous forme de signature qui correspond à celle de [F] [Y] par comparaison avec la signature figurant sur la photocopie de sa carte d’identité remise lors de l’acceptation de l’offre, et que cette signature est tantôt apposée dans le cadre réservé à l’emprunteur tantôt dans celui réservé au co-emprunteur.
Les signatures figurant sur les documents de comparaison contemporains de l’offre de crédit litigieuse, à savoir le courrier du 18 juin 2022 et le dépôt de plainte du 14 novembre 2022, présentent des similitudes entre elles, notamment la lettre ‘j’ en début de signature formant une boucle à l’envers en descendant, se prolongeant par un trait vers la gauche pour former une autre boucle puis se terminant par un trait de soulignement qui remonte vers la droite et qui coupe la lettre ‘j’ en début de boucle.
Si la signature plus ancienne figurant sur la photocopie de la carte d’identité du défendeur est moins distincte et nette en raison de la mauvaise qualité de la photocopie, force est de constater néanmoins qu’elle présente de nombreux points communs avec celles figurant sur les documents de comparaison précités, notamment le tracé de la lettre ‘j’ avec la boucle à l’envers et le trait de soulignement qui coupe la lettre ‘j’ ainsi que le tracé en fin de signature qui ressemble au rond de la lettre ‘d’ majuscule.
En revanche, les signatures qui se trouvent apposées au nom de [V] [Y] sur la fiche de dialogue, sur l’offre de contrat de prêt et la fiche d’assurance ne présentent pas de similitude avec celles figurant sur les éléments de comparaison. En effet, les exemplaires de la signature de l’intéressé qui figurent sur ces documents et qui ne sont pas contestés présentent des différences notables, tant dans leur dessin que dans leur tracé et leur mouvement, avec les signatures apposées au nom de Monsieur [Y] sur les documents contractuels, en ce que, dans les signatures présentées comme authentiques, on peut aisément voir la même inclinaison d’écriture, ainsi qu’une forme et un tracé en boucle identiques de la lettre ‘j’ utilisée en début de signature, alors que ces éléments distinctifs ne transparaissent aucunement sur les signatures de l’offre de prêt qui débutent toutes par la lettre ‘c’ en majuscule.
En tout état de cause, il est observé que les signatures figurant sur les pièces contractuelles sont très différentes de celle figurant sur la photocopie de la carte d’identité remise au prêteur lors de la souscription du crédit.
Pour ces motifs, les signatures contestées ne présentent pas les trais caractéristiques de celles de Monsieur [Y] figurant sur les échantillons de comparaison.
Le fait pour Monsieur [Y] d’avoir déclaré la dette litigieuse dans le cadre de la procédure de surendettement ne peut valoir reconnaissance non équivoque de la dette alors même qu’il justifie avoir contesté auprès de la commission de surendettement l’état détaillé des dettes élaboré par cette dernière et notamment la créance de la SA Cofidis objet du présent litige en invoquant les mêmes moyens que dans le cadre de la présente procédure.
La vérification d’écritures opérée établit que [V] [Y] n’est pas signataire en qualité de co-emprunteur de l’offre de prêt litigieuse, sa signature ayant été falsifiée. La falsification de signature emportant absence de consentement de Monsieur [Y], la nullité de son engagement doit être prononcée.
En conséquence, la nullité de l’engagement de Monsieur [Y] au titre du prêt litigieux doit être prononcée, étant précisé que cette nullité n’a pas pour effet d’entrainer l’annulation totale du prêt, lequel reste valable entre la SA Cofidis et [F] [T] épouse [Y], emprunteuse.
Sur les sommes dues :
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 1178 du code civil, le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé.
En application de cet article, l’annulation du contrat entraîne de plein droit la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat, même en l’absence de demande en ce sens.
En l’espèce, l’annulation de l’engagement de Monsieur [Y] entraîne seulement la restitution par la banque de l’ensemble des sommes versées par lui au titre de l’exécution du crédit. En effet, Monsieur [Y] ne peut être redevable d’aucune obligation de restitution du capital emprunté en ce que l’obligation qui a justifié la remise des fonds n’a pas disparu puisque la nullité de l’engagement de Monsieur [Y], fondée sur l’absence de consentement, n’a pas eu pour effet d’entraîner l’annulation du contrat de prêt qui reste valable entre le prêteur et [F] [T] épouse [Y], emprunteuse. Il importe peu que les fonds aient été versés sur le compte joint du couple, l’obligation de remise des fonds pesant sur la banque n’a pas perdu sa cause laquelle subsiste dans l’engagement valable de [F] [T] épouse [Y].
Monsieur [Y] ne précise pas le montant des sommes réglées par lui au titre du crédit litigieux et ne verse aucune pièce sur ce point. L’historique de compte produit par la banque ne permet pas davantage d’établir le montant des versements effectués par Monsieur [J] en ce qu’il ne distingue pas la part versée par ce dernier et celle versée par son épouse.
Dès lors, en l’absence d’élément sur les sommes payées par Monsieur [Y] en exécution du contrat de crédit annulé, aucune restitution ne sera ordonnée.
Sur les demandes accessoires
La SA Cofidis, qui succombe, devra supporter seule les dépens de la présente instance, et sera en conséquence déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement sera assorti de l’exécution provisoire de droit.
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Constate le caractère parfait du désistement d’instance de la SA Cofidis à l’égard de [F] [T] épouse [Y] ;
Prononce la nullité de l’engagement souscrit par [V] [Y] avec la société anonyme Cofidis le 7 décembre 2021 suivant offre de contrat de prêt n°28948001292028 ;
Déboute la SA Cofidis de toutes ses demandes dirigées contre [V] [Y] ;
Condamne la SA Cofidis aux dépens de l’instance ;
Rappelle que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
LE GREFFIER LE JUGE
D.AGANOGLU M.CHAPLAIN