Contexte de l’affaireMonsieur [U] [E], employé de la SAS [5], a signalé une lésion à l’épaule droite, survenue le 24 avril 2017, à la Caisse primaire d’assurance maladie de Belfort (CPAM). Cette lésion a été reconnue comme une maladie professionnelle, et son état de santé a été déclaré consolidé au 31 août 2022. Décision de la CPAMLe 11 octobre 2022, la CPAM a attribué à Monsieur [U] [E] un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 10%, effectif à partir du 1er septembre 2022. Cette décision a été contestée par la société [5] par l’intermédiaire de son conseil, qui a saisi la Commission médicale de recours amiable (CMRA) le 2 décembre 2022. Recours judiciaireSuite à un rejet implicite de la CMRA, la société [5] a formé un recours devant le tribunal judiciaire de Versailles le 1er juin 2023. Le juge a ordonné une consultation médicale sur pièces, confiée à l’expert Mme [Z] [B], pour évaluer le taux d’IPP de Monsieur [U] [E] à la date de consolidation. Rapport de l’expertL’expert a remis son rapport le 20 mai 2024, confirmant le taux de 10% d’incapacité permanente partielle. Les parties ont été convoquées à l’audience du 3 septembre 2024, où la CPAM a demandé l’homologation du rapport, tandis que la SAS [5] a plaidé pour une réduction du taux à 7%. Arguments de la SAS [5]La SAS [5] a soutenu que son médecin conseil n’avait pas eu accès au rapport médical lors du recours devant la CMRA, ce qui a limité sa capacité à formuler des observations. Elle a donc demandé que le taux d’IPP soit réduit à 7% en raison de la limitation des mouvements de l’épaule. Évaluation du taux d’incapacitéLe tribunal a examiné les critères de détermination du taux d’incapacité selon le code de la sécurité sociale. L’expert a noté des limitations légères dans certains mouvements de l’épaule, et a également pris en compte des douleurs résiduelles, justifiant l’application d’un taux de 5% pour la périarthrite douloureuse. Décision du tribunalLe tribunal a partiellement accueilli le recours de la SAS [5], fixant le taux d’incapacité permanente partielle à 9%. La CPAM a été invitée à en tirer les conséquences, et la SAS [5] a été condamnée aux dépens, les frais d’expertise étant à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie. Appel de la décisionLe tribunal a précisé que tout appel de cette décision devait être interjeté dans le mois suivant la notification de celle-ci, sous peine de forclusion. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies certifiées conformes délivrées,
le :
à :
– S.A.S. [5]
– CPAM DU TERRITOIRE DE BELFORT
– Me Julien TSOUDEROS
N° de minute :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX MEDICAL DE LA SECURITE SOCIALE
JUGEMENT RENDU LE MARDI 05 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/00725 – N° Portalis DB22-W-B7H-RLTO
Code NAC : 88L
DEMANDEUR :
S.A.S. [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS,
substitué par Maître Ruddy TAN, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
CPAM DU TERRITOIRE DE BELFORT
[Adresse 1]
[Localité 4]
dispensée de comparution
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Marie-Sophie CARRIERE, Vice-présidente
Madame Marion MORVAN, Représentant des employeurs et des travailleurs indépendants
M. Paul CHEVALLIER, Représentant des salariés
Madame Marie-Bernadette MELOT, Greffière
DEBATS : A l’audience publique tenue le 03 Septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 05 Novembre 2024.
Pôle social – N° RG 23/00725 – N° Portalis DB22-W-B7H-RLTO
Monsieur [U] [E], salarié de la SAS [5], a déclaré auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie de Belfort (ci-après CPAM ou Caisse) une affection dont il est atteint depuis le 24 avril 2017 : lésion épaule droite, laquelle a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
Son état de santé a été déclaré consolidé au 31 août 2022.
La CPAM de Belfort a, par décision en date du 11 octobre 2022, notifié à Monsieur [U] [E] et à son employeur l’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) fixé à 10% à compter du 01 septembre 2022.
Par courrier recommandé daté du 02 décembre 2022, la société [5] a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi la Commission médicale de recours amiable (CMRA) de la région Bourgogne Franche-Compté, aux fins de contester la décision de CPAM de Belfort du 21 décembre 2022 et demander la transmission au médecin mandaté de l’intégralité du rapport médical ayant servi de base à la décision contestée.
Par lettre recommandée expédiée le 01 juin 2023, la société [5] a, par l’intermédiaire de son conseil, formé un recours devant le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, spécialement désigné en application de l’article L.211-16 du code de l’organisation judiciaire, suite à la décision implicite de rejet de la Commission médicale de recours amiable qu’elle avait saisie.
Le juge de la mise en état, après avoir informé les parties qu’elle envisageait une mesure d’instruction et leur avoir laissé un délai pour formuler leurs observations, a ordonné suivant une décision en date du 8 mars 2024 une consultation médicale sur pièces confiée à l’expert Mme [Z] [B], avec pour mission, en se plaçant à la date de la consolidation, le 31 août 2022, et par référence au barème indicatif d’invalidité, de fixer le taux d’incapacité permanente partielle de M. [U] [E].
L’expert a déposé son rapport le 20 mai 2024. Au terme de ses conclusions, il confirme le taux de 10% accordé par la CPAM.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 3 septembre 2024.
A cette date, la CPAM de Belfort, absente, a sollicité une dispense de comparution et l’homologation du rapport de Mme [B].
La SAS [5], absente, représentée par son conseil, a soutenu oralement les conclusions déposées et visées à l’audience et sollicite:
– d’être déclarée bien fondée,
– de ramener à 7% dans les relations entre l’employeur et la caisse le taux d’IPP octroyé à Monsieur [U] [E], à la suite de la maladie professionnelle du 24 avril 2017,
– et donc infirmer la décision rendue ensuite de l’avis émis par la commission de recours amiable.
Elle expose que son médecin conseil n’a pas été mis en possession du rapport médical au stade du recours devant la CMRA mais uniquement lors de la désignation de l’expert judiciaire. Elle précise qu’il n’a donc pu faire valoir ses observations que tardivement et finalement concomittament au dépôt du rapport d’expertise. Elle rappelle et fait sienne les observations de son médecin conseil et conclut que le taux doit être ramené à 7%.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 5 novembre 2024.
Sur le taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [U] [E]:
Aux termes de l’article L. 434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
Pôle social – N° RG 23/00725 – N° Portalis DB22-W-B7H-RLTO
Aux termes de l’article R. 434-32 alinéas 1 et 2 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (annexes 1 et 2 du code).
Le taux d’incapacité permanente partielle doit être fixé en fonction de l’état séquellaire au jour de la consolidation de l’état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à ladite consolidation et relève de l’appréciation souveraine et motivée des juges du fond.
Le paragraphe 1.1.2 du barème des accidents du travail est ainsi rédigé :
“1.1.2 ATTEINTE DES FONCTIONS ARTICULAIRES.
Blocage et limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu’en soit la cause.
Epaule :
La mobilité de l’ensemble scapulo-huméro thoracique s’estime, le malade étant debout ou assis, en empaumant le bras d’une main, l’autre main palpant l’omoplate pour en apprécier la mobilité:
– Normalement, élévation latérale : 170° ;
– Adduction : 20° ;
– Antépulsion : 180° ;
– Rétropulsion : 40° ;
– Rotation interne : 80° ;
– Rotation externe : 60°.
La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s’effectuer sans aucune gêne.
Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d’éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d’adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l’amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxilaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.
DOMINANT
NON DOMINANT
Blocage de l’épaule, omoplate bloquée
55
45
Blocage de l’épaule, avec omoplate mobile
40
30
Limitation moyenne de tous les mouvements
20
15
Limitation légère de tous les mouvements
10 à 15
8 à10
Périarthrite douloureuse :
Aux chiffrs indiqués ci-dessus, selon la limitation des mouvements, on ajoutera
5
5
En l’espèce, la CPAM de Belfort a retenu un taux d’incapacité permanente partielle de 10% lors de la consolidation de l’état de santé de Monsieur [U] [E], en relevant “limitation légère à modérée des mouvements de l’épaule droite, dominante”.
La lésion mentionnée sur le certificat médical initial est “une rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite”, chez un droitier qui a déjà présenté une pathologie de l’épaule gauche.
L’expert dans son rapport, reprend les mesures réalisées par le médecin conseil de la CPAM de Belfort, à savoir :
– Elévation antérieure : 170° (guide barème 180 °) soit une limitation de 6%;
– Elévation latérale : 160° (guide barème 170 °) soit une limitation de 6%
– Adduction : 20° (guide barème 20 °) ;
– Rétropulsion : 40° (guide barème 40 °) ;
– Rotation interne : 60° (guide barème 80 °) soit une limitation de 25 %;
– Rotation externe : 40° (guide barème 60 °) soit une limitation de 33 % .
Il est ainsi constaté une limitation légère d’une partie des mouvements, ce qui est également admis par le médecin conseil de la SAS [5], qui propose à ce titre un taux de 7%, l’expert judiciaire proposant un taux de 4% puisque seul deux mouvements sont légèrement limités.
L’expert judiciaire relève par ailleurs que le traitement mentionné par le médecin conseil de la CPAM de Belfort, à savoir du SKENAN LP et de l’ACTISKENAN objective la réalité de douleurs résiduelles subies par Monsieur [U] [E], qui justifient l’application du barème relatif à la périarthrite douloureuse, soit un taux de 5%.
A cet égard, l’application de ce taux n’a pas pour effet d’indemniser deux fois les douleurs, une fois au titre des limitations d’amplitude et la seconde fois en tant que tel.
En effet le premier taux indemnise la limitation fonctionnelle qui n’implique pas nécessairement des douleurs mais une réduction des mouvements, et le second taux indemnise la douleur qui est indiscutable dès lors que Monsieur [E] a été traité avec des médicaments contenant de la morphine.
En conséquence, il sera retenu un taux de 9 % (4% au titre des limitations d’amplitude et 5% au titre de la périarthrite), aucun élément du dossier soumis à l’expert ne permettant de faire application du paragraphe II.3 du chapitre préliminaire de l’annexe I à l’article 434-35 du CSS.
Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La SAS [5], succombant partiellement en ses demandes, sera tenue aux entiers dépens, étant rappelé que les frais d’expertise sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie par application de l’article L.142-11 du code de la sécurité sociale.
Le Tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe le 4 novembre 2024 ;
Dit partiellement fondé le recours de la SAS [5];
Fixe dans les rapports caisse-employeur, à 9% le taux d’incapacité permanente partielle octroyé à son salarié Monsieur [U] [E] suite à la maladie professionnelle du 24 avril 2017;
Invite la CPAM de Belfort à en tirer toutes conséquences ;
Rappelle que les frais de l’expertise sont pris en charge par la caisse nationale d’assurance maladie ;
Condamne la SAS [5] aux dépens.
Dit que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de la notification de la présente décision.
La Greffière La Présidente
Madame Marie-Bernadette MELOT Madame Marie-Sophie CARRIERE