Accident de travail et consolidationMonsieur [T] [F] a subi un accident de travail le 11 décembre 2018, résultant d’une chute d’un échafaudage. Son état de santé a été consolidé le 11 janvier 2022. Évaluation de l’IPP par la CPAMLa CPAM a fixé le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de Monsieur [T] [F] à 17 % le 11 mars 2022, en se basant sur des séquelles telles que la raideur légère de la hanche gauche, du coude et du poignet gauche, accompagnées de douleurs et d’une impotence fonctionnelle. Contestations et recoursMonsieur [T] [F] a contesté cette décision en saisissant la Commission Médicale de Recours Amiable (CMRA) le 18 mars 2022, qui a confirmé le taux de 17 % lors de sa séance du 23 septembre 2022. Par la suite, il a saisi le tribunal judiciaire de Versailles le 16 septembre 2022 pour contester cette décision. Audiences et demandes de Monsieur [T] [F]Lors de l’audience du 3 septembre 2024, Monsieur [T] [F], représenté par son avocat, a demandé la réévaluation de son taux d’IPP à 40 %, ainsi qu’une expertise médicale judiciaire pour évaluer son taux d’IPP et son coefficient socio-professionnel. Il a également demandé la condamnation de la CPAM à lui verser 1500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Arguments de Monsieur [T] [F]Monsieur [T] [F] a soutenu que son taux d’IPP avait été sous-évalué et ne tenait pas compte de la réalité de ses douleurs. Il a contesté les taux appliqués pour ses séquelles, arguant que ceux-ci ne correspondaient pas aux barèmes en vigueur. Il a également souligné l’impact de l’accident sur sa capacité à travailler dans le secteur du bâtiment. Position de la CPAMLa CPAM des Yvelines a demandé la confirmation de la décision de la CMRA, tout en n’étant pas opposée à une expertise pour le chiffrage du taux anatomique. Elle a cependant contesté la demande de coefficient socio-professionnel, arguant qu’aucune preuve de licenciement ou d’inaptitude n’avait été fournie. Évaluation du taux d’IPP par le tribunalLe tribunal a évalué le taux d’IPP de Monsieur [T] [F] à 23 %, en tenant compte des barèmes indicatifs et des observations médicales. Il a constaté que les taux appliqués par la CPAM pour le coude et le poignet étaient inférieurs à ceux prévus par les barèmes. Évaluation du coefficient socio-professionnelLa demande de Monsieur [T] [F] pour un coefficient socio-professionnel de 10 % a été rejetée, le tribunal notant qu’il n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour justifier une telle majoration, notamment en raison de son statut d’intérimaire et de l’absence de documents attestant d’une perte de gain. Décision finale du tribunalLe tribunal a partiellement fondé le recours de Monsieur [T] [F], en portant son taux d’IPP à 23 %. Il a également condamné la CPAM des Yvelines aux dépens, tout en déboutant Monsieur [T] [F] de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. L’appel de cette décision doit être interjeté dans le mois suivant sa notification. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies certifiées conformes délivrées,
le :
à :
– [T] [F]
– CPAM DES YVELINES
– Me Sophie LACEUK
N° de minute :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL
CONTENTIEUX MEDICAL DE LA SECURITE SOCIALE
JUGEMENT RENDU LE MARDI 05 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/01077 – N° Portalis DB22-W-B7G-Q3LN
Code NAC : 88L
DEMANDEUR :
M. [T] [F]
Chez [B] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Sophie LACEUK, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DÉFENDEUR :
CPAM DES YVELINES
Département juridique
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Mme [J] [N], munie d’un pouvoir régulier
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Marie-Sophie CARRIERE, Vice-présidente
Madame Marion MORVAN, représentante des employeurs et des salariés idépendants
M. Paul CHEVALLIER, représentant des salariés
Madame Marie-Bernadette MELOT, Greffière
en présence de Madame Valentine SOUCHON, greffière
DEBATS : A l’audience publique tenue le 03 Septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 05 Novembre 2024.
Pôle social – N° RG 22/01077 – N° Portalis DB22-W-B7G-Q3LN
Monsieur [T] [F] a été victime le 11 décembre 2018 d’un accident de travail en chutant d’un échafaudage.
Il a été consolidé au 11 janvier 2022.
La CPAM par décision en date du 11 mars 2022 a fixé son taux d’IPP à 17 % en concluant “séquelles à type de raideur légère de hanche gauche ainsi que du coude et du poignet gauche chez un droitier avec douleur et impotence fonctionnelle”.
Monsieur [T] [F] a contesté cette décision et saisie la CMRA par courrier du 18 mars 2022, laquelle dans sa séance en date du 23 septembre 2022 a confirmé le taux de 17%.
Par lettre recommandée expédiée le 16 septembre 2022, Monsieur [T] [F] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles afin de contester la décision de la commission médicale de recours amiable (CMRA) qui a confirmé la décision de la CPAM de retenir un taux d’IPP de 17 %.
A défaut de conciliation possible entre les parties, l’affaire a été évoquée à l’audience du 3septembre 2024.
À cette date, Monsieur [T] [F], représenté par son conseil, soutient oralement les conclusions déposées dans son intérêt et sollicite :
– de le déclarer recevable,
– à titre principal de fixer son taux d’IPP à 40 % dont 10% au titre du coefficient socio professionnel;
– à titre subsidiaire,
* ordonner la réalisation d’une expertise médicale judiciaire, confiée à un médecin expert spécialisé en orthopédie ou en rhumatologie avec pour objet d’évaluer le taux d’IPP ainsi que le coefficient socio professionnel afférents à l’accident du travail dont il a été victime le 11 décembre 2018,
* mettre les frais d’expertise à la charge de la CPAM conformément à l’article L142-11 du code de la sécurité sociale,
– et en tout état de cause condamner la CPAM à lui payer la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du CPC, outre les entiers dépens.
Il expose que son taux d’IPP a été sous évalué et qu’il ne tient pas compte de la réalité de ses douleurs du coude et de la hanche gauche ni du fait que son périmètre de marche est réduit et nécessite l’aide de béquilles. Il indique que tant la CPAM que la CMRA ont retenu pour les séquelles du poignet un taux de 7 % alors que le barème pour le côté non dominant mentionne un taux compris entre 8 et 12 %, estimant qu’un taux de 10% serait justifié. Il précise que pour le coude le barème fait référence à un taux de 8 % alors que sans raison il lui a été appliqué un taux de 3%. Il ajoute que pour la hanche le barème mentionne un taux compris entre 10 et 20%, de sorte que le taux qui lui a été alloué de 7% même en appliquant la formule de Balthazar est incompréhensible, proposant un taux en appliquat la formule de Balthazar de 12%, soit un taux global pour les séquelles anatomique de 30 %. Il sollicite l’application d’un cofficient socio professionnel en rappelant que n’ayant aucune formation particulière, il ne pouvait espérer travailler que dans le secteur du bâtiment, ce qu’il ne peut plus faire comme l’atteste plusieurs médecins en 2020. Il précise ne pas pouvoir produire de certificat médical d’inaptitude du médecin du travail ou un licenciement pour cause d’inaptitude, étant à l’époque intérimaire. Il estime que les conséquences particulières de l’accident sur sa carrière professionnelle justifie l’allocation d’un taux complémentaire de 10%.
La CPAM des Yvelines développe oralement ses conclusions visées par le greffe à l’audience demandant au tribunal de confirmer la décision de la CMRA fixant à 17% le taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [F], ajoutant ne pas être opposée à une expertise pour le chiffrage du taux anatomique, ne s’expliquant pas les divergences avec le barème. Elle s’oppose à la fixation d’un taux au titre du coefficent socio professionnel indiquant qu’il n’est produit aucune lettre de licenciement ni certificat d’inaptitude, ceux mentionnant l’incapacité de M [F] a reprendre une activité dans le bâtiment datant de 2020, soit deux ans avant la date de consolidation de son état. Elle ajoute qu’il n’est enfin démontré aucune perte de salaire en lien avec l’accident de travail.
Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 05 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur l’évaluation du taux d’IPP fonctionnel :
En application de l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale et par référence au guide barème indicatif des accidents du travail et des maladies professionnelles, le taux d’incapacité permanente partielle est apprécié d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.
Aux termes de l’article R. 434-32 alinéas 1 et 2 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (annexes 1 et 2 du code). Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.
Le taux d’incapacité permanente partielle doit être fixé en fonction de l’état séquellaire au jour de la consolidation de l’état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à ladite consolidation et relève de l’appréciation souveraine et motivée des juges du fond.
En l’espèce, le médecin conseil de la caisse des Yvelines a fixé le taux IPP à 17% en retenant : “séquelles à type de raideur légère de hanche gauche ainsi que du coude et du poignet gauche chez un droitier avec douleur et impotence fonctionnelle”.
Le barème indicatif d’invalidité, relatif au blocage et à la limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu’en soit la cause, est ainsi formulé :
Coude et poignet :
Le coude est animé de mouvements de flexion-extension, d’abduction et d’adduction. Par ailleurs, la main peut décrire un mouvement de 180° par le jeu de la prono-supination. Celle-ci pouvant être diminuée dans les atteintes du coude comme dans celles du poignet, il y a lieu de l’estimer à part. Le taux propre résultant de son atteinte s’ajoutera aux réductions de capacité provenant de la limitation des autres mouvements des deux articulations considérées.
Coude :
Conformément au barème internationnal, la mobilité normale de l’extension-flexion va de 0° (bras pendant) à 150° environ (selon l’importance des masses musculaires). On considère comme « angle favorable » les blocages et limitations compris entre 60° et 100°. Des études ont montré que cette position favorable variait suivant les métiers.
dominant non dominant
Blocage de la flexion-extension :
– Angle favorable 25 22
– Angle défavorable (de 100° à 145° ou de 0° à 60°) 40 35
Limitation des mouvements de flexion-extension :
– Mouvements conservés de 70° à 145° 10 8
– Mouvements conservés autour de l’angle favorable 20 15
– Mouvements conservés de 0° à 70° 25 22
Pôle social – N° RG 22/01077 – N° Portalis DB22-W-B7G-Q3LN
Poignet :
Atteinte de la prono-supination : Prono-supination normale : 180°.
dominant non dominant
Limitation en fonction de la position et de l’importance 10 à 15 8 à 12
Le médecin conseil dans son rapport en date du 10 février 2022 relève chez un droitier :
– une légère raideur du coude gauche avec mouvement de flexion/extension conservé à 100°, soit au regard du barème ci dessus reproduit un taux d’IPP qui devrait être fixé à 8%, aucune explication ne permettant d’étayer la réduction à 3 % telle que préconisée, la CPAM lors de l’audience reconnaissant ne pouvoir expliquer cette réduction, de sorte que le taux sera fixé à 8 % conformément au barème,
– une légère atteinte uniquement de la supination du poignet gauche (45° à gauche et 90° à droite), la pronation étant conservée de façon identique pour les deux membres, soit une évaluation qui doit être légèrement inférieure à celle du barème, de sorte que le taux proposé par la CPAM et confirmé par la CMRA sera entériné par le tribunal à savoir 7%.
Le barème relève pour la hanche que :
“Le malade sera examiné couché sur le dos, le bassin fixé, genou fléchi, pour l’étude de la flexion, de l’abduction et de l’adduction. Couché sur le ventre, genou fléchi à 90°, pour l’étude de l’extension et des rotations (la jambe, portée en dehors, provoque la rotation interne, portée en dedans, la rotation externe):
– Extension : 0° ;
– Flexion : 140° (variable selon l’adiposité du sujet) ;
– Hyperextension : 15° à 30° ;
– Abduction : 50° ;
– Adduction : 15° à 30° ;
– Rotation interne : 30° ;
– Rotation externe : 60°.
On recherchera les mouvements anormaux, la position du trochanter par rapport à la normale (la ligne bi-trochantérienne effleure le bord supérieur de la symphyse pubienne), l’amyotrophie des quadriceps ou celle des fessiers (effacement du pli fessier). L’accroupissement et la flexion en avant seront observés avec attention.
– Blocage en rectitude (position la plus favorable) 55
– Blocage en mauvaise position (flexion, adduction, abduction, rotation) 70
– Blocage des deux hanches 100
Limitation des mouvements de la hanche. Les mouvements de la hanche étant multiples, la limitation est estimée séparément pour chaque mouvement. En cas de limitation combinée (par exemple : flexion abduction, ou adduction rotation), les taux seront additionnés :
– Mouvements favorables 10 à 20
– Mouvements très limités 25 à 40.”
Le médecin conseil observe une raideur de la hanche gauche en mouvement favorable de flexion qualifiée de “légère”, ce qui permet de retenir la fourchette base du taux proposé dans le barème soit 10%, qui une fois pondéré par la formule de Balthazar, s’élève à 8%.
En conséquence, le taux d’IPP de Monsieur [T] [F] sera fixé à 23 %.
Sur l’évaluation du taux socio-professionnel :
Pour mémoire, le coefficient socio-professionnel, qui se distingue de l’incidence professionnelle comprise dans le taux médical, est une majoration administrative du taux pour tenir compte des conséquences particulières de l’accident ou de la maladie sur la carrière professionnelle de la victime, notamment au regard du risque de licenciement consécutif à l’impossibilité de reclasser la victime, de difficultés de reclassement, de déclassement professionnel, de retard à l’avancement, ou de perte de gain.
En l’espèce, Monsieur [T] [F] sollicite la fixation de ce coefficient professionnel à 10 % en sus de son taux médical exposant qu’en l’absence de toute qualification ou formation, l’accident de travail dont il a été victime l’empêche de travailler à nouveau dans ce domaine.
S’il ne peut justifier du fait de son statut d’intérimaire, d’une procédure de licenciement ou d’un avis du médecin du travail prononçant une inaptitude à tout metier du bâtiment, il produit deux certificats médicaux de mars et septembre 2020 indiquant qu’il ne peut plus exercer un travail de force, comme celui précédement occupé.
Cependant ces certificats sont antérieurs à la consolidation intervenue en janvier 2022, l’état de santé de Monsieur [T] [F] ayant continué à évoluer de 2020 à janvier 2022, de sorte que rien ne démontre la justesse de ces observations au moment de la consolidation.
Enfin, il n’est fourni aucune pièce pour démontrer une perte de gain en lien avec l’accident.
Dès lors, la demande d’ajout d’un coefficient professionnel de 10% sera rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Au vu du sens de la présente décision, la CPAM des Yvelines sera condamnée aux dépens.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer, à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
En l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de [T] [F] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, celle-ci ne justifiant pas de ses frais irrépétibles.
Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe le 05 novembre 2024 :
Dit partiellement fondé le recours de Monsieur [T] [F] ;
Porte à 23% le taux d’incapacité permanente de Monsieur [T] [F] suite à la consolidation de son état en de santé en date du 11 janvier 2022 en lien avec son accident du travail du 11 décembre 2018 ;
Invite la CPAM des Yvelines à en tirer toutes les conséquences de droit ;
Déboute Monsieur [T] [F] et la CPAM de leurs demandes plus amples et contraires;
Déboute Monsieur [T] [F] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la CPAM des Yvelines aux dépens.
Dit que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de la notification de la présente décision
La Greffière La Présidente
Madame Marie-Bernadette MELOT Madame Marie-Sophie CARRIERE