Constitution du créditLe 5 mars 2022, la SAS SOGEFINANCEMENT a accordé à Madame [K] [O] un crédit amortissable de 20 000,00 €, remboursable en 72 mensualités de 303,87 € à un taux de 3,00 %. Mise en demeure et déchéance du termeEn raison du non-paiement des échéances, la SAS SOGEFINANCEMENT a envoyé une mise en demeure à Madame [O] le 21 novembre 2023, lui demandant de régulariser son retard sous 15 jours. La déchéance du terme a été prononcée et notifiée le 3 janvier 2024. Assignation en justiceLe 7 mai 2024, la SAS SOGEFINANCEMENT a assigné Madame [O] devant le juge des contentieux de la protection, demandant le paiement de 17 537,78 € ainsi que des intérêts de retard, et la résiliation du contrat de prêt. Audience et absence de Madame [O]Lors de l’audience du 2 septembre 2024, la société FRANFINANCE, ayant absorbé la SAS SOGEFINANCEMENT, a maintenu ses demandes. Madame [O] n’a pas comparu à l’audience. Nullité du contratLe tribunal a constaté que le contrat était nul en raison d’une violation de l’article L. 312-25 du code de la consommation, qui interdit tout paiement avant l’expiration d’un délai de sept jours après l’acceptation du contrat. Le versement du crédit a eu lieu le 11 mars 2022, avant la fin de ce délai. Restitution des sommes verséesMadame [O] a été condamnée à restituer 14 520,68 € à la société FRANFINANCE, correspondant au capital versé, sans intérêts, en raison de la nullité du contrat imputable au prêteur. Condamnation aux dépensMadame [O] a été condamnée aux dépens de la procédure, tandis que la demande de la société FRANFINANCE au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. Jugement finalLe jugement a été rendu le 4 novembre 2024, prononçant la nullité du contrat et ordonnant la restitution des sommes versées par Madame [O]. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DU HAVRE
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
JUGEMENT DU 04 NOVEMBRE 2024
Minute :
N° RG 24/00518 – N° Portalis DB2V-W-B7I-GRRC
NAC : 53B Prêt – Demande en remboursement du prêt
DEMANDERESSE :
SA FRANFINANCE, venant aux droits de SOGEFINANCEMENT, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro B 719 807 406, dont le siège social est sis 53, rue du Port – 92724 NANTERRE CEDEX
Représentée par Me Quentin DELABRE de la SELARL CABINET BADINA ET ASSOCIÉS, Avocats au barreau de ROUEN
DÉFENDERESSE :
Madame [K] [O]
née le 12 Novembre 1988 à SAINTE ADRESSE (76310), demeurant 20, rue Saint Jacques – 76600 LE HAVRE
Non comparante ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Danielle LE MOIGNE, Vice-Présidente, Juge au Tribunal Judiciaire du HAVRE chargée des contentieux de la protection
GREFFIER : Isabelle MAHIER
DÉBATS : en audience publique le 02 Septembre 2024
JUGEMENT : réputé contradictoire
en premier ressort
par mise à disposition au Greffe, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
SIGNÉ PAR : Danielle LE MOIGNE, Vice-Présidente, Juge au Tribunal Judiciaire du HAVRE chargée des contentieux de la protection et Isabelle MAHIER, Greffier au siège de ce Tribunal, 133 Boulevard de Strasbourg – 76600 LE HAVRE
Suivant offre préalable conclue en la forme électronique le 5 mars 2022, la SAS SOGEFINANCEMENT a consenti à Madame [K] [O] un crédit amortissable d’un montant de 20 000,00 €, remboursable en 72 mensualités de 303,87 € (hors assurance), au taux conventionnel de 3,00 % et au TAEG de 3,30 %.
Se prévalant du non-paiement des échéances aux termes convenus, la SAS SOGEFINANCEMENT a adressé, le 21 novembre 2023, à Madame [O], une mise en demeure d’avoir à régulariser le retard sous 15 jours, visant la déchéance du terme, par lettre recommandée avec accusé de réception. La déchéance du terme a été prononcée et notifiée à Madame [O] par une nouvelle lettre recommandée en date du 3 janvier 2024.
Cette mise en demeure étant restée sans effet, par acte du 7 mai 2024, la SAS SOGEFINANCEMENT a fait assigner Madame [O] devant le juge des contentieux de la protection. La société FRANFINANCE, venant aux droits de la SAS SOGEFINANCEMENT après l’avoir absorbée lui demande de :
– condamner Madame [O] à lui payer la somme principale de 17 537,78 euros outre les intérêts de retard au taux contractuel de 3 % sur la somme de 16 122,66 euros à compter du 3 janvier 2024,
A titre subsidiaire,
– prononcer la résiliation du contrat de prêt et, en conséquence, condamner Madame [O] à lui payer la somme principale de 17 537,78 euros outre les intérêts de retard au taux contractuel de 3 % sur la somme de 16 122,66 euros à compter du jugement à intervenir,
A titre infiniment subsidiaire,
– condamner Madame [O] à lui payer la somme principale de 15 082,63 euros au titre de la répétition de l’indu avec intérêts de retard au taux légal à compter du jugement à intervenir,
En tout état de cause,
– condamner la défenderesse à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner en tous les dépens.
A l’audience du 2 septembre 2024, lors de laquelle l’affaire est évoquée, FRANFINANCE, venant aux droits de la SAS SOGEFINANCEMENT, représentée par Maître BADINA, substituée par Maître DELABRE, a maintenu les demandes formulées dans son acte introductif d’instance, auquel il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens.
Sur les moyens relevés d’office tendant notamment à :
– l’irrecevabilité de la demande en paiement pour cause de forclusion,
– la nullité du contrat pour déblocage anticipé des fonds et omission de la date de l’offre par l’emprunteur,
– la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour non remise d’un exemplaire du contrat doté d’un bordereau de rétractation, non remise de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, défaut de consultation préalable du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, non remise d’une notice d’assurance à l’emprunteur, défaut de recueil d’un nombre d’informations suffisantes permettant la vérification de solvabilité de l’emprunteur, défaut de justificatif de l’accomplissement du devoir d’explication, absence de conformité du contrat aux articles L. 312-28, L. 312-65 et R. 312-10 du code de la consommation, non-conformité du document d’information à l’article R. 314-20 du code de la consommation en matière de regroupement de crédit,
– la réduction de l’indemnité conventionnelle,
– la suppression de l’intérêt au taux légal,
La banque n’a pas fait valoir d’observations.
Madame [O], citée par procès-verbal de recherches de l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas comparu à l’audience.
La décision a été mise en délibéré au 4 novembre 2024.
Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article L. 312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.
Cet article a été inséré par le législateur dans la section du code de la consommation relative à la formation du contrat de crédit et l’article L. 312-24 du même code précise que le contrat ne devient parfait que si l’emprunteur n’a pas fait usage de sa faculté de rétractation.
Il se déduit de ces dispositions que le respect de l’article L. 312-25 du code de la consommation est une condition de la validité du contrat. Il s’agit, en effet, d’une disposition destinée à protéger la validité du consentement du consommateur et la réalité d’une faculté de rétractation qui ne soit pas altérée par la jouissance immédiate du capital qu’il souhaite emprunter.
Au surplus, ces dispositions étant d’ordre public, leur violation doit être sanctionnée par la nullité du contrat ou de la stipulation contractuelle contraire, conformément à l’article 6 du code civil.
En l’espèce, d’après les documents soumis aux débats, Madame [O] a accepté l’offre de contrat le 5 mars 2022, de sorte qu’aucun paiement, sous quelque forme que ce soit, ne pouvait intervenir avant le 12 mars 2022 à vingt-quatre heures, conformément aux dispositions précitées, telles qu’interprétées selon les modalités de computation des délais prévues à l’article 642 du code de procédure civile ou à l’article 5 de la Convention de Bâle du 16 mai 1972.
D’après l’historique de compte versé aux débats, le versement du montant du crédit à l’emprunteur ou pour son compte est intervenu le 11 mars 2022, soit avant l’expiration du délai légal précité.
Ce fait n’est d’ailleurs pas contesté par la demanderesse. Il s’en déduit que la SAS SOGEFINANCEMENT a violé les dispositions d’ordre public de l’article L. 312-25 du code de la consommation.
Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens, il convient de prononcer la nullité du contrat de crédit conclu en violation des dispositions précitées et de replacer les parties dans l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion.
La créance du demandeur s’établit donc comme suit au regard de l’historique de compte arrêté au 21 décembre 2023 :
Capital versé
20 000,00 euros
Sous déduction des versements depuis l’origine
5 479,32 euros
TOTAL
14 520,68 euros
Il convient donc de condamner Madame [O] à restituer à la société FRANFINANCE la somme de 14 520,68 €.
Par ailleurs, la nullité étant imputable au prêteur, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
Madame [O], qui succombe, est condamnée aux dépens de la présente instance.
L’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie qui succombe à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et qu’il tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
En l’espèce, l’équité commande d’écarter toute application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE la nullité du contrat souscrit le 5 mars 2022 entre Madame [K] [O] d’une part et la SAS SOGEFINANCEMENT d’autre part ;
CONDAMNE Madame [K] [O] à payer à la société FRANFINANCE, venant aux droits de la SAS SOGEFINANCEMENT, la somme de 14 520,68 euros (quatorze mille cinq cent vingt euros et soixante-huit centimes), à titre de restitution des sommes versées en application du contrat précité ;
DIT que cette somme ne produira pas d’intérêts, même au taux légal ;
DÉBOUTE la société FRANFINANCE, venant aux droits de la SAS SOGEFINANCEMENT, du surplus de ses demandes ;
CONDAMNE Madame [K] [O] aux dépens ;
DÉBOUTE la société FRANFINANCE, venant aux droits de la SAS SOGEFINANCEMENT, de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit,
Ainsi jugé le 04 NOVEMBRE 2024.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT
Isabelle MAHIER Danielle LE MOIGNE