Le législateur, aux articles L 651-6 et L 651-7 du code de la construction et de l’habitation, a conféré aux agents assermentés du service municipal du logement de la commune dans laquelle le logement loué en infraction est situé, le pouvoir de constater les infractions aux dispositions de l’article L 631-7 du même code et qu’aucun texte de loi ne régit les constats sur internet.
En outre, les captures d’écran effectuées par ces agents assermentés et jointes en annexe à leur rapport sont soumises à un débat contradictoire devant le juge chargé du litige et elles sont susceptibles d’être combattues par la partie à laquelle elles sont opposées. Il s’ensuit que les captures d’écran effectuées par l’agent assermenté de la ville sans l’accomplissement des diligences pouvant être exigées d’un huissier de justice ne sauraient être dépourvues de force probante. En la cause, les défendeurs ne contestent pas que les photographies accessibles sur les sites internet ainsi que la description du bien figurant sur les captures d’écran jointes au constat d’infraction litigieux sont bien celles de leur logement. Par ailleurs sur le fait que ce constat ne précise pas l’heure à laquelle la visite sur les lieux a été effectué, il doit être relevé que l’agent assermenté a pu pénétrer uniquement dans le couloir d’accès de l’immeuble et pas à l’intérieur du logement. Ainsi, ce moyen ne saurait rendre cette visite irrégulière. Il en résulte que le constat a force probante. Pour rappel, l’article L. 651-7 du code de la construction et de l’habitation énonce : « Les agents assermentés du service municipal du logement constatent les conditions dans lesquelles sont effectivement occupés les locaux qu’ils visitent. Ils sont habilités à recevoir toute déclaration et à se faire présenter par les propriétaires, locataires ou autres occupants des lieux toute pièce ou document établissant ces conditions. Sans pouvoir opposer le secret professionnel, les administrations publiques compétentes et leurs agents sont tenus de communiquer aux agents du service municipal du logement tous renseignements nécessaires à l’accomplissement de leur mission de recherche et de contrôle. Quiconque fait volontairement obstacle, en violation des prescriptions ci-dessus, à la mission des agents du service municipal du logement est passible de l’amende civile prévue à l’article L. 651-4. » |
Résumé de l’affaire :
Contexte de l’AffaireLa Ville de Paris a assigné plusieurs personnes, dont Monsieur [K] [T], Madame [M] [J], Madame [P] [T] et Madame [H] [W], devant le tribunal judiciaire de Paris pour des infractions liées à l’usage d’un appartement situé à [Adresse 2]. L’assignation repose sur des violations des articles L. 631-7 et L. 324-1-1 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que du code du tourisme. Demandes de la Ville de ParisLors de l’audience, la Ville a demandé la condamnation des défendeurs à une amende de 50 000 euros chacun, le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, ainsi qu’une amende de 5 000 euros pour chaque défendeur. De plus, elle a sollicité une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la prise en charge des dépens. Réponses des DéfendeursLes défendeurs, notamment Madame [P] [T], Monsieur [K] [T] et Madame [H] [W], ont contesté les demandes de la Ville. Madame [P] [T] a demandé à être déboutée de toutes les demandes, tandis que Monsieur [K] [T] et Madame [H] [W] ont demandé à limiter leur condamnation à 2 000 euros et à écarter l’exécution provisoire. Constatations et Éléments de PreuveLe tribunal a examiné les éléments de preuve, notamment un constat dressé par un agent assermenté de la Ville, qui a confirmé que le logement était loué de manière répétée à une clientèle de passage, ce qui constitue un changement illicite d’usage. Les défendeurs ont contesté la valeur probante de ce constat, mais le tribunal a jugé qu’il avait force probante. Usage d’Habitation et Changement IlliciteLe tribunal a établi que le logement en question était affecté à un usage d’habitation depuis 1970. Il a également été prouvé que le bien avait été loué sur des plateformes comme Airbnb, ce qui constitue un changement illicite d’usage sans autorisation préalable. Responsabilité des DéfendeursLa responsabilité de Monsieur [K] [T] et de Madame [H] [W] a été reconnue, car ils ont organisé les locations. En revanche, la responsabilité de Madame [P] [T] a été rejetée, car il n’a pas été prouvé qu’elle ait participé aux locations. Montant des AmendesLe tribunal a décidé de fixer l’amende civile à 20 000 euros pour chacun des défendeurs reconnus responsables, en tenant compte de la durée des infractions et des revenus générés par les locations illicites. Amende pour Défaut de DéclarationConcernant le défaut de déclaration de location de meublé de tourisme, le tribunal a condamné Monsieur [K] [T] et Madame [H] [W] à une amende de 1 000 euros, en raison de l’absence de déclaration préalable. Décision FinaleLe tribunal a rendu sa décision en condamnant les défendeurs à payer des amendes et à supporter les dépens. La décision a été assortie de l’exécution provisoire, permettant à la Ville de Paris de récupérer les amendes sans attendre l’éventuel appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 24/50507 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3OYN
AS M N° : 11
Assignation du :
15 et 21 Décembre 2023, 04 Janvier 2024
[1]
[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:
JUGEMENT RENDU SELON LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
rendue le 05 novembre 2024
par Pierre GAREAU, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assisté de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDERESSE
Commune VILLE DE [Localité 8]
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Maître Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocats au barreau de PARIS – #R0229
DEFENDEURS
Monsieur [K] [T]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Madame [H] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentés par Me Jean-françois BERRUÉ, avocat au barreau de PARIS – #P0158
Madame [P] [T]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Camille BRETEAU de l’AARPI Cabinet PdA, avocats au barreau de PARIS – #E1032
Madame [M] [J]
[Adresse 9]
[Localité 6]
non représentée
DÉBATS
A l’audience du 02 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Pierre GAREAU, Juge, assisté de Anne-Sophie MOREL, Greffier,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Par assignations en date des 15 et 21 décembre 2023 et 4 janvier 2024, enregistrées sous le numéro de RG 24/50507, la Ville de Paris prise en la personne de Madame la Maire de Paris, a fait assigner Monsieur [K] [T], Madame [M] [J], Madame [P] [T] et Madame [H] [W] devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation et L324-1-1 du code du tourisme, concernant l’appartement situé [Adresse 2].
A l’audience du 2 octobre 2024, la Ville de [Localité 8] a soutenu oralement les termes de son assignation en précisant qu’elle ne maintenait pas ses demandes à l’encontre de Madame [J] en raison de son décès intervenu récemment. Elle sollicite de :
Condamner Monsieur [K] [T], Madame [M] [J], Madame [P] [T] et Madame [H] [W] à payer chacun à la Ville de [Localité 8] une amende de 50.000 euros ;Ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation sous astreinte de 293 € par jour de retard et se réserver la liquidation de l’astreinte ;Condamner Monsieur [K] [T], Madame [M] [J], Madame [P] [T] et Madame [H] [W] à payer chacun à la Ville de [Localité 8] une amende de 5.000 euros ;Condamner Monsieur [K] [T], Madame [M] [J], Madame [P] [T] et Madame [H] [W] à payer chacun à la Ville de [Localité 8] une somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,Condamner les défendeurs aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, Madame [P] [T] demande de :
Débouter la Ville de [Localité 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;Condamner la ville de [Localité 8] la somme de 1800,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, Monsieur [K] [T] et Madame [H] [W] demandent de :
Débouter la ville de [Localité 8] de ses demandes,
A titre subsidiaire,
Limiter le montant de la condamnation prononcée à leur en contre au titre de l’article L651-2 CCH à une somme de 2000 € et accorder les plus larges délais de paiement, Ecarter l’exécution provisoire,
En tout état de cause,
Condamner la ville de [Localité 8] à payer la somme de 2500 € à Monsieur [T] et à Madame [W].
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l’audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.
La date de délibéré a été fixée au 5 novembre.
Sur la demande de condamnation sur le fondement des dispositions des articles L 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation
L’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction temporellement applicable prévoit :
» La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L.631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 ou dans le cadre d’un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article « .
L’alinéa premier de l’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction temporellement applicable prévoit que :
» Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé. »
Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à la Ville de [Localité 8], d’établir :
l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;
un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 8] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L.631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation dont il n’est pas allégué qu’elle a été mise en œuvre.
Sur la contestation de la force probante du constat
L’article L. 651-7 du code de la construction et de l’habitation énonce : « Les agents assermentés du service municipal du logement constatent les conditions dans lesquelles sont effectivement occupés les locaux qu’ils visitent. Ils sont habilités à recevoir toute déclaration et à se faire présenter par les propriétaires, locataires ou autres occupants des lieux toute pièce ou document établissant ces conditions. Sans pouvoir opposer le secret professionnel, les administrations publiques compétentes et leurs agents sont tenus de communiquer aux agents du service municipal du logement tous renseignements nécessaires à l’accomplissement de leur mission de recherche et de contrôle.
Quiconque fait volontairement obstacle, en violation des prescriptions ci-dessus, à la mission des agents du service municipal du logement est passible de l’amende civile prévue à l’article L. 651-4. »
Monsieur [T] et Madame [W] contestent la valeur probante du constat produit par la Ville de [Localité 8] au motif qu’il ne respecte pas les pré-requis techniques exigées pour les constats d’huissier.
Il sera cependant rappelé que le législateur, aux articles L 651-6 et L 651-7 du code de la construction et de l’habitation, a conféré aux agents assermentés du service municipal du logement de la commune dans laquelle le logement loué en infraction est situé, le pouvoir de constater les infractions aux dispositions de l’article L 631-7 du même code et qu’aucun texte de loi ne régit les constats sur internet.
En outre, les captures d’écran effectuées par ces agents assermentés et jointes en annexe à leur rapport sont soumises à un débat contradictoire devant le juge chargé du litige et elles sont susceptibles d’être combattues par la partie à laquelle elles sont opposées.
Il s’ensuit que les captures d’écran effectuées par l’agent assermenté de la ville de [Localité 8] sans l’accomplissement des diligences pouvant être exigées d’un huissier de justice ne sauraient être dépourvues de force probante.
Ensuite, les défendeurs ne contestent pas que les photographies accessibles sur les sites internet ainsi que la description du bien figurant sur les captures d’écran jointes au constat d’infraction litigieux sont bien celles de leur logement situé [Adresse 2].
Par ailleurs sur le fait que ce constat ne précise pas l’heure à laquelle la visite sur les lieux a été effectué, il doit être relevé que l’agent assermenté a pu pénétrer uniquement dans le couloir d’accès de l’immeuble et pas à l’intérieur du logement. Ainsi, ce moyen ne saurait rendre cette visite irrégulière.
Il en résulte que le constat du 21 juillet 2023 a force probante.
Sur l’usage d’habitation du local
Au regard des informations produites et non contesté, le logement litigieux est situé [Adresse 2], lot 15.
En l’espèce, il ressort de la fiche H2 produite que cette fiche concerne un appartement situé [Adresse 2], bâtiment 1, 2e étage porte droite, constituant le lot n°15 de l’immeuble.
Ainsi mis à part la numérotation du bâtiment passé de » 1 » à » A « , tous les autres éléments concordent avec le bien objet du litige.
Par ailleurs il ressort de cette même fiche H2 est occupé à titre d’habitation par sa propriétaire à savoir Madame [Z] à la date du 8 octobre 1970.
Il ressort de la fiche hypothécaire produite que Madame [Z] est propriétaire de ce bien depuis 1959 et son acquisition pour un prix de 400 000 francs.
Ainsi il faut déduire de ces informations que le bien était affecté à usage d’habitation à la date du 1er janvier 1970.
Sur le fait que des ratures seraient présentes sur cette fiche H2, il doit être rappelé que ce document est par nature évolutif et est donc susceptible d’être modifié par le biais de rature qui en l’espèce ne le rendent aucunement illisible comme le soutiennent les défendeurs.
Sur la qualification de résidence principale ou secondaire :
Il est acquis au débat que ce logement est déclaré comme résidence secondaire.
Sur le changement illicite sans autorisation de l’usage :
En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat dressé le 21 juillet 2023 par un agent assermenté, que le bien litigieux a fait l’objet d’une annonce sur le site Air Bnb et ce depuis plusieurs années et qu’il dispose de 320 commentaires depuis 2014.
Or aucun élément produit par les défendeurs ne viennent remettre en cause ces éléments produits par la Ville et notamment sur le fait que l’annonce décrite sur le procès-verbal de constat concerne effectivement le logement litigieux.
Il en résulte qu’au cas présent, ce logement a fait l’objet de manière répétée de locations pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ce qui constitue un changement illicite de son usage.
Sur la responsabilité de Madame [H] [W] et de Monsieur [T] au regard des dispositions de l’article L631-7 du code de la construction et de l’habitation
En l’espèce, Madame [H] [W] et de Monsieur [T] reconnaissance avoir procédé à ces locations et les avoir organisées. S’il conteste le nombre de location, cela ne rentre pas en considération étant précisé qu’il est établi que ce logement était disponible à la réservation sur le site Air bnb et qu’il dispose de 320 commentaires sur une période de dix années
Ainsi la responsabilité de Madame [H] [W] et de Monsieur [T] est acquise.
Sur la responsabilité de Madame [P] [T] en sa qualité de nue propriétaire
S’agissant de Madame [P] [T], il convient de relever que sa qualité de nue-propriétaire ne lui conférait pas la jouissance du bien. De surcroît, aucun élément n’établit qu’elle ait contribué aux locations de courte durée, qu’elle en ait profité ni même qu’elle en ait eu connaissance. Aussi n’est-il pas démontré qu’elle a enfreint les dispositions de l’article L631-7 du code de la construction ou de l’habitation.
Les demandes de la ville à son encontre au titre de l’article L631-7 du code de la construction et de l’habitation sera donc rejetée.
Sur le montant de l’amende :
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 entrée en vigueur le 27 mars 2014, a introduit l’obligation de changement d’usage dont le manquement est sanctionné par l’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation.
L’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016, applicable au 20 novembre 2016, a porté l’amende encourue de 25 000 à 50 000 euros.
L’amende civile doit être fixée en fonction de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la législation dont elle vise à garantir le respect dans une ville comme [Localité 8] où il existe une grande disparité entre l’offre et la demande de logements à la location, des revenus procurés par les locations illicites, de la durée des locations, le cas échéant des diligences du propriétaire pour le retour à un usage d’habitation, de la bonne foi dont l’intéressé a fait preuve et de sa situation personnelle et financière.
En premier lieu, Monsieur [T] et Madame [W] ont proposé ce logement à la location courte durée depuis 2014. Au regard de la prescription quinquennale applicable, seule la période postérieure au 15 décembre 2018 sera prise en considération pour l’évaluation de l’amende.
En deuxième lieu, il ressort des captures d’écran annexées au constat que le local était loué pour 99 € euros la nuitée et non 146 € comme le soutient la ville dans ses écritures. Si les défendeurs contestent ce prix moyen, ils ne fournissent aucun élément pour le remettre en cause tout alors qu’ils devraient être en mesure de telles informations puisqu’ils reconnaissent avoir procédé à cette mise en location.
Concernant le nombre de location celui-ci est important au regard des informations communiqués par Airbnb via un tableur récapitulant :
– pour 2019 : 316 nuitées,
– pour 2020 : 169 nuitées,
– pour 2021 : 260 nuitées,
– pour 2022 : 339 nuitées
– pour 2023 absence de chiffrage précis mais il est établi que le bien était disponible à minima jusqu’à mars 2023 et qu’il a été loué sur cette période au regard des commentaires relevés sur l’annonce.
Ainsi en s’arrêtant à 2022, cela fait un nombre total de nuitées de : 10874 x 99 € par nuit : 108 400 €.
Si Monsieur [T] et Madame [W] contestent ce décompte, ils ne fournissent, à nouveau, aucun élément de nature à remettre en cause ceux produits dans le constat.
En tout état de cause il ne fait aucun doute que le changement illicite d’usage du bien a généré un profit substantiel par rapport aux revenus issus d’une mise en location en bail d’habitation.
Ensuite, Monsieur [T] et Madame [W] font état de nombreuses charges et taxes avec notamment la prise en charge de Madame [J] entraînant une situation précaire.
Toutefois la seule production de pièces relatives à l’existence de dépenses à leur charge ne saurait permettre de déduire l’existence d’une situation précaire. Or aucune pièce concernant la situation financière de Madame [W] n’est produite et s’agissant de Monsieur [T], la déclaration d’impôt au regard du montant des revenus déclarés ne saurait permettre à elle seule d’établir une quelconque précarité.
Dès lors, en considération de la durée conséquente de la période incriminée, de l’absence d’éléments permettant d’établir les difficultés financières actuelles de Monsieur [T] et de Madame [W] et sa coopération avec la Ville de [Localité 8], il convient de fixer l’amende civile à 20 000 euros chacun.
Sur la demande de condamnation de la partie défenderesse sur le fondement des dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme
L’article L.324-1-1 du code du tourisme, en sa rédaction temporellement applicable, dispose :
« I.-Pour l’application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.
II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
Un téléservice permet d’effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.
Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d’un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.
Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l’enregistrement.
IV.-Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration. […]
V.-Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 5 000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. […] »
Par délibération des 4, 5 et 6 juillet 2017, le Conseil de [Localité 8] a décidé de mettre en œuvre le dispositif prévu par l’article L.324-1-1 II et III du code du tourisme et de soumettre à déclaration préalable soumise à un enregistrement toute location pour de courtes durées d’un local meublé à destination d’une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, cette déclaration précisant si le logement constitue la résidence principale du loueur et donnant lieu à la délivrance d’un numéro d’enregistrement.
S’agissant de la demande portant sur une amende de 5000 euros au motif que Monsieur [T] et Madame [W] n’ont pas effectué de déclaration indiquant si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur en infraction aux dispositions de l’article L.324-1-1 III du code du tourisme, il convient de constater que :
Premièrement, concernant l’utilisation du local comme meublé de tourisme, il a été démontré précédemment que le local litigieux a été loué meublé de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
Deuxièmement, concernant l’absence de déclaration, il ressort des éléments produits qu’une déclaration a été effectuée le 26 février 2020.
Ensuite, sur le montant de l’amende, il convient de prendre en compte la durée des manquements commis, la situation financière et l’éventuelle bonne foi des défendeurs.
Comme il a été établi précédemment, les manquements ont duré du 25 novembre 2018 -date de l’entrée en vigueur de la loi rendant le défaut de déclaration passible d’une sanction d’amende civile- jusqu’au mois de février 2020, ce qui constitue une durée limitée.
Dès lors, il convient de condamner Monsieur [T] et Madame [W] au paiement d’une amende civile de 1 000 euros au titre du défaut de déclaration préalable à la mise en location d’un meublé de tourisme.
Sur les mesures accessoires :
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Dès lors qu’il est partiellement fait droit aux demandes de la Ville de [Localité 8], Madame [W] et Monsieur [T] supporteront la charge des dépens.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Condamnée aux dépens, Monsieur [T] et Madame [W] devront verser chacun à la Ville de [Localité 8] une indemnité que l’équité commande de fixer à 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Au regard de la spécificité du litige et du caractère légitime de sa participation à cette procédure, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’article 700 du code de procédure civile formulée par Madame [P] [T] épouse [G].
En application des articles 481-1 6° et 514 alinéa 2 du code de procédure civile, la présente décision est de droit assortie de l’exécution provisoire.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique,
Constate que le ville de [Localité 8] abandonne ses prétentions à l’encontre de Madame [M] [J],
Deboute la ville de [Localité 8] de ses demandes à l’encontre de Madame [P] [T],
Condamne Madame [H] [W] à payer une amende civile de vingt mille euros (20 000 euros), dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 8] ;
Condamne Monsieur [K] [T] à payer une amende civile de vingt mille euros (20 000 euros), dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 8]
Condamne Madame [H] [W] à payer une amende civile de mille euros (1 000 euros) au titre des dispositions de l’article L.324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 8] ;
Condamne Monsieur [K] [T] à payer une amende civile de mille euros (1 000 euros) au titre des dispositions de l’article L.324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 8] ;
Condamne Madame [H] [W] à payer à la Ville de [Localité 8] la somme de mille euros (1 000 euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [K] [T] à payer à la Ville de [Localité 8] la somme de mille euros (1 000 euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Madame [H] [W] et Monsieur [K] [T] aux dépens ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.
Fait à Paris le 05 novembre 2024
Le Greffier, Le Président,
Anne-Sophie MOREL Pierre GAREAU